– Tu serais d’ac­cord pour inter­ve­nir depuis le public avec ta source-propre ?
– Oui mais ampli­fié quand même ?
– Tout à fait : source-propre.

Nous avons pen­sé que tu pour­rais inter­ve­nir, pen­dant le concert, depuis ta source-propre, comme com­mu­ta­teur ou mem­brane vibra­tile entre l’élé­ment concer­tant de l’événement et son élé­ment célé­brant, mais non concer­tant.

Ni plein l’un des deux ni béant d’au­cun, pas non plus zélé poso­logue (sty­liste, bar­ten­der)
tu n’in­cites ni n’empêches, ne mobi­lises ni n’exo­nères, assumes une fonc­tion mais
pas spé­cia­le­ment, veux-neux
déci­dé mais sans sous­crip­tion
ni au motif
de la red­di­tion dans la fête,
ni au prin­cipe exclu­sif du “nous” de l’Amicale
(te vois sous­trait aux guerres d’égards qui sculptent les com­mu­nau­tés d’events).

Idéalement démi­né donc
et depuis cette tran­chée dia­thé­tique où rien pas
même la désin­vol­ture n’est select, tu inter­viens
inter­mit­tem­ment sous ta source-propre, chaque fois là
cres­ta­tion sponte sua d’un truc
rond
de ses récal­ci­trances
qui res­pire par imbi­bi­tion < > des­sic­ca­tion
(et de ces mou­ve­ments pas sûr de
duquel l’aug­mente).

Après c’est tout un jeu d’u­sages avec ta source-propre (silence, satu­ra­tion,
degré de théâ­tra­li­té, de gêne, de facé­tie,
bou­din de porte ou vent cou­lis,
croûte ou mie de la for­ma­tion,
pen­dule de ses ten­dances au bart­le­bien
et à l’in­dus­trieux).

Imaginons-toi bou­lé dans un coin, sous l’orgue par exemple,
armé de ta seule source-propre,
et comme poi­gnant entre ou dans les chna­sons pour dire ou rien dire, idéa­le­ment
à ce degré d’empirisme atteint par les grands singes dans l’ef­fort au treat
ou les démê­lants d’é­cou­teurs
stress­tests cog­ni­tifs déréels, très zie­lo­rien­tiert
moments de dému­ni­tion où la source occupe à ce point
que son propre n’est plus tant dans fluer
que dans un ins­tress hyper­dense, pres­sion­nant son objet par tout ce qui chez lui fait
pore, prise, ter­mi­nal synap­tique –
une sel­va­tion par absorp­tion.

giphyBien qu’il faille gar­der à l’esprit que ce que nous appe­lons source-propre aujourd’­hui n’a guère à voir avec ce qui s’est appe­lé source-propre pen­dant des mil­lé­naires, nous avons pen­sé à toi pour une inter­ven­tion depuis source-propre, car tu nous as sem­blé le plus moderne inter­prète de ta source-propre.

Bien sûr, tu n’es pas le mieux pla­cé pour juger de la puis­sance ou de l’im­puis­sance de ta source-propre, mais que ça ne t’empêche pas
D’INTERVENIR car crois-nous-toi on y gagne tou­jours ; une inter­ven­tion entre nous est un jeu où tous sont en che­ville, au lieu qu’en boule cha­cuns sont en che­ville avec soi-mêmes et c’est tout de même plus drôle, plus mar­rant, mieux – entre amis entre célé­brants entre concer­tants – d’être tous en che­ville en même temps plu­tôt que cha­cuns iso­lés rata­ti­nés en soi.

Interviens quand tu veux, mais tou­jours de ta source-propre. Prends cette fidé­li­té absurde comme un exer­cice de mys­tique inverse : fan­tôme astreint, à force de vau­trades, à se consi­dé­rer de plus en plus pro­bable.

En août 2016, chez des ami·es ayant invi­té des ami·es qui m’é­taient soit ami·es soit ami·es d’ami·es for­mant au mieux com­mu­nau­té au moins inter­gens dense, j’ai ten­du un fil entre deux arbo­lustes, auquel j’ai lais­sé pen­douiller d’autres fils. Les deux arbo­lustes étaient de robus­tesse moyenne étant moyens en taille selon les stan­dards nature mais faits de ce bois d’arbre carac­té­ris­tique du règne arbo­lant. L’objet mul­ti­fi­laire s’appelle qui­pou par conven­tion d’Incas. Il a pré­ten­du à cette ordi­na­ri­té du bois d’arbre. Il a assu­mé pour la com­mu­nau­té ou l’intergens une dose de géné­ri­ci­té qui devait l’en sou­la­ger, la sou­la­ger (la com­mu­nau­té) d’avoir à s’y (dans la com­mu­nau­té) recon­naître en dehors de ce qu’en (de la com­mu­nau­té) figu­re­rait le qui­pou.

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Un qui­pou est un ensemble de cor­de­lettes de cou­leurs variées, dont la réunion, l’a­gen­ce­ment, la com­bi­nai­son des fils étaient uti­li­sés par des Incas pour se rap­pe­ler les dates et faites et inten­si­tés impor­tantes dans la com­mu­nau­té.

 

 

Les noeuds sont à la fois des rap­ports de cour des comptes et des poèmes épiques, mais en tout cas pas déve­lop­pés. En ce sens le qui­pou est à la fois un registre admi­nis­tra­tif – s’y indiquent les tri­viaux de tout groupe qui sont sou­vent aus­si ses vitaux – et un légen­dier com­mu­nau­taire qui noue du déci­sif sur la corde de chaque moment, fait de tout pipi, de toute baise, tout hoquet, tout scan­dale, tout état d’ur­gence sen­ti­men­tal, toute bles­sure contrac­tée lors des débrous­saillages un moment clé du récit épique. Le qui­pou épi­cise à l’a­ve­nant. Le qui­pou mani­feste une confiance pro­pi­tia­toire dans l’in­ter­gens.
Continuer

C’est pen­dant le béchage que le jeune reçoit sa pre­mière édu­ca­tion, car dès ce moment la mère et ses oisillons conversent et l’on dit alors des jeunes qu’ils chantent en coquilles. Le jeune sort tout mouillé de sa coquille et pen­dant vingt-quatre heures reste sous la mère pour se sécher. C’est la période du séchage. Le jeune non encore adulte s’ap­pelle aus­si pouillard.

La per­drix piète quand elle fuit à pied sans voler, mais si elle vole au ras du sol, on dit qu’elle rase.
Lorsqu’une poule per­drix qui a pon­du voit ses œufs détruits ou dis­pa­rus par un fait quel­conque, elle recom­mence une autre ponte et cela s’ap­pelle un reco­que­tage. Quand les per­dreaux suivent leurs parents sans pou­voir encore voler, ils sont à la traîne. Si la per­drix se cache der­rière une motte de terre, cette action s’ap­pelle s’a­mot­ter.

La femelle appelle le mâle par son chant spé­cial et on lui donne à ce moment le nom de chan­te­relle, en disant d’elle qu’elle rap­pelle. D’une per­drix accou­plée, on dit qu’elle est adouée.

(Cynégétique de la per­drix par un expert en agri­cul­ture (chasse, gibier) près les tri­bu­naux.)

Savoir par qui on est chas­sé, et com­ment, passe peut-être par débus­quer dans la langue des assi­gna­tions poli­tiques ces indi­ca­tifs cyné­gé­tiques qui natu­ra­lisent les formes de vie, en déter­minent les rythmes, en scandent l’exis­tence par la dis­cré­ti­sa­tion des actions et des atti­tudes, n’en consi­dèrent que ce qui a trait à la crois­sance ou la repro­duc­tion : on dit de lui qu’il chante en coquille, on dit d’elle qu’elle est à la traîne ; c’est la période du séchage ; on dira d’eux qu’ils ont adoués ; on fera remar­quer que celui-ci rase tan­dis que celle-là reco­quette.

L’opération par laquelle un lexique emprun­té aux patois se conserve intact et s’entretient comme langue de cour (à la fois d’expertise et de conni­vence) est à mettre en regard de celle par laquelle la langue tri­bu­nale, inepte à dia­lec­ti­ser, trouve à s’affermir mira­cu­leu­se­ment dans l’égrènement des faits et le sen­ten­cieux des sen­tences.

Le mono­pole du feu seul offre aux chas­seurs une vue flat­teuse sur un monde ran­gé comme un dio­ra­ma, tenu en res­pect dans ce genre de léga­li­té orga­nique qui fait les his­toires natu­relles, avec leurs misé­rables taxons : « agri­cul­ture (chasse, gibier) ».

Quand les petits s’é­co­quillent seuls, on dit qu’ils cassent. Quand ils cessent de se cacher pour sur­gir en nombre des mottes, ce mou­ve­ment s’ap­pelle l’é­motte.

 

vignette parue dans la revue Hex et dif­fu­sée sous forme de tract

Le 30 avril der­nier, pour Artichoke, une rea­ding series per­li­noise, Nathalie Quintane a lu un texte inti­tu­lé On va faire quelque chose qui ne se ver­ra pas dans un endroit où il n’y a per­sonne. Traduit en ENG et DE et cou­ché sur PDF, for­mat de pro­prié­taire, le texte est aug­men­té d’une intro­duc­tion (repro­duite ci-des­sous) et d’un appa­reil de notes qui ne manquent pas de pro­duire leur petit effet French Civ 101. Claquer l’img pour accéd àl” pdf.

artichoke 4 cover-final

La France, autre­fois, c’é­tait un nom de pays ; pre­nons garde que ce ne soit, en 1961, le nom d’une névrose.

Sartre, pré­face aux Damnés de la Terre de Fanon

Le 8 mai 1945, la France célèbre la fin de la Guerre. À Sétif (Algérie), les célé­bra­tions prennent la forme d’é­meutes indé­pen­dan­tistes dont la répres­sion fait pour cette seule jour­née plu­sieurs mil­liers de morts. Le jour-même où la France éter­nelle célèbre une nou­velle vic­toire des Lumières sur la bar­ba­rie, elle pour­suit l’air de rien une mis­sion civi­li­sa­trice dont la légis­la­tion et les méthodes ont ins­pi­ré tous les fas­cismes (ain­si du code de l’in­di­gé­nat de 1881, pre­mier « état d’ex­cep­tion » décré­té par la République, qui ins­taure une citoyen­ne­té de second rang et auto­rise les sanc­tions col­lec­tives et les dépor­ta­tions à l’é­cart du droit métro­po­li­tain). En Algérie comme en métro­pole, les méthodes contre-insur­rec­tion­nelles repren­dront les méthodes pro­to­gé­no­ci­daires : liqui­da­tions, tor­tures, corps jetés dans la Seine ou entas­sés au stade.

C’est cette per­méa­bi­li­té his­to­rique et la poro­si­té des mémoires en charge de cette his­toire que le texte de Nathalie Quintane ici publié explore, s’ap­puyant sur un cor­pus de paroles dont l’o­ri­gine par­fois obs­cure ne fait que sou­li­gner qu’elles appar­tiennent à l’air du temps, un air de rien, une petite musique sug­ges­tive qui entre­tient des rap­port étroits avec le style fran­çais, celui qui jouit, au bou­doir comme au comp­toir, de n’être jamais uni­voque. Celui qui, par­lant à “tous”, s’adresse à cer­tains.Continuer

Texte

This text is an ENG ver­sion of PAM552 book­let. It has been trans­la­ted by LottoThiessen, Joel Scott and Marty Hiatt for Artichoke 4.

dep1

dépa­touiller qqch : to cope with sth, to manage sth
se dépa­touiller : to disen­tangle one­self

- Get up and walk. Dépatouille is a game for two players, in which A gives B orders that should lead her to com­plete a simple action (stand, walk, drink a glass of water…). The constraint lies in the fact that B is enti­re­ly igno­rant of the ges­tu­ral reper­toire of social domes­ti­ca­tion : thus, nothing can be achie­ved by orde­ring B to “stand up, walk over there and drink that glass of water”, because the actions of stan­ding up, wal­king, drin­king, the deixes “over there” and “that”, and the prag­ma­tic “glass of water” are com­ple­te­ly unfa­mi­liar to her. B’s com­pe­tence refers exclu­si­ve­ly to parts of her body and to abso­lute posi­tions in rela­tion to these. So if B, slou­ched on a couch, must manage to stand up and drink a glass of water, “apply a 35° bend to your left arm along the floor” is a kind of accep­table start to set­ting her right. B is cal­led l’empatouillée ; A la dépa­touilleuse.

dep2

- Starting Position. The empa­touillée chooses her star­ting posi­tion ; this involves the grea­test pos­sible relaxa­tion. This star­ting posi­tion is the empatouillée’s expres­sive moment, in which pos­si­bi­li­ties of sla­ck­ness, the fee­ling com­for­table and the make your­self com­for­table, are exten­ded beyond the boun­da­ries of hos­pi­ta­li­ty. The empa­touillée doesn’t only play the docile host of the dépa­touilleuse, she is also the guest who chooses where and how she loses conscious­ness, laying out the crime scene from which she will be rescued.

- Where does dépa­touille come from ? Dépatouille was born in a moment of fai­lure, of frus­tra­tion, of latent conflict making rela­tions tense. Authoritarian sta­te­ments had repla­ced nego­tia­tion about what is to be done. On reflec­tion, it became clear that these sta­te­ments were model­led on the cop, the pimp, the gang­ster, the doc­tor, the parent – all of whose dis­courses are simul­ta­neous­ly calls to order in the form of preemp­tive threats (“you bet­ter take some time and be care­ful about that”), and the expres­sion of par­ti­cu­lar affects which, within that order, are bran­di­shed as cano­ni­cal attri­butes (“i’m not a violent man but you should be aware that…”).Continuer

1. I Ching
2. Trying to be David Antin
3. Unwritten texts (incl. auto­pa­tho­gra­phy)
4. Random insights into per­so­nal neu­ro­sis
5. The gué­ri­don Louis-XV dream
6. Alexandrin work­shop
7. Ça va
5. Chaleur et tech­ni­ci­té du bur­row
6. Dancing to a Georges Simenon inter­view
7. Friends applause, guts shi­ver

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Antique stuff retrem­pé à la force des lourds inter­nets, VierSomes 003 (The Berlin Edition) contient mon com­men­taire com­po­sé d’Une Vie de Maupassant sous le titre Flood sea­son 3, un truc antique retrem­pé par la grâce d’un anglais qui consacre. Coquilles, marges maigres, gra­fimse, démem­bre­ment.

And in fact, all the same, in the end the whole thing
tends to look
like blocks of prose pow­de­ring
hacking about
the pro­si­me­tric temp­ta­tion
like a can­cer you might learn about
always one day too late
or so, alrea­dy
redu­ced to ver­bo­se­ness about what dying is
or may be
might be
the sta­tis­ti­cal lan­guage
of pro­bab­bli­ties ove­rad­jec­ti­vates loo­se­ly
suf­fixates, moral, sen­ten­tious, urban
plan­ning recons­truc­tions
bring up a new balls:dignity ratio
adverse to both.
A baked tou­rist resembles their vic­tims,
bel­ly just dif­fe­rent­ly bloa­ted
disor­der spreads to peo­ple’s names, manes
varie­ga­ted cli­mates appear
mad ani­mals get cooked
look
the future and all
was all rea­dy to be writ­ten
as only crea­tion attunes
groans
this sleep
for all we care
for all we know
might as well last fore­ver
and we would never report our­selves mis­sing
yet, all this while,
our names & manes dis­se­mi­nate lei­su­re­ly
the flood las­ting more than a year
among others
and being alrea­dy writ­ten
greeks & latins
the ancient his­to­rians
ances­tors mis­sing at the mall
dubious walk, sus­pect sprawl :
geeks on latrines, pro­phe­cies
in shapes of shit & cloud
the loo fas­ting more than a year
the same thing applies to grou­pers
and other mis­sing ani­mals
for which digni­ty’s not a dres­sing
cook ! mal ! add ! ani­mals !
under the rus­se­ty light of fire
his­to­ry’s oozing things.