Texte

Voyez-vous nous étions des chas­seurs cueilleurs et cette acti­vi­té unique mais diverse nous a don­né notre forme ini­tiale chas­ser et cueillir cou­rir et nous pen­cher mon­ter la tente le soir et la démon­ter le matin voi­là ce pour quoi l’animal homme est fait ce à quoi nous sommes bons voi­là le mode opé­ra­toire qui main­tient notre forme en place or un jour on se mit à bêcher la terre et on bâtit en dur autour des semences et depuis nous menons une vie décli­nante une vie désa­dap­tée à l’espèce qui des mil­lions d’années durant cueillit et chas­sa et fut struc­tu­rée par cette agi­ta­tion saine où loi­sir et tra­vail pas­sions et inté­rêts n’étaient pas sépa­rés mais par­ti­ci­paient d’une acti­vi­té essen­tielle méca­ni­que­ment accor­dée au corps qui sou­tient l’espèce et la repro­duit sans dom­mage.Continuer
Texte

Non quia dici­tur, sed quia cre­di­tur.1

Si tu sais qu’il se passe quelque chose, nous t’accordons tout le reste.

Si tu te demandes s’il se passe quelque chose, ta cause est la nôtre.

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  1. « D’où vient à l’eau (du bap­tême) cette ver­tu si grande qu’en tou­chant le corps elle puri­fie le cœur, si ce n’est de la phrase qui l’ac­com­pagne ? Et non de ce que celle-ci est dite, mais de ce qu’elle est crue (Non quia dici­tur, sed quia cre­di­tur). » (Augustin, In Iohannis evan­ge­lium, tr. 80, 3)
Explication

    1. La poix désigne conven­tion­nel­le­ment, d’après Wikipédia, « n’importe quel liquide très vis­queux, qui semble solide ».
      1. Est-ce que « n’importe quel liquide très vis­queux, qui semble solide » est une des­crip­tion de l’usage du mot « poix » ou de la chose elle-même ? Est-ce que c’est la défi­ni­tion de « poix » ou la carac­té­ri­sa­tion de la poix ? Et alors une carac­té­ri­sa­tion par le propre ou par l’espèce ? Est-ce que la poix tient sa sin­gu­la­ri­té dans le monde du fait d’allier sem­blance de soli­di­té et vis­co­si­té effec­tive ? Ou est-ce que par là elle s’apparente à une foule d’autres choses qui se dis­tinguent sur le même mode ? Est-ce que la « sem­blance » de soli­di­té abuse uni­que­ment la vue ou aus­si le tou­cher ? Et si aus­si le tou­cher, pour­quoi est-ce que la vis­co­si­té, au contraire de la soli­di­té, serait épar­gnée des vicis­si­tudes empi­riques de la « sem­blance » ? Pourquoi est-ce qu’on ne dirait pas : une sub­stance qui, sous le rap­port de l’expérience en labo­ra­toire, semble être un liquide d’une grande vis­co­si­té, et sous le rap­port de l’expérience ordi­naire, un corps solide ? Quand, où, à qui, dans quels yeux, sous quels pieds et entre quelles mains, est-ce que la poix « semble solide » ?
      2. La phrase de Wikipédia est elle-même vis­queuse-qui-semble-solide. Ses termes lapi­daires ne l’empêchent pas de gout­ter, de nous cou­ler entre les doigts si on cherche à s’y accro­cher : « poix » ne désigne rien de sub­stan­tiel en propre, mais seule­ment une espèce ou un type de sub­stance (par exemple : poix de résine ou de gou­dron, bitume).
      3. À vrai dire, « poix » ne désigne même pas un type de sub­stances de même ori­gine ou issues d’un même pro­cé­dé d’extraction ou de fabri­ca­tion, mais un ensemble de pro­prié­tés par­mi les­quelles la vis­co­si­té, l’adhérence, l’isolance – toutes extrêmes.
      4. C’est à cette quan­ti­té de qua­li­tés qu’on a don­né un nom com­mun, un nom dont le carac­tère mono­syl­la­bique laisse ima­gi­ner une impo­si­tion très lente, ou bien subite. « Poix » a peut-être été reçu d’un coup, dans l’évidence d’une ana­lo­gie avec un truc déjà nom­mé (sub­stance maté­rielle ou imma­té­rielle, divine ou amie), ou alors « poix » a long­temps tour­né dans les bouches, sous une forme mal dégros­sie d’abord puis de plus en plus raf­fi­née, jusqu’à ce qu’un jour, au bout d’un cer­tain nombre de veillées com­mu­nau­taires autour du feu com­mu­nau­taire, un quin­tes­sen­cier mono­syl­labe ne s’atteste, et là-des­sus un accord infor­mel, sans conver­sa­tion mais par elle, s’établit autour du son « poix » – son aus­si impropre que n’importe quel autre mais pas grave, il va bien tant qu’on le cré­dite.
      5. Mettons que de ce jour on a ren­du « poix » res­pon­sable d’un savoir liquide. On a mis « poix » en charge d’une réa­li­té mal authen­ti­fiée mais bien dis­po­sée pour l’usage. On a fait usage de poix et de son nom sans souf­frir de n’y avoir atta­ché ni norme ni for­mat.

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Explication

Mon amie L. a dres­sé une typo­lo­gie som­maire mais robuste de la parole poli­ti­cienne. Pour elle, tout dis­cours poli­tique émane néces­sai­re­ment d’une de ces deux ins­tances : le Ministre de la Violence Intérieure, le Ministre de la Violence Extérieure. Cette dua­li­té n’est pas une bicé­pha­li­té (on sait bien qu’il n’y a pas deux per­sonnes qui décident, en France, mais une seule) ; les deux ministres sont des ins­tances, que peuvent incar­ner tour à tour n’importe quels membres du clan au pou­voir. Une même per­sonne peut être tan­tôt MVI, tan­tôt MVE. Par ailleurs, MVI et MVE ne dési­gnent pas, a prio­ri, des posi­tions modales : il y a des degrés de minis­tra­tion de la Violence Extérieure, des degrés de minis­tra­tion de la Violence Intérieure. La modé­li­sa­tion de L. n’a pas pour voca­tion de déter­mi­ner le rôle de telle ou telle per­sonne dans la minis­tra­tion des Violences, et de l’y assi­gner ; la modé­li­sa­tion de L. est d’abord un outil d’analyse des dis­cours poli­tiques. C’est en tout cas ain­si que je l’ai com­prise, avant que L. me dise que, dans son esprit, ça n’est pas ça du tout.

Parce que ces deux ins­tances dis­cur­sives – MVE et MVI – ne sont pas de l’ordre du lap­sus mais sont plei­ne­ment, et la plu­part du temps gros­siè­re­ment assu­mées par des gens qui ont la pré­ten­tion d’être d’habiles rhé­teurs et d’excellents com­mu­ni­cants, on peut consi­dé­rer qu’elles ne se trouvent pas inci­dem­ment dans les dis­cours, mais qu’elles en sont consti­tu­tives. C’est pour­quoi il n’est pas néces­saire de tra­quer des mal­adresses dans les inter­views et réac­tions à chaud ; il suf­fit de se fier aux ver­ba­tims d’allocutions et à la teneur expli­cite des décla­ra­tions. Notre ana­lyse est faci­li­tée par la croyance du corps poli­ti­cien dans le degré phé­ro­mo­nal de la com­mu­ni­ca­tion, c’est-à-dire dans l’effectivité mas­sive des signaux envoyés par leurs phrases. Ainsi entend-on sou­vent des com­men­ta­teurs dire : le Ministre / le Président doit envoyer / a envoyé un signal fort – ce qui ne peut pas ne pas s’entendre comme : « Le Ministre a déga­gé une odeur forte ». (Qui n’a pas sen­ti jusque chez soi l’aftershave alpha­gen­ré lors d’un dis­cours de Castaner, avec la même inten­si­té que, lors­qu’à la mi-temps des matchs de foot, s’enchaînent les pubs pour déso­do­ri­sant de chiottes pour ais­selles). Ce signal phé­ro­mo­nal à l’adresse des masses, on peut aus­si l’appeler, en termes rhé­to­ri­co-lin­guis­tiques, per­for­ma­tif cre­vé : ça fait belle lurette qu’il n’a plus aucune effi­ca­ci­té, mais tout le monde conti­nue de faire comme si – comme si par­ler valeurs ren­dait valeu­reux, comme si par­ler fer­me­ment don­nait de la consis­tance, comme si par­ler au futur simple fai­sait son oracle.Continuer

Explication

 

Parigi, ce soir, « en direct en public », sull’a­ria frit­ta di Radio PSG Matin, Legovil – c’est-à-dire n’im­porte qui –, vient expli­quer le monde au monde – c’est-à-dire n’im­porte quoi à n’im­porte qui. Lien.

Legovil est une revue d’ex­pli­ca­tions, faite en trois jours, à chaque fois dans une ville dif­fé­rente, par abso­lu­ment qui veut (c’est-à-dire celles et ceux qui se pointent). Dedans : pas de poèmes, mais des expli­ca­tions sous forme de texte, de dia­gramme, de carte, de sché­ma.

Le prin­cipe du qui-veut s’ap­plique aus­si à la soi­rée : n’im­porte qui peut venir expli­quer publi­que­ment n’im­porte quoi, et même venir s’ex­pli­quer avec soi-même ou quel­qu’un d’autre devant tout le monde.

// Au pro­gramme pour le moment :
* Une expli­ca­tion de la phrase Le plu­va­rium est déser­té.
* La pré­sen­ta­tion rapide d’un pro­gramme d’émancipation pour le siècle : Aller se la jouer loin de sa nature.
* L’exposition d’un pro­blème d’ingénierie des ver­tus : Tout le monde veut que tout le monde soit brave mais per­sonne ne veut com­men­cer.
* Une modé­li­sa­tion du Pouvoir selon laquelle tout énon­cé de gou­ver­ne­ment émane néces­sai­re­ment d’une de ces deux ins­tances : le Ministère de la Violence Intérieure et le Ministère de la Violence Extérieure.
* Une petite tota­li­té-comme-com­plot envoyée depuis Berlin, inti­tu­lée Parce que ça veut dire.
* À pro­pos de quelques expres­sions ita­liennes.
* Une opi­nion de fin de soi­rée reprise et argu­men­tée : « Je pense que tu peux pas convaincre quelqu’un que tu connais pas sans être un encu­lé. »
* Une ten­ta­tive de double expli­ca­tion simul­ta­née : « Ce qu’a vou­lu nous dire Marx et pour­quoi j’ai aban­don­né la poé­sie. »
* Les codes du lan­gage euphé­mique entre clients et tra­vailleurs sur les applis de pros­ti­tu­tion homo­sexuelle.
// Peut-être :
* « Qu’est-ce qu’un valo­riste et pour­quoi sont-ils deux ? »
* « Pourquoi l’explication est une forme d’ancien régime, c’est-à-dire de jeune homme. »

!!! Rappels :
! Tout le monde peut venir expli­quer ce qui lui chante, venir s’expliquer avec quelqu’un, inter­rompre une expli­ca­tion en cours pour en com­men­cer une autre ou sim­ple­ment la contes­ter.
! Une expli­ca­tion peut être impro­vi­sée. Elle n’a pas besoin d’être chia­dée. Elle peut aus­si être chia­dée, mais il est assez inter­dit de lire un texte. Les poèmes, par­ti­cu­liè­re­ment, sont pros­crits.
! Toute expli­ca­tion s’expose à être col­lec­ti­vi­sée ou atta­quée. La contes­ta­tion fait par­tie de l’explication. La phrase « Non mais laisse-læ finir ! » n’est pas rece­vable.
! Je n’ai aucun élé­ment qui per­mette de pen­ser que les fumées seraient dan­ge­reuses mais cela ne veut pas dire que ce n’est pas le cas. (Ministre de la Violence Intérieure)
! Nous ne sommes pas en train de réus­sir dans les outre-mer ; mais nous réus­si­rons dans les outre-mer. (Ministre de la Violence Extérieure)