17 07 24

Musil, L’homme sans qualités

L’adjonction de l’adjectif « vrai » à des opi­nions poli­tiques était d’ailleurs un des moyens qu’il avait de se recon­naître dans un monde qui, bien que créé par Dieu, ne le renie que trop sou­vent. Il était fer­me­ment convain­cu que le vrai socia­lisme était en har­mo­nie avec ses concep­tions ; son idée la plus per­son­nelle avait même tou­jours été, mais il n’osait encore se l’avouer tout entière à lui-même, de jeter un pont grâce auquel les socia­listes pour­raient pas­ser dans son propre camp. Il est bien clair qu’aider les pauvres est un devoir de che­va­le­rie, et qu’il ne peut y avoir une grande dif­fé­rence pour la vraie haute noblesse, entre un bour­geois direc­teur de fabrique et ses ouvriers ; « au fond, nous sommes tous inti­me­ment socia­listes » était une de ses phrases favo­rites, qui reve­nait à peu près à dire, ni plus ni moins, qu’il n’y a plus de dif­fé­rences sociales dans l’Au-delà. Dans le monde, en revanche, il les tenait pour des réa­li­tés néces­saires et atten­dait de la classe ouvrière qu’elle renon­çât, pour peu qu’on lui fît quelques avances sur le plan du bien-être maté­riel, aux slo­gans dérai­son­nables qu’on lui avait incul­qués, et recon­nût cet ordre natu­rel du monde dans lequel cha­cun trouve, à la place qui lui est des­ti­née, son devoir et ses chances de réus­site. C’est pour­quoi le vrai noble lui parais­sait aus­si impor­tant que le vrai ouvrier, et la solu­tion des pro­blèmes poli­tiques et éco­no­miques se rame­nait au fond pour lui à une vision har­mo­nieuse qu’il appe­lait « le Pays ».

Überhaupt war der Zusatz »der wahre« zu poli­ti­schen Gesinnungen eine sei­ner Hilfen, um sich in einer von Gott ges­chaf­fe­nen, aber ihn zu oft ver­leu­gnen­den Welt zurecht­zu­fin­den. Er war fest über­zeugt, daß sogar der wahre Sozialismus mit sei­ner Auffassung übe­reins­timme ; ja es war von Anfang an seine persön­lichste Idee, die er sogar sich selbst noch teil­weise ver­barg, eine Brücke zu schla­gen, auf der die Sozialisten in sein Lager mar­schie­ren soll­ten. Es ist ja klar, daß den Armen zu hel­fen eine rit­ter­liche Aufgabe ist und daß für den wah­ren Hochadel eigent­lich kein so großer Unterschied zwi­schen einem bür­ger­li­chen Fabrikanten und sei­nem Arbeiter bes­te­hen kann ; »wir alle sind ja im Innersten Sozialisten« war ein Lieblingsausspruch von ihm und hieß ungefähr so viel und nicht mehr, wie daß es im Jenseits keine sozia­len Unterschiede gibt. In der Welt hielt er sie aber für not­wen­dige Tatsachen und erwar­tete von der Arbeiterschaft, wenn man ihr bloß in den Fragen des mate­riel­len Wohlbefindens ent­ge­gen­komme, daß sie von unvernünf­ti­gen, in sie hinein­ge­tra­ge­nen Schlagworten abs­tehn und die natür­liche Weltordnung ein­sehn werde, wo jeder in dem ihm bes­timm­ten Kreis Pflicht und Gedeihen fin­det. Der wahre Adelige erschien ihm darum so wich­tig wie der wahre Handwerker, und die Lösung der poli­ti­schen und wirt­schaft­li­chen Fragen lief für ihn eigent­lich auf eine har­mo­nische Vision hinaus, die er Vaterland nannte.

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t. 1
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chap. 21  : « La véri­table inven­tion, par le comte Leinsdorf, de l’Action paral­lèle »
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trad.  Philippe Jaccottet
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p. 112