Les Solutions Grammaticales sont un recueil, datant de 1807, dans lequel Urbain Domergue (1745 – 1810, gram­mai­rien, élu à l’académie en 1803) reprend par­tiel­le­ment des articles de son Journal de la langue fran­çaise (1795), au sein duquel le conseil gram­ma­ti­cal de sa Société des ama­teurs de la langue fran­çaise (créée en 1791) émet­tait ses avis sur tout un tas de trucs (“la langue, la gram­maire, l’idéologie, l’art du poète et de l’orateur, l’enseignement”). Il semble qu’il se soit agi du pre­mier pério­dique de ce type en France.

Les socié­taires ou sous­crip­teurs sont nom­breux par­mi l’élite révo­lu­tion­naire : Condorcet, Fabre d’Églantine, Brissot, Robespierre, entre autres. Les avis nor­ma­tifs sont très recher­chés, à une époque où l’unification lin­guis­tique est dans une phase cri­tique, disons, d’expansion natio­nale.Continuer

Tombé sur L’Orchésograpie de Thoinot Arbeau (1588), un recueil de nota­tions cho­ré­gra­phiques pour branles, appel­la­tion géné­rique qui regroupe des danses popu­laires héri­tières de la ronde médié­vale. Le texte prend la forme d’une dis­pute entre l’auteur et un contra­dic­teur ima­gi­naire. Pour le lec­teur d’aujourd’hui, c’est un maquis d’orthographes irré­gu­lières et réjouissantes.

À pro­pos du bransle des che­vaulx :

A ce pro­pos, jay veu que l’on dan­çoit en ceste ville un branle, qu’on nom­moit le branle des che­vaulx, ou l’on fai­soit des tap­pe­ments de pied, comme au branle pre­cedent, & me semble que l’air est tel ou sem­blable que voyez en la tabu­la­ture suy­vante, laquelle se dan­çoit par mesure binaire, comme le branle com­mun, le jeune homme tenant sa Damoiselle par les deux mains. Le com­men­ce­ment de l’air dudit branle estoit comme voyez icy not­té, & se dan­çoit par quatre doubles a gaulche, & par quatre doubles a droit.

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Double a gaul. Double a droit. Double a gaul. Double a droit. Double a gaul. Double a droit. Double a gaul. Double a droit.

À pro­pos de la volte :

Arbeau
Et aprés avoir tour­noyé par tant de cadances qu’il vous plai­ra, res­ti­tue­rez la damoi­selle en sa place, ou elle sen­ti­ra (quelque bonne conte­nance qu’elle face) son cer­veau esbran­lé, plain de ver­tigues & tor­noye­ments de teste, & vous n’en aurez peult estre pas moins : Je vous laisse à consi­de­rer si cest chose bien seante à une jeusne fille de faire de grands pas & ouver­tures de jambes : Et si en ceste volte l’honneur & la san­té y sont pas  hazar­dez & inter­es­sez. Je vous en ay des­ja dit mon opinion.

Capriol
Ce ver­tigues & tor­noie­ments de cer­veau me fascheroient.

À pro­pos des mou­ve­ments de la gaillarde :

Capriol
Vous ne me dictes point comme pour­ra estre ceste obli­qui­té, ce que je ne vous demande pas sans cause, car les Geometres tiennent qu’entre les lignes de l’esquierre, il y a infi­nies lignes obliques.

Arbeau
Ceste obli­qui­té est delais­see à l’arbitraige du dan­ceur, tel­le­ment que s’il luy plait, il met­tra le pied qui se repose à l’esquierre contre le pied qui sous­tient le corps, ou en tel lieu qu’il luy plai­ra, entre deux, appro­chant le pied joinct, pour­veu que ce ne soit ledit pied joinct : Car de pas­ser le traict de l’esquierre, la flexion de la jambe ne le per­mect natu­rel­le­ment : Voyez cy la figure dudit mou­ve­ment des pieds joincts obliques.

Pied joinct oblique gaulche. / Pied joinct oblique droict.

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