19 09 24

Musil, L’homme sans qualités

Il se pas­sait beau­coup de choses, et l’on ne man­quait pas de s’en aper­ce­voir. On les trou­vait bonnes quand on en était l’au­teur, sus­pectes quand elles étaient dues aux autres. Dans le détail, le pre­mier éco­lier venu pou­vait com­prendre ce qui se pro­dui­sait ; dans l’en­semble, nul ne le savait exac­te­ment, hor­mis quelques per­sonnes qui n’en étaient même pas très sûres. Un peu plus tard, toutes ces choses auraient pu arri­ver dans une suc­ces­sion modi­fiée ou inverse sans qu’on y vît nulle dif­fé­rence, à l’ex­cep­tion de ces quelques chan­ge­ments qui résistent au temps sans qu’on sache pour­quoi et forment le sillon baveux de l’es­car­got his­to­rique.

Es ges­chah viel, und man merkte es auch. Man fand es gut, wenn man es selbst tat, und war bedenk­lich, wenn es andere taten. Im ein­zel­nen konnte es jeder Schuljunge vers­te­hen, aber im gan­zen wußte nie­mand recht, was eigent­lich vor sich ging, bis auf wenige Personen, und die waren nicht sicher, ob sie es wuß­ten. Einige Zeit spä­ter hätte alles auch in geän­der­ter oder umge­kehr­ter Reihenfolge gekom­men sein kön­nen, und man hätte kei­nen Unterschied gefun­den, mit Ausnahme gewis­ser Veränderungen, die auf die Dauer der Zeit eben unbe­grei­fli­cher­weise zurück­blei­ben und die Schleimspuren der his­to­ri­schen Schnecke bil­den.

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t. 1
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chap. 98  : « Sur un État qui périt faute de nom »
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trad.  Philippe Jaccottet
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p. 565