Enculer, quoi
Morrai sicuramente
Morrai Sicuramente (paru dans Enculer – Civilisation en décembre 2009) est un odillon courtois écrit en août 2009 für Ju. C’est un döner amoureux qui se digère trop vite et coule sur des objets qui sont comme l’amour putrescibles mais quand même enviables avec leur putréfaction lente alors qu’on se tape des chiasses éruptives en se moquant de Rilke mal traduit à cause d’un dîner de saumon fané – péché de solde, de promotion de fin de marché, péché d’affaire – et qu’on ignore que ce sera fini dans un mois comme avec le cancer de tout le monde. Morrai Sicuramente est une petite gemme qui s’échange dans le trafic du cul de l’amour du désir de l’hygiène et qu’on doit quitter des yeux pour accéder aux représentations communes.
L’été, rapide comme la fortune, a jeté une petite chienne haletante sous mes yeux qu’elle a chargés d’une rage sans objet.
Il y a trop peu de choses, dans le courant des heures, qui nous guérissent de la dépendance aux objets. Tous et chacun sont des chevets dont rien, pas même une agonie noyée dans la diarrhée fatale, ne saurait tromper l’orgueil rituel. Ils n’ont pas l’aplomb d’une caresse ou d’une pipe acharnée, mais bientôt ce qu’ils nous touchent insensiblement du regard ne nous appartient plus. Leur être est mélancoliquement absent de leurs surfaces ; ce sont des décombres tout neufs et tout lustrés par la poussière. Chacun, isolé, nous rendrait immédiatement animiste ; mais l’ordre fulminant qui gagne dans le temps sur nous leur discrétion fatigue nos yeux qui les tenaient meubles sauf alertes pour meubles. Les plus usuels sont les moins regardants ; nos morts fétiches sont ceux qu’on pourrait oublier.
Toi chatte
tu fais de la soupe de poisson dans ma bouche
je voudrais – une soupêtre de poisson-toi, chatte
être le poisson de ta chatte
Suce-moi ou ton client mail va devenir payant (fais suivre à tes contacts). Ce placet importun qui te suit jusque dans ma bouche, il est pour venger ceux dont la forme est l’usage et qui gémissent, au moment de leur mort, qu’on a fait sans répit mat à chacun de leurs gènes, qu’on a jeté sous l’inquisition d’un regard toutes choses qu’ils réservaient au plaisir solitaire de faire le constat de leur intégrité. À de régulières occasions, tu m’as laissé pour toi faire ce constat et j’ai, à de régulières occasions, accepté que tu sois pour moi ce magistère obscène et tendre. On ne le reconnaît pas à la robe, d’ailleurs. On soupçonne juste sa présence quand quelqu’un, sans motif, se met à nous vouloir du bien.
Sans plus rien pour nous faire décor ou pour
graisser nos bouts d’usages, j’ai pris tes actes pour des actes
et toi-
nue, pour toi-sans-robe
On ne se dépossède pas des objets qu’on a crus devoir un jour nous revenir. Remisés aux pauvres ou gracieusement donnés à la casse, leurs numéros de série combinés forment une équation que le temps résout le temps d’une vie jusqu’à ton agonie noyée dans la diarrhée. Leur pourrissement, qui crois-tu te précède, est le rhume d’un deuil qui n’est qu’un rhume de la vermine. On te veillera, comm” uomo che a bisogno de richesse plutôt que richezza qui besogne de l’uomme. On te veillera, dans une odeur de terre baignée de pisse, et on obtiendra de ces objets autant d’aveux qu’il faut pour laisser croire encore longtemps à ceux qui t’ont cru voir que tu as vu, vraiment ― dans le reflet de choses moins mates.
Tu mouilles bon, toi chatte ; tu n’es pas comme ces chiens qui ne suent que par les pattes. Tu es plus belle, plus libre ; tes envies sont mes symptômes. Tout ce qui arrive avec toi n’a jamais raison d’arriver. Ta mouille est bonne, tu sues bon, tu t’offres tout mon saoul comme Un Sandwich Turc à Berlin (Collectif, 2009) ; dans la nuit qui régale et disjoint l’édition bilingue des Poèmes à la Nuit, tu me rends jaune, jeune, j’ai vingt-deux ans de moins devant tes vingt-deux ans. Tu lubrifies la vie, tout, tout, fait suif à ton contact.
Ta chatte est le cloître faramineux du monde inverti. Tu es pour moi tout ce qui est beau : une morve libérale, un bouton d’acné quotidien, le rouge-bleu quand ça vire au gland, le mot moche en allemand.
La plus secrète onction graissera ton cul pour les besoins de l’autopsie, on t’évidera par le nombril, on nettoiera ton intérieur, on fera briller tes parois, on désinfectera ton cœur. Mort, la tête fondue par une foudre orgasmique, dans une jouissance et le mépris de la précédente, tu laisseras à la discrétion d’un miroir le choix de tes nouveaux traits. C’est un ordre des choses ; on aime les morts dont on aimait la face vivante, mais ils sont moins qu’une icône, moins qu’une idole, leur souvenir ne passe pas une saison de la mode.
Je t’aime jusque dans ces déduits luisants
d’huile de massage au sucre, d’alcool de sent-bon
corrosif / des odeurs de contre
où tu mourras sûrement, quand pur ne sera que désodorisé
La relique du nouveau premier jour, observée dans l’orbe ourdisseur d’une lunette de chiottes, t’offrira les débouchés rassurants d’une sauvagerie mutante : ton corps de plastic ose encore parfois l’abjection. Et tandis que tu sens ta merde à l’affût d’une trace de ton ancien toi, dans la pièce qui jouxte les chiottes, tous ceux dont tu méprises la naissance usinée s’observent, symptômes aguerris d’une richesse qui cherche un homme à renflouer.
Sakariya Razi
Paru dans Enculer 1 et 2.
1
Argument qu”
On raconte qu”
A Bagdad
Au Xe siècle
Un médecin du nom de
Sakaryia Razi
Suspendit des quartiers de viande dans divers endroits de la ville, pour déterminer l’emplacement d’un hôpital qu’il devait faire construire.
*
Il choisit l’endroit où la viande pourrissait le moins vite.Continuer