On pense, on craint, quand on prépare un bœuf bourguignon, de ne pas vraiment cuisiner un bœuf bourguignon, quand on écrit de la poésie (vers, champs, blocs, ou lignes, ou phrases, ou propositions) de ne pas être en train d’en écrire, quand on fait un film, de ne pas être suffisamment dans le cinéma – ou trop, ce qui revient au même, la posture consistant à vouloir à tout prix se situer dans la Nouvelle Cuisine, l’Anti-Poésie, ou le Non-Cinéma, produit des effets identiques, puisqu’elle présente l’assignation à un lieu, et l’obligation conséquente qu’aurait ce qu’on fait d’y entrer, ou de ne pas désirer y être, comme un impératif. Ce n’est pas un problème de savoir ou de maîtrise technique, mais le désir, soutenu par l’exclusion qui cerne ce dont on s’exclut, de rejoindre le point d’ancrage, l’horizon rêvé où l’on fait du vrai bœuf bourguignon, de la poésie, du cinéma – ceux qui sortent, à reculons ou excités du cinéma / de la poésie, les refondent, mais ceux qui s’y sentent et le revendiquent ne font pas mieux, en les maintenant bien inaliénables, privés.
Nathalie Quintane, Mortinsteinck
Bonjours. Cet épisode porte sur l’épisode précédent. Depuis lui, j’ai eu 30 ans et deux fois suis monté sur scène : une fois pour faire rire par absence de dramaturgie, une autre fois pour faire chier par absence de dramaturgie. Ça n’est ni une chose ni une chose dont je suis fier, mais le temps écoulé en substance depuis l’été dernier a – comme le post de forum reproduit ci-dessus et cousu depuis juin dans la doublure de ma veste – instamment posé la question si je voyais toujours, ayant eu 30 ans, des choses comme j’en voyais plus jeune dans les nuages du ciel ou dans le sperme des draps.
La langue allemande enseigne
- qu’on peut poser la question si… (die Frage ob…) sans passer par de savoir si…2
- qu’on doit faire attention à ne pas être dupe d’elles quand on parle des choses, celles qu’on voit comme celles qu’on croit voir, celles perçues comme celles conçues, parce qu’elles circulent sous deux formes, deux sens, moins binaires que bifrontes : le Ding (un informe dardé : pierre, gland, chat, chien – toute configuration de la matière animée comme inanimée) et la Sache (une belle et authentique question : une dramatique de gland, un débat sur chat, l’affaire pierre, le souci chien – à chaque fois tout un plat).
Il semble évident que la plupart d’entre nous voit la plupart du temps dans tout – ses cieux comme ses draps – toute une production plutôt que du produit produit. C’est que tous nous dramatisons. Tous faisons de gros, gros efforts de dramaturgie pour ne pas nous cantonner à la vue mais accéder à la vision.
On aurait tort de croire que nos efforts de dramaturgie se réduisent aux moments où, monde des mondes, self des selfs, cœur des cœurs et cervelle des cervelles, on s’offre tout son soul sur scène à la grabouille d’un parterre d’yeux verjutés de chiance ou de rire.
Pour se laisser faire indolent de la dramaturgie, il suffit d’un plan ; de même pour se mettre à faire impérieux de la dramaturgie, il suffit d’un espace travaillé par le regard comme fond : cieux, draps, page blanche, scène de théâtre effectivement. Il suffit d’avoir saisi, dans la grabouille d’un mur, d’un ciel, d’un tissu, d’une sauce de salade, ou dans le bordel de déterminations historiques qui saturent la page blanche et la scène, un ensemble et de s’y tenir, plutôt que de s’en tenir à la vue d’un hétéroclite profus.
Un fond commande un ensemble tenu, conceptuellement sans macule et sans reste ; une expérience qui grise et rend fébrile, colorate et sagouine, un peu comme pour dieu dont on a raconté, dans l’épisode précédent, la Grande Épopée Gérondive ou comment, lors d’une séance d’observation participante, dieu, massant longtemps nos pôles en paumes, ajustant des lunes et des astres, peut-être même calibrant les couleurs et les goûts de ceux par soi dardés, s’en tient à la 27e tentative (tout de même) et s’y tenant s’arrête, regarde, et regardant voit apparaître quelque chose dans la grabouille (mais dépendant ou solidaire de la grabouille), quelque chose en quoi dieu se reconnaît sinon soi au moins quelque chose à soi, de soi, qui par soi advient et qui pour soi devant soi ordonne le profus. Et alors dieu, cette singularité qu’une antonomase bien connue depuis l’épisode précédent nomme
LA
grande
singularité,
dieu dit pour soi-même (selon-soi-même), mais tout fort de sorte que son inquiétude est de cet ensemble perçue : pourvu que ça tienne.
Ensemble – tant que pourvu que ça tienne s’exauce – est le fond propice à l’apparition, la surrection, l’affleurement, le délinéamentement d’une tache signifiante ou Sache ordonnatrice de profusion : une pintade comme présence dans l’ensemble fond de veau, du sperme cynomorphe, un nuage comme un tragédien, etc.
Même quand Sache se présente dans son unité nue – Zu den Sachen selbst ! (Husserl) ; Zur Sache (Heidegger) – Sache s’accorde au fond constitué par quelqu’un qui s’affaire, se soucie, dramatise, fait tout un plat ou s’y prépare, poème :
Tous, que je sache, faisons des efforts éreintants de dramaturgie, des efforts empéguants, empoissants pour départager les corps des substances, les beaux accidents de pintades des fonds de veau désertés par l’être. Tous faisons des efforts physiques pour préparer le fond de veau propice au délinéamentement d’une pintade. C’est pourquoi il existe et c’est la préférence de la plupart de nous des fonds de veau en poudre, vendus en sachet. Tous constamment nous préparons, réglés, cyclés, un peu comme le ciel roule autour des pôles, à l’apparition d’un nuage dans nos cieux ou d’une tache sur nos draps ; tous nous y préparons comme se prépare un risotto, comme se compose une salade composée, comme toute chose qui se laisse mijoter ou qui s’assortit : avec des sachets Selbst. De marque Selbst.
LA MARQUE SELBST
Si je sature moi-même ce post de redites et de puns, si je m’engage dans des reprises entre parenthèses et tirets anglais, si je fais souligner mes fantaisies par des italiques qui suggèrent qu’il y a toujours plus à saisir qu’à lire, c’est pour épaissir le contrat qui nous lie d’un liant continu, d’un beurre de kontinuité pour éveiller les sens et finalement me mettre à faire manches retroussées penché sur mon fond Fond, tout un plat Plat de deux-trois choses qui me sont venues l’autre jour, dans l’après-midi du 23 mai 2014 au 23 mai 2015, pendant laquelle j’ai eu 30 ans.
Malheureusement mon cœur et ma cervelle, cœur des cœurs et cervelle des cervelles par antonomase ou par catachrèse, sont perpétuellement empêchés à la révolution des belles et authentiques questions (Sachen) par l’accommodation maniaque d’un fond propre à mouiller le plat de ma trentaine3.
Ainsi comme le ciel roule perpétuellement autour des pôles artiques et antarticques, que le soleil et la lune font un perpétuel voyage par les douze maisons du zodiaque, cela leur ayant esté prescript et ordonné : ainsi ma cervelle, cervelle des cervelles, par antonomase ou par catechrese, est perpétuellement empeschée à la révolution des belles et autenticques questions, dans les gyres méandres, dédales et labyrintes de plusieurs difficultés, qui la grabouillent ainsi qu’un cuisinier fait des œufs verjustés. (Bruscambille, Fantaisie 1, 6e paradoxe)
Ayant eu, à peu près au milieu de cet après-midi, 30 ans, je me suis posé la question si et la question dans quelle mesure (die Frage inwieweit…) j’avais atteint l” – ou au moins un – âge adulte, auquel une représentation de marque Selbst donne les traits d’un fond de veau amalgamé d’avoir le travail, faire les enfants et savoir se tenir, entre autres choses moins essentielles et hors détails techniques.
Ayant justement été payé à faire l’enfant sur scène au milieu de cet après-midi autour de mes 30 ans (dans un festival de poésie – 200 euros – puis dans une maison de poésie – 300 jetons de même devise), je souffrais de me dire que je faisais du travail pas de mon âge genre :
- monter sur scène pour refuser de faire de la dramaturgie ;
- aller à des fêtes de la poésie (dans des maisons de la poésie) pour refuser de faire de la poésie.
Dans les deux cas (et que le résultat fût faire rire – Marseille – ou faire chier – Paris), le refus de subir le fond de la scène ou de la poésie ne pouvait laisser place qu’à de l’improvisé. Donc j’ai improvisé, en compagnie de mon ami Typischeak, qu’une antonomase encore peu connue nomme
l’enfant de trente ans
problématiquement trilingue
parlant un excellent français.
Or il est facile d’improviser sur la scène (nue) ou la page (blanche) quand on ne les regarde pas comme les plans d’immanence de tous les possibles mais comme des terrains minés de déterminations faites d’attentes. C’est d’autant plus facile quand on a pour objet de saccager la fête d’attentes.
Mais quel intérêt des trentenaires trouvent-ils à se comporter comme des gosses et à monter sur scène ou sur poésie pour exposer leur regimbement ? De toute façon, leur regimbement de jeunes chiens faisant écho à la récalcitrance de vieux chiens septuas, ils ne sont pas, au plus malaimable ou plus drôle de leur regimbement, moins poétiques et moins dramatiques que ceux qui, sciemment, font tout leur soul de la poésie ou de la dramaturgie. Leur protestation serait-elle de nature différente, elle reproduirait la protestation liminaire du poète lustré par l’article défini et bientôt par l’antonomase dite de
la pintade
qui ne se laissant pas subsumer
fait (de faire) tout un plat.
Il faut admettre que, montant sur scène pour ne pas mériter d’y être et que nous invitant sur le domaine de Poésie pour n’en pas être dignes, nous nous posons quand même, en fin de compte, un genre de question qui concerne la poésie, et, généalogiquement, moins celle de la poésie que celle si la poésie… Nous nous la posons paradoxalement, dans la position intenable de tâcherons (faiseurs) qui missionnent (facteurs), selon la distinction introduite comme un va-de-soi par Jacques Rancière au début de son intervention au colloque sur Philippe Beck et discutée par de jeunes mâles en mission dans un embarras de trentaine.
Ceci dit, bien que ne souhaitant pas participer à la fête de la poésie, nous ne souhaitions pas non plus benoîtement faire sa fête à la poésie. Nous ne voulions ni tâcheronner bruyamment comme des faiseurs (de faire), ni missionner bruyamment comme des facteurs (de faire), mais éventuellement faire voir (de vue) le plus rigoureusement logiquement une indifférence, sans soigner les apprêts de la bouderie ou de la fâcherie, comme leurs outrances dramaturgiques (claquage de porte ou de talons, mot merde ou merde elle-même…). Nous voulions
- avec l’énergie molle de gens que la scène ne stresse pas
et - dans l’impréparation de gens que la fidélité à leurs sentiments n’inquiète pas
ne pas être dupes d’une célébration, mais de ne pas être dupes nous ne voulions pas non plus faire tout un plat.
NE PAS ÊTRE DUPE
C’est toute une culture, toute une société qui est jugée et qui se joue dans ce qui arrive à la poésie. […] En ce sens (…), la poésie est une chose trop sérieuse pour la laisser à certains poètes, à certains philosophes. On ne peut pas laisser faire certaines choses sans rien dire. […] La nécessité et le plaisir de penser est de tout faire pour ne pas être dupe, là comme ailleurs, des impostures, des confusions, des poses avantageuses, et pour partager ce plaisir. Qui est d’utilité publique. On ne le reconnaît pas assez.
(Henri Meschonnic, Célébration de la poésie)
L’empêchement, en cette longue après-midi de printemps d’été et d’automne au cours de laquelle j’ai eu 30 ans et suis deux fois monté sur scène, s’est formé dans le souvenir que ne pas être dupe, ce programme commun vague et sans garanties, était le programme de vieux chiens récalcitrants qui sourcillent, s’affairent, se fâchent ou se sont fâchés et dont la fâcherie reconduit la poésie comme Sache, antonomase ou catachrèse, absolument inestimable même en euro fort.
Ne pas être dupe avait d’ailleurs été l’objet de la fin de notre improvisation avec Typischeak (à Marseille, octobre 2014) : racontant l’anecdote de notre présence comme taches dans un club de prostitution de basse intensité (à Marseille, juin 2014) et tentant de s’expliquer les coordonnées de notre indisposition (dans ce club aussi bien que sur cette scène), nous avions mimé un pendule de Newton dont la boule centrale s’appelait poésie et joint à nos gestes des paroles qui devaient appuyer, sans manger de pain, la démonstration qu’on n’était pas dupes : on se protège / on se distingue / on se protège / on se distingue etc.
On peut effectivement voir ne pas être dupe comme le programme de ceux qui ont pour objet de se distinguer, pour souci de se protéger et pour style de se fâcher. Se fâcher est une manière (zombie de style) de ne pas être dupe. Une autre manière de ne pas être dupe est faire la leçon.
Il ne s’agit pas de faire aimer la poésie, mais de cesser d’être dupe des clichés et des falsifications qui se font passer pour de la poésie. C’est par là peut-être que la poésie retrouvera en France une place qu’elle n’a plus.
(Henri Meschonnic, Célébration de la poésie)
Henri Meschonnic est connu pour avoir fait des leçons et écrit des poèmes, et ses leçons sont édifiantes et ses poèmes sont chou recuit. Parmi les vieux fâchés c’est celui qui, le plus passionnément, pose la question si et de quoi on se dupe, notamment dans Célébration de la poésie, une leçon sur la poésie et un pamphlet contre à peu près toute la poésie, et en dépit de tout ça un bon livre, surtout si on s’intéresse aux phrases négatives.
Dans Célébration, Meschonnic repousse trois conceptions qu’il dit dupes et dupeuses en Poésie (domaine) :
- l’essentialisation célébrante : « le poème » comme conformation historique, comme continuation de l’œuvre immémoriale qui organise les séries fortuites de petits amonts en « précédent essentiel » – et c’est l’ouroboros romantique jamais brisé : « les poèmes sont ce qui maintient la poésie dans sa peau », ou
l’essentialisation fabricante : l’ut pictura littéral qui fait de faire l’asile universel de l’intransitif (alors que chez Meschonnic faire tend vers le transitif absolu) ; - la confusion avec « l’émotion poétique » qui fait de la plupart de nous des suiveurs naïfs de Bachelard, qui cherchant à ressourcer tarissent ;
- le « stock » (ou somme des poèmes déjà écrits) comme patrimoine qui reconduit une définition de l’art comme mille-feuilles de ses manifestations et rebâtit un gros « précédent » bien massif qui engage à défendre la poésie (poésie comme vocable, comme tradition, à célébrer dans sa diversité topo- & chronolectale).
Ce qui intéresse dans ce diagnostic c’est son acuité à nommer les impensés de certains discours établis sur Poésie-domaine ou sur Poésie-plan. Pour le reste, chez Meschonnic aussi, et pas moins dans Célébration, la pulsion propriétaire tourne à plein régime ; elle ne peut que se sentir menacée et donc alimenter le regret – d’un dévoiement du terme :
« cesser d’être dupe des clichés et des falsifications qui se font passer pour de la poésie« 4
Il n’y a plus la poésie (essence, émotion, somme). Mais il y a encore de la poésie, et d’après Meschonnic il y en a même trop5. De poème, comme opération de subjectivation par le rythme (terme complexe qui se voudrait le nom unique du mode du sujet advenant, et qui vient, dans l’œuvre de Meschonnic, systématiquement résorber le discontinu), il ne peut y avoir d’occurrences qu’en nombre suffisant et nécessaire (Fülle). Le superflu (l’Überfülle), c’est ce qui baigne dans un fond, cherchant à y faire corps, à y établir pintade, à y prendre être, mais qui y baignant ne peut que s’y confondre : de la poésie.
D’où que faire de la poésie, c’est faire tout un plat dans le fond d’un autre ; c’est conséquemment duper son monde et ultimement duper soi-même.
Ainsi clichés et falsifications.
Lieux communs et contrefaçons.
Je comprends l’avantage métaphysique qu’il y a à se faire happy dupe des structures, j’entends le plomb qu’il y a dans l’ambition de ne pas être dupe quand ça tourne à la battue. Je sais que les projets qui s’attachent à définir des lieux / communs (la lutte des classes, l’émancipation, la révolution permanente, l’autonomie politique, la décolonisation totale, au choix et combinables) gèlent sous l’obsession d’être dupe (des institutions, des dispositifs, des fictions, des nécroses, des axiomes de nature et de culture en général, liste non-exhaustive enfin pas loin quand même). Je sais que se poser la question de la dupeté très vite branche sur missionner ou faire tout un plat. Je sais qu’exposer les couilles sous les toges – et donc positivement l’élément dignitaire, hiératique, paradeur de pratiques pulsionnelles – ressortit à une morale humiliée, justicière, revancharde, et très souvent réactionnaire (chez Meschonnic, le vocabulaire ne trompe pas, animalisant / pathologisant). Pourtant seules les brasses du non-dupe, me semble-t-il, dégagent les attributs de l’ordre dans la célébration, entravent les autoroutes du trajet de ce qui s’excepte, rompent ce que Meschonnic appelle le maintien de l’ordre.
Mais occupé à se déduper pour saisir au plus près le frémissement continu du sujet advenant, Meschonnic, roulant des pôles en paume, fait que ça tienne s’exaucer sans discontinuer ; et, comme tout non-dupe, il dramatise obstinément ce qu’il évince, tout ce que son exposé montre qu’il sait qu’il tait en ne le taisant pas tout à fait. Aussi ce que ses pôles organisent et finissent par tenir en joue, c’est un ensemble congruent, un fond porté à congruence, accommodant comme un bon bain, ce qu’on pourrait appeler un milieu (au sens anthropologique : un partagé renforçant, défensif, qui témoigne du présent dans le présent), opposé chez Meschonnic au courant (un partagé diluant, contrefaisant les rythmes sur des machines à clicher, et qui cherchant à le saisir se vautre dans le présent du présent, dupant et se dupant)6.
Il y a je crois une autre façon de ne pas être dupe qui n’est pas juste un autre style de ne pas être dupe. Une façon qui travaille précisément (dans) les lieux communs et la contrefaçon parce que ne pas être dupe n’est ni un programme de classe visant la distinction, ni une consigne aux douanes garantissant l’authenticité. Or indéniablement contrefaire et courantiser (mettre en circulation sans hypostasier, sans fétichiser non plus la circulation elle-même) sont des différences logiques – logiques par rapport à un ensemble fait de formes et d’objets :
- objets auprès desquels la forme est récolatoire (inventaire soumis à des procédures de test, à des critères taxonomiques extensifs ou compressifs)
- formes auprès desquelles l’objet est rescisoire (remise en jugement des discours supposément « purs » : prophétie, expertise, édit, formale Anzeige…).
Ce sont des procédures fondées sur des différences logiques qui ne se dupent pas de plats de consistance mais s’attachent à poser la question de la valeur à travers les questions de typicité et de banalité. Alors qu’en partant de Selbst, en en supposant la marque non logiquement différentielle, on en fait une détermination non déterminable (une tâche signifiante), et ça, c’est un exercice spéculatif stimulant, mais ça n’est partageable que religieusement, c’est-à-dire transactionnellement (la seule négociation admise est celle autour de la « manifestation » de son objet ; mais aussi au sens que le mot prend au 19e siècle dans l’expression « transactions de la conscience », au sens d’accommodement, donc 7), sur un plan qui condamne à une exploratoire de célébrant : d’un côté, sanctification de la parole (annonce – Ansage/Anzeige) & du geste (index tenant en joue dans la désignation – guck mal !) ; de l’autre, maintien des objets (Ding) à l’état de supports rituels & relégation de tout usage au rang de la validation.
LA FÊTE D’ATTENTES
Plomber et blinder sont les deux fronts du célébrant. Les vieux fâchés velléitaires qui viennent plomber poésie mais dont le flingue chaque fois s’enraye s’oublient, et finissent par dramatiser leur non-dupeté en poésie, sur scène (on se distingue) ; les vieux leçonneurs qui se targuent de poésie (se munissent de targes marquées Poésie) s’oublient aussi, et finissent par blinder (on se protège).
La question si et de quoi on se dupe est une question de dramaturgie ; c’est elle qui détermine la qualité de l’illusion et la ferveur du répons. Poésie-vocable est une convention qui n’a de nécessité que communautaire (elle n’est fondée qu’à exclure, qu’à être tranquille, qu’à définir un entre-soi) ; or cette communauté, celle qui se pose la question de la poésie, n’a de velléités sécessionnistes qu’aux heures d’ouverture du théâtre : se poser la question de la poésie devient, dans la griserie égalitaire du milieu, la marque d’une singularité irréductible, une qualité non-logique, un écart non-différentiel, alors que ce n’est, le plus souvent, que l’ordre du jour d’une geschlossene Gesellschaft (une coterie coloniale en salon chez l’ambassadeur, le stand des assureurs au festival du risque, des entrepreneurs en visite à la préfecture, une bande de jeunes blancs en concile in da club) – un ordre dramaturgique.
Nathalie Quintane est quelqu’un qui se pose la question de la poésie et qui se la posant se pose aussi la question si la poésie :
N’importe quel poète vous dira qu’il n’est pas sûr que la poésie existe (c’est comme Dieu), ce qu’il y a, c’est une psychologie poétique (la psychologie des gens qui se posent la question de la poésie, disons). Écrire que la peau de la tomate, ça tient la tomate, c’était chercher à anticiper la psychologie poétique, qui est puissante, jésuite au mieux.
Nathalie Quintane est donc quelqu’un qui se pose la question de et si la poésie, sans pour autant avoir jamais écrit aucun poème, au sens que l’ordre en cours de restauration suggère. Auteure d’un premier livre, Remarques (1997), dont la réception a braqué les attentes et compliqué la fête8, elle a été plongée dans la fête – elle en a été un objet de célébration – sans pouvoir échapper à ses contradictions, et a raconté à ce sujet deux anecdotes, à propos de deux lectures qu’elle a données d’extraits de deux livres qui mettent en œuvre des procédures du genre de celles décrites plus haut (récolatoire / rescisoire) ; deux anecdotes qui sont exemplaires de cet ordre dramaturgique, un ordre moins clivé que clivant.
Livre #1, anecdote #1. Chaussure est un ensemble d’énoncés qui fragilisent l’inventaire du Ding « chaussure » en lui appliquant une critériologie changeante, élastique, intensive (mode récolatoire : chaussure maintient-il son/ses terme/s, chaussure varie-t-il ?) :
Confiante dans la perspicacité et la rigueur du lecteur-trice futur, j’alignai deux cent cinquante pages de Chaussure, orientées cependant par une quatrième de couverture perso : Chaussure parle vraiment de chaussure. Je vis alors arriver, après une lecture, un monsieur tout rouge, dense et tendu, exactement comme un poème. Il me demanda aussitôt combien je possédais de paires de chaussures. C’était un fétichiste du pied.
Livre #2, anecdote #2. Dans Tomates en revanche, tomates n’est ni fruit ni légume, ni cru ni cuit, tomates ne se distribue pas comme autant d’oboles au lecteur, ne célèbre ni la ni les tomate(s) du monde, tomates n’est même plus la liste des tomates possibles, mais fait tenir dans sa peau le texte-tomate et sa foule connotationnelle, qui n’est pas une individualité sérielle de tomates, mais une masse de tomates agissantes : graines, couilles, tumeurs. « Le texte direct arme direct« 9, parce que sa contingence baladeuse, son impéritie avouée contrastant avec l’amateurisme des répresseurs (nous sommes en 2009, Tarnac, Identité Nationale…) rencontre l’excès. Le texte désarme aussi sec, parce qu’il ne laisse pas s’installer la causerie sur l’excès, accommodement de vieux fâché. Ni leçon ni fâcherie, Tomates arme le lecteur, désarme tout le cut-up unisourcé des discours formalisateurs (rapport de police, billet d’humeur, d’opinion, poème d’humeur, d’opinion, expertise, analyse, glose militante à l’appui de l’état…) et introduit une troisième bille qui roule négligemment dans le code moral, binaire, de la partie (partie comme fête – « le livre est une fête« 10 –, comme moment de l’ordre, comme histoire dans l’Histoire) :
(Une autre fois), un lecteur est venu violemment m’alpaguer : alors, vous avez lâché ? à présent vous parlez de Jeanne d’Arc de Saint-Tropez, ou que sais-je. Il voulait dire que j’avais lâché les choses, les tomates, les maisons, les avions ; ou alors que j’avais lâché la chose, la chose importante, les choses (Ding) étant peut-être la chose (Sache) même, la grande affaire, voilà peut-être ce qu’il voulait dire.
J’aimerais mettre ces anecdotes en parallèle avec deux pratiques rituelles, répétitives, et dépendantes elles aussi d’un ordre dramaturgique :
- Le briolage est un chant puissant, lent, mélopéen – une sorte de récitatif dont la fonction est d’aviver les bœufs au labour. Aujourd’hui, on organise des festivals de briolage où les types chantent sur scène ce qu’ils chantent (supposément) le reste de l’année à leurs bœufs.
Où ? Sur scène. Pour quoi ? Pour la performance. Du coup, inévitablement, le briolage s’opératise, se laisse accompagner par une basse continue. La basse continue remplace les bœufs absents. Une forme de réification (Versachlichung plutôt que Verdinglinchung), de devenir Sache.
- Le Violongay est un type qui fait des vidéos pour bien expliquer son fétichisme, pour que tout soit bien clair pour tous ; des répétitions, des reprises, des révisions, rejouées selon des invariants dramaturgiques : une tête de mannequin nommée « violoneux », une perruque de mulet « Longueuil », une chemise blanc cassé ou blanc crème rentrée dans un jean noir, un violon, un archet et une incitation à la fois menaçante et violente, amoureuse (« joue-moi du violon, sinon je te mange le mulet »).
Je prends le Violongay comme cas (représentatif) de l’investissement libidinal dans le rapport au (déjà-) connu, à l’attendu (que je considère comme une chose commune11). Cet investissement pose l’invariant dramaturgique (et son écart relatif : la coupe changeante mais toujours singulière, une coupe qui nomme en propre, qui installe un personnage, le détail fétichiste y suffit) comme condition préparatoire au rassasiement des attentes (ici : il va me jouer un beau rigaudon, il va égayer la veillée, je vais lui manger le mulet, voilà ce qui va se passer exactement et dans cet ordre, car c’est un putain d’ordre).
Le lecteur fortuit de Chaussure (#1) que son fétichisme du pied a trompé (Quintane ne fait pas l’inventaire ordonné des chaussures) ne se pose pas la question de la poésie : dans la dramaturgie d’une lecture, c’est le genre de weirdo importun qui pose beaucoup de questions à la fin – toutes sauf celle(s) de la poésie – des questions où suintent très très fort les attentes, fantasmatiques et toujours déçues .
C’est ainsi qu’à une lecture dans une librairie du Marais, à une date oubliée mais à laquelle j’étais pour sûr plus gamin qu’hui, Jacques Roubaud avait pu remballer un importun à l’allure opportunément déviante qui lui posait avec une certaine obsession une question sur ce que signifie construire une autorité sur un nom (en référence au corpus troubadour cher à Roubaud et aux « intensités anonymes » qui traversent ce corpus). Il avait pu le remballer avec une morgue qui avait fait rire (de bon cœur ou de gêne) le reste de la salle, parce que la dramaturgie lui était favorable, et que la question n’était pas celle de la poésie, mais celle bordurante d’une pratique souveraine et de son rapport à la maîtrise, chose opportunément transférée ou évacuée dans la contrainte par les oulipiens, libido tendue vers ce que l’attendu excitera (ce qui n’est pas rien, certes).
Ce qui n’est pas rien non plus c’est que
ce qui avait agacé le poète et lui avait permis de remballer celui
qui avait sur son nom fondé l’espoir d’une réponse à une question à ce point obsédante
qu’elle avait fait prendre le train ou le bus jusque dans l’hypercentre de Paris
pour obtenir l’avis du maître,
c’est que la question des « intensités anonymes » ressemblait à un lieu commun. Or en réponse Roubaud avait, rendant patent qu’il était ce jour-là le lourdaud des deux, opposé un autre lieu commun, bien plus mesquin que celui des intensités anonymes (au moins pour les gens de mon âge) ; grosso modo, Roubaud avait dit
La réponse de Roubaud avait été tout entière constituée d” – comme obsédée par – internet, entendu dans le sens bien particulier de
retour de la tribu,
primat du format sur la forme,
menaces sécessionnistes,
indifférence généralisée,
foule décomplexée d’anonymes patibulaires prenant d’assaut une histoire, une culture, une œuvre auxquelles elle ne comprend rien,
sclérose des identités sous le régime de l’avatar
etc.
c’est-à-dire qu’en réponse et en fait en protestation à la question des intensités anonymes (dont j’ignorais à l’époque l’origine klossowskienne et sa glose lyotardienne)
il s’était raidi,
comme rétracté et pour ainsi dire
circonstancié à l’extrême
[se protégeant,se distinguant]
donnant les coordonnées exactes de la position de l”
AUTEUR À L’AUBE DU 21E SIÈCLE
manifestant l’intenable de cette position
sur internet comme sur scène
sur les réseaux sociaux comme dans un dépôt de codex de l’hypercentre parisien
lourdaud, pornaud.
À l’inverse, l’obsédé des intensités anonymes, posant, comme le fétichiste des pompes passé à côté de Chaussure (#1), toutes les questions sauf celles de la poésie, décirconstancie à l’extrême (ni méritoirement ni héroïquement mais du fait de son obsession) et, prêtant peu d’attention à laforme, lalangue et tout le déduit protecteur-distincteur qui boucle la Sache, pose primordialement la question si la poésie, de façon toujours convaincante, bien que non méritoire puisque treibé, drivé, pulsé par cette obsession dont les conséquences sociales l’ont conduit loin, très loin de tous les hypercentres. Que cette effraction n’ait rien d’héroïque ne la rend pas moins pertinente, du fait même de son impertinence – la question si.
D’un autre côté, le lecteur déçu de Poésie (#2), que son désir de poésie a trompé (Quintane n’a pas le basso continuo formaliste ou objectiviste attendu, qui donnerait à son trivial la gravité d’une Sache, d’un style, d’un self accommodé par une manière), lui se pose – sérieusement, obsessivement parfois – la question de la poésie
, au point d’en faire tout un plat – lyrique, formaliste, conceptuel12, au choix et combinables. Participant pleinement à la statique circonstancielle, à l’aphasie événementielle, le lecteur #2 adhère, et jouit des décollements relatifs de ses attentes à leur objet.
#1 et #2 se sentent dupés mais ils sont dupes de leurs attentes. Le lecteur fortuit de Chaussure est dupe de ce que son fétichisme dramatise (organise en drame). Le lecteur déçu de poésie n’est pas dupe du drame mais de la dramaturgie, et donc garant de ce que cette dramaturgie est un ordre.
Poésie, en ce sens, est un mot d’un ordre qui dupe dès l’enfance (le miel passeur de l’aigre) et organise les moments tolérés de la savouration sans égard pour la digestion. Ainsi poésie fait passer savoir en donnant la saveur, dans la tradition des ordres colons où la liberté s’apprécie sur le mode dérogatoire, flattant en singularisant, aliénant à des dignités qui indiquent la majorité comme seul plan de salut et comme unique communauté.
N’importe quel poète vous dira qu’il n’est pas sûr que la poésie existe (c’est comme Dieu), ce qu’il y a, c’est un ordre poétique (l’ordre des gens qui (ne) se posent (que) la question de la poésie, disons). Ecrire que la peau de la tomate, ça tient la tomate, c’était chercher à anticiper l’ordre poétique, qui est puissant, jésuite au mieux.
Une communauté qui ne se pose pas la question si se voue à la sclérose idéologique d’une institution, d’une république française, d’un âge adulte,
toute chose reconnaissable à son sens des cérémonies et à ce qu’elle
organise la reddition dans la fête,
distribue les drogues en sachets – de marque Selbst –,
sépare et conditionne faire saliver et mettre en rage,
2 037 800 000 000 euros environ,
un arc de triomphe en billets de 100 boules
et je m’arrêterai là du fait d’une hépatite.
- « Objets que je vois dans cette tache d’eau (EDIT : de sperme) : Est-ce que vous voyez toujours des choses comme vous en voyiez dans les nuages quand vous étiez plus jeunes ? » ↩
- Existe aussi en fronchais courant, traduit de l’allemand, nobilier, provincial, ancien, contemporain : Essai sur la question si Homere a connu l’usage de l’escriture…, Traité où est examinée la question agitée en ce temps, scavoir si un protestant peut se sauver…, Examen de la question, Si les décimateurs ont l’intention fondée en droit à la perception de la dîme des fruits insolites en Flandre…, Discours sur la question, si ceus qui font profession de la Religion Reformée peuvent en bonne conscience assister le party d’Autriche, Familier Eclaircissement de la question, si une femme a esté assise au Siege Papal de Rome entre Leon IV. et Benoist III., Si toi aussi sur un télésiege tu te pose la question si tu peux sauter, Lettre sur la question si l’essence du corps consiste dans l’étendue, etc. ↩
- Un plat de santé trop tardif ou précipité, selon l’arc tracé dans Montaigne par De l’expérience des Essais. D’un côté, citation de Tibère qui dit : quiconque a vécu vingt ans doit répondre des choses qui lui sont nuisibles ou salutaires, et savoir se conduire sans médecine. De l’autre, Montaigne, penché sur son self, rapportant Tibère entre quarante ans et cinquante ans : toute cette fricassée que je barbouille… ↩
- Henri Meschonnic, Célébration de la poésie ↩
- « Paradoxalement ; dans la poésie française contemporaine, il y a trop de poésie, pas assez de poèmes. Des poètes n’ont pas compris que les poèmes ont deux ennemis, à la nocivité variable. Le premier est la poésie, le second est la philosophie. » Célébration de la poésie ↩
- Le rapport de Meschonnic au courant est à lire dans deux commentaires :
– sa critique des traductions de la bible « en français courant ». Meschonnic affirme qu’il faut au contraire « défrançaiscourantiser », dans la mesure où le « courant » est pour lui un langage « dérythmé » (sentence révocatoire qui insiste sur une perte essentielle, celle de l’intrication du dire et du faire, dans et par le langage). D’après lui, une traduction de la bible en français courant ne donne à lire qu’un rendu sériel de signifiés bibliques, où « biblique » est atteint de la même fadeur que « poétique » en régime post-bachelardien : qui communique une impression de bible.
– ses réflexions sur le proverbe, qu’il considère comme un aparté social – constant et durable – au milieu du vaudeville des idéologies. (« Aujourd’hui, pour l’écriture, les proverbes restent des actes de discours qui tiennent ensemble l’oralité, la collectivité, le transpersonnel, continuant, à travers et contre les idéologies littéraires, à poser spécifiquement le problème des rapports entre le langage et l’activité poétique, entre le sujet et le social, ce que, d’une certaine façon, montrait sans dire l’opposition du savant au populaire. » – Pour la Poétique V, Poésie sans réponse, Gallimard, 442 p.)
D’où que, pour Meschonnic, le proverbial est le pôle positif qui synthétise, résorbe, fond_de_velle le politique comme modalité de l’advention, alors que le courant est le pôle négatif qui fond_de_velle l’idéologique comme mode de l’aliénation. Ainsi la polarité meschonnicienne du pourvu que ça tienne, son milieu, fonctionne dans l’écart entre :
– l’irréductible et l’inactuel du langage en régime biblique (où « biblique » est atteint de la même saveur que « poétique » chez Jousse : une langue corporellement fondée – à peu près la seule intuition que Meschonnic valide chez Jousse);
– la formulation collective et actualisante, à la fois spéculaire et spéculative, des rapports sujet/société. ↩ - Juste pour le plaisir : « Nul homme, quelque dépravé qu’il soit, ne dira qu’il ne faut pas de morale ; car celui même qui serait le plus décidé à en manquer, voudrait encore avoir affaire à des dupes qui la conservassent. Mais quelle adresse, d’avoir donné pour base à la morale la prudence ! quel accès ouvert à l’ascendant du pouvoir, aux transactions de la conscience, à tous les mobiles conseils des événements ! » (Mme de Stael, « De la morale fondée sur l’intérêt personnel », dans De l’Allemagne) ↩
- Les uns ont lu ces remarques comme du brut sauvage, de l’émeraude brillamment enchatonnées aux chozmêmes, des assertions qui fuient le discours, qui fuient le langage discursivisé. Les autres les ont estimées parce qu’ils y ont vu le langage traqué jusqu’au point le plus cuit du discours – les terroristes jusque dans les chiottes. Les uns ont vu dans l’annulation du mouvement causal implicite, déterminé par le résultat, une volonté de préservation du mystère ou de réenchantement. Les autres ont estimé que l’élimination des traces (de la trajectoire) du causal était un exercice de neutralisation, une chasse du sans-pourquoi au-delà de la rose. Les uns ont une attente de poésie, un désir de poésie. Les autres ont une méfiance de poésie, un désir de poésie. Une question d’écrin, d’écart, d’école, de zonzon. ↩
- Tomates, p54 ↩
- Le livre est une fête (Tomates, p34 et ssq) ironise sur les tentatives de popularisation de la poésie qui en flattent l’aspect distractif. La fête – amusement chez Adorno – est un motif classique de la critique de la dépolitisation de l’art, après avoir été un motif révolutionnaire (chez Sade notamment). ↩
- Baudelaire, Un hémisphère dans une chevelure, le cas des coupeurs de nattes… J’attire l’attention sur le discours très conscient du violongay sur son propre fantasme (son historicité notamment), ainsi que la réponse parfaite adressée à ceux qui, se sentant probablement menacés dans leur humanité proprette, se moquent de lui, et dont on imagine aisément que les petits drames de pornaud produit suffisent au rassasiement fantasmatique (le déni de leurs fétichismes prenant précisément la forme d’une affirmation de « normalité », conforme aux catégories existantes). Voir cet entretien. ↩
- Le plat conceptuel, en poésie-domaine, est particulièrement intéressant en ce qu’il se persuade, sans cesse, qu’il n’est pas en train de faire tout un plat. Ainsi du poème de Kenneth Goldsmith dont il est question là et partout ailleurs sur internet. ↩