Texte

Nous appel­le­rons fan­tômes, après le saint doc­teur, toutes les images que l’i­ma­gi­na­tion nous pré­sente, soit qu’elle les ait reçues de l’ex­té­rieur, soit qu’elle les ait fabri­quées à l’aide des maté­riaux qui lui sont venus du dehors. Nous divi­se­rons ces fan­tômes en deux classes. La pre­mière com­pren­dra les images inté­rieures que nous nous for­mons en notre fan­tai­sie des mots et des signes qui, mani­fes­tés à l’ex­té­rieur, for­me­raient une parole exté­rieure : et ces images inté­rieures, nous les appel­le­rons fan­tômes-signes. Nous met­trons dans une seconde classe tous les autres fan­tômes, c’est-à-dire les images inté­rieures qui repré­sentent en notre fan­tai­sie la chose elle-même, non un signe ou un mot qui exprime la chose : et ces autres images inté­rieures, nous les nom­me­rons fan­tômes-tableaux.

J.M.A. Vacant, Études com­pa­rées sur la phi­lo­so­phie de Saint Thomas d’Aquin et sur celle de Duns Scot, Delhomme & Briguet, Paris Lyon, 1891, pp. 168–169

Il est assis, il regarde les pavés, il médite ; tout est tran­quille, on n’entend aucun bruit, les cartes géo­gra­phiques et les tableaux synop­tiques des peuples du globe se tiennent sus­pen­dus à leurs clous, les trois chaises sont encore aux places où on les a lais­sées ; là-haut, dans leurs chambres, les élèves tra­vaillent.

G. Flaubert, L’Éducation sen­ti­men­tale

Napoléon repro­chait à ses géné­raux une ima­gi­na­tion épique, qui « empêche toute action, toute déci­sion, tout cou­rage » ; une ima­gi­na­tion qui « se fait des tableaux ». C’est aus­si dans cette ima­gi­na­tion malade de l’Histoire que réside, pour Barbey d’Aurevilly, « l’infirmité » de Frédéric Moreau, le per­son­nage de L’Éducation sen­ti­men­tale.

Cette infir­mi­té crée le pro­cé­dé de Flaubert, dont la pen­sée ne fonc­tionne jamais non plus que sous la forme de tableaux. Comme il n’a d’idées abso­lu­ment sur rien, et qu’il n’est capable que de décrire, son pro­cé­dé est infi­ni­ment simple. Il cloue et soude des tableaux à d’autres tableaux.

Se faire des tableaux, quand on est plus pau­mé que géné­ral, c’est aus­si, par assué­tude ou par las­si­tude, oublier de tailler un conçu avant d’étaler son per­çu. Léonard de Vinci, qui pen­sait que des peintres étaient de leur pra­tique trop les géné­raux et pas assez les ingé­nieurs, a écrit en sub­stance :

C’est vrai que si tu te poses devant un mur plein de taches et que tu t’y absorbes un moment en ima­gi­nant, des fonds et des formes plus ou moins nets y appa­raissent, qui par leur vague rap­pellent tout ce qu’il y a autour (voire des mondes plus loin­tains dans l’espace et le temps), et par leur net des pay­sages connus, moins par­faits que typiques, des reliefs nus, chauves d’antennes, des ter­rains de jeu enfuis du cadastre. En y allant un peu plus fort tu vois aus­si, sur ces pans bario­lés, d’anciennes scènes de com­bat avec leurs répres­seurs et les chiens qui s’affairent au fond sem­blant les imi­ter (comme Dio­gène, dés­œu­vré, sin­geait les armées colo­niales) ; bref un bor­del de faune humaine-non­­hu­­maine naît de ces taches, un bor­del enga­geant par la force des choses. Il en est de ces murs comme du son des cloches, dont chaque tin­te­ment détache, dans le bas­so du mi-silence urbain, des noms fami­liers et ché­ris ; ils indiquent un plan de découpe, c’est sûr, mais ils ne four­nissent pas les frondes.

Sur le mur de Vinci, Breton dit que cha­cun fait com­pa­raître et para­der les fan­tômes les plus pro­bables de son deve­nir. Les fan­tômes n’existent pas.
Continuer

par le Comité de Planification du Sagouinat

Qu’est-ce qu’un bungalow ?

Un bun­ga­low est une uni­té d’habitation de vacance. On ne réside en bun­ga­low ni comme on prend un appar­te­ment, ni comme on des­cend à l’hôtel. On n’entre pas plus dans un bun­ga­low comme on entre en ménage. Un bun­ga­low est une uni­té d’habitation de vacance (Freizeitwohneinheit).

Comment sont conçus vos bungalows ?

Dans les règles de l’art du bâtis­se­ment de bun­ga­lows, avec les siècles de der­rière, l’alliage du savoir et du faire colons et ges­tion­naires à la pointe, l’esprit de pool et le sens du bud­get — sans oublier : votre concours à nous regar­der faire en nous pro­po­sant des cafés.

Où se procurer vos bungalows ?

Nous les construi­sons, par toute tem­pête et tout soleil, en Dordogne ou chez vous — par­toùt se trouve du bois, du maté­riel de véran­da, la plus petite Fraction d’Insolation Possible. Nos bun­ga­lows sont conçus pour être annuel­lap­pré­ciables (selon le prin­cipe de la Ganzjahrnutzbarkeit). Vous devrez néan­moins nous pré­sen­ter un pro­jet de vie secon­daire et votre dis­po­si­tion à vil­lé­gia­tu­rer. Nous ne construi­sons en dur que pour la vie molle. Il est impor­tant que vous ne fas­siez rien, ou peu, à la mesure du tout dont nous nous occu­pons.

Comment reconnaître un bungalow ?

Cf. infra.

Un bun­ga­low, il y faut quatre choses qui sont des contraintes-sources et des objec­tifs-cer­ti­fi­ca­tions :
1. un nom nor­mé ;
2. une réponse à « où est la porte ? » ;
3. une fenêtre ;
4. un papier qua­drillé fin ou mil­li­mé­tré.Continuer

Improcédure du 9.1.2018 : « La dif­fé­rence » (dans une cave de la rue Duguesclin, Marseille)

Le didac­tisme à vide est sans cau­tèle
quand il tourne des bras
ce n’est pas pour mimer faire pas­ser du savoir
il ne fait pas les bruits de langue et de sli­de­show du savoir en train de pas­ser
il fait d’au­then­tiques bruits de pos­ca
des cris­se­ments de style sur le rêche de la vie
(la vie pour aujourd’­hui : l’es­poir que s’ex­pli­quer s’explique
sans qu’il faille néces­sai­re­ment suivre).Continuer

τύχη, túkhê : Chance, for­tune, pro­vi­dence.
De τυγχάνω, tug­khá­nô (« se pro­duire », « atteindre un but, une cible »)

Ça se passe au Τύχη (3), où il y a :

  • 1. moins de tentes que de gens ;
  • 2. d’im­menses cou­chants qui laissent diver­se­ment sen­sible ;
  • 3. à faire ;
  • ☌. du coup, peut-être, des sen­si­bi­li­tés à faire.

Fig. 1 : Immense cou­chant. – Fig. 2 : À faire

Des ques­tions de quo­li­bets sont adres­sées à un couple de per­sonnes consti­tué pour l’oc­ca­sion. Ces ques­tions sont des colles cog­ni­tives, des énigmes anthro­po­lo­giques ou des exer­cices d’in­tui­tion. Elles sug­gèrent sou­vent un ordre de réponses exclu­sif ou cli­vant : leur bina­risme consti­tue à la fois les balises et les plots de la conver­sa­tion, ses obs­tacles pra­tiques ; la pola­ri­té de leurs termes défi­nit le champ d’exer­cice du juge­ment.

Placer d’emblée les entre­tiens sous la tutelle d’é­non­cés apo­phan­tiques plus ou moins expli­cites per­met de jouer les intrigues à par­tir des assen­ti­ments, donc aus­si d’in­ter­dire un registre modé­ré de réponse – pyr­rho­nisme, levée dia­lec­tique un peu leste, abs­ti­nence et autres sage­ries.

Quelle est la dif­fé­rence entre un couple et une paire ? Lequel des deux est le plus fonc­tion­nel ? Le plus poli­tique ? Le mieux coor­don­né ? Une paire est-elle for­cé­ment assor­tie ? Est-il plus long d’ac­cor­der une paire ou d’ac­cor­der un couple ? En domaine conju­gal, la notion d’orde­red pair indique-t-elle une hié­rar­chie ou une pré­cé­dence ? Une prio­ri­té opé­ra­toire dans une lutte ran­gée (agon) ou une exclu­sive mani­pu­la­toire dans un com­bat dra­ma­ti­sé (mimi­cry) ?
C’est qui le plus fort ? L’agneau, le chien, le loup, le lion, le renard, le cor­beau, la per­sonne ? Question sub­si­diaire : Qui gagne­rait, le soleil ou dix mil­liards de lions ?
Il existe, en Éthiopie, un peuple, les Dorzé, qui consi­dère que le léo­pard est un ani­mal chré­tien, et qu’à ce titre il res­pecte les jeûnes heb­do­ma­daires de l’Église copte (le mer­cre­di et le ven­dre­di). Pourtant, les Dorzé pro­tègent leurs trou­peaux des attaques de léo­pards tous les jours de la semaine. Pourquoi ?1
Complétez sui­vant le modèle : Le drame de l’a­mour

La comé­die
La tra­gé­die
L’épopée

Quand, com­ment, par quelle pro­cé­dure, sait-on avec cer­ti­tude qu’on n’a plus pied ?
Paul est accu­sé d’a­voir ren­du malade une jeune fille en lui tou­chant les mains. Un pro­cès est orga­ni­sé. Très vite, le reproche réel des juges appa­raît : avoir caché à la com­mu­nau­té des pou­voirs cha­ma­niques qui expliquent l’ef­fi­cace de son geste (ino­cu­la­tion ou conta­gion). Paul nie d’a­bord, puis finit par avouer des dons, four­nit des détails, fait la genèse de leur acqui­si­tion. À l’is­sue de ces aveux, le tri­bu­nal réin­tègre Paul et lui fait pro­mettre de ne plus faire de ses dons un usage néfaste au sein de la com­mu­nau­té. Paul est-il habile ou sin­cère, dupe ou non dupe ?2

Le couple de cir­cons­tance est requis de répondre en paire, de s’apparier effi­ca­ce­ment pour un arrai­son­ne­ment com­mun ou au moins une réponse unique. Le néces­saire appa­rie­ment ne vaut pas pari de conjua­li­té : la paire est tem­po­raire – même s’il n’est pas exclu que s’y gagne une inti­mi­té.

Les enre­gis­tre­ments des conver­sa­tions sont ensuite cou­pés pour ne pas dépas­ser une ou deux minutes, puis mon­tés sur un slot de la Roue Quodlibétale, et dif­fu­sés au hasard des tour­ni­que­ments de celle-ci.

Idéalement (juin 2017)

Les entre­tiens ont lieu :
– en latin tar­dif ;
– hors des tentes.

Les ques­tions de quo­li­bets ont pour objet de for­cer à élu­ci­der les rai­sons per­son­nelles, et pour méthode de prendre au sérieux le quel­conque, et du quel­conque le bon-vou­loir, et du bon-vou­loir le qui-vient (à l’es­prit), et du qui-vient le plai­sant, et du pas déplai­sant le qui-charme (la rai­son et les sens).


Pratiquement (juillet 2017)

Cette micro­lo­gie des rai­sons n’est pas néces­sai­re­ment une traque acri­mo­nieuse ; les entre­tiens quo­dli­bé­taux sont une pra­tique sin­cère, sen­sible, pas jus­ti­cière : le tout-venant d’une réponse intui­tive, le non-cha­loir de sa per­sonne, est mobi­li­sé pour un tout-cha­loir géné­ral, un pan-cha­loir qui, plus ou moins vaillant, déper­son­na­lise.

Que tout importe éga­le­ment sauve ou pèse, ni plus ni moins que le mal pesé, le mal sau­vant, le mal pon­dé­ré des rap­ports per­son­nels. Mais que la conver­sa­tion vaille, achale, assaille jus­qu’au conçu com­mun dont on pour­ra faire un à faire, ou que, pesant d’un poids constant, elle nivelle et finisse par faire se valoir tout le relief per­son­nel du diver­se­ment sen­sible, elle pro­cède d’un vou­loir savoir très-tran­si­tif dont la cha­leur opé­ra­toire a, aura tou­jours, dans le dar­de­ment de son objet, assé­ché le pro­jet mani­pu­la­toire.


Le cha­mane

Couple et paire

C’est qui le plus fort ?

Le léo­pard chré­tien

Le drame de l’a­mour

Avoir pied

Dire que les opé­ra­tions tran­si­tives com­munes pour­raient, sinon sécher d’un coup, chauf­fer jus­qu’au taris­se­ment les pro­jets mani­pu­la­toires, c’est moins dénon­cer qu’il y a du mani­pu­la­toire (ça, c’est un épan­che­ment jus­ti­cier), que faire (sa)voir à sa per­sonne que le mani­pu­la­toire est stag­nant, stag­nant dans la per­sonne.

C’est parce que je crois que c’est clair que je l’ex­plique mal : j’es­saie de me (faire) sen­si­bi­li­ser à ce qui, dans le détail des rai­sons per­son­nelles, dupe ; et pour moi c’est moins les rai­sons que le per­son­nel.

Les rai­sons, là, ne s’in­ter­rogent pas depuis l’en­vie jus­ti­cière de les découdre, de les iso­ler, de les obser­ver dans l’élé­ment, ren­du à sa pure­té, de leur vali­di­té éthique. L’opératoire est enchaî­nant, intri­quant, com­pe­lo­teur. Cherchant les rai­sons, la dis­pute opé­ra­toire ne traque ni les causes ni les inten­tions ; elle admet, comme une règle de son jeu et une condi­tion de sa pro­gres­sion – en un mot, comme une de ses rai­sons – la vali­di­té pra­tique de tels énon­cés, et l’in­va­li­di­té de tels autres. Mais les inva­li­dés per­dus, bou­lés le long des pentes de l’a­no­mie, conti­nuent d’o­pé­rer dans la conver­sa­tion comme d’an­ciens conju­rés écar­tés du pro­jet. Le ter­rain est connu et avec lui le risque de trop vite inva­li­der.

Une série de pour moi issue des sen­si­bi­li­tés com­munes :
La conver­sa­tion eue, c’est
La roue tour­nant, c’est
La roue mon­tée une fois pour toutes, la tente orien­tée en fonc­tion des levants, zéniths, azi­muts, c’est
La roue droite, c’est
Le kit, c’est
La tente pen­chée, c’est
La roue tour­nant, c’est
La per­sonne, c’est
Le hasard, c’est
La roue pen­chant, c’est
La débrouille, c’est
La tente mon­tée, c’est
Se sen­si­bi­li­ser, c’est
Les cou­chants, c’est
Τύχη, c’est un rien per­son­nel, un ter­rain ten­du aux épan­cha­loirs.

  1. Exemple issu de Dan Sperber, Le sym­bo­lisme en géné­ral, Paris, Hermann, 1974. Voici l’ex­pli­ca­tion de Sperber, qui s’ins­crit dans un rai­son­ne­ment plus vaste sur le sta­tut des savoirs tra­di­tion­nel et expé­rien­tiel : « Toute pro­po­si­tion syn­thé­tique en implique et en contre­dit d’autres. Notre connais­sance du monde se construit en arti­cu­lant des pro­po­si­tions selon ces rela­tions, en n’acceptant une pro­po­si­tion qu’avec ses impli­ca­tions, du moins les plus évi­dentes, et en évi­tant de même les contra­dic­tions. L’expérience montre que le savoir ency­clo­pé­dique n’est pas exempt d’incohérences et de contra­dic­tions, mais toute la vie pra­tique dépend d’un effort constant pour les évi­ter ou les cor­ri­ger. Les pro­po­si­tions sym­bo­liques ne sont pas arti­cu­lées de la même manière, et ne font pas l’objet d’un pareil effort. Non qu’elles soient inco­hé­rentes entre elles, mais leur cohé­rence est d’une autre nature, et elles co-existent sans dif­fi­cu­lé avec des pro­po­si­tions ency­clo­pé­diques qui les contre­disent, direc­te­ment ou par impli­ca­tion. Un Dorzé n’est pas moins sou­cieux de pro­té­ger son bétail le mer­cre­di et le ven­dre­di, jours de jeûne, que les autres jours de la semaine. Non parce qu’il soup­çonne cer­tains léo­pards d’être de mau­vais chré­tiens, mais parce qu’il tient pour vrai, et que les léo­pards jeûnent, et qu’ils sont dan­ge­reux tous les jours. Ces deux pro­po­si­tions ne sont jamais confron­tées. Si un eth­no­logue tra­casse un infor­ma­teur avec cette his­toire, celui-ci réflé­chit et pro­pose : les léo­pards ne mangent pas les ani­maux tués les jours de jeûne ou peut-être ne les mangent-ils que le len­de­main. Le pro­blème des grands jeûnes qui durent plu­sieurs semaines, reste à résoudre. Mais pré­ci­sé­ment, l’informateur envi­sage la ques­tion comme une énigme, comme un pro­blème auquel existe for­cé­ment une solu­tion, et qui ne sau­rait être mal posé dans ses pré­misses. Les léo­pards sont dan­ge­reux tous les jours, il le sait d’expérience ; ils sont chré­tiens, la tra­di­tion le lui garan­tit. Il ne cherche pas la solu­tion de ce para­doxe, il sait qu’il en existe une. De même un chré­tien à qui l’ont fait per­ce­voir une contra­dic­tion dans l’Évangile de Saint-Matthieu entre la généa­lo­gie de Jésus, qui des­cend d’Abraham et David par Joseph, et l’affirmation qui suit immé­dia­te­ment, selon laquelle jésus n’est pas le fils de Joseph, ne songe pas un seul ins­tant à remettre en ques­tion l’un des termes du para­doxe et ne doute pas qu’on puisse le résoudre, même si la solu­tion lui échappe. En revanche, si son voi­sin Léon affir­mait des­cendre du roi de France par son père et avouait en même temps être le fils d’un autre, il en ferait des gorges chaudes. Il ne ferait pas grand cas de l’argument, cher aux anthro­po­logues, qui repose sur la dis­tinc­tion entre père et géni­teur. Edmund Leach y fait appel dans le cas de Jésus (Leach, 1966 b : p. 97) mais les édi­teurs de l’Évangile que j’ai sous les yeux pré­fèrent pré­ci­ser en note que l’époux de Marie était aus­si son parent. Seul un mécréant repro­che­rait à Matthieu de ne pas l’avoir dit tout de suite. Un chré­tien sait qu’il y a une bonne rai­son à cela, même s’il ne la connaît pas. »
  2. Exemple tiré de Claude Lévi-Strauss, « Le sor­cier et sa magie » (in Anthropologie struc­tu­rale, “Magie et Religion”, Chapitre IX), publié sous ce titre dans les Temps Modernes, 4e année, n°41, 1949, pp. 3–24 : « Grâce (au jeune homme, ndr), la sor­cel­le­rie, les idées qui s’y rat­tachent, échappent à leur mode pénible d’existence dans la conscience, comme ensemble dif­fus de sen­ti­ments et de repré­sen­ta­tions mal for­mu­lés, pour s’incarner en être d’expérience. L’accusé, pré­ser­vé comme témoin, apporte au groupe une satis­fac­tion de véri­té, infi­ni­ment plus dense et plus riche que la satis­fac­tion de jus­tice qu’eût pro­cu­rée son exé­cu­tion. Et fina­le­ment, par sa défense ingé­nieuse, ren­dant son audi­toire pro­gres­si­ve­ment conscient du carac­tère vital offert par la véri­fi­ca­tion de son sys­tème (puisqu’aussi bien, le choix n’est pas entre ce sys­tème et un autre, mais entre le sys­tème magique et pas de sys­tème du tout, c’est-à-dire le désar­roi) l’adolescent est par­ve­nu à se trans­for­mer, de menace pour la sécu­ri­té phy­sique de son groupe, en garant de sa cohé­rence men­tale. Mais la défense n’est-elle vrai­ment qu’ingénieuse ? Tout porte à croire qu’après avoir tâton­né pour trou­ver une échap­pa­toire, l’accusé par­ti­cipe avec sin­cé­ri­té et — le mot n’est pas trop fort — fer­veur, au jeu dra­ma­tique qui s’organise entre ses juges et lui. On le pro­clame sor­cier ; puisqu’il y en a, il pour­rait l’être. Et com­ment connaî­trait-il d’avance les signes qui lui révé­le­raient sa voca­tion ? Peut-être sont-ils là, pré­sents dans cette épreuve et dans les convul­sions de la fillette trans­por­tée au tri­bu­nal. Pour lui aus­si, la cohé­rence du sys­tème, et le rôle qui lui est assi­gné pour l’établir, n’ont pas une valeur moins essen­tielle que la sécu­ri­té per­son­nelle qu’il risque dans l’aventure. On le voit donc construire pro­gres­si­ve­ment le per­son­nage qu’on lui impose, avec un mélange de rou­blar­dise et de bonne foi : pui­sant lar­ge­ment dans ses connais­sances et dans ses sou­ve­nirs, impro­vi­sant aus­si, mais sur­tout, vivant son rôle et cher­chant, dans les mani­pu­la­tions qu’il ébauche et dans le rituel qu’il bâtit de pièces et de mor­ceaux, l’expérience d’une mis­sion dont l’éventualité, au moins, est offerte à tous. Au terme de l’aventure, que reste-t-il des ruses du début, jusqu’à quel point notre héros n’est-il pas deve­nu dupe de son per­son­nage, mieux encore : dans quelle mesure n’est-il pas effec­ti­ve­ment deve­nu un sor­cier ? “Plus le gar­çon par­lait”, nous dit-on de sa confes­sion finale “et plus pro­fon­dé­ment il s’absorbait dans son sujet. Par moments, son visage s’illuminait de la satis­fac­tion résul­tant de l’emprise conquis sur son audi­toire.” Que la fillette gué­risse après l’administration du remède, et que les expé­riences vécues au cours d’une épreuve si excep­tion­nelle s’élaborent et s’organisent, il n’en fau­drait sans doute pas davan­tage pour que les pou­voirs sur­na­tu­rels, déjà recon­nus par le groupe, soient confes­sés défi­ni­ti­ve­ment par leur inno­cent déten­teur. » Les deux récits – ceux de la dupli­ci­té sup­po­sée des Dorzé et de celle des cha­manes – sont repris par Paul Veyne, Les Grecs ont-ils cru à leurs mythes ? La réfé­rence au « sor­cier de Lévi-Strauss » puise dans le texte cité plus haut, mais dans une autre his­toire, celle de Quesalid, un cha­mane aux trucs expo­sés et qui essaie d’y sur­vivre : « Tels les Dorzé qui estiment à la fois que le léo­pard jeûne et qu’il faut se gar­der de lui tous les jours, les Grecs croient et ne croient pas à leurs mythes ; ils y croient, mais ils s’en servent et ils cessent d’y croire là où ils n’y ont plus inté­rêt. (…) La coexis­tence en une même tête de véri­tés contra­dic­toires (est) un fait uni­ver­sel. Le sor­cier de Lévi-Strauss croit à sa magie et la mani­pule cyni­que­ment, le magi­cien selon Bergson ne recourt à la magie que là où il n’existe pas de recettes tech­niques assu­rées, les Grecs inter­rogent la Pythie et savent qu’il arrive à cette pro­phé­tesse de faire de la pro­pa­gande pour la Perse ou la Macédoine, les Romains truquent leur reli­gion d’État à des fins poli­tiques, jettent à l’eau les pou­lets sacrés s’ils ne pré­disent pas ce qu’il fau­drait, et tous les peuples donnent un coup de pouce à leurs oracles ou à leurs indices sta­tis­tiques pour se faire confir­mer ce qu’ils dési­rent croire. Aide-toi, le ciel t’aidera ; le Paradis, mais le plus tard pos­sible. Comment ne serait-on pas ten­té de par­ler ici d’idéologie ? (…) L’idéologie est un ter­tium quid à côté de la véri­té et des pannes inévi­tables et aléa­toires de la véri­té que sont les erreurs ; c’est une erreur constante et orien­tée. (…) La notion d’idéologie est une ten­ta­tive louable et man­quée pour parer à la légende d’une connais­sance dés­in­té­res­sée, aux termes de laquelle il exis­te­rait une lumière natu­relle qui serait une facul­té auto­nome, dif­fé­rente des inté­rêts de la vie pra­tique. Cette ten­ta­tive abou­tit mal­heu­reu­se­ment à une cote mal taillée : l’idéologie mêle deux concep­tions incon­ci­liables de la connais­sance, celle du reflet et celle de l’opération. Peu frap­pante à pre­mière vue, cette contra­dic­tion est rédhi­bi­toire, si l’on y réflé­chit un ins­tant : la connais­sance ne peut pas être tan­tôt cor­recte et tan­tôt biai­sée ; si des forces telles que l’intérêt de classe ou le pou­voir la dévient quand elle est fausse, alors les mêmes forces opèrent aus­si quand elle dit vrai : elle est le pro­duit de ces forces, elle n’est pas le reflet de son objet. Mieux vau­drait recon­naître que toute connais­sance est inté­res­sée et que véri­tés et inté­rêts sont deux mots dif­fé­rents pour une même chose, car la pra­tique pense ce qu’elle fait. »
Texte

Des kan­gou­rous vivent en auto­no­mie dans la forêt de Rambouillet depuis une qua­ran­taine d’an­nées, après que leurs ancêtres se sont échap­pés d’une réserve. Des amies sont allées à leur recherche. Les kan­gou­rous sont demeu­rés introu­vables mais toute dis­po­si­tion acci­den­telle dans la forêt a pu être inter­pré­tée comme leur trace. Ce texte a été écrit pour accom­pa­gner les tirages cya­no­types de ces pho­tos de kan­gou­rous absents.

La puis­sance végé­tale pré­sente, comme cha­cune des autres puis­sances, treize har­mo­nies. La pre­mière est céleste, ou soli-lunaire ; six sont phy­siques, et six sont morales. Dans les six phy­siques, trois sont élé­men­taires, l’aérienne, l’aquatique, la ter­restre ; trois sont orga­ni­sées, la végé­tale, l’animale et l’humaine. Dans les morales, il y en a pareille­ment trois élé­men­taires, la fra­ter­nelle, la conju­gale, la mater­nelle ; et trois orga­ni­sées ou sociales, la spé­ci­fiante, la géné­rique et la sphé­rique.1

Il n’y a per­sonne à orga­ni­ser. Nous sommes ce maté­riau qui gran­dit de l’intérieur, s’organise et se déve­loppe.2

Tout ani­mal est dans le monde comme de l’eau à l’in­té­rieur de l’eau.3

Tout s’engendre aux inter­sec­tions. Tout se génère à l’abri de son genre. Tout est à la fois satu­ré de géné­ri­ci­té et pro­fon­dé­ment iso­lé. Tout finit par s’échapper de la bau­druche mais pour cela y est entré. Tout arrive rond. Rien ne fait excep­tion.

De tous temps et dans toutes les classes, l’Homme qui rôde autour de nous jusqu’à nous fixer en pro­noms, de tous temps l’Homme fixeur qui nous tient en res­pect dans des per­son­nels (de per­sonne) ou des toniques (d’appui) et qu’il convient d’appeler notre Homme, notre Homme entre­tient le désir de s’échapper sans dis­pa­raître, désir ardent de nature à nour­rir notre Homme mais à la fois le consu­mer.

Cette his­toire s’appelle aven­ture. C’est une Histoire de la Nature. Rien n’y fait défec­tion.

Continuer

  1. Bernardin de Saint-Pierre, Tableau des har­mo­nies de la nature
  2. Comité Invisible, À nos amis
  3. Georges Bataille, Théorie de la reli­gion
Texte

Ce texte a été refu­sé par la revue Espace(s) qui l’a­vait com­man­dé. Cliquer là pour lire pour­quoi.

Se déro­ber avec mau­vaise conscience ; c’est à quoi on recon­naît une ins­ti­tu­tion.1

I L’été der­nier on m’a pas­sé com­mande d’un texte pour la revue de l’Observatoire de l’Espace du CNES.

II La com­mande est venue avec deux PDF :
– des “consignes aux auteurs”, qui détaillent les attentes du comi­té édi­to­rial concer­nant le trai­te­ment du thème du numé­ro (“Espace : lieu d’utopies”) ;
– une fiche per­son­na­li­sée et spé­ci­fi­que­ment adres­sée qui indique une contrainte lexi­cale.

II.i La contrainte lexi­cale est sus­ci­tée par le par­te­na­riat de la revue avec la Délégation Générale à la Langue Française et aux Langues de France, dont la mis­sion est de “garan­tir un droit au fran­çais à nos conci­toyens” en pro­po­sant des termes de souche (c’est-à-dire avant tout pas anglais) pour dési­gner “les réa­li­tés du monde contem­po­rain et ain­si contri­buer au main­tien de fonc­tion­na­li­té de notre langue” (page de la DGLFLF).

II.i.i Chaque année, à l’occasion du Salon de la Fête du Gala de l’Insurrection Francophone, la Délégation pro­pose à des gens – dont, devant la dif­fi­cul­té posée par le nombre de gens dés­œu­vrés jusqu’à la dis­po­ni­bi­li­té, elle délègue le choix au res­pon­sable de la revue Espace(s), qui lui-même le délègue à des middle men de confiance2 – pro­pose donc à des gens mal triés d’écrire à par­tir d’un de ces termes pas anglais dont on recon­naît qu’ils sont fran­çais à ce qu’ils émanent d’une ins­ti­tu­tion qui, fran­çaise, nous veut du bien.

II.i.ii Le vocable qu’on me pro­pose est : ÉMOTICÔNE.

II.i.ii.i :’(

III On m’indique que mon texte sera payé UN BILLET MAUVE à récep­tion.

III.i La somme d’UN BILLET MAUVE est rare, sur­tout au sor­tir de l’été.

IV Je file com­po­ser à Marseille, le cœur enflé d’une peine de cœur, de dif­fi­cul­tés finan­cières et du mauve sou­ci de ma page.

V Dix jours passent, où je me drogue à mon insu.

VI Composé, j’envoie.

VII Je rentre à Berlin. J’attends.

LA REVUE ESPACE(S)

La revue de l’Observatoire de l’Espace du CNES s’appelle Espace(s). Elle “incarne une démarche enga­gée pour favo­ri­ser la créa­tion lit­té­raire et plas­tique à par­tir de l’univers spa­tial.” (site de la revue)

Quelle est la nature de ce qui incarne une démarche ? La démarche c’est le corps est-il un énon­cé miroir de le style c’est l’homme ? Qu’implique un monde où c’est le mou­ve­ment qui sin­gu­la­rise avant le prendre chair ? Le carac­tère téléo­no­mique de ce mou­ve­ment (enga­gée pour) réduit-il la prise de chair à une étape inter­mé­diaire ; si oui, cette étape est-elle néces­saire ou contin­gente ? Si la sub­stance est contin­gente, parle-t-on d’un monde régi par l’accident ? Si le monde d’où nous parle la revue Espace(s) est bien régi par l’accident, qu’est-ce qui en lui pros­crit l’aperception du répé­ti­tif au constant ? Une léga­li­té du miracle per­ma­nent sur un Urgrund com­pré­hen­sif, ou de la soli­tude des faits sur un Ungrund abs­trait ? Du coup d’état per­ma­nent ou du coup de la panne répé­té ?

Je ne le sais pas. Il arrive même qu’on me pro­pose de me payer pour éta­blir ou consta­ter ne pas savoir répondre aux ques­tions que je pose, de me payer avec les mêmes jetons qui servent à payer les retraites, les recon­duites à la fron­tière, toutes sortes de rede­vances et la dette de la dette.

Il arrive que l’Institution me sol­li­cite, m’aborde un peu au hasard mais avec la ferme inten­tion de dépen­ser, pour me regar­der faire sem­blant de me conten­ter ne rien savoir des ques­tions qu’elle me pose.

Qu’en me sol­li­ci­tant elle me démarche ou qu’elle m’engage, il est à noter que c’est tou­jours pour. (Ne rien ten­ter savoir.)

Pourtant la revue Espace(s) a soin de se mon­trer conscien­cieuse et curieuse : sa “volon­té clai­re­ment affi­chée” est “d’élaborer des expé­riences cultu­relles et d’en consi­gner les résul­tats.” (site de la revue)

En un sens c’est aus­si ma volon­té, son pro­gramme, leur affiche.
C’est là en un sens ma démarche, son corps, leur enga­ge­ment.

Mais, déjà, il tito­lo è cre­ti­no3. Déjà le titre, Espace(s), avec l’afféterie du (s), est insup­por­ta­ble­ment cré­ti­naud. Déjà le petit pour-la-route de la plu­ra­li­té des mondes est nigaud, fat et nigaud. Déjà le pauvre petit “s” empa­ren­thé­sé annonce la bonne volon­té (scoute), l’accolade (mis­sion­naire), l’ouverture (ins­ti­tu­tion­nelle).

TOUS LES (S) SONT DES PRISONNIERS POLITIQUES.

En ouvrant et fer­mant la paren­thèse autour du pauvre petit s de la plu­ra­li­té des mondes, la revue du CNES signi­fie sa volon­té d’ouverture à d’autres espaces que celui qui capi­ta­li­sé consti­tue son objet, notam­ment son ouver­ture à l’Espace Littéraire (fer­mé).

La suite montre ce qu’on aurait dû voir si on avait su lire : qu’une volon­té clai­re­ment affi­chée s’appelle d’abord vel­léi­té, et que ce qu’en pre­mier lieu veut la revue Espace(s) c’est au calme être vue vou­lant4, comme on peut par­fois s’égarer à pré­fé­rer à dési­rer être consta­té dési­rant.

La revue Espace(s) veut, par exemple, être vue vou­lant résis­ter aux cli­chés, tra­vailler aux lisières, bra­ver les assi­gna­tions :

Dans chaque ouvrage, l’enjeu est de déjouer l’entrée sym­bo­lique qui pré­do­mine sou­vent notre rap­port à l’Espace. Si le pou­voir d’attraction et de fas­ci­na­tion du milieu spa­tial ne peut être nié, l’objectif de l’Observatoire de l’Espace à tra­vers la revue Espace(s) est, comme le dit son res­pon­sable de la rédac­tion Gérard Azoulay, de “bâtir une métho­do­lo­gie des­ti­née à faire per­ce­voir que nous sommes autant habi­tants de l’espace qu’habités par lui, et donc in fine d’abolir cette par­ti­tion fic­tive”. (site de la revue)

En dépit du gad­get de la poro­si­té dia­thé­tique5 et mal­gré un soup­çon jamais levé sur toute idée d’habi­ta­tion6, le pro­gramme du res­pon­sable de la revue m’arrête et me met au tra­vail, sur­tout pour ce qu’il fait dis­pa­raître la capi­tale d’espace, trou­blant les méto­nymes.

« NOUS SOMMES UNE INSTITUTION ET D’AILLEURS J’ASSUME »

VII Je rentre à Berlin.

J’attends.

(Il y a un pro­blème ?)

VII.i Il y a un pro­blème.

VII.ii Poème votif de fin d’attente
Ma démarche
sus­pen­due à son
Corps
en
gage-
Moi
uni
vers
ce qui (s’) espace.

VIII L’attente prend fin alors que je négo­cie un décou­vert au gui­chet de la Volksbank, par un coup de fil du com­man­di­taire,

VIII.i coup de fil inter­rom­pu par un vigile migrai­neux dont je ne retiens que cette phrase : “Nous sommes une ins­ti­tu­tion et d’ailleurs j’assume.”

VIII.i.i (La phrase est du coup de fil du com­man­di­taire, pas du vigile dont le coup de fil dans le lob­by de la banque aug­men­tait la migraine.)

VIII.i.i.i (Le vigile jus­ti­fie en des termes tout autres mon évic­tion du lob­by : ce n’est pas le lieu et d’ailleurs il a une migraine.)

VIII.i.ii “Nous sommes une ins­ti­tu­tion et d’ailleurs j’assume” est une phrase du res­pon­sable édi­to­rial de la revue Espace(s) et d’ailleurs de la revue Espace(s) elle-même en tant qu’elle est, d’ailleurs, l’Observatoire du Centre National d’Études Spatiales.

VIII.i.ii.i Phrases de ser­vice, comme corps pris dans démarche ano­dine,
au coeur des contra­dic­tions de l’engagement
de ce qui, contin­gent, cherche son néces­saire d’allant.
Et la véri­té est ici d’ailleurs – elle dode­line

IX Nous remet­tons ce qui reste à se dire à un coup de fil du len­de­main, dont j’ai un sou­ve­nir plus pré­cis.

IX.i (Par sou­ci de briè­ve­té, j’ai repro­duit infra de ce coup de fil l’esprit, sa teneur, leurs mots.)

X En résu­mé, le com­man­di­taire pro­pose d’amputer le texte de tout ce qui :
A. cri­tique la Délégation Générale à la Langue Française, un par­te­naire ins­ti­tu­tion­nel qu’il ne s’agit pas d’of­fen­ser ;
B. cri­tique les termes mêmes de la com­mande en don­nant à la fiche ÉMOTICÔNE une impor­tance gro­tesque.

X.i Le pro­blème de ces amé­na­ge­ments, c’est qu’ils dépouillent mon dis­po­si­tif d’au moins deux de ses agents.

X.i.i En effet, un des objets du texte est l’in­ter­ro­ga­tion des mis­sions, des fonc­tions et de la logique de ces fonc­tions : com­man­di­taire vou­lant-être-vu-ouvrant, bar­bons du fran­çais-de-droit, poète licen­cieux requis par la science, scien­ti­fique strict-par­leur. Or les deux pre­miers sont, dans la ver­sion amen­dée, évin­cés.

X.ii Mais curieux d’assister jusqu’au bout à la jus­ti­fi­ca­tion au je de l’homme de lettres d’une coupe franche au nous de la rai­son ins­ti­tu­tion­nelle, je fais ma plus belle algue et obtiens que mon inter­lo­cu­teur sta­bi­lote les pas­sages “qui ne vont pas” (cf. X. A. & B.).

GAMBERGE SUR LES INTENTIONS

XI Ayant besoin du BILLET MAUVE et d’ailleurs pas envie de prê­ter le texte au caviar­dage, se pose à moi la bonne vieille ques­tion poli­tique, pra­tique, éthique :

QUE FAIRE ?

XI.i (Question brû­lante de ma démarche, son corps, notre mou­ve­ment.)

XI.ii Je me la pose sérieu­se­ment ; d’abord parce que ça me fait jouir, ensuite parce que l’inconfort qu’il y a à y consa­crer du temps n’é­gale pas l’an­goisse qu’il y aurait à consta­ter avoir trai­té un dilemme pra­tique, éthique, poli­tique, comme un chien fout sa merde.

XI.iii Mes amis ber­li­nois et mon amie N., bien plus cas­seurs que moi, m’en­gagent à

1 accep­ter une publi­ca­tion caviar­dée,

2 empo­cher les thunes,

3 publier ensuite la ver­sion inté­grale, ailleurs.

XI.iii.i Je les entends sur un point : refu­ser l’arrangement et la thune qui va avec teinte néces­sai­re­ment le refus d’un “héroïsme du cen­su­ré” typi­que­ment petit-bour­geois. Et qui ferait de ce refus l’estrade d’une per­for­mance de radi­ca­li­té ne pour­rait que faire voir sur cette estrade aus­si une per­for­mance de classe.

XI.iii.ii Mais leur prag­ma­tisme émeu­tier m’est étran­ger. Mon tam­bour éthique tourne à 1000rpm, déjà, c’est trop tard, la ques­tion est posée en conscience.

XI.iii.ii.i En conscience, pour­quoi accep­ter de sup­pri­mer les réfé­rences à la Délégation ? La cri­tique douce d’une léga­li­té interne des langues ins­ti­tu­tion­nelles n’est rien à côté du pro­gramme de ces com­mis­sions – typique des organes répu­bli­cains en leurs mani­fes­ta­tions colo­niales (« garan­tir » à des gens qui s’en tapent quelque chose dont ils n’ont pas besoin, au nom de prin­cipes qui leur sont étran­gers).

XI.iii.ii.ii En conscience, pour­quoi accep­ter de sup­pri­mer ce qui dis­cute les termes du com­man­di­taire ? Celui-ci peut bien consi­dé­rer la fiche ÉMOTICÔNE ano­dine (“c’est un simple docu­ment de tra­vail qui n’exprime pas une posi­tion de la revue”), elle reste le maté­riau à par­tir duquel il m’é­tait deman­dé de tra­vailler. Bien que mon texte en exa­gère l’im­por­tance (dans un dis­po­si­tif expli­ci­te­ment pisse-froid qui fait conver­ser les mis­sions et les formes d’in­ter­ces­sion), je n’en­freins en rien, ce fai­sant, les consignes du comi­té.

XII.iv Si j’accepte le caviar­dage, je laisse irré­so­lue la ques­tion éthique ; or pour qui se sou­cie d’éthique (et on n’est vrai­ment pas obli­gé), cette irré­so­lu­tion est un bou­let sur la voie de l’ataraxie (ques­tion pra­tique ; réponse stoï­cienne).

XII.v Si j’accepte, je me main­tiens encore dans une posi­tion inadé­quate, sacri­fiant à une éthique du rachat (le cachet qui com­pense), ren­dant plus visible (à mes propres yeux d’a­bord) cette inadé­qua­tion (ques­tion éthique ; réponse spi­no­zienne).

XII.vi La réponse la plus radi­ca­le­ment poli­tique à la ques­tion m’est don­née par mon ami L., le plus évi­dem­ment radi­cal de tous mes amis. Elle se jus­ti­fie via Diogène – le plus évi­dem­ment etc. – : si j’ai l’oc­ca­sion de dépos­sé­der un puis­sant de son fétiche, je ne dois pas m’en pri­ver. Mais c’est à la seule condi­tion de pié­ti­ner ensuite devant lui ce fétiche.

XIV.vi.i Accepter, donc, le caviar­dage, mais ensuite : brû­ler la thune.

XII.vi.i.i Un brin dra­ma­tique, et pas tou­jours lisible.

XII.vi.i.i.i D’autant que je ne suis pas sûr que le fétiche soit tant dans ce cas le bif­ton que la pré­ro­ga­tive édi­to­riale sur le lit­té­raire ou le poé­tique. Et le der­nier mot de la rai­son ins­ti­tu­tion­nelle.

XII.vii J’opte fina­le­ment pour la méthode Keyser Söze, sug­gé­rée par mon amie A. : il a com­man­dé, j’ai livré, il raque et ferme sa gueule – s’il vou­lait des fleurs sur le paquet, il fal­lait deman­der des fleurs sur le paquet.

XII.vii.i Or le com­man­di­taire n’a pas deman­dé de fleurs sur le paquet. Il a même plu­tôt inci­té à ce qu’on pour­rait appe­ler foutre la merde : « Humour✓, iro­nie✓, aci­di­té✓, et même méchan­ce­té✓ ou vio­lence✓, prise de risque for­melle✓, ouver­ture du sens✓, atten­tion aux détails✓, au quo­ti­dien✓, au maté­riau ver­bal spé­ci­fique✓, sont des voies pos­sibles pour s’éloigner des ten­ta­tions de for­mules trop gran­di­lo­quentes quand l’Espace est en jeu. » (Consignes aux auteurs, « Lignes édi­to­riales », coches miennes).

XII.vii.i.i Mais voi­là, avec le com­man­di­taire ins­ti­tu­tion­nel c’est comme avec les syn­di­cats : quand, le plus ardem­ment conscien­cieu­se­ment minu­tieu­se­ment pos­sible, on se met, croyant répondre à leur appel, à foutre la merde, c’est tou­jours une fin de non-rece­voir, parce qu’on n’avait pas bien com­pris, c’était pas comme ça qu’il fal­lait entendre foutre, la, et merde.

XII.vii.i.i.i Et merde. Motto oppo­sable : c’est en la fou­tant mal, la merde, qu’on tape là où ça le fait, mal.

XIII Je reçois les pro­po­si­tions de caviar­dage et ren­voie poli­ment :

1 non, vrai­ment, le texte ampu­té perd toute sa per­ti­nence ;

2 voi­ci m’IBAC et BIN de bank, et faise abou­ler thune, cen­time endis­tin­gué.

XIV On m’informe en réponse que je tou­che­rai 250 roros pour le tra­vail d’écriture, mais que l’autre moi­tié du mauve aurait cor­res­pon­du à l’achat exclu­sif des droits du texte,

XIV.i ce à quoi je me serais de toute façon oppo­sé.

XIV.ii À une amie qui me fait remar­quer ce qu’il y a de radi­cal dans l’option choi­sie, je réponds que c’est, en dépit de son nom, pro­ba­ble­ment la moins radi­cale de toutes, parce que A. Elle est légale (je ne fais pas sem­blant de céder les droits pour ensuite repro­duire le texte) ; B. Elle mène au meilleur com­pro­mis pos­sible (droits de repro­duc­tion pré­ser­vés donc pos­si­bi­li­té pré­ser­vée de la pré­sente expo­sure ; thunes en moins mais pas rien non plus).

XV Finalement on n’apprend rien d’autre de cette para­bole que ce qu’on savait déjà :

  • l’Institution existe ;
  • de l’institution existe plus den­sé­ment dans l’Institution qu’ailleurs ;
  • de l’institution n’est pas éga­le­ment répar­tie (et si “il y a de l’institution par­tout et qui est dis­tri­buée en nous-mêmes”, elle est prin­ci­pa­le­ment dis­tri­buée en cer­tains lieux et cer­tains nous);
  • que l’Institution engage ou démarche, elle ne s’adresse jamais à autre qu’à elle-même ;
  • la capi­tale d’Institution n’est pas une capi­tale d’essence mais ;
  • la capi­tale d’Institution cha­peaute des logiques ins­ti­tu­tion­nelles, une rai­son ins­ti­tu­tion­nelle, une con-spi­ra­tion ins­ti­tu­tion­nelle, une visi­bi­li­té, une tan­gi­bi­li­té, une intel­li­gi­bi­li­té des objets éma­nés de ou sus­ci­tés par l’Institution qui débordent l’Institution – débordent sur les Personnes (et dans l’engagement comme dans le ser­vice, la per­sonne perd en géné­ral);
  • la visi­bi­li­té, la tan­gi­bi­li­té et l’intelligibilité ins­ti­tu­tion­nelles ne dif­fèrent pas signi­fi­ca­ti­ve­ment de celles de la mar­chan­dise (visi­bi­li­té de la recon­nais­sance, tan­gi­bi­li­té de la vali­da­tion, intel­li­gi­bi­li­té indexée);
  • que l’Institution fasse un usage du droit d’auteur confis­ca­toire des objets qu’elle consacre (achat exclu­sif) ne fait que rendre expli­cite le type de valo­ri­sa­tion de ces objets et pour tout dire le genre de féti­chisme sur les­quels repose toute éco­no­mie ins­ti­tu­tion­nelle.

Bonus :

I. GAMBERGE SUR LES INTENTIONS

Qu’est-ce que la vie des humains une image de la déi­té
Évoluant sous le ciel, tous les ter­riens
voient celui-ci. Mais lisant pour ain­si dire, comme
Dans une écri­ture, les humains ils imitent
l’infini et le pro­fus.

Friedrich Hölderlin7

1 Le texte qu’on me pro­pose d’écrire pour la revue Espace(s) doit inté­grer deux contraintes : celle, thé­ma­tique, qui gou­verne à ce numé­ro (« Espace : lieu d’utopies ») ; celle, lexi­cale, qui place chaque auteur sous la tutelle d’un vocable.

2 La contrainte thé­ma­tique est sus­ci­tée par la pers­pec­tive, à (très) moyen terme, de l’établissement de colo­nies extra­ter­riennes, en tant que cette pers­pec­tive retrempe le carac­tère uto­pique des rap­ports à l’Espace.

2.1 L’Espace, au sens méri­tant capi­tale, s’entend comme ensemble des espaces situés au-delà du ciel des humains.

3 La contrainte lexi­cale est sus­ci­tée par le par­te­na­riat de la revue avec la Délégation Générale à la Langue Française et aux Langues de France, dont le but est de “garan­tir à nos conci­toyens un droit au fran­çais”.

La délé­ga­tion géné­rale coor­donne un dis­po­si­tif de dix-huit com­mis­sions spé­cia­li­sées de ter­mi­no­lo­gie, char­gées de pro­po­ser des termes fran­çais pour dési­gner les réa­li­tés du monde contem­po­rain et contri­buer ain­si au main­tien de la fonc­tion­na­li­té de notre langue. (site de la DGLFLF, rubrique “Nos prio­ri­tés”)

4 Tous j’imagine son­geons fixant le ciel aux espaces qui le dépas­sant nous dépassent ; tous par­ta­geons cha­cun sa jargue l’aspiration de la langue fran­çaise sous sa tutelle répu­bli­caine : un main­tien de fonc­tion­na­li­té dans
le monde contem­po­rain

4.1 Je nous crois tous concer­nés à tous termes par ce qui nous dépas­sant nous attire et par ce qui nous peu­plant nous main­tient.

4.2 J’ai moi-même pour le ciel au-des­sus de moi et la langue en moi un sou­ci qui va de la consi­dé­ra­tion à la sidé­ra­tion.

Continuer

  1. Paul Veyne, Comment on écrit l’his­toire, Paris : Le Seuil, 1971, p. 271
  2. Mon inter­mé­diaire s’ap­pelle David Christoffel.
  3. « Déjà le titre est insup­por­ta­ble­ment cré­tin. Sa cré­ti­ne­rie est un chan­tage, parce qu’elle implique une sorte de com­pli­ci­té dans le mau­vais goût, et parce qu’elle est impo­sée au nom d’un confor­misme que la plus grande majo­ri­té accepte. » (P. P. Pasolini, « Déjà le titre est cré­tin », Contre la télé­vi­sion)
  4. J’emprunte cette expres­sion à LL de Mars, dans son Dialogue de morts à pro­pos de musique
  5. Pas que cette poro­si­té ne puisse pas être féconde, mais elle est sou­vent gad­gé­tique parce qu’incantatoire, ça jusque par chez les Amis : “Le monde ne nous envi­ronne pas, il nous tra­verse. Ce que nous habi­tons nous habite.”
  6. Le trope de l’habitation, en poé­sie, pro­cède essen­tiel­le­ment d’une lec­ture hei­deg­ge­rienne de deux vers de Hölderlin :
    Voll Verdienst, doch dich­te­risch,
    woh­net der Mensch auf die­ser Erde
    (Plein de mérite, pour­tant poé­ti­que­ment,
    l’humain habite sur cette Terre)
    Les ver­sions fran­çaises, en géné­ral, tra­duisent woh­net par l’usage tran­si­tif direct du verbe habi­ter, et Erde (Terre) par monde. Le trope se dit ain­si en géné­ral : habi­ter poé­ti­que­ment le monde ou habi­ter le monde en poète. La lec­ture de Heidegger, repré­sen­ta­tive à cet égard de tout un pan de sa pen­sée, flatte la poro­si­té dia­thé­tique du verbe habi­ter dans son usage tran­si­tif direct en fran­çais : j’habite une mai­son (actif) / le doute m’ha­bite ou je suis habi­té par un sen­ti­ment (pas­sif). Pourtant en alle­mand ce double-sens est absent : être habi­té par le doute se tra­duit avec le verbe beherr­schen : je suis diri­gé, régi, contrô­lé, par le doute (c’est d’ailleurs un des sens pos­sibles de l’étymon latin habeo qui donne habi­ter). Mais Heidegger abuse autre­ment des res­sources propres de la langue alle­mande, dans un texte qui la consacre comme seule langue – après le Grec Ancien – de la phi­lo­so­phie. Pour résu­mer : le degré de l’écoute, dans sa cor­res­pon­dance avec le verbe poé­tique, seul verbe authen­tique, est fonc­tion de la qua­li­té de l’habitation. Cette équa­tion n’est vrai­ment lisible que dans la ver­sion ori­gi­nale, où la den­si­té de jeux de mots de vieil oncle est excep­tion­nelle : spre­chen / zus­pre­chen / ents­pre­chen (par­ler / attri­buer / répondre-cor­res­pondre), hören (auf) / zuhö­ren / gehö­ren (entendre / écou­ter (obéir) / appar­te­nir). Jusqu’au fameux : Eigentlich spricht die Sprache. Der Mensch spricht erst und nur, inso­fern er der Sprache ents­pricht, indem er auf ihren Zuspruch hört. (“En réa­li­té c’est la langue qui parle. L’homme ne parle que dans la mesure où il répond à (ents­pre­chen : répondre à une norme, être à la mesure, se mettre à l’échelle de la langue), en ce qu’il obéit à son assi­gna­tion (Zuspruch, aus­si : attri­bu­tion))”. (Sur les jeux d’étymons chez Heidegger, cf. G.-A. Goldschmidt, Heidegger et la langue alle­mande). Le trope de l’habitation poé­tique est plus lar­ge­ment sus­pect, après l’hermétisme ger­main de Heidegger, d’une recon­duc­tion de ses par­ti­tions : poé­ti­que/­non-poé­tique est lar­ge­ment super­po­sable à la divi­sion de Sein und Zeit entre authen­tique et inau­then­tique. Habiter poé­ti­que­ment revient en fin de compte pour Heidegger à être vrai­ment, de plain pied (retour à un bauen (“bâtir”) anhis­to­rique, éty­mo­lo­gi­que­ment for­mé à par­tir du bin de ich bin (je suis) qui s’entend dans l’articulation “bâtir, habi­ter, pen­ser”). Au jeu de l’étymologisme, on pour­rait tout aus­si bien, côté latin, fon­der une onto­lo­gie modale, une éthique radi­cale à par­tir du verbe latin habi­tare, fré­quen­ta­tif d’habeo (signi­fiant donc “avoir sou­vent”).
  7. Was ist der Menschen Leben…, début



TapTapSee est une appli­ca­tion pour aveugles qui décrit les pho­tos prises par un télé­phone dans le but d’en iden­ti­fier les objets. Instrument d’en­quête foren­sique, TapTapSee, peut-être parce que ses énon­cés semblent mal tra­duits de l’an­glais, a une pré­di­lec­tion pour l’ar­ticle défi­ni par lequel les objets sont pris sous le joug du régime de la preuve. Et pour cause : un feu de joie est volon­tiers appré­hen­dé dans les termes du trai­te­ment média­tique de la catas­trophe (l’homme et la femme sur le lieu d’in­cen­die) – et quand ça n’est pas le cas, la tra­duc­tion lit­té­rale de l’an­glais est pro­pre­ment catas­tro­phique (les per­sonnes ayant feu pen­dant la nuit).

La sus­pi­cion s’é­tend aux sujets de ces pho­tos ; TapTapSee les appelle « per­sonne » (per­sonne déte­nant ins­tru­ment à cordes poin­tage sur autre per­sonne à proxi­mi­té lave-linge), terme d’as­pect plus neutre que l’indi­vi­du des rap­ports poli­ciers, mais terme his­to­rique de la pro­cé­dure judi­ciaire consti­tuant l’u­ni­té du comp­table (du recen­sable et du res­pon­sable à la fois) et jus­ti­fiant – moins sur le modèle hypo­sta­tique que sur celui d’un sujet super­hub, plate-forme d’at­tri­bu­tions diverses – le dis­cret admi­nis­tra­tif et pénal à l’âge du libre-arbitre1.
Continuer

  1. Sur la « per­son­ni­fi­ca­tion du sujet », la théo­rie lockéenne de la per­sonne et ce que l’au­teur appelle « attri­bu­ti­visme* », cf. Alain De Libera, Archéologie Du Sujet, vol. II, par­ti­cu­liè­re­ment le cha­pitre 5 : « Identité judi­ciaire et sub­jec­ti­va­tion ».