Le rêve “écran-veille” (1’30)
Expression d’une activité mentale réduite (qui n’est jamais totalement à l’arrêt), il constitue un intermezzo pendant lequel le “je” rêve peut-être encore, mais ne se souvient de rien, sinon de recherches angoissantes et de rues obscures. Un organique confit de minéralité et végétalité précieusement altérées : du louis-xv, du marbre, Mensch Menge, Mensch unbestimmter Menge. Il est impossible de donner à ce genre de rêves une quelconque signification, si tant est qu’on parvienne jamais à les traduire en mots, leur message nous parvenant pour l’essentiel sous la forme de cheatcodes pour MegaDrive : ABBA BBA AABB (cependant, il n’est pas sûr que ces rêves n’aient pas une fonction biologique voire même psychologique – rééquilibrage énergétique par mise en ordre des informations : sauter un niveau, revenir au précédent, s’étoffer artificiellement pour bien figurer au dernier niveau).
Je regarde en haut. Il fait une poudre noire sur la ville. Alors sous mon chapeau et dans la bouche j’entends un goût d’encre (avec de minuscules étuis métalliques). Je vois. Aussi comme une cloche sur la poudre noire. Du cercueil umbestimmten Menschen, puis j’entends des pièces nautiques du sommeil (sur chevaux marins). Ravi je songe : un sanctuaire microscopique. Et je traîne mon butin.Continuer
22 novembre 2014 (PAM4652)
Bernard est né le 30 novembre 1928 et mort le 22 novembre 2014, tout à Paris, comme d’un seul segment mais avec beaucoup de voyages sur le segment [né – mort].
On loue Bernard pour son phrasé. Son articulation.
La photo la plus iconique de Bernard le représente à genoux, en bourgeois avili lisant de la poésie-debout. La poésie debout dit la sortie de la page. Elle dit aussi le hiératisme.
On célèbre la beauté, l’élégance, la classe de Bernard de son vivant comme à sa mort. Sa rectitude est physique ; moralement souple, Bernard ne refuse rien, critique peu, aime universellement.
Tout le monde appelle Bernard Bernard.
Bernard admet qu’on l’appelle Bernard, qu’on le dise écrivain réaliste, poète expérimental, artiste d’avant-garde, haut-fonctionnaire de l’apréguerre.
L’œuvre de Bernard elle-même se laisse intégrer au corpus des légendes critiques qui font les écoles, les chapelles, les histoires et généalogies sélectives ; c’est souvent en ce sens qu’on dit les œuvres « incontournables » – mot de la critique FOMO.Continuer
Tirez sur – mais plutôt dans les jambes de – le médium (PAM4352)
Dans L’Efficacité Symbolique, Levi-Strauss rapproche le chamane et le psychanalyste. Il décrit leur double efficace, qui est aussi celle des incantations médiumniques : d’un côté, l’efficace rhétorique (« relation immédiate avec la conscience »), de l’autre l’efficace magique (« relation médiate avec l’inconscient »). En un sens, L‑S fait du chamane à la fois l’auteur du chant et le héros de l’épopée. Choeur et quêteur (L‑S dit : « le protagoniste réel du conflit »).
Chantant sa propre action, dramatisant son propre effet – comme on se donne de l’entrain en se frappant les joues, ou comme on appelle des orgasmes réels en les feignant d’abord, en les simulant pour les faire monter, ou comme les enfants qui se fouettent la cuisse pour faire avancer le cheval absent de leur crotch – c’est comme si le médium, le médium monologuant, était l’acteur et le doubleur, doublait ses propres prédictions de commentaires rhétoriques précautionneux (corrections, retouches, méticules contradictoires qui se donnent comme des précisions : left, or right, i’m saying left but i’m feeling it can be the right side as well). Le commentaire sur ses propres gestes fait d’ailleurs partie du trésor stylistique du mentisme décrit par Mounier (« énonciation des gestes, énonciation des intentions et des commentaires sur les actes »).
Il y a donc une prise en charge, par le médium – en son discours, en sa rhétorique même – de la confusion, de toute la confusion, ce qui peut-être libère le lecturé de sa propre confusion, le dégage des approximations et le place dans la position à la fois passive et maîtresse de récepteur, réactive une attention sélective (seuls certains noms, certains mots, sont perçus comme signifiants). Et qui sélectionne domine son sujet, somehow. Et sort de la confusion. Le médium lit une liste de noms, de relations, de mots, de faits vagues (accident, mort, âges de la vie) et dans sa litanie se glissent souvent des voilà, je vois tout ça, j’ai tout ça qui me vient, prenez ce que vous voulez, servez-vous, accommodez-vous avec ça, un seul mot de vous et j’explore cette piste plus avant, un seul mot de vous et je l’abandonne pour toujours, pas de problème, c’est votre choix, après tout « c’est vous qui voyez ». Le médium assume les errements, les approximations, et cette assomption vaut pour compétence qui augmente celle du lecturé, le dégageant. Ce savoir-faire lui fait savoir ce qu’il savait déjà et lui fait faire ce qu’il aurait fait de toute façon (mode psychanalytique).Continuer
Taquins de discourance
Discours randonnement recomposés.
Spécifiquement à l’avenant (PAM4052)
Réponses, empruntées au Livre de la Vie Dure et au Livre de la Vie Molle, à des questions que se posent les jeunes gens en communauté au Tuquet.
la vie dure
une cerise des opinions
comme grand petit sur le moussu des globes
et le moussu des seins des amis les plus tendres
et les plus ordinaires
aboulera aux autonomes de ça seulement vertueux,
aux moches aux yeux de leur propre parti
aux bannis de leurs propres enfers
et distribuera l’air de rien
toutes les joies réconciliées
en simplicité et en profusion
spécifiquement à l’avenantLivre de la Vie Molle, parabole dite du « bain des molestants » – où les molestants, après avoir ravagé le temple, s’en vont aux thermes (14:32:26:72:13).
Live birds peck dead mice (PAM3952)
Le collective wisdom corpus est-il le produit d’une concaténation patiente ? Le proverbe est-elle la même vieille brave taupe creusant ses galeries, inlassablement, sous l’assaut constant des idéologies ?
Une discussion avec Sam et Sean à la surface clapotante du générique. À la surface des fois calme des fois agitée du générique. Selon le format de sagesse qui compresse et complique : catalogue de rôles paraboliques (police and thieves, silly lennon / funny ringo, poor lobster and voracious sheep), cosmologies catégoriques, lulling chiasmus or antithesis, langue s’affermissant dans la prescription, impératif moral tenu dans le modal (tu ne dois pas, tu ne peux pas, d’ailleurs tu n’as pas le droit et ce n’est de toute façon pas possible).
<notreally>Wisdom is a format, truth a compression.</butnotreally>
Procédure :
1/ Apply « Sound finder » effect on Audacity (tune a bit according to the source track)
2/ Randomly rename mp3s : for fname in *.mp3 ; do mv « $fname » $(echo « $fname » | sha1sum | cut ‑f1 ‑d” ”).mp3 ; done
3/ Concatenate all mp3s of the folder into one mp3 : cat *.mp3 > final_file.mp3
Branloire pérenne (PAM3852)
L’EP 38 sur 52 de la Petite Année de la Marchandise est une composition en trois mouvements pour deux percussionnistes. Sa partition est mentale, elle consiste
à se visualiser
mentalement foutant
des petits coups dans les chevilles du PETIT BONHOMME DE CHEMIN
ou bien encore à
tataner, à balayer
cette saloperie de
PETIT BONHOMME DE CHEMIN
qui mène à la mort comme on mène au mâle.
Ma (PAM3452)
Ma est le 34e EP de la Petite Année de la Marchandise. C’est une improvisation corollaire d’un texte (Le chevauchant cravachant le galopant) et d’un exercice de prononciation en anglais et allemand (Chateau Cheuvale – colonne de droite sur la page de l’EP) qu’LL de Mars a intussusceptionnés puis précipités dans un diagramme qui a servi de partition. Les figures y sont grotesques et programmatiques, elles sont comme des nœuds de quipou qui à la fois arrêtent, scandent et démêlent les anamnèses.
1/ « Ma » est, dans de nombreuses langues, le premier son humain émis reconnu comme articulation, donc comme parole.
2/ « Ma » est la première syllabe du nom de Marcel Jousse, la bête schizoïde chamane-possédée dont il est question dans Le chevauchant cravachant le galopant. On y lit que le réglage d’un rapport au monde se fait par des moments de versatilité ludique (ce que l’anglais appelle playing) et par l’affirmation d’une unité scénaristique de ces moments dans une heuristique du rejeu (ce que Jousse appelle un drame). La possibilité préservée d’une reprise, d’un recommencement, maintient ce vide efficace, fonctionnel, du « jeu pour le jeu » (le « ma » japonais : 間). Ce qui finit par constituer l’axe herméneutique du jeu enfantin, pour Jousse, c’est la porosité des rôles établis par le scénario adulte consolidé : sujet/objet, agent/agi, maître/possédé.
3/ « Ma » est un monosyllabe chinois qui imprime l’échangeur [agent/agi] dans le circuit de toute langue et fait son mandarin dans la langue :
Le mamamama chinois, exercice de réglage accentuel à l’usage des étrangers, construit, par la répétition, une différence rythmique au sein d’un perçu-comme-même ; c’est le mode de la reprise des jeux enfantins (le noch einmal évoqué par Benjamin dans Spielzeug und Spielen). Ce mode n’autorise qu’un seul rôle, celui de fouetteur fouetté par son langage gestuel et vocal. Ainsi agent/agi, cheval/mère, sont moins des chapichapos – dont le ballet synchronise la pantomime d’un rangement – que des bêtes schizoïdes chamane/possédé – occupées à maintenir l’indétermination de leur idiome commun. Leurs « reprises » ne visent pas l’accord avec un langage soit déjà connu, soit déjà écrit, mais le maintien d’une roue libre spéculative où le signifiant ne risque pas de se fixer – ou plus exactement, de s’admirer dans ce qu’il prend pour son image enfin recomposée.
4/ « Ma » est le radical du prénom d’une fille et par là presque fatalement le nom-doudou qui remplace, valide, complète en l’écourtant, le nom conventionnel de la marionnette parentale. Un nom de formule macho-magique, possessif à clef unique mais accentuable, tonifiable, intensifiable à l’infini.
Les pieds sur Nathalie Quintane – un entretien (PAM3152)
EP 31 sur 52. Un entretien dans Nathalie Quintane, les pieds sur son intérieur, à l’occasion de son sentiment sur, à propos de sa raison, dans ses contradictions les plus sous, avec-c’est-à-dire-sans elle (son nom, sa profile pic de livre de poche), et certainement sans non plus de terrain commun tassé par les noms et leurs opinions ou l’inverse (d’ailleurs laissez-moi vous dire que ça n’a aucune importance, ou l’importance décisive de toute chose dans la tradition de là n’est pas la question). On y parle de politique par devant et des moyens de s’en sortir par derrière, de mozza frontale et de tatoo lombaire, d’immensités complexes à choper rageusement par les flancs et à tordre jusqu’à ce qu’elles bougent.
Mon analyse
(Aménagement du territoire de subjectivité spectaculaire)
Bonjours, je vais bien.
Je vais faire une analyse.
En direct de mon intérieur, du nid de mes opinions, du terrier de mes visions.
Je vais expliquer dans une video.
Suivez-moi dans ma video.
Je ferai une nouvelle video si celle-là n’est pas suffisante.
Je vais bien, je vous adresse ce message.
Il faut que ce soit bien compris.
C’est pas les voisins qui me gênent, là.
Je vous adresse cet appel via depuis à travers mon media.
Un dix-huit juin par jour pendant toute la vie.
Je vais m’individuer devant vos yeux par un récit du monde qui va vous retourner, vous faire voir, vous ouvrir les yeux.
Regarde ! De la liberté d’expression. De la pure. De la bonne. De la vraie.
Sans filtre. Et comme ça fait un petit bail que je couve mes dernières opinions.
J’analyse. Je fais comparaître mes petits.
Une maison, une piaule, une piscine à boules où les boules sont mes opinions.
Bonus-source : La trentième maison de Georges Simenon