Les Grands-écrivains ne recourent aux pouvoirs polémiques de l’écriture que s’ils sentent leur prestige menacé ; dans tous les autres cas, leur attitude se signale par sa sérénité et sa bienveillance. Ils sont parfaitement indulgents à l’égard des bagatelles que l’on écrit à leur louange. Ils ne s’abaissent pas volontiers à discuter les autres auteurs ; quand ils le font, c’est rarement pour honorer un homme supérieur : ils préfèrent encourager l’un de ces jeunes talents discrets qui se composent de 49 % de talent et de 51 % d’absence de talent, et que ce mélange, partout où l’on a besoin d’une force et où un homme fort gênerait, rend si utiles que chacun d’eux, tôt ou tard, finit par occuper une position influente dans la littérature.
Mais cette description n’a‑t-elle pas déjà dépassé, ainsi, les limites de ce qui est propre au Grand-écrivain ? Un excellent proverbe dit : « Qui chapon mange, chapon lui vient » ! On aurait peine à se faire une idée de l’animation qui règne de nos jours autour d’un écrivain ordinaire, longtemps déjà avant qu’il ne soit passé Grand-écrivain, quand il n’est encore que chroniqueur littéraire, feuilletoniste, producteur de radio, scénariste ou éditeur d’un « orphéon » ; nombre de ces écrivains ordinaires ressemblent à ces petits ânes ou cochons de baudruche avec un trou derrière pour le gonflage. Quand on voit les Grands-écrivains peser avec soin ces diverses circonstances et s’efforcer d’en tirer l’image d’un peuple laborieux qui sait honorer ses grands hommes, ne doit-on pas leur en être reconnaissant ? La part qu’ils y veulent bien prendre ennoblit la réalité de la vie. Qu’on essaie donc de se représenter le contraire, un homme qui n’écrirait et ne ferait rien de tout cela. Il devrait refuser des invitations cordiales, rebuter des gens, juger des louanges non point en loué, mais en juge, bousculer les données naturelles, considérer les grandes possibilités d’action comme suspectes simplement parce qu’elles sont grandes ; en échange, il n’aurait rien à offrir que les opérations difficiles à exprimer, difficiles à évaluer, de son cerveau, et le travail d’un auteur auquel une époque déjà fournie en Grands-écrivains n’a vraiment pas besoin d’accorder beaucoup de prix !
Von den kämpferischen Mitteln des Schreibens machen sie nur Gebrauch, wenn sie ihre Geltung bedroht fühlen ; in allen übrigen Fällen zeichnet sich ihr Verhalten durch Ausgeglichenheit und Wohlwollen aus. Sie sind vollendet tolerant gegen Nichtigkeiten, die zu ihrem Lobe gesagt werden. Sie lassen sich nicht leicht dazu herab, andere Autoren zu besprechen ; aber wenn sie es tun, dann schmeicheln sie selten einem Mann von hohem Rang, sondern ziehen es vor, eines jener unaufdringlichen Talente zu ermuntern, die aus neunundvierzig Prozent Begabung und einundfünfzig Prozent Unbegabung bestehen und vermöge dieser Mischung so geschickt zu allem sind, wo man eine Kraft braucht, aber ein starker Mann schaden könnte, daß über kurz oder lang ein jedes von ihnen einen einflußreichen Posten in der Literatur hat. Aber ist damit diese Beschreibung nicht schon über das hinausgegangen, was nur dem Großschriftsteller eigentümlich ist ? Ein gutes Sprichwort sagt, wo Tauben sind, fliegen Tauben zu, und man macht sich schwer eine Vorstellung davon, wie bewegt es heutzutage schon um einen gewöhnlichen Schriftsteller zugeht, lange ehe er Großschriftsteller, schon wenn er Buchbesprecher, Feuilletonredakteur, Funkverweser, Filmmixer oder Herausgeber eines Literaturblättchens ist ; manche von ihnen gleichen jenen kleinen Eselchen und Schweinchen aus Gummi, die hinten ein Loch haben, wo man sie aufbläst. Wenn man die Großschriftsteller solche Umstände sorgsam erwägen und sie bemüht sieht, daraus das Bild eines tüchtigen Volks zu machen, das seine Großen ehrt, muß man es ihnen nicht danken ? Sie veredeln das Leben, wie es ist, durch ihre Teilnahme. Man versuche, sich das Gegenteil vorzustellen, einen schreibenden Mann, der alles das nicht täte. Er müßte herzliche Einladungen ablehnen, Menschen zurückstoßen, Lob nicht wie ein Belobter, sondern wie ein Richter bewerten, natürliche Gegebenheiten zerreißen, große Wirkungsmöglichkeiten als verdächtig behandeln, nur weil sie groß sind, und hätte als Gegengabe nichts zu bieten als schwer ausdrückbare, schwer zu bewertende Vorgänge in seinem Kopf und die Leistung eines Schriftstellers, worauf ein Zeitalter, das schon Großschriftsteller besitzt, wirklich nicht viel Wert zu legen braucht !