02 10 24

Musil, L’homme sans qualités

Il ne s’était stric­te­ment rien pas­sé en Cacanie, et l’on eût pen­sé naguère que ce rien, c’était la dis­cré­tion même de la vieille culture caca­nienne ; mais main­te­nant, ce rien était aus­si inquié­tant que le fait de ne pas pou­voir dor­mir ou de ne pas réus­sir à com­prendre. C’est pour­quoi les intel­lec­tuels, une fois qu’ils se furent convain­cus que les choses se pas­se­raient autre­ment dans une culture « natio­nale », n’eurent pas de peine à en convaincre les mino­ri­tés caca­niennes. C’était une sorte de suc­cé­da­né de reli­gion, d’ersatz pour « le bon Empereur de Vienne » ou, tout sim­ple­ment, l’explication de ce fait incom­pré­hen­sible que la semaine com­porte sept jours et non huit. Il y a beau­coup de choses incom­pré­hen­sibles, mais il suf­fit de chan­ter son hymne natio­nal pour ne plus les sen­tir.

Es war dur­chaus nichts in Kakanien ges­che­hen, und frü­her hätte man gedacht, das sei eben die alte, unauffäl­lige kaka­nische Kultur, aber dieses Nichts war jetzt so beun­ru­hi­gend wie Nichtschlafenkönnen oder Nichtverstehenkönnen. Und darum hat­ten es die Intellektuellen leicht, nach­dem sie sich ein­ge­re­det hat­ten, das werde in einer natio­na­len Kultur anders sein, auch die kaka­ni­schen Völker davon zu über­zeu­gen. Das war nun eine Art Religionsersatz oder ein Ersatz für den guten Kaiser in Wien oder ein­fach eine Erklärung der unverständ­li­chen Tatsache, daß die Woche sie­ben Tage hat. Denn es gibt viele unerklär­liche Dinge, aber wenn man seine Nationalhymne singt, so fühlt man sie nicht.

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chap. 109  : « Bonadea, la Cacanie : sys­tèmes de bon­heur et d’équilibre »
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trad.  Philippe Jaccottet
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