Une publicité pour le peuple qu’on disait routinier, qui se termine par une déclaration du peuple qu’on disait routinier.
« Pas spécialement poétique »
Nathalie Quintane, Christophe Tarkos
et la dé-spécialisation de la poésie (1992 – 2019)
> https://www.testanonpertinente.net/PSP/
Mon amie L. a dressé une typologie sommaire mais robuste de la parole politicienne. Pour elle, tout discours politique émane nécessairement d’une de ces deux instances : le Ministre de la Violence Intérieure, le Ministre de la Violence Extérieure. Cette dualité n’est pas une bicéphalité (on sait bien qu’il n’y a pas deux personnes qui décident, en France, mais une seule) ; les deux ministres sont des instances, que peuvent incarner tour à tour n’importe quels membres du clan au pouvoir. Une même personne peut être tantôt MVI, tantôt MVE. Par ailleurs, MVI et MVE ne désignent pas, a priori, des positions modales : il y a des degrés de ministration de la Violence Extérieure, des degrés de ministration de la Violence Intérieure. La modélisation de L. n’a pas pour vocation de déterminer le rôle de telle ou telle personne dans la ministration des Violences, et de l’y assigner ; la modélisation de L. est d’abord un outil d’analyse des discours politiques. C’est en tout cas ainsi que je l’ai comprise, avant que L. me dise que, dans son esprit, ça n’est pas ça du tout.
Parce que ces deux instances discursives – MVE et MVI – ne sont pas de l’ordre du lapsus mais sont pleinement, et la plupart du temps grossièrement assumées par des gens qui ont la prétention d’être d’habiles rhéteurs et d’excellents communicants, on peut considérer qu’elles ne se trouvent pas incidemment dans les discours, mais qu’elles en sont constitutives. C’est pourquoi il n’est pas nécessaire de traquer des maladresses dans les interviews et réactions à chaud ; il suffit de se fier aux verbatims d’allocutions et à la teneur explicite des déclarations. Notre analyse est facilitée par la croyance du corps politicien dans le degré phéromonal de la communication, c’est-à-dire dans l’effectivité massive des signaux envoyés par leurs phrases. Ainsi entend-on souvent des commentateurs dire : le Ministre / le Président doit envoyer / a envoyé un signal fort – ce qui ne peut pas ne pas s’entendre comme : « Le Ministre a dégagé une odeur forte ». (Qui n’a pas senti jusque chez soi l’aftershave alphagenré lors d’un discours de Castaner, avec la même intensité que, lorsqu’à la mi-temps des matchs de foot, s’enchaînent les pubs pour désodorisant de chiottes pour aisselles). Ce signal phéromonal à l’adresse des masses, on peut aussi l’appeler, en termes rhétorico-linguistiques, performatif crevé : ça fait belle lurette qu’il n’a plus aucune efficacité, mais tout le monde continue de faire comme si – comme si parler valeurs rendait valeureux, comme si parler fermement donnait de la consistance, comme si parler au futur simple faisait son oracle.Continuer