Le rêve “écran-veille” (1’30)
Expression d’une acti­vi­té men­tale réduite (qui n’est jamais tota­le­ment à l’arrêt), il consti­tue un inter­mez­zo pen­dant lequel le “je” rêve peut-être encore, mais ne se sou­vient de rien, sinon de recherches angois­santes et de rues obs­cures. Un orga­nique confit de miné­ra­li­té et végé­ta­li­té pré­cieu­se­ment alté­rées : du louis-xv, du marbre, Mensch Menge, Mensch unbes­timm­ter Menge. Il est impos­sible de don­ner à ce genre de rêves une quel­conque signi­fi­ca­tion, si tant est qu’on par­vienne jamais à les tra­duire en mots, leur mes­sage nous par­ve­nant pour l’essentiel sous la forme de cheat­codes pour MegaDrive : ABBA BBA AABB (cepen­dant, il n’est pas sûr que ces rêves n’aient pas une fonc­tion bio­lo­gique voire même psy­cho­lo­gique – rééqui­li­brage éner­gé­tique par mise en ordre des infor­ma­tions : sau­ter un niveau, reve­nir au pré­cé­dent, s’étoffer arti­fi­ciel­le­ment pour bien figu­rer au der­nier niveau).
Je regarde en haut. Il fait une poudre noire sur la ville. Alors sous mon cha­peau et dans la bouche j’entends un goût d’encre (avec de minus­cules étuis métal­liques). Je vois. Aussi comme une cloche sur la poudre noire. Du cer­cueil umbes­timm­ten Menschen, puis j’entends des pièces nau­tiques du som­meil (sur che­vaux marins). Ravi je songe : un sanc­tuaire micro­sco­pique. Et je traîne mon butin.Continuer

Bernard est né le 30 novembre 1928 et mort le 22 novembre 2014, tout à Paris, comme d’un seul seg­ment mais avec beau­coup de voyages sur le seg­ment [né – mort].

On loue Bernard pour son phra­sé. Son arti­cu­la­tion.

La pho­to la plus ico­nique de Bernard le repré­sente à genoux, en bour­geois avi­li lisant de la poé­sie-debout. La poé­sie debout dit la sor­tie de la page. Elle dit aus­si le hié­ra­tisme.

On célèbre la beau­té, l’é­lé­gance, la classe de Bernard de son vivant comme à sa mort. Sa rec­ti­tude est phy­sique ; mora­le­ment souple, Bernard ne refuse rien, cri­tique peu, aime uni­ver­sel­le­ment.

Tout le monde appelle Bernard Bernard.

Bernard admet qu’on l’ap­pelle Bernard, qu’on le dise écri­vain réa­liste, poète expé­ri­men­tal, artiste d’a­vant-garde, haut-fonc­tion­naire de l’a­pré­guerre.

L’œuvre de Bernard elle-même se laisse inté­grer au cor­pus des légendes cri­tiques qui font les écoles, les cha­pelles, les his­toires et généa­lo­gies sélec­tives ; c’est sou­vent en ce sens qu’on dit les œuvres « incon­tour­nables » – mot de la cri­tique FOMO.Continuer

Dans L’Efficacité Symbolique, Levi-Strauss rap­proche le cha­mane et le psy­cha­na­lyste. Il décrit leur double effi­cace, qui est aus­si celle des incan­ta­tions médium­niques : d’un côté, l’efficace rhé­to­rique (« rela­tion immé­diate avec la conscience »), de l’autre l’efficace magique (« rela­tion médiate avec l’inconscient »). En un sens, L‑S fait du cha­mane à la fois l’auteur du chant et le héros de l’épopée. Choeur et quê­teur (L‑S dit : « le pro­ta­go­niste réel du conflit »).

Chantant sa propre action, dra­ma­ti­sant son propre effet – comme on se donne de l’entrain en se frap­pant les joues, ou comme on appelle des orgasmes réels en les fei­gnant d’abord, en les simu­lant pour les faire mon­ter, ou comme les enfants qui se fouettent la cuisse pour faire avan­cer le che­val absent de leur crotch – c’est comme si le médium, le médium mono­lo­guant, était l’acteur et le dou­bleur, dou­blait ses propres pré­dic­tions de com­men­taires rhé­to­riques pré­cau­tion­neux (cor­rec­tions, retouches, méti­cules contra­dic­toires qui se donnent comme des pré­ci­sions : left, or right, i’m saying left but i’m fee­ling it can be the right side as well). Le com­men­taire sur ses propres gestes fait d’ailleurs par­tie du tré­sor sty­lis­tique du men­tisme décrit par Mounier (« énon­cia­tion des gestes,‭ ‬énon­cia­tion des inten­tions et des com­men­taires sur les actes »).

Il y a donc une prise en charge, par le médium – en son dis­cours, en sa rhé­to­rique même – de la confu­sion, de toute la confu­sion, ce qui peut-être libère le lec­tu­ré de sa propre confu­sion, le dégage des approxi­ma­tions et le place dans la posi­tion à la fois pas­sive et maî­tresse de récep­teur, réac­tive une atten­tion sélec­tive (seuls cer­tains noms, cer­tains mots, sont per­çus comme signi­fiants). Et qui sélec­tionne domine son sujet, some­how. Et sort de la confu­sion. Le médium lit une liste de noms, de rela­tions, de mots, de faits vagues (acci­dent, mort, âges de la vie) et dans sa lita­nie se glissent sou­vent des voi­là, je vois tout ça, j’ai tout ça qui me vient, pre­nez ce que vous vou­lez, ser­vez-vous, accom­mo­dez-vous avec ça, un seul mot de vous et j’explore cette piste plus avant, un seul mot de vous et je l’abandonne pour tou­jours, pas de pro­blème, c’est votre choix, après tout « c’est vous qui voyez ». Le médium assume les erre­ments, les approxi­ma­tions, et cette assomp­tion vaut pour com­pé­tence qui aug­mente celle du lec­tu­ré, le déga­geant. Ce savoir-faire lui fait savoir ce qu’il savait déjà et lui fait faire ce qu’il aurait fait de toute façon (mode psy­cha­na­ly­tique).Continuer

Réponses, emprun­tées au Livre de la Vie Dure et au Livre de la Vie Molle, à des ques­tions que se posent les jeunes gens en com­mu­nau­té au Tuquet.

la vie dure
une cerise des opi­nions
comme grand petit sur le mous­su des globes
et le mous­su des seins des amis les plus tendres
et les plus ordi­naires
abou­le­ra aux auto­nomes de ça seule­ment ver­tueux,
aux moches aux yeux de leur propre par­ti
aux ban­nis de leurs propres enfers
et dis­tri­bue­ra l’air de rien
toutes les joies récon­ci­liées
en sim­pli­ci­té et en pro­fu­sion
spé­ci­fi­que­ment à l’avenant

Livre de la Vie Molle, para­bole dite du « bain des moles­tants » – où les moles­tants, après avoir rava­gé le temple, s’en vont aux thermes (14:32:26:72:13).

Le col­lec­tive wis­dom cor­pus est-il le pro­duit d’une conca­té­na­tion patiente ? Le pro­verbe est-elle la même vieille brave taupe creu­sant ses gale­ries, inlas­sa­ble­ment, sous l’as­saut constant des idéo­lo­gies ?

Une dis­cus­sion avec Sam et Sean à la sur­face cla­po­tante du géné­rique. À la sur­face des fois calme des fois agi­tée du géné­rique. Selon le for­mat de sagesse qui com­presse et com­plique : cata­logue de rôles para­bo­liques (police and thieves, silly len­non / fun­ny rin­go, poor lobs­ter and vora­cious sheep), cos­mo­lo­gies caté­go­riques, lul­ling chias­mus or anti­the­sis, langue s’af­fer­mis­sant dans la pres­crip­tion, impé­ra­tif moral tenu dans le modal (tu ne dois pas, tu ne peux pas, d’ailleurs tu n’as pas le droit et ce n’est de toute façon pas pos­sible).

<notreally>Wisdom is a for­mat, truth a compression.</butnotreally>

Procédure :
1/ Apply « Sound fin­der » effect on Audacity (tune a bit accor­ding to the source track)
2/ Randomly rename mp3s : for fname in *.mp3 ; do mv « $fname » $(echo « $fname » | sha1sum | cut ‑f1 ‑d” ”).mp3 ; done
3/ Concatenate all mp3s of the fol­der into one mp3 : cat *.mp3 > final_file.mp3


L’EP 38 sur 52 de la Petite Année de la Marchandise est une com­po­si­tion en trois mou­ve­ments pour deux per­cus­sion­nistes. Sa par­ti­tion est men­tale, elle consiste
à se visua­li­ser
men­ta­le­ment fou­tant
des petits coups dans les che­villes du PETIT BONHOMME DE CHEMIN
ou bien encore à
tata­ner, à balayer
cette salo­pe­rie de
PETIT BONHOMME DE CHEMIN
qui mène à la mort comme on mène au mâle.


Ma est le 34e EP de la Petite Année de la Marchandise. C’est une impro­vi­sa­tion corol­laire d’un texte (Le che­vau­chant cra­va­chant le galo­pant) et d’un exer­cice de pro­non­cia­tion en anglais et alle­mand (Chateau Cheuvale – colonne de droite sur la page de l’EP) qu’LL de Mars a intus­sus­cep­tion­nés puis pré­ci­pi­tés dans un dia­gramme qui a ser­vi de par­ti­tion. Les figures y sont gro­tesques et pro­gram­ma­tiques, elles sont comme des nœuds de qui­pou qui à la fois arrêtent, scandent et démêlent les ana­mnèses.

Le conduc­teur

1/ « Ma » est, dans de nom­breuses langues, le pre­mier son humain émis recon­nu comme arti­cu­la­tion, donc comme parole.

2/ « Ma » est la pre­mière syl­labe du nom de Marcel Jousse, la bête schi­zoïde cha­mane-pos­sé­dée dont il est ques­tion dans Le che­vau­chant cra­va­chant le galo­pant. On y lit que le réglage d’un rap­port au monde se fait par des moments de ver­sa­ti­li­té ludique (ce que l’an­glais appelle playing) et par l’af­fir­ma­tion d’une uni­té scé­na­ris­tique de ces moments dans une heu­ris­tique du rejeu (ce que Jousse appelle un drame). La pos­si­bi­li­té pré­ser­vée d’une reprise, d’un recom­men­ce­ment, main­tient ce vide effi­cace, fonc­tion­nel, du « jeu pour le jeu » (le « ma » japo­nais : 間). Ce qui finit par consti­tuer l’axe her­mé­neu­tique du jeu enfan­tin, pour Jousse, c’est la poro­si­té des rôles éta­blis par le scé­na­rio adulte conso­li­dé : sujet/objet, agent/agi, maître/possédé.

3/ « Ma » est un mono­syl­labe chi­nois qui imprime l’é­chan­geur [agent/agi] dans le cir­cuit de toute langue et fait son man­da­rin dans la langue :

Est-ce que maman a châ­tié le che­val ? Est-ce que le che­val a châ­tié maman ? (exer­cice de pro­non­cia­tion man­da­rin)

Le mama­ma­ma chi­nois, exer­cice de réglage accen­tuel à l’u­sage des étran­gers, construit, par la répé­ti­tion, une dif­fé­rence ryth­mique au sein d’un per­çu-comme-même ; c’est le mode de la reprise des jeux enfan­tins (le noch ein­mal évo­qué par Benjamin dans Spielzeug und Spielen). Ce mode n’au­to­rise qu’un seul rôle, celui de fouet­teur fouet­té par son lan­gage ges­tuel et vocal. Ainsi agent/agi, cheval/mère, sont moins des cha­pi­cha­pos – dont le bal­let syn­chro­nise la pan­to­mime d’un ran­ge­ment – que des bêtes schi­zoïdes chamane/possédé – occu­pées à main­te­nir l’in­dé­ter­mi­na­tion de leur idiome com­mun. Leurs « reprises » ne visent pas l’ac­cord avec un lan­gage soit déjà connu, soit déjà écrit, mais le main­tien d’une roue libre spé­cu­la­tive où le signi­fiant ne risque pas de se fixer – ou plus exac­te­ment, de s’ad­mi­rer dans ce qu’il prend pour son image enfin recom­po­sée.

4/ « Ma » est le radi­cal du pré­nom d’une fille et par là presque fata­le­ment le nom-dou­dou qui rem­place, valide, com­plète en l’é­cour­tant, le nom conven­tion­nel de la marion­nette paren­tale. Un nom de for­mule macho-magique, pos­ses­sif à clef unique mais accen­tuable, toni­fiable, inten­si­fiable à l’in­fi­ni.

EP 31 sur 52. Un entre­tien dans Nathalie Quintane, les pieds sur son inté­rieur, à l’oc­ca­sion de son sen­ti­ment sur, à pro­pos de sa rai­son, dans ses contra­dic­tions les plus sous, avec-c’est-à-dire-sans elle (son nom, sa pro­file pic de livre de poche), et cer­tai­ne­ment sans non plus de ter­rain com­mun tas­sé par les noms et leurs opi­nions ou l’in­verse (d’ailleurs lais­sez-moi vous dire que ça n’a aucune impor­tance, ou l’im­por­tance déci­sive de toute chose dans la tra­di­tion de là n’est pas la ques­tion). On y parle de poli­tique par devant et des moyens de s’en sor­tir par der­rière, de moz­za fron­tale et de tatoo lom­baire, d’im­men­si­tés com­plexes à cho­per rageu­se­ment par les flancs et à tordre jus­qu’à ce qu’elles bougent.

(Aménagement du ter­ri­toire de sub­jec­ti­vi­té spec­ta­cu­laire)
Bonjours, je vais bien.
Je vais faire une ana­lyse.
En direct de mon inté­rieur, du nid de mes opi­nions, du ter­rier de mes visions.
Je vais expli­quer dans une video.
Suivez-moi dans ma video.
Je ferai une nou­velle video si celle-là n’est pas suf­fi­sante.
Je vais bien, je vous adresse ce mes­sage.
Il faut que ce soit bien com­pris.
C’est pas les voi­sins qui me gênent, là.
Je vous adresse cet appel via depuis à tra­vers mon media.
Un dix-huit juin par jour pen­dant toute la vie.
Je vais m’in­di­vi­duer devant vos yeux par un récit du monde qui va vous retour­ner, vous faire voir, vous ouvrir les yeux.
Regarde ! De la liber­té d’ex­pres­sion. De la pure. De la bonne. De la vraie.
Sans filtre. Et comme ça fait un petit bail que je couve mes der­nières opi­nions.
J’analyse. Je fais com­pa­raître mes petits.
Une mai­son, une piaule, une pis­cine à boules où les boules sont mes opi­nions.
Bonus-source : La tren­tième mai­son de Georges Simenon