Sachez, Monsieur, que tant va la cruche à l’eau, qu’enfin elle se brise ; et comme dit fort bien cet auteur que je ne connais pas, l’homme est en ce monde ainsi que l’oiseau sur la branche ; la branche est attachée à l’arbre ; qui s’attache à l’arbre, suit de bons préceptes ; les bons préceptes valent mieux que les belles paroles ; les belles paroles se trouvent à la cour ; à la cour sont les courtisans ; les courtisans suivent la mode ; la mode vient de la fantaisie ; la fantaisie est une faculté de l’âme ; l’âme est ce qui nous donne la vie ; la vie finit par la mort ; la mort nous fait penser au Ciel ; le ciel est au-dessus de la terre ; la terre n’est point la mer ; la mer est sujette aux orages ; les orages tourmentent les vaisseaux ; les vaisseaux ont besoin d’un bon pilote ; un bon pilote a de la prudence ; la prudence n’est point dans les jeunes gens ; les jeunes gens doivent obéissance aux vieux ; les vieux aiment les richesses ; les richesses font les riches ; les riches ne sont pas pauvres ; les pauvres ont de la nécessité ; nécessité n’a point de loi ; qui n’a point de loi vit en bête brute ; et, par conséquent, vous serez damné à tous les diables.
Lu
2126. Un axiome : il y a encore de la poésie (rem. 51).
2127. La poésie n’existe pas sans support. Ce support comprend nécessairement de la langue. (Il n’y a pas de poésie dans les choses, ni dans le coucher de soleil ni dans la décharge publique.)
2128. Un jeu de poésie est toujours, quoi qu’il soit par ailleurs, un jeu de langue.
2129. Un jeu de poésie est dans la poésie, n’est jamais seulement un jeu de langue.
2130. La poésie se réduit à la langue comme le poisson à l’eau.
2131. Certains jeux de poésie appartiennent à des formes poétiques.
2132. Poésie, jeux de poésie, formes poétiques sont trois notions distinctes.
2133. Une forme poétique n’est jamais un jeu de poésie, mais une famille de jeux de poésie ayant entre eux une « ressemblance familiale ».
2134. Un jeu de poésie, comme tout jeu de langue, mais à sa manière, autonome et spécifique, est une « forme de vie ».
2135. Un jeu de poésie est un calcul au sens suivant : se mettre dans un jeu de poésie (comme compositeur de poèmes, comme lecteur de poèmes, comme critique de la poésie), c’est « suivre une règle », la règle propre du jeu de poésie en question.
2136. Le sens d’un jeu de poésie est dans sa règle et dans l’activité qui consiste à « suivre la règle ».
2137. Il n’y a pas de sens poétique en dehors, à côté, du jeu de poésie, de son « calcul ». Le « coucher de soleil » n’est pas le sens d’un poème qui parle du coucher de soleil.
2138. Le sens d’un poème n’est pas quelque chose qui accompagne le poème comme son fantôme, comme la statue d’un inexorable et impérieux commandeur.
2139. Dire que le jeu de poésie est un calcul ne veut pas dire qu’il existe une règle explicite et reconnue du compositeur comme du lecteur : le chat joue sans connaître les règles de son jeu.
2054. Le maniérisme, vu positivement et trans-historiquement (ou plutôt répétitivement dans l’histoire ; valable pour plusieurs moments historiques), est un formalisme qui tente d’imposer une corrélation (la plus poussée possible) entre une intention de sens (qui peut d’ailleurs elle-même être formelle ; il y a un sens formel) et une procédure, des procédures de composition de poème (des algorithmes poétiques).
2017. Dans les romans du graal, un épisode n’est que la manifestation corpusculaire de l’onde de l’aventure.
2011. Poétiquement, la structure profonde de la phrase « la souris est mangée par le chat » est : « la souris mange le chat et le chat mange la souris ».
1991. La chaise est une critique de l’arbre plus intéressante que l’incendie de forêt.
1897. L’effet Malherbe sur le sonnet : suppression du jeu par la règle. Un jeu codifié strictement, voilà qui peut détruire le jeu comme forme de vie.
1893. (Warburg) La poésie (mythique) des Indiens comme confessions du mélancolique incurable, l’homme, disposées dans les archives des shamans.
1860. Les réponses sur les mêmes rimes sont un écho de la tenso.
1861. fatrasies, etc. le « je ne sais quoi » est présent aussi bien dans les fatrasies d’Arras que chez Beaumanoir.
1862. Fatrasies, etc. Dans la rotrouenge de Richart comme dans les fatrasies de Beaumanoir, on voit le brusque passage de vers longs à vers courts, présent aussi dans la frottola et dans le « vers de nien ». Mais on voit surtout le passage de la même rime instantanément du mètre long au mètre court. Là est le nœud formel : l’attente de l’identité rime-mètre, immédiatement niée et de la manière la plus évidente.
1863. Fatrasie, etc. « Tels cuide veillier qui dort/en paradis/». Le proverbe est rendu bête par le deuxième vers, qui est aussi en contre-pied métrique. Autre exemple : « Tos jors est li soleils chaus/an plein aoust/» Où l’évidence sentencieuse est ridiculisée à l’aide de la métrique.
feuchtwanger ici à dîner. sujet de conversation, à nouveau : hitler est-il un politicien bourgeois ? conception de feutchtwanger et de la plupart des adversaires d’hitler, hitler est un histrion totalement insignifiant que la reichswehr a engagé pour s’occuper de ses affaires. argument choc : le style c’est l’homme. pas de plan, pas d’idée originale, hostilité à l’égard de la pensée etc. pour ma part, hitler grand homme me convient tout à fait, i.e. il me semble urgent de réviser la notion bourgeoise de grand homme (donc de la grandeur bourgeoise, de ce qu’est ou de ce que peut être un grand politicien bourgeois), raison pour laquelle je suis prêt tout simplement à traiter hitler de grand politicien bourgeois – mais en dehors même de cela, la conception de feuchtwanger, qui n’est autre que la conception bourgeoise, ne me paraît judicieuse ni du point de vue de la propagande, ni du point de vue de l’histoire. on ne combat pas hitler en le présentant comme particulièrement incapable, comme une monstrueuse excroissance, un pervers et un charlatan, un cas spécialement pathologique, ni en lui opposant comme des modèles, des modèles inaccessibles, les autres politiciens bourgeois ; de même qu’on ne combat pas le fascisme en l’isolant de la bourgeoisie « saine » (reichswehr et industrie), afin de mieux l’éliminer « seul ». goûterait-on le personnage, s’il était « grand » ? – mais toute représentation théâtrale approfondie du phénomène me paraît également exclue, si par ex. on omet qu’il s’agit d’un phénomène vraiment national, d’un « volksführer », d’un politicien rusé, vivant, non conventionnel et original, et alors seulement sa corruption, son insuffisance, sa brutalité extrêmes etc. etc. entreront en jeu avec toute l’éfficacité voulue. la petite bourgeoisie, classe sans issue entre toutes, établit sa dictature à l’heure où le capitalisme connaît une situation entre toutes sans issue. cette dictature n’est qu’apparente dans la mesure où elle s’impose entre les classes qui se perpétuent, accentuant ainsi le poids « naturel » (le poids économique) de la grande bourgeoisie (les junkers), et ne gouverne pas « dans le sens » de la petite ; elle fait office de prête-main, de prête-poing, mais le poing a une relative autonomie ; l’industrie obtient son impérialisme, mais doit prendre celui qu’on lui donne, signé hitler. le pathologique est entièrement ici un phénomène de classe. La neurasthénie d’hitler est celle d’un receveur de postes. toute la visée, consciente est forcément pure idéologie, mauvais mythe, irréalisme. la bête, très malade, très dangereuse, très vigoureuse, pense avec précision dans le détail, s’exprime le plus habilement en s’exprimant confusément (le style, c’est la situation), elle agit brusquement, maladivement, « intuitivement », elle produit sans cesse des vertus faites de ripostes anticipées aux coups de l’ennemi. « tirer l’épée » peut sembler ridicule, contre les tories ce n’est pas ridicule, mais adéquat. l’antisémitisme non plus n’a rien d’« absurde », aussi répugnant soit-il. la nation opéra là sur le fantôme. la bourgeoisie, qui n’avait jamais eu l’hégémonie politique, créa ainsi un sentiment national (« contre les juifs » égalait « pour les frères sudètes »).
feuchtwanger zum abendessen hier, thema wieder ist hitler ein hampelmann ? f[euchtwanger] und der meisten hitlergegner konzeption, nach der h[itler] ein völlig unbedeutender mime ist, den die reichswehr engagiert hat, ihre geschäfte zu besorgen. hauptargument : der stil ist der mann, kein plan, keine originelle idee, feindschaft gegen denken usw. nun ganz abgesehen davon, daß hitler mir als großer mann durchaus willkommen ist, dh daß mir eine revision der bürgerlichen Vorstellung von großem mann (also von bürgerlicher große, von dem, was ein großer bürgerlicher politiker ist oder sein kann) akut zu sein scheint, weshalb ich ohne weiteres bereit bin, H [itler] als großen bürgerlichen politiker zu behandeln — scheint mir die feuchtwangersche konzeption, die eben die bürgerliche ist, weder vom propagandistischen noch vom historischen Standpunkt aus sinnvoll, man bekämpft hitler nicht, wenn man ihn als besonders unfähig, als auswuchs, perversität, humbug, speziell pathologischen fall hinstellt und ihm die andern bürgerlichen politiker als muster, unerreichte muster, vorhält ; wie man ja auch den faschismus nicht bekämpfen kann, wenn man ihn vom >gesunden< bürgertum (reichswehr und industrie) isolieren und >allein< beseitigen will, würde man ihn goutieren, wenn er >groß< wäre ? – aber auch eine tiefgreifende dramatische darstellung zb scheint mir nicht möglich, wenn übersehen wird, daß er eine wirklich nationale erscheinung, ein >volksführer<, ist, ein schlauer, vitaler, unkonventioneller und origineller politiker, und seine äußerste korruptheit, Unzulänglichkeit, brutahtät usw kommen erst dann wirkungsvoll ins spiel, die auswegloseste aller klassen, das kleinbiirgertum, etabliert sich diktatorisch in der ausweglosesten Situation des kapitalismus. die diktatur ist nur insofern scheinbar, als sie sich zwischen den weiterbestehenden klassen durchsetzt, so das >natürliche< (ökonomische) gewicht des großbürgertums (junkertums) zur verschärften geltung bringt und nicht >im sinn< des kleinbürgertums regiert ; es ist hand langertum, faustlangertum, aber die faust hat eine gewisse Selbständigkeit ; die Industrie bekommt ihren Imperialismus, aber sie muß ihn nehmen, wie sie ihn bekommt, den hitlerschen. das pathologische ist etwas durchaus klassenmäßiges, hitlers neurasthenie ist die neurasthenie des postsekretärs. alles zielhafte ist notgedrungen pure ideologie, schlechter mythos, unreal, die bestie, sehr krank, sehr gefährlich, sehr stark, denkt scharf im detail, drückt sich am schlauesten aus, wenn sie sich verworren ausdrückt (der stil ist die Situation), handelt sprunghaft, krankhaft, >intuitiv<, produziert dauernd fügenden, die aus not gemacht sind, die berühmten >stöße< sind lauter gegenstöße zu anti [zijpierten stoßen der feinde. >das schwert zu ziehen< mag lächerlich sein, gegen die tories ist es nicht lächerlich, sondern adäquat, der antisemitismus ist ebenfalls nichts »sinnloses«, wenn er auch etwas abscheuliches ist. die nation operierte da am phantom. das bürgertum, das die politische herrschaft nie bekommen hatte, schuf so ein nationalgefühl (»gegen die juden< war »für die sudetenbrüder<).