i had an image        we were tal­king about cele­bra­ting bir­th­days and        people wan­ted to know if i wan­ted a bir­th­day par­ty        and i said i dont        know if i want a bir­th­day par­ty because bir­th­days are a lit­tle bit like        being in a fal­ling ele­va­tor and cele­bra­ting at eve­ry floor you fall        and        then i thought about this again and i rea­li­zed id only thought about this        since i got to be thir­ty        because when i was a real lit­tle guy i always        thought of get­ting older as an ascen­sion        you know how you have a        dif­ferent image of get­ting older when youre a kid        how you cant wait        i remem­ber i was sit­ting on a stoop with about five other lit­tle        kids and we mustve been somew­here bet­ween three and five        us sit­ting out having a confe­rence on a stoop in brook­lyn        trying to decide how old we want to be        being three or four or five        bet­ween three and five        all of        and were        because nobo­dys content        its a bad time        you dont want to be        first of all eve­ry­bo­dy else is too tall        always loo­king up and you get a crick in your neck from it        play stick­ball yet with the older kids in the street you know        youre        you cant        its not        a good time youre too dependent some­bo­dys always got to take you        across the street and thats a drag and you cant drink cof­fee or they        wont let you        i actual­ly had an aunt who snuck me cof­fee        and it        was like being free for a minute        she was my favo­rite aunt        i lived with her and my grand­mo­ther        and three other aunts in this house with a cove­red porch and a stoop        and thats what i remem­ber thats where we were sit­ting having this        confe­rence on aging        and one kid said oh id like to be thir­teen        soun­ded like a real good power­ful male age        boys but im not even sure of that        that        i think all the kids were        and one said id like to be fif­teen        and eve­ry­bo­dy agreed that was good        and then some­bo­dy said twen­ty-one        and one said eigh­teen        no we said thats too old it takes        two words to say it        we knew twen­ty-one was over the hill        bal­lis­tic idea        like the tra­jec­to­ry of a shell        till you rea­ched a cer­tain point        so we alrea­dy had this        you went up for a while        and then you came down because        even then we knew that wha­te­ver goes up also comes down and we        had some sense of the fai­ling of our powers at twen­ty-two and we        would no lon­ger be the same hap­py cute kids at the age of twen­ty-two        thats the view we had then        and ive had seve­ral dif­ferent views of        this since then        some­times ive seen the move­ment of time as some­thing like a        carou­sel

« i never knew what time it was »
i never knew what time it was
University of California Press 2005
p. 97–99

je me sou­viens j’é­tais assis sur les marches à l’en­trée d’une mai­son avec        une poi­gnée d’autres gamins et nous devions avoir entre trois et cinq ans        tous assis sur des marches à brook­lyn        à teni­rune réunion        et on essaie de déter­mi­ner quel âge on aime­rait avoir        parce qu’on n’est jamais content d’a­voir trois quatre ou cinq ans        c’est une mau­vaise période        qui vou­drait avoir entre trois et cinq ans ?        (…)        nous sommes assis à tenir cette        réunion sur l’âge        et un gamin dit oh comme j’ai­me­rais avoir treize ans        ça avait vrai­ment l’air d’être un âge d’homme puis­sant        je pense que tous les gamins étaient des gar­çons mais je nesuis même pas sûr de ça        et l’un dit j’ai­me­rais bien avoir quinze ans        et tout le monde était d’ac­cord pour dire que c’é­tait bien        et un dit seize        et alors quel­qu’un dit dix-sept        et on a dit        non        c’est trop vieux il faut deux mots pour le dire                nous savions que dix-sept ans c’é­tait l’autre ver­sant de la col­line        nous avions donc déjà cette notion de balis­tique        comme pour la tra­jec­toire d’un obus        vous mon­tez pen­dant un moment jus­qu’à ce que vous attei­gniez un cer­tain point        et ensuite vous des­cen­dez car déjà à cette époque nous savions que tout ce qui monte des­cent aus­si        et nous avions un cer­tain sens du déclin de notre puis­sance à dix-sept ans        c’est comme ça qu’on voyait les choses à cette époque        et j’ai eu pas mal d’autres points de vue là-des­sus depuis

« je n’ai jamais su quelle heure il était »
je n’ai jamais su quelle heure il était
trad. Pascal Poyet
héros limite 2008
p. 116–117

La pre­mière per­sonne est d’abord une manière de dire : pré­sent — comme on dit « pré­sent » en classe, au moment de l’appel. Allow me to intro­duce myself. Or il a fal­lu que je gagne mon pré­sent. J’ai été éle­vé à l’idée de la dis­cré­tion, nour­ri au Beckett ou au Bartleby… Mais j’ai bien dû consta­ter ce que cela pou­vait pro­duire de rhé­to­rique, de pos­ture, de prê­chi-prê­cha. Ça finit par don­ner du basique res­sas­sé. Le majeur du mineur. Il y a là un pro­blème qu’il fau­drait exa­mi­ner dans tous les arts, dans toutes les dimen­sions poli­tiques et humaines : com­ment, à un moment don­né, une idée magni­fique passe de l’autre côté, com­ment une idée bien­fai­trice devient une idée idiote.
Pour moi, les choses s’inversent au moment de L’art poe­tic’. J’y exé­cute le pro­gramme de la dis­pa­ri­tion, mais d’une cer­taine manière, je sors du lit­té­raire, et c’est loin d’être fini. Mais curieu­se­ment, à par­tir de là, je suis sau­vé, j’ai fait mon che­min de Damas. Je me suis mis de l’autre côté de la langue. J’aurai donc mis quinze ans, avant de publier, à me débar­ras­ser de tout ce ver­biage sur « la lit­té­ra­ture », à me désur­moï­ser — para­doxe : à désur­moï­ser l’idée de dis­pa­raître, l’idée d’être un sous-moi. À bas la tyran­nie de l’effacement ! C’est ça mon sujet.

« Cap au mieux (entre­tien avec Philippe Mangeot & Pierre Zaoui) »
vol. 45
Vacarme n° 4
2008
p. 4–12
lien bartleby beckett effacement moi surmoi tyrannie

A l’utopie de la nos­tal­gie il fal­lait un topos, cepen­dant. L’un de ces topos est la mère. La figure de sa mère est pré­sente, constam­ment, dans les textes et dans les pro­pos de Pasolini (qui, jusqu’à sa mort, vivra avec elle). « Ce fut ma mère, déclare-t-il, qui me révé­la com­ment la poé­sie pou­vait être écrire de façon concrète. Ainsi, d’entrée la mère est une sorte d’Ange de l’Annonciation de ce dont le fils, lit­té­ra­le­ment accou­che­ra. Les pre­miers poèmes sont écrits en friou­lan, « à Casarsa dans la ville de (la) mère ». Et peu après, quit­tant le Frioul, c’est avec cette mère que le poète ira, dit-il, « se réfu­gier » dans cette sorte d’Égypte que seront les bor­gates romains. Autrement dit, si les « recherches anti-ita­liennes » à quoi s’essaient le jeune poète se déve­loppent dans le sens d’une quête d’étrangeté (à l’italien « cen­tral »), l’axe que suivent ces recherchent consiste en une remon­tée vers une sorte de « natu­ra­li­té » de la langue : une langue « refuge » une langue de ori­gines, plus « pure », incar­née, radia­le­ment « mater­nelle ».

La langue et ses monstres
P.O.L 1989
langue langue maternelle mère pureté refuge topos