Toute opé­ra­tion salu­taire que pro­duit un écrit, et même toute opé­ra­tion qui n’est pas dans sa nature pro­fonde dévas­ta­trice, est fon­dée sur son mys­tère (celui du mot, celui du lan­gage). Si variées que soient les formes selon les­quelles le lan­gage peut se mon­trer effi­cace, il ne l’est pas en com­mu­ni­quant des conte­nus, mais en pro­dui­sant au jour de la manière la plus lim­pide sa digni­té et sa sub­stance. Et si je fais ici abs­trac­tion d’autres formes d’ef­fi­ca­ci­té que la poé­sie et la pro­phé­tie, je reviens tou­jours à cette idée qu’é­li­mi­ner l’in­di­cible de notre lan­gage jus­qu’à le rendre pur comme un cris­tal est la forme qui nous est don­née et qui est la plus acces­sible pour agir à l’in­té­rieur du lan­gage et, dans cette mesure, par lui : cette éli­mi­na­tion de l’in­di­cible me semble jus­te­ment coïn­ci­der avec un style d’é­cri­ture sobre et pro­pre­ment objec­tif et indi­quer, à l’in­té­rieur même de la magie qui de l’ordre même du lan­gage, la rela­tion qui existe entre connais­sance et action.
[…] Je ne crois pas que le mot, où que ce soit, soit plus éloi­gné du divin que l’ac­tion humaine « effec­tive », et non plus qu’il soit apte à conduire au divin autre­ment que par lui-même, en sa qua­li­té la plus pure. Quand il devient moyen (als Mittel), il pro­li­fère.

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t. 1 : « 1910–1918 »
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p. 117–118

La cri­tique de la pro­fon­deur et du sérieux, jadis diri­gée contre la sur­es­ti­ma­tion d’une inté­rio­ri­té et d’une pro­fon­deur pro­vin­ciale, est aujourd’­hui autant idéo­lo­gique que cette der­nière, par­ti­ci­pa­tion agis­sante de l’ac­ti­vi­té qui n’a d’autre fin qu’elle-même.

L’oeuvre d’art est le résul­tat du pro­ces­sus, autant que ce pro­ces­sus lui-même à l’ar­rêt. Elle est, comme le pro­cla­mait la méta­phy­sique ratio­na­liste à son apo­gée comme prin­cipe de l’u­ni­vers, une monade : à la fois centre de forces et chose. Les oeuvres d’art sont closes les unes par rap­port aux autres, elles sont aveugles et repré­sentent cepen­dant dans leur her­mé­tisme ce qui se trouve à l’ex­té­rieur.

Paradoxalement, l’art doit témoi­gner de l’ir­ré­con­ci­lié et tendre cepen­dant à la récon­ci­lia­tion ; cela n’est pos­sible qu’à par­tir de son lan­gage non-dis­cur­sif. C’est seule­ment dans ce pro­ces­sus que se concré­tise son Nous.

Dans l’his­toire de l’art, la dia­lec­tique du laid absorbe éga­le­ment le beau ; de ce point de vue, le kitsch est beau comme quelque chose de laid : il fut ban­ni au nom de ce même beau qu’il fut jadis et qu’il contre­dit main­te­nant à cause de l’ab­sence de son contraire.

L’expérience cris­tal­lise le plus sou­vent comme essais de pos­si­bi­li­tés sur­tout des types et des genres, et réduit aisé­ment l’oeuvre concrète au cas-type : un des motifs de vieillis­se­ment de l’art nou­veau. Certes, en esthé­tique, il ne faut pas sépa­rer les moyens et les fins. Cependant, les expé­rience qui, par défi­ni­tion, s’in­té­ressent presque avant tout aux moyens, aiment à faire vai­ne­ment attendre le but. En outre, ces der­nières décen­nies, le concept d’ex­pé­rience s’est fait équi­voque. Si, vers 1930, il dési­gnait encore une ten­ta­tive, fil­trée par la conscience cri­tique, contre la conti­nua­tion irré­flé­chie, il est entre-temps appa­ru que les oeuvres doivent conte­nir des carac­té­ris­tiques nul­le­ment pré­vi­sibles dans le pro­ces­sus de pro­duc­tion et que, sub­jec­ti­ve­ment, l’ar­tiste doit être sur­pris par ses propres oeuvres. L’art prend ici conscience d’un aspect tou­jours pré­sent, mis en évi­dence par Mallarmé ; l’i­ma­gi­na­tion des artistes n’a jamais pu embras­ser com­plè­te­ment ce au’ils pro­dui­saient. Les arts com­bi­na­toires, par exemple l’ars nova et ceux des Pays-Bas, intro­dui­sirent dans la musique du bas Moyen Âge des effets qui ont dû dépas­ser l’i­ma­gi­na­tion sub­jec­tive des com­po­si­teurs. Une com­bi­na­toire – que les artistes, comme alié­nés, se firent un devoir de média­ti­ser avec leur ima­gi­na­tion – était essen­tielle pour l’é­vo­lu­tion des tech­niques artis­tiques. Mais on ren­force ain­si le risque de faire tom­ber les pro­duits plus bas qu’une ima­gi­na­tion adé­quate ou pauvre.

Against the grain of the state’s mono­po­li­za­tion of cere­mo­ny, cere­mo­nies are small and pro­fli­gate ; if they weren’t eve­ryw­here and all the time we’d be dead. The ruins, which are small rituals, aren’t absent but sur­rep­ti­tious, a range of song­ful scar­ring, when people give a sign, shake a hand. But what if toge­ther we can fall, because we’re fal­len, because we need to fall again, to conti­nue in our com­mon fal­len­ness, remem­be­ring that fal­ling is in appo­si­tion to rising, their com­bi­na­tion given in lin­ge­ring, as the giving of pause, recess, ves­ti­bu­lar remain, cus­to­dial remand, hold, hol­ding in the inter­est of rub, dap’s reflex and reflec­tion of mater­nal touch, a mater­nal eco­lo­gy of laid hands, of being hand­led, han­ded, han­ded down, nurture’s natu­ral dis­per­sion, its end­less refu­sal of stan­ding. Hemphill empha­ti­cal­ly announces the socia­li­ty that Luther shel­ters. Fallen, risen, mo(u)rnful sur­vi­val. When black men die, it’s usual­ly because we love each other, whe­ther we run, or fight, or sur­ren­der. Consider Michael Brown’s gene­ra­tive occur­rence and recur­rence as refu­sal of the case, as refu­sal of stan­ding. You can do this but only if you wish to insert your­self, and now I must abuse a phrase of Ah Kee’s, into black world­less­ness. Our home­less­ness. Our sel­fless­ness. None of which are or can be ours.

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« Michael Brown »
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Boundary 2 : An International Journal of Literature and Culture n° 42
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p. 81–87

Such opti­mism, black opti­mism, is bound up with what it is to claim bla­ck­ness and the appo­si­tio­nal, run­away, pho­nop­tic black ope­ra­tions-expres­sive of an auto­poe­tic orga­ni­za­tion in which flight and inha­bi­ta­tion modi­fy each other-that have been thrust upon it. The bur­den of this para­doxi­cal­ly alea­to­ry goal is our his­to­ri­ci­ty, ani­ma­ting the rea­li­ty of escape in and the pos­si­bi­li­ty of escape from.

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« Black Op » [à par­tir d’une confé­rence de 2007]
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PMLA n° 123
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p. 1743–1747
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Refugees stu­dy change not only because they’ve been put through changes but also because changes are what they want and what they play and what they are. Refugees stu­dy a mode of study—the contra­pun­tal inter­sec­tion of a set of inter­sti­tial fields, dis­lo­ca­tion in a hole or a hold or a whole or a crawls­pace. Such stu­dy is inha­bi­ta­tion that moves : by way of—but also in appo­si­tion to—injury, which is irre­du­cible in the refu­gee though she is irre­du­cible to it. There is, in turn, pas­sage in ack­now­led­ging the theo­re­ti­cal prac­tice of the one who emerges as if from now­here, roo­ted in having been rou­ted, dig­ging, tilling, wor­king, soun­ding, the memo­rial future of a grave, under­com­mon cell. She is the com­mo­di­ty, the impos­sible domes­tic, the interdicted/contradictive mother. Dangerously embed­ded in the home from which she is exclu­ded, she is more and less than one. The ques­tion of where and when she enters—where entrance is redu­ced to some neces­sa­ri­ly tepid mix­ture of natu­ra­li­za­tion and coro­na­tion, which is an alrea­dy fai­led solu­tion that is ever more empha­ti­cal­ly dilu­ted in its abs­tract and infi­nite replication—is always sha­ded by the option to refuse what has been refu­sed, by the pre­fe­ren­tial option not for a place but rather for radi­cal dis­pla­ce­ment, not for the same but for its change. Blackness is given in the refu­sal of the refu­gee.

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« Notes on Passage (The New International of Sovereign Feelings) »
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Palimpsest : A Journal on Women, Gender, and the Black International n° 3
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p. 51–74