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146. L’invention des arts de la mémoire consti­tue une ten­ta­tive de sau­ve­tage de la concep­tion ancienne de la poé­sie, des arts de la parole et de l’ouïe plus géné­ra­le­ment (aus­si le conte) per­met­tant une tra­duc­tion visuelle interne.

147. Tel est le sens du « ut pic­tu­ra poe­sis ».

148. Il faut réap­prendre à mar­cher dans sa tête.

149. Ce n’est pas seule­ment une réfé­rence com­mune dans la langue qui a été per­due avec la chute de la poé­sie, parce qu’on ne l’apprend plus, c’est toute vraie réfé­rence indi­vi­duelle à la poé­sie.

150. Un poème doit être mémo­rable, pour être mémo­ri­sé, ou au moins revi­si­té inté­rieu­re­ment.

151. La posi­tion « simo­ni­dienne » serait : il n’y a pas que la poé­sie qui est mémo­ri­sable. Tout l’est, grâce aux « arts ». On peut « tra­duire » l’oral en visuel. Et on peut le faire cha­cun pour soi.

(…)

154. Le jeu de la poé­sie orale est un jeu entre répé­ti­tion et inven­tion, entre le plai­sir de la sur­prise et celui de la recon­nais­sance (see Henry James). Il importe donc d’étudier le contraste entre le for­mu­laïque et le reste. Et ceci montre encore le lien avec les stra­té­gies mné­mo­niques (see la « bro­ken for­mu­la » de Bacon et la maxime à la Rochefoucauld ; see le par­ti­men).

(…)

157. La concep­tion orale, « mimé­tique » de la poé­sie inter­dit l’identification de la poé­sie avec un indi­vi­du sépa­ré, pour­vu d’une âme indi­vi­duelle. C’est ce carac­tère qu’a conser­vé la poé­sie, d’où la lutte indis­pen­sable contre le « bio­gra­phique ».

Poétique – Remarques
Seuil 2016
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