Je n’ai retenu le meilleur ni le pire de ces choses : est resté ce qui l’a pu. (…) Je me suis rarement perdu de vue ; je me suis détesté, je me suis adoré ; – puis, nous avons vieilli ensemble.
Lu
J’essayais donc de me réduire à mes propriétés réelles. J’avais peu de confiance dans mes moyens, et je trouvais en moi sans nulle peine tout ce qu’il fallait pour me haïr ; mais j’étais fort de mon désir infini de netteté, de mon mépris des convictions et de sidoles, de mon égoût de la facilité et de mon sentiment de mes limites. Je m’étais fait une île intérieure que je perdais mon temps à reconnaître et à fortifier…
J’étais affecté du mal aigu de la précision. Je tendais à l’extrême désir insensé de comprendre, et je cherchais en moi les points critiques de ma faculté d’attention.
Je faisais donc ce que je pouvais pour augmenter un peu les durées de quelques pensées.
Une tradition populaire met en garde contre l’idée de raconter ses rêves le matin, à jeun. Dans cet état, en effet, l’homme éveillé est encore sous l’emprise du rêve. Car la toilette ne rappelle à la lumière que la surface du corps et ses fonctions motrices visibles, alors que, dans les couches inférieures, pendant que nous faisons notre toilette, la pénombre grise du rêve persiste et se renforce même dans l’isolement de la première heure de veille. Celui qui appréhende d’entrer en contact avec le jour, peu importe que ce soit par peur des hommes ou parce qu’il veut se recueillir, ne désire pas manger et dédaigne le petit déjeuner. Il évite ainsi la rupture entre le monde de la nuit et celui du jour. Cette précaution ne se justifie que si l’on consume le rêve dans une tâche exigeant de la concentration, à défaut de le consumer dans la prière, dans une tâche capable de conduire, autrement, à une confusion des rythmes de vie. De ce point de vue, transcrire ses rêves est funeste, car l’homme, encore à moitié complice du rêve, le trahit avec ses mots et doit s’attendre à ce qu’il se venge. Pour le dire dans le langage d’aujourd’hui : il se trahit lui-même. Il a quitté la protection de la naïveté onirique et s’abandonne à lui-même en touchant à ses visions oniriques sans les maîtriser. Car c’est seulement de l’autre rive, dans la clarté du jour, qu’on peut raconter le rêve, à l’aide d’un souvenir capable de le maîtriser. Cet au-delà du rêve ne peut être atteint que par une purification analogue à la toilette et pourtant totalement différente d’elle. Cette purification passe par l’estomac. L’homme à jeun parle encore du rêve comme s’il parlait dans son sommeil.
Eine Volksüberlieferung warnt, Träume am Morgen nüchtern zu erzählen. Der Erwachte verbleibt in diesem Zustand in der Tat noch im Bannkreis des Traumes. Die Waschung nämlich ruft nur die Oberfläche des Leibes und seine sichtbaren motorischen Funktionen ins Licht hinein, wogegen in den tieferen Schichten auch während der morgendlichen Reinigung die graue Traumdämmerung verharrt, ja in der Einsamkeit der ersten wachen Stunde sich festsetzt. Wer die Berührung mit dem Tage, sei es aus Menschenfurcht, sei es um innerer Sammlung willen, scheut, der will nicht essen und verschmäht das Frühstück. Derart vermeidet er den Bruch zwischen Nacht- und Tagwelt. Eine Behutsamkeit, die nur durch die Verbrennung des Traumes in konzentrierte Morgenarbeit, wenn nicht im Gebet, sich rechtfertigt, anders aber zu einer Vermengung der Lebensrhythmen führt. In dieser Verfassung ist der Bericht über Träume verhängnisvoll, weil der Mensch, zur Hälfte der Traumwelt noch verschworen, in seinen Worten sie verrät und ihre Rache gewärtigen muß. Neuzeitlicher gesprochen : er verrät sich selbst. Dem Schutz der träumenden Naivität ist er entwachsen und gibt, indem er seine Traumgesichte ohne Überlegenheit berührt, sich preis. Denn nur vom anderen Ufer, von dem hellen Tage aus, darf Traum aus überlegener Erinnerung angesprochen werden. Dieses Jenseits vom Traum ist nur in einer Reinigung erreichbar, die dem Waschen analog, jedoch gänzlich von ihm verschieden ist. Sie geht durch den Magen. Der Nüchterne spricht von Traum, als spräche er aus dem Schlaf.
Moins un homme est prisonnier des liens de son destin, moins il est déterminé par le plus proche, qu’il s’agisse de circonstances ou d’hommes, peu importe. Un homme libre sous ce rapport fait sien tout ce qui lui est proche ; c’est même lui qui le détermine. En revanche, la détermination de sa vie – considérée en terme de destin –, c’est du lointain qu’elle lui vient. Il n’agit pas « en regardant derrière lui » pour voir ce qui arrive, comme s’il allait être rattrapé, mais « en regardant autour de lui » vers le lointain auquel il s’adapte. C’est pourquoi le projet d’interroger les étoiles – même au sens allégorique – a un fondement plus profond que l’attitude consistant à se demander, en ruminant, ce qui va arriver.
Je weniger in den Banden des Schicksals ein Mann befangen ist, desto weniger bestimmt ihn das Nächste, sei es durch Umstände sei es durch Menschen. Vielmehr hat ein dergestalt freier Mensch seine Nähe ganz zu eigen ; er ist es, der sie bestimmt. Die eigne Bestimmtheit seines schicksalsmäßigen Lebens dagegen kommt ihm vom Fernen. Er handelt nicht mit »Rücksicht« auf das Kommende, als ob es ihn einhole ; sondern mit »Umsicht« nach dem Entfernten, dem er sich fügt. Daher ist das Befragen der Sterne – selbst allegorisch verstanden – tiefer gegründet, als das Grübeln ums Folgende.
Monsieur le Ministre, Mesdames et Messieurs,
Il n’y a rien à célébrer, rien à condamner, rien à dénoncer, mais il y a beaucoup de choses dérisoires ; tout est dérisoire quand on songe à la mort.
On traverse l’existence, affecté, inaffecté, on entre en scène et on la quitte, tout est interchangeable, plus ou moins bien rôdé au grand magasin d’accessoires qu’est l’État : erreur ! Ce qu’on voit : un peuple qui ne se doute de rien, un beau pays – des pères morts ou consciencieusement dénués de conscience, des gens dans la simplicité et la bassesse, la pauvreté de leurs besoins… Rien que des antécédents hautement philosophiques, et insupportables. Les époques sont insanes, le démoniaque en nous est un éternel cachot patriotique, au fond duquel la bêtise et la brutalité nous sont devenues les éléments de notre détresse quotidienne. L’État est une structure condamnée à l’échec permanent, le peuple une structure perpétuellement condamnée à l’infamie et à l’indigence d’esprit. La vie est désespérance, à laquelle s’adossent les philosophies, mais qui en fin de compte condamne tout à la folie.
Nous sommes autrichiens, nous sommes apathiques ; nous sommes la vie en tant que désintérêt généralisé pour la vie, nous sommes, dans le processus de la nature, la mégalomanie pour toute perspective d’avenir.
Nous n’avons rien à dire, si ce n’est que nous sommes pitoyables, adonnés par imagination à une monotonie philosophico-économico-mécanique.
Moyens à fin de déchéance, créatures d’agonie, tout s’explique à nous et nous ne comprenons rien. Nous peuplons un traumatisme, nous avons peur, à juste titre nous avons peur, car nous apercevons déjà, bien que confusément, à l’arrière-plan : les géants de l’angoisse.
Ce que nous pensons l’a déjà été pour nous, ce que nous ressentons est chaotique, ce que nous sommes reste obscur.
Nous n’avons pas à avoir honte, mais nous ne sommes rien non plus et ne méritons que le chaos.
En mon nom et au nom des personnes distinguées en même temps que moi par ce jury, je remercie très expressément tous ceux ici présents.
Verehrter Herr Minister, verehrte Anwesende,
es ist nichts zu loben, nichts zu verdammen, nichts anzuklagen, aber es ist vieles lächerlich ; es ist alles lächerlich, wenn man an den Tod denkt.
Man geht durch das Leben, beeindruckt, unbeeindruckt, durch die Szene, alles ist austauschbar, im Requisitenstaat besser oder schlechter geschult : ein Irrtum ! Man begreift : ein ahnungsloses Volk, ein schönes Land – es sind tote
oder gewissenhaft gewissenlose Väter, Menschen mit der Einfachheit und der Niedertracht, mit der Armut ihrer Bedürfnisse… Es ist alles eine zuhöchst philosophische und unerträgliche Vorgeschichte. Die Zeitalter sind schwachsinnig, das Dämonische in uns ein immerwährender vaterländíscher Kerker, in dem die Elemente der Dummheit und der Rücksichtslosigkeit zur tagtäglichen Notdurft geworden sind. Der Staat ist ein Gebilde, das fortwährend zum Scheitern, das Volk ein solches, das ununterbrochen zur Infamie und zur Geistesschwäche verurteilt ist.
Das Leben Hoffnungslosigkeit, an die sích die Philosophien anlehnen, in welcher alles letztenendes verrückt werden muß.
Wir sind Österreicher, wir sind apathisch ; wir sind das Leben als das gemeine Desinteresse am Leben, wir sind in dem Prozeß der Natur der Größenwahn-Sinn als Zukunft. Wir haben nichts zu berichten, als daß wir erbärmlich sind
durch Einbildungskraft einer philosophisch-ökonomisch-mechanischen Monotonie verfallen.
Mittel zum Zwecke des Niedergangs, Geschöpfe der Agonie, erklärt sich uns alles, verstehen wir nichts. Wir bevölkern ein Trauma, wir fürchten uns, wir haben ein Recht, uns zu fürchten, wir sehen schon, wenn auch undeutlich im Hintergrund : die Riesen der Angst.
Was wir denken, ist nachgedacht, was wir empfinden, ist chaotisch, was wir sind, ist unklar.
Wir brauchen, uns nicht zu schämen, aber wir sind auch nichts und wir verdienen nichts als das Chaos.
Ich danke in meinem und im Namen der hier mit mir Ausgezeichneten, dieser Jury, ganz ausdrücklich allen Anwesenden.
Honored Minister, honored guests,
There is nothing to praise, nothing to damn, nothing to accuse, but much that is absurd, indeed it is all absurd, when one thinks about death.
We go through life impressed, unimpressed, we cross the scene, everything is interchangeable, we have been schooled more or less effectively in a state where everything is mere props : but it is all an error ! We understand : a clueless people, a beautiful country — there are dead fathers or fathers conscientiously without conscience, straightforwardly despicable in the raw basics of their needs … it all makes for a past history that is philosophically significant and unendurable. Our era is feebleminded, the demonic in us a perpetual national prison in which the elements of stupidity and thoughtlessness have become a daily need. The state is a construct eternally on the verge of foundering, the people one that is endlessly condemned to infamy and feeblemindedness, life a state of hopelessness in every philosophy and which will end in universal madness.
We’re Austrian, we’re apathetic, our lives evince the basest disinterest in life, in the workings of nature we represent the future as megalomania.
We have nothing to report except that we are pitiful, brought down by all the imaginative powers of an amalgam of philosophical, economic, and machine-driven monotony.
Means to an end when that end is destruction, creatures of agony, everything is explained to us and we understand nothing. We populate a trauma, we are frightened, we have the right to be frightened, we can already see in the background the dim shapes of the giants of fear.
What we think is secondhand, what we experience is chaotic, what we are is unclear.
We don’t have to be ashamed, but we are nothing, and we earn nothing but chaos.
In my name and in the name of those here who have also been selected by this jury, I thank all of you.
Les desserts ont toujours
été ton fort
Veau boeuf porc
finissaient toujours
en catastrophe rôtie et panée
La mère ne savait pas faire la cuisine
elle détestait la cuisine
Mais comme en attendant tu as cuisiné
RITTER
Elle ne l’a que re-cuisiné
VOSS
ce que tu as re-cuisiné
c’est loin d’être mauvais
je suis l’incommode
je suis celle qui énerve
je ne sais même pas faire la cuisine
même recuisiner je ne sais pas le faire
Nos petits déjeuners rien
n’a changé depuis vingt ans
depuis trente ans rien
nous tartinons depuis trente ans
la même chose sur le même pain
et nous buvons le même thé en plus
tu ne trouves pas
que nous devrions nous suicider
uniquement à cause de se fait
et ensuite le chantage norvégien
la cabane en rondins soi-disant projet contre lui-même
Fétichisme des toilettes d’été
il me l’a jeté à la figure