tract imprimé sur Riso ; avec Pierre Tandille à l’atelier Boucherie, Marseille
Ta source-propre
– Tu serais d’accord pour intervenir depuis le public avec ta source-propre ?
– Oui mais amplifié quand même ?
– Tout à fait : source-propre.
Nous avons pensé que tu pourrais intervenir, pendant le concert, depuis ta source-propre, comme commutateur ou membrane vibratile entre l’élément concertant de l’événement et son élément célébrant, mais non concertant.
Ni plein l’un des deux ni béant d’aucun, pas non plus zélé posologue (styliste, bartender)
tu n’incites ni n’empêches, ne mobilises ni n’exonères, assumes une fonction mais
pas spécialement, veux-neux
décidé mais sans souscription
ni au motif
de la reddition dans la fête,
ni au principe exclusif du “nous” de l’Amicale
(te vois soustrait aux guerres d’égards qui sculptent les communautés d’events).
Idéalement déminé donc
et depuis cette tranchée diathétique où rien pas
même la désinvolture n’est select, tu interviens
intermittemment sous ta source-propre, chaque fois là
crestation sponte sua d’un truc
rond
de ses récalcitrances
qui respire par imbibition < > dessiccation
(et de ces mouvements pas sûr de
duquel l’augmente).
Après c’est tout un jeu d’usages avec ta source-propre (silence, saturation,
degré de théâtralité, de gêne, de facétie,
boudin de porte ou vent coulis,
croûte ou mie de la formation,
pendule de ses tendances au bartlebien
et à l’industrieux).
Imaginons-toi boulé dans un coin, sous l’orgue par exemple,
armé de ta seule source-propre,
et comme poignant entre ou dans les chnasons pour dire ou rien dire, idéalement
à ce degré d’empirisme atteint par les grands singes dans l’effort au treat
ou les démêlants d’écouteurs
stresstests cognitifs déréels, très zielorientiert
moments de démunition où la source occupe à ce point
que son propre n’est plus tant dans fluer
que dans un instress hyperdense, pressionnant son objet par tout ce qui chez lui fait
pore, prise, terminal synaptique –
une selvation par absorption.
Bien qu’il faille garder à l’esprit que ce que nous appelons source-propre aujourd’hui n’a guère à voir avec ce qui s’est appelé source-propre pendant des millénaires, nous avons pensé à toi pour une intervention depuis source-propre, car tu nous as semblé le plus moderne interprète de ta source-propre.
Bien sûr, tu n’es pas le mieux placé pour juger de la puissance ou de l’impuissance de ta source-propre, mais que ça ne t’empêche pas
D’INTERVENIR car crois-nous-toi on y gagne toujours ; une intervention entre nous est un jeu où tous sont en cheville, au lieu qu’en boule chacuns sont en cheville avec soi-mêmes et c’est tout de même plus drôle, plus marrant, mieux – entre amis entre célébrants entre concertants – d’être tous en cheville en même temps plutôt que chacuns isolés ratatinés en soi.
Interviens quand tu veux, mais toujours de ta source-propre. Prends cette fidélité absurde comme un exercice de mystique inverse : fantôme astreint, à force de vautrades, à se considérer de plus en plus probable.
Le quipou de la communauté
En août 2016, chez des ami·es ayant invité des ami·es qui m’étaient soit ami·es soit ami·es d’ami·es formant au mieux communauté au moins intergens dense, j’ai tendu un fil entre deux arbolustes, auquel j’ai laissé pendouiller d’autres fils. Les deux arbolustes étaient de robustesse moyenne étant moyens en taille selon les standards nature mais faits de ce bois d’arbre caractéristique du règne arbolant. L’objet multifilaire s’appelle quipou par convention d’Incas. Il a prétendu à cette ordinarité du bois d’arbre. Il a assumé pour la communauté ou l’intergens une dose de généricité qui devait l’en soulager, la soulager (la communauté) d’avoir à s’y (dans la communauté) reconnaître en dehors de ce qu’en (de la communauté) figurerait le quipou.
Un quipou est un ensemble de cordelettes de couleurs variées, dont la réunion, l’agencement, la combinaison des fils étaient utilisés par des Incas pour se rappeler les dates et faites et intensités importantes dans la communauté.
Les noeuds sont à la fois des rapports de cour des comptes et des poèmes épiques, mais en tout cas pas développés. En ce sens le quipou est à la fois un registre administratif – s’y indiquent les triviaux de tout groupe qui sont souvent aussi ses vitaux – et un légendier communautaire qui noue du décisif sur la corde de chaque moment, fait de tout pipi, de toute baise, tout hoquet, tout scandale, tout état d’urgence sentimental, toute blessure contractée lors des débroussaillages un moment clé du récit épique. Le quipou épicise à l’avenant. Le quipou manifeste une confiance propitiatoire dans l’intergens.
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Ce mouvement s’appelle l’émotte
C’est pendant le béchage que le jeune reçoit sa première éducation, car dès ce moment la mère et ses oisillons conversent et l’on dit alors des jeunes qu’ils chantent en coquilles. Le jeune sort tout mouillé de sa coquille et pendant vingt-quatre heures reste sous la mère pour se sécher. C’est la période du séchage. Le jeune non encore adulte s’appelle aussi pouillard.
La perdrix piète quand elle fuit à pied sans voler, mais si elle vole au ras du sol, on dit qu’elle rase.
Lorsqu’une poule perdrix qui a pondu voit ses œufs détruits ou disparus par un fait quelconque, elle recommence une autre ponte et cela s’appelle un recoquetage. Quand les perdreaux suivent leurs parents sans pouvoir encore voler, ils sont à la traîne. Si la perdrix se cache derrière une motte de terre, cette action s’appelle s’amotter.
La femelle appelle le mâle par son chant spécial et on lui donne à ce moment le nom de chanterelle, en disant d’elle qu’elle rappelle. D’une perdrix accouplée, on dit qu’elle est adouée.
(Cynégétique de la perdrix par un expert en agriculture (chasse, gibier) près les tribunaux.)
Savoir par qui on est chassé, et comment, passe peut-être par débusquer dans la langue des assignations politiques ces indicatifs cynégétiques qui naturalisent les formes de vie, en déterminent les rythmes, en scandent l’existence par la discrétisation des actions et des attitudes, n’en considèrent que ce qui a trait à la croissance ou la reproduction : on dit de lui qu’il chante en coquille, on dit d’elle qu’elle est à la traîne ; c’est la période du séchage ; on dira d’eux qu’ils ont adoués ; on fera remarquer que celui-ci rase tandis que celle-là recoquette.
L’opération par laquelle un lexique emprunté aux patois se conserve intact et s’entretient comme langue de cour (à la fois d’expertise et de connivence) est à mettre en regard de celle par laquelle la langue tribunale, inepte à dialectiser, trouve à s’affermir miraculeusement dans l’égrènement des faits et le sentencieux des sentences.
Le monopole du feu seul offre aux chasseurs une vue flatteuse sur un monde rangé comme un diorama, tenu en respect dans ce genre de légalité organique qui fait les histoires naturelles, avec leurs misérables taxons : « agriculture (chasse, gibier) ».
Quand les petits s’écoquillent seuls, on dit qu’ils cassent. Quand ils cessent de se cacher pour surgir en nombre des mottes, ce mouvement s’appelle l’émotte.
vignette parue dans la revue Hex et diffusée sous forme de tract
Quelque chose qui ne se voit pas
dans un endroit où il n’y a personne
Le 30 avril dernier, pour Artichoke, une reading series perlinoise, Nathalie Quintane a lu un texte intitulé On va faire quelque chose qui ne se verra pas dans un endroit où il n’y a personne. Traduit en ENG et DE et couché sur PDF, format de propriétaire, le texte est augmenté d’une introduction (reproduite ci-dessous) et d’un appareil de notes qui ne manquent pas de produire leur petit effet French Civ 101. Claquer l’img pour accéd àl” pdf.
La France, autrefois, c’était un nom de pays ; prenons garde que ce ne soit, en 1961, le nom d’une névrose.
Sartre, préface aux Damnés de la Terre de Fanon
Le 8 mai 1945, la France célèbre la fin de la Guerre. À Sétif (Algérie), les célébrations prennent la forme d’émeutes indépendantistes dont la répression fait pour cette seule journée plusieurs milliers de morts. Le jour-même où la France éternelle célèbre une nouvelle victoire des Lumières sur la barbarie, elle poursuit l’air de rien une mission civilisatrice dont la législation et les méthodes ont inspiré tous les fascismes (ainsi du code de l’indigénat de 1881, premier « état d’exception » décrété par la République, qui instaure une citoyenneté de second rang et autorise les sanctions collectives et les déportations à l’écart du droit métropolitain). En Algérie comme en métropole, les méthodes contre-insurrectionnelles reprendront les méthodes protogénocidaires : liquidations, tortures, corps jetés dans la Seine ou entassés au stade.
C’est cette perméabilité historique et la porosité des mémoires en charge de cette histoire que le texte de Nathalie Quintane ici publié explore, s’appuyant sur un corpus de paroles dont l’origine parfois obscure ne fait que souligner qu’elles appartiennent à l’air du temps, un air de rien, une petite musique suggestive qui entretient des rapport étroits avec le style français, celui qui jouit, au boudoir comme au comptoir, de n’être jamais univoque. Celui qui, parlant à “tous”, s’adresse à certains.Continuer
Dépatouille (eng)
This text is an ENG version of PAM552 booklet. It has been translated by LottoThiessen, Joel Scott and Marty Hiatt for Artichoke 4.
dépatouiller qqch : to cope with sth, to manage sth
se dépatouiller : to disentangle oneself
- Get up and walk. Dépatouille is a game for two players, in which A gives B orders that should lead her to complete a simple action (stand, walk, drink a glass of water…). The constraint lies in the fact that B is entirely ignorant of the gestural repertoire of social domestication : thus, nothing can be achieved by ordering B to “stand up, walk over there and drink that glass of water”, because the actions of standing up, walking, drinking, the deixes “over there” and “that”, and the pragmatic “glass of water” are completely unfamiliar to her. B’s competence refers exclusively to parts of her body and to absolute positions in relation to these. So if B, slouched on a couch, must manage to stand up and drink a glass of water, “apply a 35° bend to your left arm along the floor” is a kind of acceptable start to setting her right. B is called l’empatouillée ; A la dépatouilleuse.
- Starting Position. The empatouillée chooses her starting position ; this involves the greatest possible relaxation. This starting position is the empatouillée’s expressive moment, in which possibilities of slackness, the feeling comfortable and the make yourself comfortable, are extended beyond the boundaries of hospitality. The empatouillée doesn’t only play the docile host of the dépatouilleuse, she is also the guest who chooses where and how she loses consciousness, laying out the crime scene from which she will be rescued.
- Where does dépatouille come from ? Dépatouille was born in a moment of failure, of frustration, of latent conflict making relations tense. Authoritarian statements had replaced negotiation about what is to be done. On reflection, it became clear that these statements were modelled on the cop, the pimp, the gangster, the doctor, the parent – all of whose discourses are simultaneously calls to order in the form of preemptive threats (“you better take some time and be careful about that”), and the expression of particular affects which, within that order, are brandished as canonical attributes (“i’m not a violent man but you should be aware that…”).Continuer
Le mystère familier des récents archaïsmes
1. I Ching
2. Trying to be David Antin
3. Unwritten texts (incl. autopathography)
4. Random insights into personal neurosis
5. The guéridon Louis-XV dream
6. Alexandrin workshop
7. Ça va
5. Chaleur et technicité du burrow
6. Dancing to a Georges Simenon interview
7. Friends applause, guts shiver