Un homme qui porte vrai­ment une belle barbe est un chan­teur d’opéra, ou le chef de rayon bien payé d’un grand maga­sin. Sont beaux en règle géné­rale les sem­blants d’hommes.

Ein Mann, der einen wirk­lich schö­nen Bart trägt, ist ein Opernsänger oder der gut­be­zahlte Abteilungschef eines Warenhauses. Scheinmänner sind in der Regel schön.

, ,
trad.  Marthe Robert
, , ,
p. 77

Pour défi­nir mon cama­rade Fuchs, je ne dis­pose que d’une expres­sion : Fuchs est fuyant, Fuchs est faux. Il parle comme une culbute ratée et se conduit comme une grosse impro­ba­bi­li­té pétrie en forme d’homme. Tout en lui est anti­pa­thique, par consé­quent indigne d’être consi­dé­ré. Savoir quelque chose de Fuchs est un abus, un super­flu cho­quant, gênant.

Für mei­nen Mitschüler Fuchs habe ich nur einen ein­zi­gen spra­chli­chen Ausdruck : Fuchs ist schräg, Fuchs ist schief. Er spricht wie ein miß­lun­ge­ner Purzelbaum und benimmt sich wie eine große, zu Menschenform zusam­men­gek­ne­tete Unwahrscheinlichkeit. Alles an ihm ist unsym­pa­thisch, daher unbe­her­zi­gens­wert. Über Fuchs etwas zu wis­sen, das ist Mißbrauch, unfei­ner, stö­ren­der Überfluß.

, ,
trad.  Marthe Robert
, , ,
p. 76

Je hais les natures qui veulent tout savoir, qui res­plen­dissent de science et font la roue avec leur esprit.

Ich hasse das alles vers­te­hen­wol­lende, mit Wissen und Witz glän­zende, und sich breit­ma­chende Wesen.

, ,
trad.  Marthe Robert
, , ,
p. 74

J’ai sucé la sub­stance et le sen­ti­ment de la ville avec le lait mater­nel. Enfant, je voyais titu­ber les ouvriers ivres chan­tant à tue-tête. Tout petit déjà, la nature m’apparaissait comme quelque chose de céleste et de loin­tain. En sorte que je peux me pas­ser de la nature.

Ich habe Stadtwesen und ‑emp­fin­den mit der müt­ter­li­chen Milch ein­ge­so­gen. Ich sah als Kind joh­lende, betrun­kene Arbeiter hin und her tau­meln. Die Natur ist mir schon als ganz klein als etwas Himmlisch-Entferntes vor­ge­kom­men. So kann ich die Natur ent­beh­ren.

, ,
trad.  Marthe Robert
, , ,
p. 73

Quelle dépra­va­tion étrange : se réjouir secrè­te­ment d’être en mesure de consta­ter qu’on est un petit peu volé.

Solch eine son­der­bare Verdorbenheit : sich heim­lich zu freuen, bemer­ken zu dür­fen, daß man ein wenig bes­toh­len wird.

, ,
trad.  Marthe Robert
, , ,
p. 56
[J]e me repré­sente comme indi­ci­ble­ment beau de mou­rir avec la conscience ter­rible d’avoir offen­sé ceux qui me sont le plus chers au monde, et de les lais­ser pleins de juge­ments défa­vo­rables sur moi.
[Ich stelle] es mir als unsag­bar schön vor, zu ster­ben, im furcht­ba­ren Bewußtsein, das Liebste, was ich auf der Welt habe, gekränkt und mit schlech­ten Meinungen über mich erfüllt zu haben.
, ,
trad.  Marthe Robert
, , ,
p. 55

L’air s’offre au corps, la seule chose que tout le monde pos­sède de toute façon. Jamais le sport ne fut mis à l’honneur, pra­ti­qué, pla­ni­fié autant que de nos jours, jamais on n’a tant atten­du de lui. Il passe pour être une acti­vi­té saine, le cœur du spor­tif a sup­plan­té celui du joyeux buveur de bière. La peau bron­zée confère sans plus l’éclat de la san­té, c’est le sud ou la mon­tagne qu’elle incarne au pays. On prend son par­ti du fait que dans des condi­tions de vie res­tées bour­geoises, le sport abê­tit, et que dès lors il est encou­ra­gé par ceux d’en haut.

[Die Luft] bie­tet sich dem Körper an, der ohne­hin jedem gehört. Nie wurde mehr Sport gewün­scht, getrie­ben, geplant als heute, nie mehr von ihm erhofft. Er gilt als gesund, das Sportherz hat das Bierherz ver­drängt. Gebräunte Haut macht ohne wei­teres blü­hend, bringt Süden oder Höhe flei­sch­ge­wor­den her­bei. In Kauf wird genom­men, daß Sport in geblie­be­nen bür­ger­li­chen Zuständen oft ver­dummt, also schon deshalb von oben geför­dert wird.
, ,
t. 2 : « Les épures d’un monde meilleur »
,
chap. 34  : « Le corps s’exerce, tout va bien »
,
trad.  Françoise Wuilmart
, ,

Cette per­sis­tance ou ce retour de l’autonomie du poli­tique (d’une juri­dic­tion qui ne soit pas ges­tion) que le mar­xisme a cher­ché à faire consis­ter, la recherche démo­cra­tique elle aus­si y pré­tend. Mais entre sa source grecque qui la ras­sure plus qu’elle ne la sou­tient et ce qui se dit du contrat depuis Rousseau, rien encore n’a été trou­vé qui règle la ques­tion. Sans doute cette nature flot­tante de la défi­ni­tion démo­cra­tique appar­tient-elle à son être le plus propre, mais il n’empêche qu’elle se trans­forme en limite aus­si­tôt que du réel, sous une forme non seule­ment non flot­tante, mais dure et tran­chée, lui est assé­né. Les diverses formes récur­rentes de bona­par­tisme (et toutes les idéo­lo­gies de l’État fort ou de l’homme pro­vi­den­tiel), le mar­xisme-léni­nisme et aus­si le fas­cisme (qui reprend à son compte la forme reli­gieuse du ras­sem­ble­ment) ont été ou sont tour à tour des formes de ce « réel » qui heurte la démo­cra­tie et la blesse ou la liquide, mais comme en l’exposant d’abord à sa propre fra­gi­li­té et à ce que l’on pour­rait appe­ler l’insuffisance (ou la suf­fi­sance, bien sou­vent) de son affir­ma­tion. À dire vrai, c’est davan­tage dans la mémoire de ce qu’elle a eu à subir que dans l’ordre de ce qu’elle réa­lise, que la démo­cra­tie trouve sa res­source la plus puis­sante. Ici, les pertes sont tou­jours plus par­lantes que les pro­fits. Pourtant, consti­tuer la démo­cra­tie en pure mémoire de la perte (ce à quoi beau­coup, semble-t-il, s’emploient) est encore un geste trop pathé­tique pour que puisse s’y for­mer et s’y inven­ter la forme pro­pre­ment démo­cra­tique de l’autonomie du poli­tique, cette forme qui serait la forme enfin tota­le­ment poli­tique.