« [Q]ue faites-vous, en lisant ? Je vous répon­drai tout de suite : vos opi­nions omettent ce qui ne leur agrée pas. L’auteur a déjà fait de même. Rêvant ou rêvas­sant, vous omet­tez éga­le­ment. Je constate donc ceci : la beau­té ou l’émotion entrent dans le monde par l’omission. Notre atti­tude au sein de la réa­li­té est évi­dem­ment un com­pro­mis, un état moyen dans lequel les sen­ti­ments s’empêchent mutuel­le­ment d’atteindre au déploie­ment de la pas­sion et se perdent dans la gri­saille ; les enfants, qui ignorent encore cette atti­tude, sont donc plus heu­reux et plus mal­heu­reux que les adultes. Et j’ajouterai tout de suite que les gens bêtes omettent aus­si ; on sait bien que la bêtise rend heu­reux. Voici donc ma pre­mière pro­po­si­tion : que nous essayions de nous aimer comme si vous et moi étions les per­son­nages d’un poète qui se ren­contrent dans les pages de son livre. Négligeons donc, en tout cas, cette enve­loppe de graisse qui vous fait croire que la réa­li­té est chose toute ronde. »

»Was tun Sie da ? Ich will gleich die Antwort geben : Ihre Auffassung läßt aus, was Ihnen nicht paßt. Das gleiche hat schon der Autor getan. Ebenso las­sen Sie im Traum oder in der Phantasie aus. Ich stelle also fest : Schönheit oder Erregung kommt in die Welt, indem man fortläßt. Offenbar ist unsere Haltung inmit­ten der Wirklichkeit ein Kompromiß, ein mit­tle­rer Zustand, worin sich die Gefühle gegen­sei­tig an ihrer lei­den­schaft­li­chen Entfaltung hin­dern und ein wenig zu Grau mischen. Kinder, denen diese Haltung noch fehlt, sind darum glü­ck­li­cher und unglü­ck­li­cher als Erwachsene. Und ich will gleich hin­zufü­gen, auch die Dummen las­sen aus ; Dummheit macht ja glü­ck­lich. Ich schlage also als erstes vor : Versuchen wir einan­der zu lie­ben, als ob Sie und ich die Figuren eines Dichters wären, die sich auf den Seiten eines Buchs bege­gnen. Lassen wir also jeden­falls das ganze Fettgerüst fort, das die Wirklichkeit rund macht.«

 

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t. 1
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chap. 114  : « Une crise menace. Arnheim cour­tise le géné­ral Stumm. Diotime prend des mesures pour se rendre dans l’Illimité. Ulrich brode sur la pos­si­bi­li­té de vivre comme on lit. »
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trad.  Philippe Jaccottet
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p. 761

« Avez-vous jamais vu un chien ? deman­da-t-il. Vous le croyez seule­ment ! Vous n’avez jamais vu que quelque chose qui vous est appa­ru, à plus ou moins bon droit, comme un chien. Quelque chose qui ne pos­sède pas toutes les qua­li­tés canines et qui a, au contraire, un élé­ment per­son­nel qu’aucun autre chien ne pos­sède. Comment donc pour­rions-nous jamais faire, dans la vie, ce qu’il faut faire ? Nous ne pou­vons jamais que quelque chose qui n’est jamais ce qu’il faut, mais qui est tou­jours un peu plus ou un peu moins que ce qu’il fal­lait. […] »

»Haben Sie schon je einen Hund gese­hen?« fragte er. »Das glau­ben Sie bloß ! Sie haben immer nur etwas gese­hen, das Ihnen mit mehr oder weni­ger Recht als ein Hund vor­kam. Es hat nicht alle Hundeeigenschaften, und irgen­det­was Persönliches hat es, das wie­der kein ande­rer Hund hat. Wie sol­len wir da je im Leben ›das Richtige‹ tun ? Wir kön­nen nur etwas tun, das nie­mals das Richtige und immer mehr und weni­ger als etwas Richtiges ist. […]«

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t. 1 : « 1 »
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chap. 114  : « Une crise menace. Arnheim cour­tise le géné­ral Stumm. Diotime prend des mesures pour se rendre dans l’Illimité. Ulrich brode sur la pos­si­bi­li­té de vivre comme on lit. »
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trad.  Philippe Jaccottet
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p. 759

Il s’ensuivit entre eux une conver­sa­tion qui aurait fait sur un tiers une impres­sion bizarre, assez sem­blable à celle d’une conver­sa­tion en langue verte, bien que le lan­gage uti­li­sé ici ne fût autre que le sabir de l’amour spi­ri­tuel laïque. C’est pour­quoi nous pré­fé­rons rendre l’esprit plu­tôt que la lettre de ce dialogue.

La « com­mu­nau­té des par­faits altruistes », c’était une for­mule décou­verte par Hans ; elle était cepen­dant com­pré­hen­sible : plus un homme se sent altruiste, plus les choses du monde deviennent claires et fortes, plus il se fait léger, plus il se sent exal­té. Chacun connaît ce genre d’expériences ; mais il ne faut pas les confondre avec le conten­te­ment, la gaie­té, l’insouciance et cæte­ra, car ne ce sont là que des suc­cé­da­nés pour un usage vul­gaire, sinon même cor­rom­pu. Peut-être même devrait-on réser­ver à l’état authen­tique non pas le terme d’élévation, mais celui de « décui­ras­se­ment », « décui­ras­se­ment du Moi », expli­quait Hans. Il fal­lait dis­tin­guer entre les deux rem­parts de l’homme. L’un est déjà fran­chi chaque fois qu’il fait un acte bon ou gra­tuit, mais ce n’est là que le plus petit des deux murs. Le plus grand est bâti de l’égoïsme de l’homme même le plus altruiste ; c’est, tout bon­ne­ment, le Péché ori­gi­nel. Toute impres­sion sen­suelle, tout sen­ti­ment, même celui de l’abandon, est davan­tage, dans notre manière d’agir, une prise qu’un don, et il est presque impos­sible d’échapper à cette cui­rasse bar­dée d’égoïsme. Hans énu­mé­rait : le savoir n’est que l’appropriation d’un objet étran­ger ; on le tue ; on le déchi­quette, on le dévore comme une bête. Le concept, cadavre figé. La convic­tion, rela­tion pétri­fiée à jamais immuable. La recherche, affir­ma­tion. Le carac­tère, refus des méta­mor­phoses. La connais­sance d’un être, indif­fé­rence à son égard. L’introspection, ins­pec­tion. La véri­té, ten­ta­tive réus­sie pour pen­ser objec­ti­ve­ment et inhu­mai­ne­ment. Il y a dans tout cela un goût de meurtre et de gel, un désir de pos­ses­sion et de rigi­di­té, un mélange d’égoïsme et de dés­in­té­res­se­ment objec­tif, c’est-à-dire lâche, sour­nois, inau­then­tique ! « Et quand donc l’amour lui-même, deman­da Hans bien qu’il ne connût que l’innocente Gerda, sera-t-il autre chose que le désir de pos­ses­sion, ou d’abandon dans l’attente d’une contrepartie ? »

Ulrich approu­vait pru­dem­ment, amen­dant par­fois ces affir­ma­tions sou­vent inco­hé­rentes. Il était exact que même la souf­france et le des­sai­sis­se­ment de soi nous laissent tou­jours quelque argent de côté ; une pâle ombre d’égoïsme, une ombre gram­ma­ti­cale pour ain­si dire, res­te­rait atta­chée à tout acte tant qu’il n’y aurait pas d’attribut sans sujet.

Mais Hans pro­tes­ta vio­lem­ment. Lui et ses amis lut­taient pour savoir com­ment on doit vivre. Parfois ils admet­taient que cha­cun dût com­men­cer par vivre pour soi, et ensuite pour tous ; un autre jour, ils étaient convain­cus que chaque homme ne pou­vait réel­le­ment avoir qu’un ami, mais que celui-ci à son tour en avait besoin d’un autre, de sorte que la com­mu­nau­té se des­si­nait à leurs yeux comme une union des âmes en forme de cercle, à la manière du spectre solaire ou d’autres enchaî­ne­ments du même ordre ; mais de pré­fé­rence, ils croyaient qu’il exis­tait une loi psy­chique du sens com­mu­nau­taire que l’égoïsme ne fai­sait qu’obombrer, une énorme source de vie inté­rieure, inuti­li­sée encore, à laquelle ils attri­buaient des pos­si­bi­li­tés fan­tas­tiques. L’arbre qui lutte dans la forêt et que la forêt pro­tège ne peut pas avoir une plus vague conscience de lui-même, que les hommes sen­sibles d’aujourd’hui de l’obscure cha­leur de la masse, de sa puis­sance dyna­mique, des pro­ces­sus molé­cu­laires imper­cep­tibles qui assurent sa cohé­rence incons­ciente et lui rap­pellent à chaque res­pi­ra­tion que le plus grand, comme le plus petit, n’est jamais seul. Il en allait de même pour Ulrich. Sans doute voyait-il clai­re­ment que l’égoïsme dis­ci­pli­né, maî­tri­sé, sur lequel se fonde la vie, pro­duit une struc­ture orga­ni­sée, alors que le souffle de la com­mu­nau­té demeure le point d’intersection de rela­tions fort vagues ; per­son­nel­le­ment, il se sen­tait plu­tôt atti­ré par l’isolement, mais il n’en était pas moins tou­ché lorsque les jeunes amis de Gerda expo­saient leur extra­va­gante idée du grand mur qu’il fal­lait à tout prix franchir.

Hans, tan­tôt psal­mo­diant, tan­tôt per­cu­tant, dévi­dait les articles de sa foi, en regar­dant fixe­ment droit devant lui, sans rien voir. Une fêlure anor­male divi­sait la créa­tion et la par­ta­geait comme une pomme dont les deux moi­tiés aus­si­tôt se des­sèchent ; c’est pour­quoi l’on était contraint, aujourd’hui, de s’approprier d’une manière arti­fi­cielle et contre nature ce avec quoi l’on n’avait for­mé jadis qu’un seul être. Mais on pou­vait abo­lir cette divi­sion par une sorte d’ouverture de soi-même, un chan­ge­ment d’attitude. Plus un homme pou­vait s’oublier, s’effacer, se reti­rer de lui-même, plus il libé­re­rait de force en lui pour la com­mu­nau­té, comme s’il la déli­vrait d’une fausse rela­tion ; et en même temps, plus il se rap­pro­che­rait de la com­mu­nau­té, plus il devien­drait, inévi­ta­ble­ment, lui-même. Si l’on sui­vait Hans, on appre­nait aus­si que la véri­table ori­gi­na­li­té ne se mesu­rait pas à la simple et vaine sin­gu­la­ri­té, mais nais­sait de l’ouverture de soi-même et, pas­sant par des degrés ascen­dants de par­ti­ci­pa­tion et de dévoue­ment, attein­drait peut-être au degré suprême, à la com­mu­nau­té des altruistes par­faits, tota­le­ment absor­bés par le monde, degré que l’on pou­vait atteindre par cette voie !

En écou­tant ces phrases que rien ne sem­blait pou­voir rem­plir, Ulrich se deman­dait com­ment on pour­rait leur don­ner un conte­nu réel […]. Quand on pos­sède par­fai­te­ment cette langue, on peut conti­nuer à par­ler à l’infini sans aucun effort. On s’avance comme avec une lumière à la main, dont le rayon déli­cat tombe sur un aspect de la vie après l’autre, et l’on dirait que tous ces aspects, sous la forme ordi­naire qu’ils avaient dans la lumière quo­ti­dienne, n’ont été que de gros­siers mal­en­ten­dus. Comme la fonc­tion du mot « pos­sé­der », par exemple, paraît insou­te­nable lorsqu’on l’applique à des amants ! Mais cela tra­hit-il de plus nobles dési­rs de vou­loir pos­sé­der des prin­cipes ? le res­pect des enfants ? des connais­sances ? soi-même ? Ce geste agres­sif et bru­tal de quelque énorme bête écra­sant sa proie de tout le poids de son corps est pour­tant, à bon droit, l’expression pré­fé­rée et fon­da­men­tale du capi­ta­lisme ; ain­si appa­raît le rap­port entre les pos­sé­dants du monde bour­geois et ces pos­ses­seurs de connais­sances toutes faites en qui la bour­geoi­sie a trans­for­mé ses pen­seurs et ses artistes, alors que l’amour et l’ascèse se tiennent à l’écart, frère et sœur. Et ce frère et cette sœur, lorsqu’ils se réunissent, ne sont-ils pas sans but, oppo­sés aux buts de la vie ? Mais le terme de « but » est emprun­té au lan­gage des tireurs : être sans but ne signi­fie­rait-il donc pas, à l’origine, se refu­ser à tuer ? Ainsi, en sui­vant sim­ple­ment les traces de la langue (traces brouillées, mais révé­la­trices), on com­prend mieux déjà com­ment une gros­sière alté­ra­tion du sens a usur­pé par­tout la place de rela­tions plus cir­cons­pectes qui se sont per­dues défi­ni­ti­ve­ment. C’est là une situa­tion par­tout sen­sible, nulle part tangible.

Es ergab sich daraus ein Gespräch zwi­schen den bei­den, das auf einen Fernstehenden einen son­der­ba­ren Eindruck gemacht haben müßte, nicht unähn­lich der Unterhaltung in einem Verbrecherjargon, obwohl die­ser kein ande­rer war als eben die Mischsprache welt­lich-geist­li­cher Verliebtheit. Es ist darum vor­zu­zie­hen, diese Unterredung mehr dem Sinn nach wie­der­zu­ge­ben als in ihrem Wortlaut : die Gemeinschaft der vol­len­det Ichlosen, das war ein von Hans ent­decktes Wort, es ist aber trotz­dem zu vers­te­hen, denn je selbst­lo­ser sich ein Mensch fühlt, des­to hel­ler und stär­ker wer­den die Dinge der Welt, je leich­ter er sich macht, des­to mehr fühlt er sich geho­ben, und Erfahrungen von sol­cher Art kennt wohl jeder ; man darf sie bloß nicht mit Fröhlichkeit, Heiterkeit, Sorglosigkeit oder der­glei­chen ver­wech­seln, denn das sind nur ihre Ersätze für den nie­de­ren Gebrauch, wenn nicht gar für den ver­dor­be­nen. Vielleicht sollte man den ech­ten Zustand übe­rhaupt nicht Gehobenheit nen­nen, son­dern Entpanzerung ; Entpanzerung des Ich, so erklärte es Hans. Man müsse zwi­schen zwei Umwallungen des Menschen tren­nen. Die eine wird schon dann jedes­mal übers­tie­gen, wenn er etwas Gutes und Uneigennütziges tut, aber das ist nur die kleine Mauer. Die große bes­teht in der Selbsthaftigkeit noch des selbst­lo­ses­ten Menschen ; das ist schlecht­weg die Erbsünde ; jeder Sinneseindruck, jedes Gefühl, selbst das der Hingabe, ist in unse­rer Ausführung mehr ein Nehmen als ein Geben, und die­sem Panzer von Durchtränkung mit Eigensucht kann man kaum in irgen­dei­ner Weise entrin­nen. Hans zählte auf : So ist Wissen nichts als An-Eignung einer frem­den Sache ; man tötet, zer­reißt und ver­daut sie wie ein Tier. Begriff das reglos gewor­dene Getötete. Überzeugung, die nicht mehr verän­der­liche erkal­tete Beziehung. Forschung gleich Fest-Stellen. Charakter gleich Trägheit, sich zu wan­deln. Kenntnis eines Menschen soviel wie nicht mehr von ihm bewegt wer­den. Einsicht eine Sicht. Wahrheit der erfol­greiche Versuch, sachlich und unmen­schlich zu den­ken. In allen die­sen Beziehungen ist Tötung, Frost, ein Verlangen nach Eigentum und Erstarren und ein Gemisch von Eigensucht mit einer sachli­chen, fei­gen, heimtü­cki­schen, unech­ten Selbstlosigkeit ! »Und wann wäre« fragte Hans, obgleich er nur die unschul­dige Gerda kannte, »die Liebe selbst etwas anderes als der Wunsch nach Besitz oder Hingabe auf Gegenrechnung?!«

Ulrich stimmte die­sen nicht ganz ein­heit­li­chen Behauptungen vor­sich­tig und abän­dernd bei. Es sei rich­tig, daß auch das Erleiden und Sichentäußern einen Sparpfennig für uns selbst übri­glasse ; ein blas­ser, sozu­sa­gen gram­ma­ti­ka­li­scher Schatten von Egoismus bleibe auf allem Tun haf­ten, solange es keine Prädikate ohne Subjekt gebe.

Aber Hans lehnte hef­tig ab. Er und seine Freunde strit­ten, wie man leben solle. Manchmal nah­men sie an, daß jeder zunächst für sich und dann erst für alle leben müsse ; ein ander­mal waren sie über­zeugt, daß jeder ganz wah­rhaft nur einen Freund haben könne, aber die­ser doch wie­der einen ande­ren Freund brauche, wonach sich ihnen die Gemeinschaft als eine Seelenverbindung im Kreis, nach Art des Farbenspektrums oder ande­rer glied­wei­sen Verkettungen dars­tellte ; am liebs­ten aber glaub­ten sie daran, daß es ein see­lisches, von der Ichsucht bloß über­schat­tetes Gesetz des Gemeinschaftssinns gebe, eine innere, unge­heure, noch nicht aus­genützte Lebensquelle, der sie aben­teuer­liche Möglichkeiten zuschrie­ben. Nicht unge­wis­ser kann sich der Baum, im Walde kämp­fend und vom Wald gehegt, vor­kom­men, als empfän­gliche Menschen heute die dunkle Wärme der Masse, ihre Bewegungskraft, die mole­ku­lar unsicht­ba­ren Vorgänge ihres unbe­wuß­ten Zusammenhaltens emp­fin­den, die sie bei jedem Atemzug daran erin­nern, daß der Größte wie der Kleinste nicht allein sei ; so erging es auch Ulrich ; er sah wohl klar, daß der gezähmte Egoismus, aus dem sich das Leben auf­baut, ein geord­netes Gefüge ergibt, woge­gen der Atem der Gemeinsamkeit nur ein Inbegriff unk­la­rer Zusammenhänge bleibt, und er war für seine Person sogar ein zur Absonderung nei­gen­der Mensch, aber es ging ihm eigentüm­lich nahe, wenn die jun­gen Freunde Gerdas ihre aus­sch­wei­fende Behauptung von der großen Mauer auf­stell­ten, die übers­tie­gen wer­den müsse.

Hans spulte, bald leiernd, bald stoßend, die Augen, ohne zu sehen, voraus­ge­rich­tet, seine Glaubenssätze ab. Eine unnatür­liche Trennung laufe durch die Schöpfung und teile sie wie einen Apfel, des­sen beide Hälften daran aus­tro­ck­nen. Man müsse sich darum auf künst­liche und wider­natür­liche Weise heute anei­gnen, womit man vor­dem eins war. Man könne aber diese Trennung auf­he­ben, durch irgen­dein Sichöffnen, ein geän­dertes Verhalten, denn je mehr jemand sich ver­ges­sen, auslö­schen, von sich abrü­cken könne, des­to mehr Kraft für die Gemeinschaft werde in ihm frei, so als würde sie aus einer fal­schen Verbindung befreit ; und zugleich müsse er, je mehr er sich der Gemeinschaft nähere, des­to eige­ner wer­den ; denn folgte man Hans, so erfuhr man auch, daß der Grad der wah­ren Originalität nicht im eit­len Besonderssein bes­chlos­sen liege, son­dern durch das Sichöffnen ents­tehe, in stei­gende Grade des Teilnehmens und der Hingabe hinein, viel­leicht bis zu dem höchs­ten Grad einer Gemeinschaft der ganz von der Welt auf­ge­nom­me­nen, vol­len­det Ichlosen, den man auf diese Weise zu errei­chen vermöchte !

Diese schein­bar durch nichts aus­zufül­len­den Sätze ließen Ulrich träu­men, wie man ihnen einen wirk­li­chen Inhalt geben könnte […]. Man ver­mag, wenn man diese Sprache beherr­scht, in ihrer Anwendung mühe­los fort­zu­fah­ren. Man geht wie mit einem Licht in der Hand, des­sen zar­ter Strahl auf eine Beziehung des Lebens nach der ande­ren fällt, und alle sehen sie aus, als wären sie in ihrer gewöhn­li­chen Erscheinung, die sie im fes­ten Alletaglicht haben, nur rohe Mißverständnisse gewe­sen. Wie unmö­glich erscheint zum Beispiel sogleich die Gebärde des Wortes »besit­zen«, wenn man sie auf Liebende anwen­det ! Aber verrät es schö­ner anmu­tende Wünsche, daß man Grundsätze be-sit­zen möchte ? die Achtung sei­ner Kinder ? Gedanken ? sich selbst ? Diese plumpe Angriffsgebärde eines schwe­ren Tiers, das seine Beute mit dem gan­zen Körper nie­der­drückt, ist jedoch berech­tig­ter­weise der Grund- und Leibausdruck des Kapitalismus, und so zeigt sich darin der Zusammenhang zwi­schen den Besitzenden des bür­ger­li­chen Lebens und den Besitzern von Erkenntnissen und Fertigkeiten, zu denen es seine Denker und Künstler gemacht hat, wäh­rend abseits Liebe und Askese als ein ein­sames Geschwisterpaar ste­hen. Und sind diese Geschwister, wenn sie bei­sam­men stehn, nicht ziel­los und zwe­ck­los, im Gegensatz zu den Zielen und Zwecken des Lebens ? Es stam­men aber die Namen Ziel und Zweck aus der Sprache der Schützen : Bedeutet also ziel­los und zwe­ck­los in sei­nem urs­prün­gli­chen Zusammenhang nicht soviel wie kein Tötender sein ? So kommt man bloß dadurch, daß man die Spur der Sprache ver­folgt – eine ver­wi­schte, aber verrä­te­rische Spur ! – schon darauf, wie sich alle­ror­ten der roh verän­derte Sinn an die Stelle von bedacht­sa­me­ren Beziehungen gedrängt hat, die ganz ver­lo­ren­ge­gan­gen sind. Es ist das wie ein übe­rall zu füh­len­der, nir­gends zu fas­sen­der Zusammenhang […].

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chap. 113  : « Ulrich, s’entretenant avec Hans Sepp et Gerda, adopte le sabir de la zone fron­tière entre la sur­ra­tio­na­li­té et la sous-rationalité »
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trad.  Philippe Jaccottet
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p. 738–743

Avoir de l’intuition était alors à la mode chez tous ceux qui n’arrivaient pas à jus­ti­fier entiè­re­ment leur acti­vi­té par la rai­son. Cela jouait à peu près le même rôle qu’en ce moment le fait d’être « dyna­mique ». Tout ce que l’on fai­sait faux, tout ce qui ne vous don­nait pas entière et pro­fonde satis­fac­tion, était jus­ti­fié sous pré­texte d’être fait pour ou par l’intuition. On recou­rait à l’intuition pour cuire un plat comme pour écrire un livre.

Intuition zu haben, war damals bei allen Leuten an der Zeit, die ihr Tun mit der Vernunft nicht recht verant­wor­ten konn­ten ; es spielte ungefähr die gleiche Rolle, die es augen­bli­ck­lich inne­hat, Tempo zu besit­zen. Alles, was man falsch machte oder was einem zu innerst nicht res­t­los gelang, wurde dadurch gerecht­fer­tigt, daß es für die Intuition oder durch sie ges­chaf­fen sei, und man benutzte Intuition sowohl zum Kochen wie zum Bücherschreiben…

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t. 1
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chap. 112  : « Arnheim range son père Samuel au nombre des dieux et décide de conqué­rir Ulrich. Soliman vou­drait en savoir davan­tage sur son royal père. »
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trad.  Philippe Jaccottet
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p. 725

C’est à par­tir de ces évé­ne­ments imper­son­nels que se construit, d’une manière encore impos­sible à décrire, l’événement per­son­nel. Si l’on dépouillait le cas de Moosbrugger de tout le roman­tisme indi­vi­duel qui ne concer­nait que lui et les quelques per­sonnes qu’il avait tuées, il ne res­tait plus guère que ce qui s’exprimait dans la liste des réfé­rences que le père d’Ulrich avait jointe à l’une de ses der­nières mis­sives. Ces réfé­rences ont l’aspect sui­vant : AH. – AMP. – AAC. – AKA. – AP. – ASZ. – BKL. – BGK. – BUD. – CN. – DTJ. – DJZ. – FBgM. – GA. – GS. – JKV. – KESA. – MMW. – NG. – PNW. – R. – VSgM. – WMW. – ZGS. – ZMB. – ZP. – ZSS. – Addickes ibid. – Aschaffenburg, ibid. – Beling, ibid. etc., etc. – autre­ment dit : Annales d’Hygiène publique et de Médecine légale, éd. Brouardel, Paris ; Annales Médico-Psychologiques, éd. Ritti… etc., etc., le tout abré­gé au maxi­mum une page durant. La véri­té n’est pas un cris­tal de roche que l’on puisse glis­ser dans sa poche, mais un liquide sans limites dans lequel on tombe. Que l’on ima­gine, pour cha­cune de ces abré­via­tions, quelques cen­taines ou dou­zaines de pages impri­mées, pour chaque page un homme avec dix doigts qui les écrit, pour chaque doigt dix dis­ciples et dix adver­saires, pour chaque dis­ciple et chaque adver­saire dix doigts, pour chaque doigt la dixième par­tie d’une idée per­son­nelle, et l’on se fera une petite repré­sen­ta­tion de la vérité.

Aus sol­chen unpersön­li­chen Geschehnissen setzt sich in einer Weise das persön­liche Geschehen zusam­men, die vorläu­fig unbes­chrei­blich ist. Und wenn man Moosbruggers Fall alles indi­vi­duell Romantischen entk­lei­dete, das nur ihn und die paar Menschen anging, die er ermor­det hatte, so blieb von ihm nicht mehr als ungefähr das übrig, was sich in dem Verzeichnis von zitier­ten Schriften aus­drückte, das Ulrichs Vater einer jüng­sten Zuschrift an sei­nen Sohn bei­ge­legt hatte. Ein solches Verzeichnis sieht fol­gen­der­maßen aus : AH. – AMP. – AAC. – AKA. – AP. – ASZ. – BKL. – BGK. – BUD. – CN. – DTJ. – DJZ. – FBgM. – GA. – GS. – JKV. – KBSA. – MMW. – NG. – PNW. – R. – VSgM. – WMW. – ZGS. – ZMB. – ZP. – ZSS. – Addickes a. a. O. – Aschaffenburg a. a. O. – Beling a. a. O. usw. usw. – oder in Worte über­setzt : Annales d’Hygiène Publique et de Médicine légale, hgb. v. Brouardel, Paris ; Annales Médico-Psychologiques, hgb. v. Ritti… usw. usw. in kür­zes­ten Abkürzungen eine Seite lang. Die Wahrheit ist eben kein Kristall, den man in die Tasche ste­cken kann, son­dern eine unend­liche Flüssigkeit, in die man hineinfällt. Man denke sich an jede die­ser Abkürzungen einige Hundert oder Dutzend Druckseiten geknüpft, an jede Seite einen Mann mit zehn Fingern, der sie schreibt, an jeden Finger zehn Schüler und zehn Gegner, an jeden Schüler und Gegner zehn Finger, und an jeden Finger den zehn­ten Teil einer persön­li­chen Idee, so gewinnt man eine kleine Vorstellung von ihr.

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chap. 110  : « Dissolution et conser­va­tion de Moosbrugger »
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trad.  Philippe Jaccottet
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p. 710–711

Moosbrugger était tou­jours dans sa cel­lule, atten­dant les psy­chiatres pour un nou­vel exa­men de son état men­tal. Cela don­nait une masse com­pacte de jour­nées. Chaque jour­née iso­lée en res­sor­tait, bien sûr, quand elle était là, mais dès le soir elle retom­bait dans la masse. […] Les évé­ne­ments loin­tains et les évé­ne­ments tout frais n’étaient plus arti­fi­ciel­le­ment sépa­rés, mais, lorsqu’ils étaient iden­tiques, la dif­fé­rence de date ces­sait de s’attacher à eux comme le fil rouge que l’on est obli­gé de pas­ser autour du cou d’un nou­veau-né que l’on ne dis­tingue pas de son jumeau.

Moosbrugger saß noch immer im Gefängnis und war­tete auf die Wiederholung sei­ner Untersuchung durch die Irrenärzte. Das ergab eine ges­chlos­sene Menge von Tagen. Der ein­zelne trat wohl her­vor, wenn er da war, aber er sank schon gegen Abend wie­der in die Menge zurück. […] Weit Zurückliegendes und Frisches wurde nicht län­ger künst­lich ausei­nan­der­ge­hal­ten, son­dern wenn es das gleiche war, dann hörte das, was man »zu ver­schie­de­ner Zeit« nennt, auf, daran zu haf­ten wie ein roter Faden, den man aus Verlegenheit einem Zwilling um den Hals bin­den muß.
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chap. 110  : « Dissolution et conser­va­tion de Moosbrugger »
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trad.  Philippe Jaccottet
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p. 706

Il ne s’était stric­te­ment rien pas­sé en Cacanie, et l’on eût pen­sé naguère que ce rien, c’était la dis­cré­tion même de la vieille culture caca­nienne ; mais main­te­nant, ce rien était aus­si inquié­tant que le fait de ne pas pou­voir dor­mir ou de ne pas réus­sir à com­prendre. C’est pour­quoi les intel­lec­tuels, une fois qu’ils se furent convain­cus que les choses se pas­se­raient autre­ment dans une culture « natio­nale », n’eurent pas de peine à en convaincre les mino­ri­tés caca­niennes. C’était une sorte de suc­cé­da­né de reli­gion, d’ersatz pour « le bon Empereur de Vienne » ou, tout sim­ple­ment, l’explication de ce fait incom­pré­hen­sible que la semaine com­porte sept jours et non huit. Il y a beau­coup de choses incom­pré­hen­sibles, mais il suf­fit de chan­ter son hymne natio­nal pour ne plus les sentir.

Es war dur­chaus nichts in Kakanien ges­che­hen, und frü­her hätte man gedacht, das sei eben die alte, unauffäl­lige kaka­nische Kultur, aber dieses Nichts war jetzt so beun­ru­hi­gend wie Nichtschlafenkönnen oder Nichtverstehenkönnen. Und darum hat­ten es die Intellektuellen leicht, nach­dem sie sich ein­ge­re­det hat­ten, das werde in einer natio­na­len Kultur anders sein, auch die kaka­ni­schen Völker davon zu über­zeu­gen. Das war nun eine Art Religionsersatz oder ein Ersatz für den guten Kaiser in Wien oder ein­fach eine Erklärung der unverständ­li­chen Tatsache, daß die Woche sie­ben Tage hat. Denn es gibt viele unerklär­liche Dinge, aber wenn man seine Nationalhymne singt, so fühlt man sie nicht.

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t. 1
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chap. 109  : « Bonadea, la Cacanie : sys­tèmes de bon­heur et d’équilibre »
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trad.  Philippe Jaccottet
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p. 705

Ces objets res­semblent à des débi­teurs qui nous ren­draient la valeur que nous leur prê­tons assor­tie d’intérêts fan­tas­tiques ; et à la véri­té, il n’existe pas d’objets qui ne soient ain­si débi­teurs. Cette qua­li­té propre aux vête­ments ne l’est pas moins aux convic­tions, aux pré­ju­gés, théo­ries, espé­rances, croyances et pen­sées ; l’absence de pen­sées elle-même la pos­sède dans la mesure où elle réus­sit à tirer d’elle seule la convic­tion de son bien-fon­dé. Toutes ces choses, en nous prê­tant le pou­voir dont nous leur fai­sons cré­dit, servent à situer le monde dans une lumière qui émane de nous ; et ce n’est pas à une autre fin, somme toute, que chaque homme adopte son sys­tème par­ti­cu­lier. Avec un art divers et consi­dé­rable, nous fabri­quons un aveu­gle­ment qui nous per­met de vivre à côté des choses les plus mons­trueuses sans en être ébran­lés, parce que nous recon­nais­sons dans ces gri­maces pétri­fiées de l’univers ici une chaise, là une table, ici un cri ou un bras ten­du, là une vitesse ou un pou­let rôti. Entre l’abîme du ciel au-des­sus de nos têtes et un autre abîme céleste, facile à camou­fler, sous nos pieds, nous par­ve­nons à nous sen­tir aus­si tran­quilles sur terre que dans une chambre fer­mée. Nous savons que la vie va se perdre aus­si bien dans les éten­dues inhu­maines de l’espace que dans les inhu­maines peti­tesses de l’atome, mais entre deux, nous ne crai­gnons pas d’appeler « objets » une simple couche d’illusions, alors qu’il ne s’agit en fait que d’une pré­fé­rence accor­dée aux impres­sions qui nous viennent d’une cer­taine dis­tance moyenne. Une telle atti­tude est très au-des­sous du niveau de notre intel­li­gence ; cela seul suf­fit à prou­ver que notre sen­ti­ment y a une grande part. En effet, les dis­po­si­tions intel­lec­tuelles les plus impor­tantes que prenne l’homme servent toutes à main­te­nir une humeur à peu près constante, et tous les sen­ti­ments, toutes les pas­sions du monde ne sont rien à côté de l’effort énorme, mais par­fai­te­ment incons­cient, qu’il fait pour pré­ser­ver sa par­faite séré­ni­té inté­rieure ! C’est là une chose, appa­rem­ment, dont il ne vaut presque pas la peine de par­ler, tant elle fonc­tionne irré­pro­cha­ble­ment. Quand on y regarde de plus près, on voit que c’est un état de conscience extrê­me­ment arti­fi­ciel qui donne à l’homme une démarche sûre entre les orbites des astres et lui per­met, au milieu de l’obscurité presque infi­nie du monde, de glis­ser digne­ment sa main entre le deuxième et le troi­sième bou­ton de son ves­ton. Pour y par­ve­nir, il faut non seule­ment que chaque homme, l’idiot comme le sage, ait ses trucs per­son­nels, mais encore que ces sys­tèmes indi­vi­duels de trucs s’insèrent artis­te­ment dans les dis­po­si­tions d’équilibres, morales et intel­lec­tuelles, de la socié­té et de la com­mu­nau­té, qui servent, en plus grand, au même usage. Cet engrè­ne­ment est ana­logue à celui de la grande Nature où tous les champs magné­tiques de l’univers agissent sur celui de la terre sans qu’on s’en aper­çoive, parce que l’histoire ter­restre en est pré­ci­sé­ment le pro­duit ; et le sou­la­ge­ment intel­lec­tuel que cela entraîne est si grand que les plus sages des hommes, exac­te­ment comme les petites filles qui ne savent rien, demeu­rant sans aucune inquié­tude, se croient intel­li­gents et bons.

Solche Gegenstände glei­chen Schuldnern, die den Wert, den wir ihnen lei­hen, mit phan­tas­ti­schen Zinsen zurü­ck­zah­len, und eigent­lich gibt es nichts als Schuldnerdinge. Denn jene Eigenschaft der Kleidungsstücke besit­zen auch Überzeugungen, Vorurteile, Theorien, Hoffnungen, der Glaube an irgen­det­was, Gedanken, ja selbst die Gedankenlosigkeit besitzt sie, sofern sie nur kraft ihrer selbst von ihrer Richtigkeit dur­ch­drun­gen ist. Sie alle dienen, indem sie uns das Vermögen lei­hen, das wir ihnen bor­gen, dem Zweck, die Welt in ein Licht zu stel­len, des­sen Schein von uns aus­geht, und im Grunde ist nichts anderes als dies die Aufgabe, für die jeder sein beson­deres System hat. Mit großer und man­nig­fal­ti­ger Kunst erzeu­gen wir eine Verblendung, mit deren Hilfe wir es zuwege brin­gen, neben den unge­heuer­lichs­ten Dingen zu leben und dabei völ­lig ruhig zu blei­ben, weil wir diese aus­ge­fro­re­nen Grimassen des Weltalls als einen Tisch oder einen Stuhl, ein Schreien oder einen aus­ges­treck­ten Arm, eine Geschwindigkeit oder ein gebra­tenes Huhn erken­nen. Wir sind imstande, zwi­schen einem offe­nen Himmelsabgrund über unse­rem Kopf und einem leicht zuge­deck­ten Himmelsabgrund unter den Füßen, uns auf der Erde so ungestört zu füh­len wie in einem ges­chlos­se­nen Zimmer. Wir wis­sen, daß sich das Leben eben­so in die unmen­schli­chen Weiten des Raums wie in die unmen­schli­chen Engen der Atomwelt ver­liert, aber daz­wi­schen behan­deln wir eine Schicht von Gebilden als die Dinge der Welt, ohne uns im gering­sten davon anfech­ten zu las­sen, daß das bloß die Bevorzugung der Eindrücke bedeu­tet, die wir aus einer gewis­sen mit­tle­ren Entfernung emp­fan­gen. Ein solches Verhalten liegt beträcht­lich unter der Höhe unseres Verstandes, aber gerade das beweist, daß unser Gefühl stark daran teil hat. Und in der Tat, die wich­tig­sten geis­ti­gen Vorkehrungen der Menschheit dienen der Erhaltung eines bestän­di­gen Gemütszustands, und alle Gefühle, alle Leidenschaften der Welt sind ein Nichts gegenü­ber der unge­heu­ren, aber völ­lig unbe­wuß­ten Anstrengung, welche die Menschheit macht, um sich ihre geho­bene Gemütsruhe zu bewah­ren ! Es lohnt sich schein­bar kaum, davon zu reden, so kla­glos wirkt es. Aber wenn man näher hin­sieht, ist es doch ein äußerst künst­li­cher Bewußtseinszustand, der dem Menschen den aufrech­ten Gang zwi­schen krei­sen­den Gestirnen ver­leiht und ihm erlaubt, inmit­ten der fast unend­li­chen Unbekanntheit der Welt wür­de­voll die Hand zwi­schen den zwei­ten und drit­ten Rockknopf zu ste­cken. Und um das zuwege zu brin­gen, gebraucht nicht nur jeder Mensch seine Kunstgriffe, der Idiot eben­so­gut wie der Weise, son­dern diese persön­li­chen Systeme von Kunstgriffen sind auch noch kunst­voll ein­ge­baut in die mora­li­schen und intel­lek­tuel­len Gleichgewichtsvorkehrungen der Gesellschaft und Gesamtheit, die im Größeren dem glei­chen Zweck dienen. Dieses Ineinandergreifen ist ähn­lich dem der großen Natur, wo alle Kraftfelder des Kosmos in das der Erde hinein­wir­ken, ohne daß man es merkt, weil das irdische Geschehen eben das Ergebnis ist ; und die dadurch bewirkte geis­tige Entlastung ist so groß, daß sich die Weisesten genau so wie die klei­nen Mädchen, die nichts wis­sen, in ungestör­tem Zustande sehr klug und gut vorkommen.

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chap. 109  : « Bonadea, la Cacanie : sys­tèmes de bon­heur et d’équilibre »
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trad.  Philippe Jaccottet
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p. 701–702

Ce nau­frage pério­dique de sa per­sonne civi­li­sée dans les vicis­si­tudes de la matière opaque avait ces­sé main­te­nant de la menacer.

Dieser per­io­dische Untergang ihrer Kultur in den Umschwüngen einer dump­fen Stoffwelt hatte sich aber jetzt verloren […].

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chap. 109  : « Bonadea, la Cacanie : sys­tèmes de bon­heur et d’équilibre »
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trad.  Philippe Jaccottet
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p. 699

Le cœur se mon­trait aus­si décou­ra­gé après la faute qu’il s’était révé­lé per­sua­sif avant, la maî­tresse de ce cœur oscil­lait per­pé­tuel­le­ment entre une effer­ves­cence qua­si maniaque et des dépres­sions noires comme l’encre, états d’âme qui pou­vaient rare­ment s’équilibrer. Néanmoins, c’était tou­jours un sys­tème, c’est-à-dire mieux qu’un simple jeu d’instincts aban­don­nés à eux-mêmes (un peu comme autre­fois on ne vou­lait voir dans la vie qu’un compte auto­ma­tique de plai­sir et de déplai­sir, avec un cer­tain béné­fice de plai­sir en fin de bilan) ; le sys­tème com­por­tait d’importantes dis­po­si­tions men­tales des­ti­nées à tru­quer les comptes.

Tout homme dis­pose d’une méthode de ce genre pour inter­pré­ter le bilan de ses impres­sions en sa faveur, afin que s’en dégage, si l’on peut ain­si par­ler, le mini­mum vital de plai­sir quo­ti­dien consi­dé­ré géné­ra­le­ment comme tel. Le plai­sir de vivre peut même consis­ter en déplai­sir ; ces dif­fé­rences de maté­riau n’ont aucune impor­tance. On sait bien qu’il est des mélan­co­liques heu­reux comme il est des marches funèbres flot­tant aus­si légè­re­ment dans leur élé­ment qu’une danse dans le sien. Sans doute peut-on même affir­mer, inver­se­ment, que nombre d’hommes joyeux ne sont pas du tout plus heu­reux que les tristes, parce que le bon­heur est un effort comme le mal­heur ; ces deux états cor­res­pondent à peu près aux deux prin­cipes du plus lourd et du plus léger que l’air. Mais une autre objec­tion vient tout natu­rel­le­ment à l’esprit : les riches n’auraient-ils pas rai­son, de qui l’immémoriale sagesse veut que les pauvres n’aient rien à leur envier, puisque l’idée que l’argent des riches les ren­drait plus heu­reux n’est qu’une illu­sion ? Cet argent leur impo­se­rait sim­ple­ment l’obligation de choi­sir un nou­veau sys­tème de vie dont les comptes de plai­sir ne bou­cle­raient jamais, au mieux, qu’avec le même petit béné­fice de bon­heur dont ils jouis­saient déjà. Théoriquement, cela signi­fie qu’une famille de sans-logis, si la plus froide des nuits d’hiver ne l’a pas gla­cée, se trou­ve­ra aus­si heu­reuse aux pre­miers rayons du soleil, que l’homme riche obli­gé de quit­ter son lit chaud ; et pra­ti­que­ment, cela revient à dire que tout homme porte avec patience, comme un âne, la charge qu’on lui a mise sur le dos ; car un âne est heu­reux qui est plus fort que sa charge, ne fût-ce que de très peu. C’est là, en réa­li­té, la défi­ni­tion la plus solide qu’on puisse don­ner du bon­heur per­son­nel, du moins aus­si long­temps que l’on consi­dère l’âne iso­lé­ment. Mais en véri­té, le bon­heur per­son­nel (l’équilibre, le conten­te­ment ou quelque nom que l’on vou­dra don­ner à ce qui est auto­ma­ti­que­ment notre pre­mier but) n’est pas plus auto­nome qu’une pierre dans un mur ou une goutte d’eau dans un liquide à tra­vers les­quelles passent toutes les forces et toutes les ten­sions de l’ensemble. Ce qu’un homme fait, ce qu’un homme éprouve pour lui-même est insi­gni­fiant par rap­port à ce qu’il doit sup­po­ser que d’autres font ou éprouvent comme il faut pour lui. Aucun homme ne vit seule­ment son propre équi­libre ; cha­cun s’appuie sur celui des couches qui l’entourent, et c’est ain­si qu’intervient dans la petite fabrique de plai­sir de la per­sonne un sys­tème de cré­dit moral extrê­me­ment com­pli­qué sur lequel il nous fau­dra reve­nir, parce qu’il n’appartient pas moins au bilan psy­chique de la com­mu­nau­té qu’à celui de l’individu.

Denn so bered­sam das Herz vor einem Fehltritt sein konnte, so mut­los war es nach­her, und seine Besitzerin wurde immerwäh­rend zwi­schen manisch mous­sie­ren­den und tin­ten­sch­warz aus­fließen­den Seelenzuständen hin und her bewegt, die sich nur sel­ten aus­gli­chen. Immerhin war es ein System ; das heißt, es war kein sich selbst über­las­senes Spiel der Triebe – etwa so, wie man ein­mal vor Zeiten das Leben als eine auto­ma­tische Bilanz von Lust und Unlust, mit einem gewis­sen Schlußsaldo an Lust hat vers­te­hen wol­len –, son­dern es enthielt beträcht­liche geis­tige Vorkehrungen, um diese Bilanz zu fälschen.

Jeder Mensch hat eine solche Methode, die Bilanz sei­ner Eindrücke zu sei­nen Gunsten umzu­deu­ten, so daß gewis­ser­maßen das tägliche Existenzminimum an Lust daraus her­vor­geht, das in gewöhn­li­chen Zeiten genügt. Seine Lebenslust kann dabei auch aus Unlust bes­tehn, solche Materialunterschiede spie­len keine Rolle, denn bekannt­lich gibt es eben­so glü­ck­liche Melancholiker wie es Trauermärsche gibt, die um nichts schwe­rer in ihrem Element schwe­ben wie ein Tanz in dem sei­nen. Wahrscheinlich läßt sich sogar auch umge­kehrt behaup­ten, daß viele fröh­liche Menschen nicht um das gering­ste glü­ck­li­cher sind als trau­rige, denn Glück strengt genau so an wie Unglück ; das ist ungefähr so wie Fliegen nach dem Prinzip Leichter – oder Schwerer als die Luft. Aber ein ande­rer Einwand liegt nahe ; denn hätte dann nicht die alte Weisheit der Wohlhabenden recht, daß kein Armer sie zu benei­den brauche, da es ja ledi­glich eine Einbildung sei, daß ihn ihr Geld glü­ck­li­cher machen würde ? Es würde ihn bloß vor die Aufgabe stel­len, statt seines Lebenssystems ein anderes aus­zu­bil­den, des­sen Lusthaushalt bes­ten­falls doch nur mit dem klei­nen Glücksüberschuß abschließen könnte, den er ohne­dies hat. Theoretisch bedeu­tet das, daß die Familie ohne Obdach, wenn sie in einer eisi­gen Winternacht nicht erfro­ren ist, bei den ers­ten Strahlen der Morgensonne eben­so glü­ck­lich ist wie der reiche Mann, der aus dem war­men Bett heraus muß ; und prak­tisch kommt es darauf hinaus, daß jeder Mensch gedul­dig wie ein Esel das trägt, was ihm auf­ge­packt ist, denn ein Esel, der um eine Kleinigkeit stär­ker ist als seine Last, ist glü­ck­lich. Und in der Tat, das ist die verläß­lichste Definition von persön­li­chem Glück, zu der man gelan­gen kann, solange man nur einen Esel allein betrach­tet. In Wahrheit ist aber das persön­liche Glück (oder Gleichgewicht, Zufriedenheit oder wie immer man das auto­ma­tische innerste Ziel der Person nen­nen mag) nur soweit in sich selbst abges­chlos­sen, wie es ein Stein in einer Mauer oder ein Tropfen in einem Fluß ist, durch den die Kräfte und Spannungen des Ganzen gehn. Was ein Mensch selbst tut und emp­fin­det, ist geringfü­gig, im Vergleich mit allem, wovon er voraus­set­zen muß, daß es andere für ihn in ordent­li­cher Weise tun und emp­fin­den. Kein Mensch lebt nur sein eigenes Gleichgewicht, son­dern jeder stützt sich auf das der Schichten, die ihn umfas­sen, und so spielt in die kleine Lustfabrik der Person ein höchst ver­wi­ckel­ter mora­li­scher Kredit hinein, von dem noch zu spre­chen sein wird, weil er nicht weni­ger zur see­li­schen Bilanz der Gesamtheit wie zu der des Einzelnen gehört.

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chap. 109  : « Bonadea, la Cacanie : sys­tèmes de bon­heur et d’équilibre »
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trad.  Philippe Jaccottet
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p. 696–698