La forme poé­tique, tita­nique, de l’individualisme est au cal­cul uti­li­taire une réponse exces­sive, mais une réponse : sous sa forme consa­crée, le roman­tisme ne fut guère qu’une allure anti­bour­geoise de l’individualisme bour­geois.

La lit­té­ra­ture et le mal [1957]
Gallimard Folio 2013
p. 45

L’amour de la nature est d’ailleurs si sus­cep­tible d’accord avec le pri­mat de l’utile, c’est-à-dire du len­de­main, qu’il a été le mode de com­pen­sa­tion le plus répan­du – le plus ano­din – des socié­tés uti­li­sa­trices : rien évi­dem­ment de moins dan­ge­reux, de moins sub­ver­sif, à la fin de moins sau­vage, que la sau­va­ge­rie des rochers.

La lit­té­ra­ture et le mal [1957]
Gallimard Folio 2013
p. 44

De la nais­sance à la mort de Charles Baudelaire, l’Europe s’engagea dans un réseau de voies fer­rées, la pro­duc­tion ouvrir la pers­pec­tive d’un accrois­se­ment indé­fi­ni des forces pro­duc­tives et se don­na cet accrois­se­ment pour fin. L’opération pré­pa­rée depuis long­temps com­men­çait une méta­mor­phose rapide du monde civi­li­sé, fon­dée sur le pri­mat du len­de­main, à savoir sur l’accu­mu­la­tion capi­ta­liste.

La lit­té­ra­ture et le mal [1957]
Gallimard Folio 2013
p. 44

La misère de la tra­di­tion est de s’appuyer sur la fai­blesse, qui engage le sou­ci de l’avenir. Le sou­ci de l’avenir exalte l’avarice ; il condamne l’imprévoyance, gas­pille. La fai­blesse pré­voyante s’oppose au prin­cipe de la jouis­sance de l’instant pré­sent. La morale tra­di­tion­nelle s’accorde avec l’avarice, elle voit dans la pré­fé­rence pour la jouis­sance immé­diate la racine du Mal. La morale avare fonde l’entente de la jus­tice et de la police. Si je pré­fère la jouis­sance, je déteste la répres­sion.

La lit­té­ra­ture et le mal [1957]
Gallimard Folio 2013
p. 106–107

GRAND-PEUR ET MISÈRE DU TROISIÈME REICH est main­te­nant par­ti à l’im­pres­sion. déjà, Lukàcs a salué LE MOUCHARD comme si j’é­tais un pécheur ren­tré dans le giron de l’ar­mée du salut. voi­là enfin qui est pris à même la vie ! on oublie vite qu’ils s’a­git d’un mon­tage de 27 scènes, d’un simple réper­toire de gestes, se taire, ins­pec­ter autour de soi, sur­sau­ter d’ef­froi, etc.

Journal de tra­vail [Arbeitsjournal, Suhrkamp, 1973]
trad. Philippe Ivernel
L’arche 1976
p. 19
15.8.38 gestuaire lukacs peur