Nous exa­mi­nons quelques-unes de ces pro­po­si­tions-à-la-tu-peux-tu-dois, rela­tives au com­por­te­ment social, qui pro­viennent d’é­thiques anciennes (il n’a pas été facile de lui impo­ser ce plu­riel), ou du moins qui se pré­sentent en elles. Finalement je lui sou­mets une for­mule pra­tique. Dans l’in­té­rêt de la lutte de classe, il convient de trans­for­mer les pro­po­si­tions-à-la-tu-peux-tu-dois, incluant un « espèce de porc ! », en pro­po­si­tions incluant un « espèce de bœuf ! ». Celles qui ne se prêtent pas à l’o­pé­ra­tion sont à éli­mi­ner. Exemple : la pro­po­si­tion « tu ne dois pas cou­cher avec ta mère » était jadis une pro­po­si­tion du type « espèce de bœuf ! », car dans la socié­té anté­rieure elle ren­voyait à une vio­lente per­tur­ba­tion des rap­ports de pro­prié­té et de pro­duc­tion. De ce point de vue, elle n’est plus aujourd’­hui du type « espèce de bœuf », mais seule­ment encore du type « espèce de porc ! » au fond, elle est donc bonne à mettre au rebut. Cependant, à la rigueur, le pro­lé­ta­riat en lutte pour­ra s’en res­ser­vir comme pro­po­si­tion du type « espèce de bœuf », et à peu près sous cette forme : « espèce de bœuf, tu ne dois pas cou­cher avec ta mère, parce que tes cama­rades de com­bat ont des pré­ju­gés sur ce point et que du même coup ton com­bat ris­que­rait d’en souf­frir, et parce que, par ailleurs, les tri­bu­naux te feraient incar­cé­rer. » On s’a­per­çoit vite de la rela­tive immo­ra­li­té de ces for­mu­la­tions, due à leur inob­jec­ti­vi­té par­ti­cu­lière, qui répugne au mora­liste. La rai­son en est évi­dem­ment que l’ob­jet, à par­tir duquel on pour­rait argu­men­ter, a dis­pa­ru (les rap­ports de pro­prié­té et de pro­duc­tion) et que désor­mais la « chose » est sim­ple­ment deve­nue de l’é­thique.

wir unter­su­chen einige die­ser soll- und darf-sätze, gesell­schaft­liches verhal­ten betref­fend, die aus alten ethi­ken (ihm den plu­ral auf­zuz­win­gen war schwer) stam­men oder in ihnen jeden­falls vor­kom­men. am schluss schlage ich ihm eine prak­tische for­mel vor. im inter­esse des klas­sen­kampfs sind vor­kom­mende soll- und darf-sätze, die ein ’du schwein’ enthal­ten, zu ver­wan­deln in sätze, die ein ’du ochs’ enthal­ten. Sätze, welche ein ’du schwein’ enthal­ten und nicht in ’du ochs’-sätze überführt wer­den kön­nen, müs­sen aus­ges­chal­tet wer­den. bei­spiel : der satz ’du soll­st nicht mit dei­ner mut­ter schla­fen’ war einst ein ’du-ochs’-satz, denn in einer frü­hen gesell­schaft­sord­nung bedeu­tete er große ver­wir­rung in den besitz- und pro­duk­tions­be­din­gun­gen. was das betrifft, ist er heute kein ’du ochs’-satz mehr, nur noch ein ’du schwein’-satz. im grunde müsste also der satz fal­len­ge­las­sen wer­den.

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trad.  Philippe Ivernel
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p. 58–59
, 15.1.40

six ans où presque tout ce que j’avais pu faire et dire, seule ou avec d’autres, avait été dou­blé par la pen­sée de cet homme, si bien qu’à l’époque le moindre détail était salo­pé par cette pen­sée […] une pen­sée exclu­si­ve­ment concen­trée sur un seul sujet, aucun autre sujet et aucun autre objet n’ayant la pos­si­bi­li­té de vivre là-dedans plus de cinq secondes ; mon corps inté­gra­le­ment, depuis mes doigts de pied jusqu’à mes che­veux, était rétrac­té à l’intérieur d’un dis­cours en boucle, c’est-à-dire d’une boucle qui tour­nait sans inter­rup­tion même la nuit – je rêvais, c’était lui ; je me levais pour pis­ser, c’était lui, etc. –, et je me demande si le meilleur moyen, ou l’un des meilleurs moyens, de rendre compte de ce tapis de bombes – ma tête –, n’est pas le jeu du par-devant/­par-der­rière : on prend un texte – tiens, Une sai­son en enfer, c’est celui que j’ai sous la main – et on lui ajoute sys­té­ma­ti­que­ment par-devant/­par-der­rière ; ça donne : Jadis, par-devant, si je me sou­viens bien, par-der­rière, ma vie était un fes­tin par-devant, où s’ouvraient tous les cœurs par-der­rière, où tous les vins cou­laient par-devant. Eh bien je suis par­tie en Crète, c’est-à-dire que je me suis enfuie en Crète à un moment, pour savoir si là-bas le par-der­riè­re/­par-devant conti­nue­rait ou serait trou­blé par le dépla­ce­ment géo­gra­phique, la néces­si­té de faire atten­tion à ce qu’on vous dit avec l’accent, mais j’aurais très bien pu faire le tour du monde en porte-contai­ners, atteindre le pôle Nord, explo­rer Sakhaline, ça n’en aurait pas moins duré – et c’était comme si cette pen­sée devait me sur­vivre puisque je mour­rais avant qu’elle cesse.

The point about it was, if there wasn’t a god, then people wouldn’t die. I came to that conclu­sion, that the only rea­son people died was because there is a god, and the only rea­son people are suf­fe­ring is because there is a god. The way I look at it, the way people die proves that some­thing is killing them–something super­ior to them always wins. A super­ior force. So death is a god, if nothing else, and all people are sub­ject to it, so dea­th’s their god. They aren’t actual­ly sub­ject to the United States or Russia or any­thing, they’re sub­ject to their god-Death. That’s very obvious. The point is, having rea­ched that point, what to do about it ? If they ever reach that point. Should they be obe­dient to the god Death or should they be rebels ? Because if they’re obe­dient to God and are righ­teous, then the most appro­priate thing to do is to die. Then, when they’re dead, they’re holy and righ­teous.

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« Interview with John Sinclair » GUERRILLA
, , https://aadl.org/node/192498