CHŒUR : Tu as combattu sur le front de la guerre civile
L’ennemi ne t’a trouvé aucune faiblesse
Nous ne t’avons trouvé aucune faiblesse.
A présent tu es toi-même une faiblesse
Qu’il ne faut pas que l’ennemi nous trouve.
Tu as distribué la mort dans la ville de Witebsk
Aux ennemis de la révolution sur notre ordre
Sachant : le pain quotidien de la révolution
Dans la ville de Witebsk comme dans d’autres villes
Est la mort de ses ennemis, sachant : l’herbe même
Il nous faut l’arracher afin qu’elle reste verte
Nous les avons tués de ta main.
Pourtant un matin dans la ville de Witebsk
Toi-même, de ta main, tu n’as pas tué
Nos ennemis ni sur notre ordre
Et il faut que tu sois tué, toi-même un ennemi.
Accomplis ta tâche à ce dernier poste
Où la révolution t’a placé
Au mur, et qui sera ta dernière
Comme tu as accompli ton autre tâche
Sachant : le pain quotidien de la révolution
Dans la ville de Witebsk comme dans d’autres villes
Que tu ne quitteras pas sur tes pieds
Est la mort de ses ennemis, sachant : l’herbe même
Il nous faut l’arracher afin qu’elle reste verte.
A : J’ai accompli ma tâche.
CHŒUR : Accomplis ta dernière.
A : J’ai tué pour la révolution.
CHŒUR : Meurs pour elle
A : J’ai commis une erreur.
CHŒUR : Tu es l’erreur.
A : Je suis un homme.
CHŒUR : Qu’est-ce que c’est.
A : Je ne veux pas mourir.
CHŒUR : Nous ne te demandons pas si tu veux mourir.
Le mur dans ton dos est le dernier mur
Dans ton dos. La révolution n’a plus besoin de toi
Elle a besoin de ta mort. Mais tant que tu ne dis pas Oui
Au Non qui a été prononcé sur toi
Tu n’as pas accompli ta tâche.
Devant les fusils braqués de la révolution qui a besoin de ta mort
Apprends ta dernière leçon. Ta dernière leçon est :
Toi, qui es collé au mur, tu es ton ennemi et le nôtre.
A : Dans les prisons d’Omsk à Odessa
M’a été écrit sur le corps, ce texte
Lu sous les bancs d’école et dans les latrines
PROLÉTAIRES DE TOUS LES PAYS UNISSEZ-VOUS
À coups de poings et de crosses, de talons de bottes et de pointes de chaussures
À moi, le fils de petit bourgeois au samovar personnel
Préparé à une carrière ecclésiastique
Sur le plancher creusé à genoux devant l’icône.
Mais de bonne heure je quittai mes marques.
Dans les assemblées, les manifestations, les grèves
Chargé par les cosaques orthodoxes
Torturé sans entrain par des fonctionnaires avachis
Je n’appris rien sur la vie après la mort.
Tuer je l’appris dans les combats prolongés
Contre l’encerclement, à l’époque du meurs ou tue
Nous disions : qui ne veut pas tuer n’aura rien à manger
Planter la baïonnette dans un ennemi
Cadet, officier, ou paysan, qui n’avait rien compris
Nous disions : c’est une tâche comme n’importe quelle autre
Défoncer les crânes et tirer.
A [CHŒUR] : Mais un matin dans la ville de Witebsk
Avec le bruit proche de la bataille la révolution me donna
Par la voix du parti l’ordre
De me charger du tribunal révolutionnaire
Dans la ville de Witebsk qui distribue la mort
Aux ennemis de la révolution dans la ville de Witebsk.
CHŒUR : Tu as combattu sur le front de la guerre civile
L’ennemi ne t’a trouvé aucune faiblesse
Nous ne t’avons trouvé aucune faiblesse.
Abandonne le front et occupe le poste
Où la révolution a besoin de toi dès à présent
Jusqu’à ce qu’elle ait besoin de toi à un autre poste
Mène notre combat dans notre dos, distribue
La mort aux ennemis de la révolution.
A [CHŒUR] : Et j’étais d’accord avec cette mission.
Sachant : le pain quotidien de la révolution
Est la mort de ses ennemis, sachant : l’herbe même
Il nous faut l’arracher, afin qu’elle reste verte
J’étais d’accord avec la mission
Que la révolution m’avait attribuée
Par la voix du parti dans le bruit de la bataille./
Et tuer était autre chose que tuer
Et c’était une tâche comme aucune autre.
CHŒUR : Ta tâche débute aujourd’hui. Celui qui l’a accomplie avant toi
Il faut qu’il soit tué avant demain, lui-même un ennemi.
A [CHŒUR] : Pourquoi lui.
B : Devant mon revolver trois paysans
Ennemis de la révolution par ignorance.
Dans leurs dos les mains, liées par des cordes
Sont abîmées par le travail, liée au revolver
Par ordre de la révolution, voici ma main
Mon revolver pointé sur leurs nuques,
Leurs ennemis sont mes ennemis, je le sais
Mais ceux qui sont devant moi, le visage vers la carrière
Ne le savent pas, et moi qui le sais
N’ai aucun autre enseignement pour leur ignorance
Que la balle. J’ai distribué la mort
Le revolver ma troisième main
Aux ennemis de la révolution dans la ville de Witebsk
Sachant : le pain quotidien de la révolution
Est la mort de ses ennemis, sachant : l’herbe même
Il nous faut l’arracher, afin qu’elle reste verte
Sachant : par ma main tue la révolution.
Je ne le sais plus, je ne peux plus tuer.
Je dégage ma main de l’ordre
Que la révolution m’a donné
Un matin dans la ville de Witebsk
Par la voix du parti dans le bruit de la bataille.
Je tranche les cordes aux mains
De nos ennemis, qui sont marqués
Par les traces de leur travail comme mes semblables.
Je dis : vos ennemis sont nos ennemis.
Je dis : retournez à votre travail.
CHŒUR [Les interprètes des trois paysans] :
Et ils retournèrent à leur travail
Trois ennemis de la révolution, inéduqués.
Lorsqu’il dégagea sa main de l’ordre
Que la révolution lui avait donné
Un matin dans la ville de Witebsk
Par la voix du parti dans le bruit de la bataille
C’était une main de plus à notre gorge./
Car ta main n’est pas ta main
Tout comme ma main n’est pas ma main
Tant que la révolution n’a pas vaincu définitivement
Dans la ville de Witebsk comme dans d’autres villes.
Car l’ignorance peut tuer
Tout comme l’acier peut tuer et la fièvre
Et le savoir ne suffit pas, mais il faut
Que l’ignorance cesse maintenant complètement, et tuer ne suffit pas
Mais tuer est une science
Et il faut qu’elle soit apprise, afin que cela cesse
Puisque le naturel n’est pas naturel
Mais l’herbe il nous faut l’arracher
Et le pain il nous faut le recracher
Jusqu’à ce que la révolution ait vaincu définitivement
Dans la ville de Witebsk comme dans d’autres villes
Afin que l’herbe reste verte et que cesse la faim.
Qui s’en tient à soi-même comme à sa propriété
Est un ennemi de la révolution comme d’autres ennemis
Puisque semblable à nous n’est pas semblable à nous
Et nous ne le sommes pas, la révolution même
N’est pas une avec elle-même, mais l’ennemi avec
Griffe et dent, baïonnette et mitrailleuse
Inscrit dans son image vivante ses traits effroyables
Et ses blessures se cicatrisent sur notre visage.
B : À quoi bon tuer et à quoi bon mourir
Si le prix de la révolution est la révolution
Ceux qui sont à libérer le prix de la liberté.
A : Cela ou autre chose il le cria face au bruit de la bataille
Qui s’était accru et s’accroissait encore.
Mille mains à notre gorge il n’était
Contre le doute quant à la révolution
Pas d’autre moyen que la mort de celui qui doute
Et je n’eus pas d’yeux pour ses mains
Lorsqu’il fut devant mon revolver, le visage vers la carrière
Si elles étaient abîmées par le travail ou non abîmées
Mais elles étaient liées solidement par des cordes
Et nous le tuâmes de ma main
Sachant : le pain quotidien de la révolution
Est la mort de ses ennemis, sachant : l’herbe même
Il nous faut l’arracher, afin qu’elle reste verte.
Je le savais, en tuant d’autres un autre matin
Et au troisième matin d’autres encore
Et ils n’avaient pas de mains et pas de visage
Mais l’œil avec lequel je les regardais
Et la bouche avec laquelle je leur parlais
Était le revolver et ma parole la balle
Et je ne l’oubliais pas, quand ils criaient
Quand mon revolver les jetait dans la carrière
Ennemis de la révolution sur d’autres ennemis
Et c’était une tâche comme n’importe quelle autre.
Je le savais, quand on tire dans un homme
Il en sort du sang comme de tous les animaux
Peu de choses différencient les morts et
Pas longtemps ce peu de choses. Mais l’homme n’est pas un animal :
Au septième matin je vis leurs visages
Dans leurs dos les mains, liées par des cordes
Avec les traces de leurs divers travaux
Quand ils attendaient, le visage vers la carrière
Que la mort sorte de mon revolver, et prit place
Entre doigt et gâchette le doute, faisant peser
Les tués de sept matins
Sur ma nuque qui porte le joug de la révolution
Afin que soient brisés tous les jougs
Et ma main, qui est liée au revolver
Par ordre de la révolution, donné
Un matin dans la ville de Witebsk
Par la voix du parti dans le bruit de la bataille
De distribuer la mort à ses ennemis
Afin qu’on cesse de tuer, et je criai le commandement
Ce matin comme au premier matin
MORTS AUX ENNEMIS DE LA RÉVOLUTION
Et distribuai la mort, mais ma voix
Cria le commandement comme si elle n’était pas ma voix et ma main
Distribua la mort comme si elle n’était pas ma main
Et tuer était autre chose que tuer
Et c’était une tâche comme aucune autre
Et le soir je vis mon visage
Qui me regardait avec, pas mes yeux
Dans le miroir mural, qui avait été brisé souvent
Lors du pilonnage de la ville souvent conquise
Et dans la nuit je n’étais pas un homme, avec le poids
Des tués de sept matins
Mon sexe, le revolver, qui distribue la mort
Aux ennemis de la révolution, le visage vers la carrière.
A [CHŒUR] : Pourquoi moi. Relevez-moi de l’ordre
Pour lequel je suis trop faible.
CHŒUR : Pourquoi toi.
A : J’ai combattu au front de la guerre civile
L’ennemi ne m’a trouvé aucune faiblesse
Vous ne m’avez trouvé aucune faiblesse
À présent je suis moi-même une faiblesse
Qu’il ne faut pas que l’ennemi nous trouve.
J’ai distribué la mort dans la ville de Witebsk
Aux ennemis de la révolution dans la ville de Witebsk
Sachant : le pain quotidien de la révolution
Est la mort de ses ennemis, sachant : l’herbe même
Il nous faut l’arracher afin qu’elle reste verte.
Je ne l’oubliai pas au troisième matin
Ni au septième. Mais au dixième
Je ne le sais plus. Tuer et tuer
Et un sur trois peut-être n’est pas coupable, qui
Est devant mon revolver, le visage vers la carrière.
CHŒUR : Dans ce combat, qui ne cessera
Dans la ville de Witebsk comme dans d’autres villes
Qu’avec notre victoire ou notre perte
Nous exécutons chacun avec deux faibles mains
La tâche de deux mille mains, mains brisées
Mains liées par des chaînes et des cordes, mains
Tranchées, mains à notre gorge.
Mille mains à notre gorge, nous n’avons
Pas de souffle pour demander coupable ou non coupable
À chaque main à notre gorge, ou quelle origine
Si elle est abîmée par le travail ou non abîmée
Si c’est la misère qui nous la tord autour du cou et
L’ignorance sur les racines de la misère
Ou la crainte de la révolution, qui l’arrache
Avec ses racines. Qui es-tu d’autre que nous
Ou de singulier, toi qui revendiques ta faiblesse.
Celui qui dit je par ta bouche est un autre que toi.
Tu n’es, tant que la révolution n’a pas vaincu définitivement
Dans la ville de Witebsk comme dans d’autres villes
Pas ta propriété. Par ta main
Tue la révolution. Par toutes les mains
Par lesquelles tue la révolution, tu tues toi aussi.
Ta faiblesse est notre faiblesse
Ton remords est la brèche dans ta conscience
Qui est une brèche dans notre front. Qui es-tu.
A : Un soldat de la révolution.
CHŒUR : Veux-tu donc
Que la révolution te relève de la mission
Pour laquelle tu es trop faible, qui doit être remplie
Par l’un ou par l’autre.
A/ [CHŒUR] : Non./
Et on continua de tuer, le visage vers la carrière
Le matin suivant devant mon revolver un paysan
Comme avant lui de semblables à lui les autres matins
Comme avant moi de semblables à moi devant d’autres revolvers
Sur la nuque la sueur froide : quatre combattants de la révolution
Il les a livrés à notre et son ennemi
Sur la nuque la sueur froide, debout devant d’autres revolvers.
De semblables à lui ont été tués
Et de semblables à moi pendant deux mille ans
Par roue gibet corde garrot knout kattorga
Par de semblables à mon ennemi, qui est son ennemi
Et mon revolver dirigé sur sa nuque à présent
Moi roue gibet corde garrot knout kattorga
Moi devant mon revolver le visage vers la carrière
Moi mon revolver dirigé sur ma nuque
Sachant que par ma main tue la révolution
Détruisant roue gibet corde garrot knout kattorga
Et ne le sachant pas, devant mon revolver un homme
Moi entre main et revolver, doigt et gâchette
Moi brèche dans ma conscience, dans notre front.
CHŒUR : Ta mission n’est pas de tuer des hommes, mais
Des ennemis. Car l’homme est inconnu.
Nous savons que tuer est une tâche
Mais l’homme est plus que sa tâche.
Tant que la révolution n’a pas vaincu définitivement
Dans la ville de Witebsk comme dans d’autres villes
Nous ne saurons pas que c’est un homme.
Car c’est lui notre tâche, l’inconnu
Derrière les masques, l’enterré dans la boue
De son histoire, le véritable sous la lèpre
Le vivant dans les pétrifications
Puisque la révolution déchire ses masques, efface
Sa lèpre, décape de la bave dure comme pierre
De son histoire son image, l’homme, avec
Griffe et dent, baïonnette et mitrailleuse
Se levant de la chaîne des générations
Déchirant son cordon ombilical sanglant
Dans l’éclair du véritable commencement se reconnaissant lui-même
L’un l’autre selon sa différence
Avec ses racines déterre de l’homme l’homme.
Ce qui compte est l’exemple, la mort ne signifie rien.
A : Mais dans le bruit de la bataille qui s’était accru
Et s’accroissait encore, j’étais là les mains ensanglantées
Soldat et baïonnette de la révolution
Et je demandais avec ma voix une certitude.
A [CHŒUR] : Cessera-t-on de tuer, quand la révolution aura vaincu.
La révolution vaincra-t-elle. Combien de temps encore.
CHŒUR : Tu sais, ce que nous savons ; nous savons, ce que tu sais.
La révolution vaincra, sinon l’homme ne sera pas
Mais disparaîtra dans une humanité croissante.
A : Et j’entendis ma voix dire
Ce matin comme d’autres matins
MORT AUX ENNEMIS DE LA RÉVOLUTION et je vis
Celui qui était moi tuer quelque chose de chair sang
Et autre matière, ne demandant pas coupable ou non coupable
Ni le nom ni si c’était un ennemi
Ou pas un ennemi, et ça ne remuait plus
Mais celui qui était moi ne cessait pas de le tuer.
Il dit : /[CHŒUR] J’ai rejeté mon fardeau
Sur ma nuque les morts ne me pèsent plus
Un homme est quelque chose dans quoi l’on tire
Jusqu’à ce que l’homme se lève des ruines de l’homme./
Et lorsqu’il avait tiré encore et encore
À travers la peau se déchirant, dans la chair
Sanglante, sur des os se brisant, il s’arc-boutait
Des pieds au cadavre.
A [CHŒUR] : Je mets sous ma botte ce que j’ai tué
Je danse sur mon mort d’un pas de danse martelé
Il ne me suffit pas de tuer, ce qui doit mourir
Afin que la révolution soit victorieuse et qu’on cesse de tuer
Mais il faut qu’il n’y en ait plus et plus rien
Et que ça ait disparu du visage de la terre
Pour ceux qui viendront une table rase.
CHŒUR : Nous entendîmes son hurlement et vîmes ce qu’il avait fait
Non sur notre ordre, et il ne cessait pas de crier
Avec la voix de l’homme qui bouffe l’homme
Nous sûmes alors que sa tâche l’avait épuisé
Et son temps s’était écoulé, et nous l’emmenâmes
Un ennemi de la révolution comme d’autres ennemis
Et pas comme d’autres, mais son propre ennemi aussi
Sachant : le pain quotidien de la révolution
Est la mort de ses ennemis, sachant : l’herbe même
Il nous faut l’arracher, afin qu’elle reste verte.
Mais il avait rejeté son fardeau
Qu’il fallait porter jusqu’à ce que la révolution ait vaincu
Sur sa nuque les morts ne lui pesaient plus
Qui pèsent jusqu’à ce que la révolution ait vaincu
Mais son fardeau était son butin
Ainsi la révolution n’avait plus de place pour lui
Et lui-même n’avait plus de place pour lui
Si ce n’est devant les fusils braqués de la révolution
A : Tant qu’ils ne m’enlevèrent de ma tâche
Et n’enlevèrent de ma main le revolver
Et mes doigts se tordaient encore comme autour de l’arme
Distincts de moi, je ne vis ce que j’avais fait
Et tant qu’ils ne m’emmenèrent je n’entendis
Ma voix et de nouveau le bruit de la bataille.
Qui s’était accru et s’accroissait encore.
A [CHŒUR] : De semblables à moi me conduisent au mur à présent
Et moi qui le comprends ne le comprend pas.
Pourquoi.
CHŒUR : Tu sais ce que nous savons, nous savons ce que tu sais
Ta tâche était sanglante et comme aucune autre
Mais il faut qu’elle soit accomplie comme d’autres tâches
Par l’un ou par l’autre.
A : J’ai accompli ma tâche. Voyez ma main.
CHŒUR : Nous voyons que ta main est ensanglantée
A : Comment non.
Et plus fort que le bruit de la bataille fut le silence
Pendant un instant dans la ville de Witebsk
Et plus long que ma vie fut cet instant.
Je suis un homme. L’homme n’est pas une machine.
Tuer et tuer, être le même après chaque mort
Je ne le pouvais. Donnez-moi le sommeil de la machine.
CHŒUR : Tant que la révolution n’a pas vaincu définitivement
Dans la ville de Witebsk comme dans d’autres villes
Nous ne saurons ce qu’est un homme.
A : Je veux le savoir maintenant et ici. Je demande
Ce matin dans la ville de Witebsk
Avec des bottes ensanglantées sur mon dernier chemin
Moi qui suis conduit à la mort, qui n’ai pas le temps
De mon dernier souffle maintenant et ici
Je demande à la révolution ce qu’est l’homme.
CHŒUR : Tu demandes trop tôt. Nous ne pouvons pas t’aider
Et ta demande n’aide pas la révolution.
Ecoute le bruit de la bataille.
A : Je n’ai qu’un seul temps.
Derrière le bruit de la bataille comme une neige noire
M’attend le silence.
CHŒUR : Tu ne meurs que d’une mort
Mais la révolution meurt d’une multitude de morts.
La révolution a une multitude de temps, pas un
De trop. L’homme est plus que sa tâche
Sinon il ne sera pas. Tu n’es plus
Mais ta tâche t’a épuisé
Il te faut disparaître du visage de la terre.
Le sang, avec lequel tu as taché ta main
Lorsqu’elle était une main de la révolution
Il faut le laver avec ton sang
Du nom de la révolution, qui a besoin de toutes les mains
Mais plus de ta main.
A : J’ai tué
Sur votre ordre.
CHŒUR : Et non sur notre ordre.
Entre doigt et gâchette l’instant
Etait ton temps et le nôtre. Entre main et revolver
L’espace
Était ta place au front de la révolution
Mais lorsque ta main devint une avec le revolver
Et que tu devins un avec ta tâche
Et que tu n’eus aucune conscience d’elle
Ni qu’il fallait qu’elle soit accomplie ici et aujourd’hui
Afin qu’il ne faille plus l’accomplir et par personne
Ta place dans notre front fut une brèche
Et il n’y eut pour toi plus de place dans notre front.
Effroyable est l’habituel, mortel ce qui est facile
Par une multitude de racines se loge en nous le passé
Qu’il faut arracher avec toutes ses racines
Dans notre faiblesse se lèvent les morts
Qu’il faut de nouveau et de nouveau enterrer
Il nous faut renoncer à nous-mêmes chacun
Mais nous ne devons pas renoncer l’un à l’autre
Tu es l’un et tu es l’autre
Celui que tu as déchiré sous ta botte
Celui qui t’a déchiré sous sa botte
Tu as renoncé à toi l’un à l’autre
La révolution ne renonce pas à toi. Apprends à mourir.
Ce que tu apprends augmente notre expérience.
Meurs en apprenant. Ne renonce pas à la révolution.
A : Je m’y refuse. Je n’accepte pas ma mort.
Ma vie m’appartient.
CHŒUR : Le néant est ta propriété.
A [CHŒUR] : Je ne veux pas mourir. Je me jette sur le sol.
Je m’agrippe à la terre à toutes mains
Je plante mes dents dans la terre
Que je ne veux pas quitter. Je crie.
CHŒUR [A] : Nous savons, que mourir est une tâche.
Ta peur t’appartient.
A [CHŒUR] : Qu’est-ce qui vient derrière la mort.
CHŒUR [A]: Demanda-t-il encore et déjà se releva du sol
Ne criant plus, et nous lui répondîmes :
Tu sais ce que nous savons, nous savons ce que tu sais
Et ta demande n’aide pas la révolution.
Qu’elle soit permise, quand la vie
Sera une réponse. Mais la révolution a besoin
De ton Oui à ta mort. Et il ne demanda plus rien
Mais alla au mur et cria le commandement
Sachant : le pain quotidien de la révolution
Est la mort de ses ennemis, sachant : l’herbe même
Il nous faut l’arracher afin qu’elle reste verte.
A [CHŒUR] : MORT AUX ENNEMIS DE LA RÉVOLUTION
Lu
(Il arrive, reste une minute profondément absorbé, tire un flacon de sels de son chapeau claque, l’hume convulsivement à sept reprises, puis commence, si résigné.)
Ayant quitté mon lit… peuh… à l’heure ordinaire,
J’ai très-spontanément caché mon pauvre corps
– Après avoir lavé ce qu’on laisse dehors –
Sous des choses en drap d’une coupe arbitraire.
Et je n’étais pas le seul !
Dans une maison… propre, un être m’a coiffé
Puis rasé (menaçant !) sans me faire d’entailles,
Et je lui ai remis de petites médailles,
Car j’avais remarqué que c’est ainsi qu’on fait.
Et je n’étais pas le seul !
Dans une autre… maison, j’ai devant une… table,
Mangé des plantes cuites et puis de la chair
De bêtes des forêts, du ciel et de la mer,
Et bu. (Tout ce qu’ici j’avance est véritable).
Et je n’étais pas le seul !
Je rencontrais des gens. Nous nous félicitions
De nous voir. Être au monde, au fond, simple aventure
Puis des dames, parfois plus belles que nature,
Qui me causaient… différentes impressions.
Et je n’étais pas le seul !
Puis encor des gens pas plus que moi z’insolites ;
Des affiches – Des boîtes à chevaux pensifs ;
Et des vendeurs de tout, sachant mille tarifs !
Je leur donnais parfois des médailles susdites.
Et je n’étais pas le seul !
J’ai parlé au passé, au présent, au futur !
J’ai appris divers faits dont j’ai flairé les causes !
À mon tour j’ai soutenu mille et mille choses
De tout ordre, et d’un air exorbitamment sûr.
Et je n’étais pas le seul !
Puis remangé, Puis dans les lieux où je travaille,
Écrit des faits historiques mais compilés,
Et des messieurs prudents, là, m’ont renouvelé
D’une provision de petites médailles.
Et je n’étais pas le seul !
Enfin, dévêtu, je me suis, acte peu subtil
Réintégré entre mes draps. – Que de choses ! j’y rêve…
Pourtant l’Humanité ne peut se mettre en grève
N’est-ce pas ? Alors, quoi ? quoi ? rien (furioso) – Ainsi soit-il.
(Muet, immobile, il couve ces gens de ses yeux mélancoliques, fait un geste d’universelle résignation – et se fond.)
My youthful commitment to the identity of beauty with freedom had been experimental, in the sense that usefully recognizing oneself as a girl was an experiment. I had absorbed the commitment from the literature, trying it on like a rhetoric that I called passion, loving the interior thrill of difference I felt as the tiny identifications operated within me, interpreting the thrill as my own emotion, not recognizing that what this thrill covered over was a worried questioning, not yet linguistic, about the scorn that bordered beauty’s literary description. The man-poets scorned what they desired ; their sadistic money was such that the object scorned was endowed with the shimmer of sex. How radiant we were in our gorgeous outfits and our bad moods ! Oh, and this ignited poetry. Baudelaire scorned Jeanne Duval and every female he dallied with, or at least did so on paper, Ted Hughes scorned Sylvia Plath, Ezra Pound scorned Djuna Barnes, George Baker scorned Elizabeth Smart, everybody scorned Jean Rhys. Proust did not scorn Albertine because Albertine was a man. The she-poets perished beneath the burden of beauty and scorn. This is what I observed. This was the formal sexuality of lyric. Who was I then, what was I, when I, a girl, was their reader, the reader of the beautiful representations ? Who was I if I became the describer, and how could I become this thing before perishing ? Would I then even recognize myself ? Because I saw the perishing everywhere. Daily I read it. The freedom of desiring and its potent transformations seemed not to belong to beauty, just to beauty’s describer. Anyone without a language for desire perishes. Any girl-thing. My questions emerged then as a mute, troubled resistance to the ancient operation that I also craved. Certainly the poem must become something other than this contract. I seemed to have been wrong about most things, except for my will to write and to read. That and the stain. Even so, I did not want to give up on beauty altogether, so gently I set it to the side, and with it the philosophical potency and freedom of the bad mood. Certainly I would return to beauty, I would return to the bad mood. I would arrive at anger.
For now I would continue to test the hypothesis of lust. I would test it in bookshops, in museums, and at fountains. I would test it, as I have described, in attic rooms, maid’s rooms as they were called. As unfixed lust, in fact a maid, I would write, I would perambulate and peruse. I would forget not to stare. I would move towards what I desired. I would make myself understood. What I wrote about in my heavy hard-bound diary : about a girl living in a room, getting dressed, buying food, fucking, the goddamned tulips ugly in the dark. These were historical records about things that might never have before existed, if I were to judge by the literature. Before I began to write what I needed to write, an event that, to my considerable dissatisfaction, would not begin for some years (lines such as ‘even the musking tulips’ would assert themselves, unwelcome even at the moment of transcription), I had to set the record straight, establish an archive. This would be my foundation. I had to describe everything, from the perspective of the lust of a maid. I did it altruistically, for the future. It would not be attractive. It would show my unkindness, the banality of my appetites, the small lies I told, the wilful omissions. My descriptions would not be about being seen, nor about the striving for that position within the lyric contract. Being seen by money was a form of incarceration within an enforced aesthetic constraint. Within this contract, aesthetic judgments are the same judgments that assess financial risk. Is the girl productive ? Lucrative ? Accessible ? Against this odious assessment, I began the slow accumulation of the documents of the incommensurable procedures, procedures for which I was not a sign, but an untrained actor, a bad actor, a hack of a sentence writer, an anonymous fuck. If the result seems merely decorative, ornamental, it’s because now realism has become another name for capital.
Baudelaire, so bitterly wracked with ambivalence, with rejection and debt, anachronistically repudiated the ideology of capital. His realism would recognize the spiritual complexity of dispossessed lives. He undoubtedly projected his aesthetic emotions on those outsiders cursed by Haussmann’s city ; he loved actresses, street singers, old women, acrobats, and prostitutes. He loved Jeanne Duval. He reconstructed the baroque city he required in Le Spleen de Paris, a city whose equivocity could enfold both pleasure and doubt. In Baudelaire’s cosmos, bizarre beauty was necessarily striated with irony, anger, and refusal.
The old pleasure had been lost, and the new had not yet been made. Jeanne’s body was not her body ; it was the field of an aesthetic proclamation and its withdrawal. Her body was the ground for the refracted self-identity of these bohemian cadets. Carmine-bronze-violet-tinted-blue-black, they described her to one another ; they recognized each other by means of the screen of her skin. She lived, as I said, on the second floor, facing the court, with her blonde maid Louise. They had no cook and no kitchen, so the two women would go to eat together in restaurants. Their home was open to any who wished to pay a visit, and from these guests she asked for nothing, since the household was entirely provided for by her lover, Baudelaire. Furthermore she was free, said Nadar, to accept any intimate attentions, since at that time their youthful circle regarded monogamy as a sort of crime. In the afternoon, between the hours of two and four only, her door was closed ; this was when Monsieur would visit her, and also every night.
Banville had first met Baudelaire strolling in the Luxembourg Gardens, by means of their common friend, the journalist Privat d’Anglemont. ‘Tiens,’ Privat d’Anglemont said to his companion, at the sight of the approach of the young poet through the foliage, ‘c’est Baudelaire’: Baudelaire, with his little pointy beard, nipped-in black velvet smock, and silver-headed walking stick, who seemed to have stepped from a van Dyck. And then the three men spent the entire night walking together in the city.
In the morning we had more whisky, and chocolate. I was puffy and slick and my lips were kissed raw, and I went to vomit behind the plastic curtain. Magnificent. There was no need for modesty. This is what beauty was for in some songs. Some say they only flirted, but my song was not that one. Later he asked if I would care to be prostituted. No, I said.
If he could pimp, I could write.
Do you sometimes at earliest waking observe yourself struggling towards a pronoun ? Do you fleetingly, as if from a great distance, strain to recall who it is that breathes and turns ? Do you ever wish to quit the daily comedy of transforming into the I‑speaker without abandoning the wilderness of sensing ? The sensation isn’t morbid ; it is ultimately disinterested. For me it’s a familiar moment, boring and persistent and disappointing. Again one arrives at the threshold of this particular, straitening I. With a tiny wincing flourish one enters the wearisome contract, sets foot to planks. Daily the humiliation is almost forgotten, until it blooms again with the next waking. It is an embarrassing perception best stoically flicked aside, left unreported. With an obscure hesitation one steps into the day and its frame and its costume.
The nervous fluid of a city is similar to a grammar or an electric current. Loving and loathing, we circulate. I myself did not exist before bathing in this medium. Here I become a style of enunciation, a strategic misunderstanding, a linguistic funnel, a wedge in language. Here I thought I’d destroy my origin, or I did destroy it, by becoming the she-dandy I found in the margins of used paperbacks. What do I love ? I love the elsewhere of moving clouds.
Reading unfolds like a game called ‘I,’ in public gardens in good weather, in a series of worn-down hotel rooms, in museums in winter, where ‘I’ is the composite figure who is going to write but hasn’t yet. If I am not alone in these rooms, if I could be known, it would be by the skinny red-haired street singer, the secretary of Cologne in her ironical cast-off dress, the hard-shod horsegirls neighing in the dark apartment, by similarly hybrid she-strangers and foreigners, any girl with the combined rage of lassitude and complicity. They are blazons. Cool threads of anger bind me to them. We cease to be human. We’re neutral, desituated clouds. There is nothing left to fear. This realization is a vocation.
Mais je veux partir, je veux monter l’escalier, et dussé-je n’avancer que par culbutes. De la société, je me promets tout ce qui me manque, l’organisation de mes forces surtout, auxquelles ne saurait suffire le genre d’exaspération qui constitue l’unique possibilité de ce célibataire de la rue. Pour celui-ci, il est déjà bien content s’il parvient à maintenir sa personne physique, d’ailleurs pitoyable, à défendre les quelques repas qu’il prend, à éviter l’influence des autres, bref, s’il conserve tout ce qu’il est possible de conserver dans ce monde dissolvant. Mais ce qu’il perd, il essaie de le regagner par force, fût-ce transformé, fût-ce amoindri, ne fût-ce même son ancien bien qu’en apparence (et c’est le cas la plupart du temps). Sa nature relève donc du suicide, il n’a de dents que pour sa propre chair, et de chair que pour ses propres dents. Car sans un centre, une profession, un amour, une famille, des rentes, c’est-à-dire sans se maintenir en gros face au monde – à titre d’essai seulement, bien sûr, – sans décontenancer en quelque sorte le monde grâce à un grand complexe de possessions, il est impossible de se protéger contre les pertes momentanément destructrices. Ce célibataire avec ses vêtements minces, son art des prières, ses jambes endurantes, son logement dont il a peur, et avec tout ce qui fait d’autre part son existence morcelée, appelée à ressortir cette fois encore après longtemps, ce célibataire tient tout cela rassemblé dans ses deux bras, et s’il attrape au petit bonheur quelque infime bibelot, ce ne peut être qu’en en perdant deux qui lui appartiennent. Telle est naturellement la vérité, une vérité qu’on ne peut montrer aussi pure nulle part. Car celui qui se présente réellement en bourgeois accompli, celui, donc, qui voyage sur mer dans un bateau avec l’écume devant lui et le sillage derrière, c’est-à-dire tout environné de gros effets, à la grande différence de l’homme sur ses quelques bouts de bois qui se heurtent encore les uns les autres et se font couler réciproquement, lui, ce monsieur et bourgeois n’est pas en moindre danger. Car lui et ses possessions ne font pas un, mais deux, et quiconque brise ce qui les relie le brise du même coup. Nos amis et nous, nous sommes méconnaissables sous ce rapport, parce que complètement masqués ; ainsi, moi, je suis masqué pour l’instant par ma profession, par mes souffrances réelles ou imaginaires, par mes penchants littéraires, etc. Mais moi, précisément, je sens mon propre fond beaucoup trop souvent et avec trop de violence pour pouvoir être satisfait, fût-ce même à moitié. Il me suffit de sentir ce fond un quart d’heure de suite pour que le monde venimeux me coule dans la bouche comme l’eau dans l’homme en train de se noyer.
Entre le célibataire et moi, il n’y a guère de différence pour l’instant, sauf que je puis encore penser à ma jeunesse dans mon village et que, si je le veux ou même simplement si ma situation l’exige, je pourrai peut-être encore me rejeter de ce côté. Mais le célibataire n’a rien devant lui et, de ce fait, rien non plus derrière. Dans l’instant, cela ne fait pas de différence, mais le célibataire n’a que l’instant. C’est en ce temps que nul aujourd’hui ne peut plus connaître, car rien ne peut être détruit comme ce temps, c’est en ce temps qu’il a échoué, alors qu’il sentait constamment son fond comme on prend soudain conscience d’une tumeur, qui était bien jusque-là la dernière des choses appartenant à notre corps, pas même la dernière puisqu’elle semblait ne pas encore exister, et qui, maintenant, et plus que tout ce que nous possédions en propre depuis notre naissance. Tandis que nous étions braqués jusque-là avec notre personne tout entière sur le travail accompli par nos mains, sur ce qui est vu par nos yeux et entendu par nos oreilles, sur les pas faits par nos pieds, nous nous tournons subitement dans la direction opposée, comme une girouette dans la montagne. Au lieu de s’enfuir en ce temps-là et fût-ce dans cette dernière direction – la fuite pouvant seule le maintenir sur la pointe de ses pieds et la pointe de ses pieds pouvant seule le maintenir au monde, – il s’est couché comme les enfants qui se couchent çà et là dans la neige en hiver, pour mourir de froid. Lui et ces enfants savent bien que c’est leur faute, qu’ils se sont couchés ou ont fléchi d’une manière ou d’une autre, ils savent qu’ils n’auraient dû le faire à aucun prix, mais ils ne peuvent pas savoir qu’après la transformation qui a lieu maintenant en eux dans les champs ou dans la ville, ils oublieront toute faute passée et toute contrainte, et qu’ils vont se mouvoir dans ce nouvel élément comme s’il était le premier. Toutefois, oublier n’est pas le mot qui convient ici. La mémoire de cet homme a aussi peu souffert que son imagination. Seulement, elles ne peuvent pas déplacer les montagnes ; voilà donc l’homme en dehors de notre peuple, en dehors de notre humanité, il est continuellement affamé, rien ne lui appartient que l’instant, l’instant toujours prolongé de la torture, jamais suivi de l’étincelle d’un instant de repos ; il n’a toujours qu’une seule chose : ses souffrances, mais rien sur toute la surface de la terre qui puisse se faire passer pour un remède, il n’a de sol que ce qu’il faut à ses deux pieds, de point d’appui que ce que peuvent couvrir ses deux mains, donc tellement moins que le trapéziste de music-hall, pour qui on a encore tendu un filet en bas.
Nous autres, c’est notre passé et notre avenir qui nous tiennent. Nous consacrons presque toutes nos heures de loisir, et combien de temps pris sur notre profession, à les faire monter et descendre pour les mettre en équilibre. Ce que le passé a de plus en étendue, le futur le compense par le poids et à leur terme, en effet, ils ne peuvent plus se distinguer l’un de l’autre ; plus tard, la prime jeunesse s’éclaire, comme le futur, et la fin du futur nous est déjà donnée dans tous nos soupirs, est déjà le passé. Ainsi se referme presque ce cercle au bord duquel nous marchons. Certes, ce cercle nous appartient, mais seulement tant que nous le tenons ; que nous nous écartions de lui une seule fois par suite de quelque absence, d’une distraction, d’une frayeur, d’un étonnement, d’une lassitude, et déjà il est perdu dans l’espace, nous avions jusque-là le nez plongé dans le fleuve du temps, nous reculons maintenant, nageurs passés, promeneurs actuels, et nous sommes perdus. Nous sommes en dehors de la loi, personne ne le sait et, pourtant, chacun nous traite en conséquence.
»Ich will ja weg, will die Treppe hinauf, wenn es sein muß unter Purzelbäumen. Von der Gesellschaft verspreche ich mir alles, was mir fehlt, die Organisierung meiner Kräfte vor allem, denen eine solche Zuspitzung nicht genügt, wie sie die einzige Möglichkeit dieses Junggesellen auf der Gasse ausmacht. Dieser ist ja schon zufrieden, wenn er mit seiner, allerdings schäbigen Körperlichkeit standhält, seine paar Mahlzeiten schützt, Einflüsse anderer Menschen vermeidet, kurz, so viel behält, als in der auflösenden Welt nur möglich ist. Was er aber verliert, das sucht er mit Gewalt, sei es auch verändert, geschwächt, ja sei es auch nur scheinbar sein früheres Eigentum (und das ist es meistens), wiederzubekommen. Sein Wesen ist also ein selbstmörderisches, es hat nur Zähne fîii das eigene Fleisch und Fleisch nur fur die eigenen Zähne. Denn ohne einen Mittelpunkt zu haben, ohne einen Beruf, eine Liebe, eine Familie, eine Rente zu haben, das heißt ohne sich im Großen gegenüber der Welt, versuchsweise natürlich nur, zu halten, ohne sie also durch einen großen Komplex an Besitztümern gewissermaßen zu verblüffen, kann man sich vor augenblicklich zerstörenden Verlusten nicht bewahren. Dieser Junggeselle mit seinen dünnen Kleidern, seiner Betkunst, seinen ausdauernden Beinen, seinei gefurchteten Mietswohnung, seinem sonstigen gestückelten diesmal nach langer Zeit wieder hervorgerufenen Wesen, hält alles dies mit beiden Armen beisammen und muß immer zwei seinei Sachen verlieren, wenn er irgendeine geringe aufs Geratewoh fängt. Natürlich liegt hier die Wahrheit, die nirgends so rein zi zeigende Wahrheit. Denn wer wirklich als vollendeter Bürger auftritt, also auf dem Meer in einem Schiff reist, mit Schaum vor sicr und mit Kielwasser hinter sich, also mit vieler Wirkung ringsherum, ganz anders als der Mann auf seinen paar Holzstückchen ir den Wellen, die sich noch selbst gegenseitig stoßen und herunter-drücken — er, dieser Herr und Bürger, ist in keiner kleineren Gefahr. Denn er und sein Besitz ist nicht eins, sondern zwei, und wer die Verbindung zerschlägt, zerschlägt ihn mit. Wir und unsere Bekannten sind ja in dieser Hinsicht unkenntlich, weil wir ganz verdeckt sind, ich zum Beispiel binjetzt verdeckt von meinem Beruf, von meinen eingebildeten oder wirklichen Leiden, von literarischen Neigungen usw. Aber gerade ich spüre meinen Grund viel zu oft und zu stark, als daß ich auch nur halbwegs zufrieden sein könnte. Und diesen Grund brauche ich nur eine Viertelstunde ununterbrochen zu spüren und die giftige Welt wird mir in den Mund fließen wie das Wasser in den Ertrinkenden. Zwischen mir und dem Junggesellen ist im Augenblick kaum ein Unterschied, nur daß ich noch an meine Jugend im Dorfe denken und vielleicht, wenn ich will, vielleicht selbst dann, wenn es nur meine Lage verlangt, mich dorthin zurückwerfen kann. Der Junggeselle aber hat nichts vor sich und deshalb auch hinter sich nichts. Im Augenblick ist kein Unterschied, aber der Junggeselle hat nur den Augenblick. Zu jener Zeit, die heute niemand kennen kann, denn nichts kann so vernichtet sein wie jene Zeit, zu jener Zeit hat er es verfehlt, als er seinen Grund dauernd spürte, so wie man plötzlich an seinem Leib ein Geschwür bemerkt, das bisher das Letzte an unserem Körper war, ja nicht einmal das Letzte, denn es schien noch nicht zu existieren, und (das) jetzt mehr als alles ist, was wir seit unserer Geburt leiblich besaßen. Waren wir bisher mit unserer ganzen Person auf die Arbeit unserer Hände, auf das Gesehene unserer Augen, auf das Gehörte unserer Ohren, auf die Schritte unserer Füße gerichtet, so wenden wir uns plötzlich ganz ins Entgegengesetzte, wie eine Wetterfahne im Gebirge. Statt nun damals wegzulaufen, sei es auch in dieser letzten Richtung, denn nur das Weglaufen konnte ihn auf den Fußspitzen und nur die Fußspitzen konnten ihn auf der Welt erhalten, statt dessen hat er sich hingelegt, wie sich im Winter hie und da Kinder in den Schnee legen, um zu erfrieren. Er und diese Kinder, sie wissen ja, daß es ihre Schuld ist, daß sie sich hingelegt oder sonstwie nachgegeben haben, sie wissen, daß sie es um keinen Preis hätten tun dürfen, aber sie können es nicht wissen, daß sie nach der Veränderung, die jetzt mit ihnen auf den Feldern oder in der Stadt geschieht, an ede frühere Schuld und jeden Zwang vergessen und daß sie sich in dem neuen Element bewegen werden, als sei es ihr erstes. Aber Vergessen ist hier kein richtiges Wort. Das Gedächtnis dieses Mannes hat ebensowenig gelitten wie seine Einbildungskraft. Aber Berge können sie eben nicht versetzen ; der Mann steht nun einmal außerhalb unseres Volkes, außerhalb unserer Menschheit, immerfort ist er ausgehungert, ihm gehört nur der Augenblick, der immer fortgesetzte Augenblick der Plage, dem kein Funken eines Augenblicks der Erholung folgt, er hat immer nur eines : seine Schmerzen, aber im ganzen Umkreis der Welt kein zweites, das sich als Medizin aufspielen könnte, er hat nur so viel Boden, als seine zwei Füße brauchen, nur so viel Halt, als seine zwei Hände bedecken, also um so viel weniger als der Trapezkünstler im Variete, fur den sie unten noch ein Fangnetz aufgehängt haben. Uns andere, uns hält ja unsere Vergangenheit und Zukunft. Fast allen unseren Müßiggang und wie viel von unserem Beruf verbringen wir damit, sie im Gleichgewicht auf- und abschweben zu lassen. Was die Zukunft an Umfang voraus hat, ersetzt die Vergangenheit an Gewicht, und an ihrem Ende sind ja die beiden nicht mehr zu unterscheiden, früheste Jugend wird später hell, wie die Zukunft ist, und das Ende der Zukunft ist mit allen unsern Seufzern eigentlich schon erfahren und Vergangenheit. So schließt sich fast dieser Kreis, an dessen Rand wir entlang gehn. Nun, dieser Kreis gehört uns ja, gehört uns aber nur so lange, als wir ihn halten, rücken wir nur einmal zur Seite, in irgendeiner Selbstvergessenheit, in einer Zerstreuung, einem Schrecken, einem Erstaunen, einer Ermüdung, schon haben wir ihn in den Raum hinein verloren, wir hatten bisher unsere Nase im Strom der Zeiten stecken, jetzt treten wir zurück, gewesene Schwimmer, gegenwärtige Spaziergänger, und sind verloren. Wir sind außerhalb des Gesetzes, keiner weiß es und doch behandelt uns jeder danach.«
Quand j’y songe, il me faut dire qu’à maints égards, mon éducation m’a causé beaucoup de tort. Ce reproche s’adresse à une foule de gens, à savoir mes parents, quelques membres de ma famille, certains habitués de notre maison, divers écrivains, une cuisinière bien précise qui m’a conduit à l’école pendant un an, tout un peuple de maîtres (que je suis obligé de comprimer très étroitement dans mon souvenir, sinon il m’en échappe quelques-uns çà et là ; mais comme je les ai comprimés trop fort, voilà que leur bloc s’effrite à nouveau par places), un inspecteur scolaire, des passants qui marchaient lentement, bref, ce reproche se glisse comme un poignard à travers toute la société et, je le répète, personne, malheureusement, personne ne peut être sûr que la pointe du poignard ne va pas surgir brusquement devant, derrière ou sur le côté. Je ne veux entendre aucune objection à ce reproche, j’en ai déjà entendu beaucoup trop, et comme, de plus, j’ai été réfuté dans la plupart des objections, je les inclus dans mon reproche et je déclare qu’à maints égards, mon éducation et cette réfutation m’ont causé beaucoup de tort.
J’y songe souvent et, chaque fois, il me faut dire qu’à maints égards, mon éducation m’a causé beaucoup de tort. Ce reproche se dirige contre une foule de gens ; ils se tiennent là, il est vrai, comme sur les vieilles photographies de groupes et ne savent que faire ensemble ; l’idée ne leur vient pas de baisser les yeux et ils n’osent pas sourire, tant ils sont impatients. Il y a là mes parents, quelques membres de ma famille, plusieurs professeurs, une cuisinière bien précise, quelques jeunes filles rencontrées au cours de danse, quelques familiers qui fréquentaient notre maison autrefois, plusieurs écrivains, un maître nageur, un employé derrière son guichet, un inspecteur scolaire, puis quelques personnes que je n’ai rencontrées qu’une seule fois dans la rue, et d’autres dont, précisément, je ne peux pas me souvenir, et ceux dont je ne me souviendrai plus jamais, et ceux, enfin, dont je n’ai absolument pas retenu l’enseignement, distrait que j’étais alors d’une manière ou d’une autre ; bref, ils sont tant qu’il me faut prendre garde à ne pas en nommer un deux fois. Et c’est devant eux tous que j’exprime mon reproche, c’est là ma manière de les présenter les uns aux autres, mais je ne tolère aucune objection. Car j’en ai vraiment toléré assez et comme j’ai été réfuté dans la plupart d’entre elles, je ne peux faire autrement que d’inclure ces objections dans mon reproche et de dire que, en dehors de mon éducation, ces réfutations m’ont fait aussi, à maints égards, beaucoup de tort.
S’attend-on par hasard à ce que j’aie été élevé dans quelque lieu isolé ? Non, c’est en pleine ville que j’ai été élevé. Et non, par exemple, dans quelque ruine de montagne ou au bord d’un lac. Jusqu’ici, mes parents et leur escorte étaient cachés par mon reproche qui les faisait tout gris, maintenant, ils l’écartent aisément et sourient, parce que j’ai retiré mes mains pour les porter à mon front et que je pense : « J’aurais dû être ce petit habitant des ruines qui prête l’oreille aux cris des choucas dont les ombres passent sur lui et qui se rafraîchit sous la lune, même si j’avais été un peu faible au début sous la pression de mes bonnes qualités qui eussent dû croître en moi avec la force de l’ivraie, brûlé par le soleil qui, passant à travers les décombres, m’eût baigné de tous côtés sur ma couche de lierre.
Wenn ich es bedenke, so muß ich sagen, daß mir meine Erziehung in mancher Richtung sehr geschadet hat. Ich bin ja nicht irgendwo abseits, vielleicht in einer Ruine in den Bergen, erzogen worden, dagegen könnte ich ja kein Wort des Vorwurfes herausbringen. Auf die Gefahr hin, daß die ganze Reihe meiner vergangenen Lehrer dies nicht begreifen kann, gerne und am liebsten wäre ich jener kleine Ruinenbewohner gewesen, abgebrannt, von der Sonne, die da zwischen den Trümmern von allen Seiten auf den lauen Efeu mir geschienen hätte, wenn ich auch im Anfang schwach gewesen wäre unter dem Druck meiner guten Eigenschaften, die mit der Macht des Unkrauts in mir emporgewachsen wären.
Wenn ich es bedenke, so muß ich sagen, daß mir meine Erziehung in mancher Richtung sehr geschadet hat. Dieser Vorwurf trifft eine Menge Leute, nämlich meine Eltern, einige Verwandte, einzelne Besucher unseres Hauses, verschiedene Schriftsteller, eine ganz bestimmte Köchin, die mich ein Jahr lang zur Schule führte, einen Haufen Lehrer (die ich in meiner Erinnerung eng zusammendrücken muß, sonst entfällt mir hie und da einer, da ich sie aber so zusammengedrängt habe, bröckelt wieder das Ganze stellenweise ab), einen Schulinspektor, langsam gehende Passanten, kurz, dieser Vorwurf windet sich wie ein Dolch durch die Gesellschaft und keiner, ich wiederhole, leider keiner ist dessen sicher, daß die Dolchspitze nicht einmal plötzlich vorn, hinten oder seitwärts erscheint. Auf diesen Vorwurf will ich keine Widerrede hören, da ich schon zu viele gehört habe und da ich in den meisten Widerreden auch widerlegt worden bin, beziehe ich diese Widerreden mit in meinen Vorwurf und erkläre nun, meine Erziehung and diese Widerlegung haben mir in mancherlei Richtung sehr geschadet.
Oft überlege ich es, und immer muß ich dann sagen, daß mir neine Erziehung in manchem sehr geschadet hat. Dieser Vorwurf geht gegen eine Menge Leute, allerdings sie stehn hier beisammen, wissen wie auf alten Gruppenbildern nichts miteinander anzufangen, die Augen niederzuschlagen fallt ihnen gerade nicht ein und zu lächeln wagen sie vor Erwartung nicht. Es sind da meine Eltern, einige Verwandte, einige Lehrer, eine ganz bestimmte Körhin, einige Mädchen aus Tanzstunden, einige Besucher unseres Hauses aus früherer Zeit, einige Schriftsteller, ein Schwimmeister, ein Billeteur, ein Schulinspektor, dann einige, denen ich nur einmal auf der Gasse begegnet bin, und andere, an die ich mich gerade nicht erinnern kann, und solche, an die ich mich niemals mehr erinnern werde, und solche endlich, deren Unterricht ich, irgendwie damals abgelenkt, überhaupt nicht bemerkt habe, kurz, es sind so viele, daß man achtgeben muß, einen nicht zweimal zu nennen. Und ihnen allen gegenüber spreche ich meinen Vorwurf aus, mache sie auf diese Weise miteinander bekannt, dulde aber keine Widerrede. Denn ich habe wahrhaftig schon genug Widerreden ertragen, und da ich in den meisten widerlegt worden bin, kann ich nicht anders, als auch diese Widerlegungen in meinen Vorwurf mit einzubeziehen und zu sagen, daß mir außer meiner Erziehung auch diese Widerlegungen in manchem sehr geschadet haben.
Erwartet man vielleicht, daß ich irgendwo abseits erzogen worden bin ? Nein, mitten in der Stadt bin ich erzogen worden, mitten in der Stadt. Nicht zum Beispiel in einer Ruine in den Bergen oder am See. Meine Eltern und ihr Gefolge waren bis jetzt von meinem Vorwurf bedeckt und grau, nun schieben sie ihn leicht beiseite und lächeln, weil ich meine Hände von ihnen weg an meine Stirn gezogen habe und denke : Ich hätte der kleine Ruinenbewohner sein sollen, horchend ins Geschrei der Dohlen, von ihren Schatten überflogen, auskühlend unter dem Mond, wenn ich auch am Anfang ein wenig schwach gewesen wäre unter dem Druck meiner guten Eigenschaften, die mit der Macht des Unkrauts in mir hätten wachsen müssen, abgebrannt von der Sonne, die zwischen den Trümmern hindurch auf mein Efeulager von allen Seiten mir geschienen hätte.
Aujourd’hui, par exemple, j’ai commis trois impudences, l’une envers un conducteur, l’autre envers une personne qui m’était présentée – tiens, elles ne sont que deux – mais elles me font souffrir comme des crampes d’estomac. C’eût été de l’impudence de la part de n’importe qui, combien plus encore venant de moi. Ainsi, je sortis de moi-même, je luttai à vide dans le brouillard et, ce qui est plus grave, personne ne remarqua que je faisais cette impudence comme telle, qu’il me fallait la faire même à l’égard de ceux qui m’accompagnaient, qu’il me fallait leur montrer la mine appropriée et en porter la responsabilité à leurs yeux ; mais ce fut pis encore quand l’un de mes amis, prenant cette impudence non pour un indice de caractère, mais pour le caractère lui-même, attira mon attention sur elle et l’admira. Pourquoi ne resté-je pas en moi ? Maintenant, il est vrai, je puis me dire : vois donc, le monde se laisse battre par toi, le conducteur et la personne qui t’était présentée sont restés calmes quand tu es parti, cette dernière t’a même salué. Mais cela ne veut rien dire. Tu ne gagneras rien à quitter ton cercle et par surcroît, que perdras-tu à rester dedans ? A ceci, je me borne à répondre : moi aussi j’aimerais mieux me laisser rouer de coups dans le cercle plutôt que d’être celui qui donne les coups à l’extérieur, mais où diable est-il, ce cercle ? Il fut un temps où je le voyais posé à terre, comme arrosé de chaux, mais en ce moment, je ne le vois plus que flottant vaguement autour de moi, que dis-je, il ne flotte même pas.
Ich habe heute zum Beispiel drei Frechheiten gemacht, gegenüber einem Kondukteur, gegenüber einem mir Vorgestellten, so, es waren nur zwei, aber sie schmerzen mich wie Magenschmerzen. Von Seite eines jeden Menschen wären es Frechheiten gewesen, wie erst von meiner Seite. Ich ging also aus mir heraus, kämpfte in der Luft im Nebel, und das Ärgste : daß es niemand merkte, daß ich auch gegenüber meinen Begleitern die Frechheit als eine Frechheit machte, machen mußte, die richtige Miene, die Verantwortung tragen mußte ; das schlimmste aber war, als einer meiner Bekannten diese Frechheit nicht einmal als Zeichen eines Charakters, sondern als den Charakter selbst nahm, mich auf meine Frechheit aufmerksam machte und sie bewunderte. Warum bleibe ich nicht in mir ? Jetzt sage ich mir allerdings : schau, die Welt läßt sich von dir schlagen, der Kondukteur und der Vorgestellte bleiben ruhig, als du weggingst, der letztere grüßte sogar. Das bedeutet aber nichts. Du kannst nichts erreichen, wenn du dich verläßt, aber was versäumst du überdies in deinem Kreis. Auf diese Ansprache antworte ich nur : auch ich ließe mich lieber im Kreis prügeln, als außerhalb selbst zu prügeln, aber wo zum Teufel ist dieser Kreis ? Eine Zeitlang sah ich ihn ja auf der Erde liegen, wie mit Kalk ausgespritzt, jetzt aber schwebt er mir nur so herum, ja schwebt nicht einmal.
Tu tombes dans un trou, et tu dis « ouais non c’est pas ma tombe, je me tire de ce trou », tu sors du trou qui n’est pas la tombe, tu tombes de nouveau dans un trou, et tu dis « ouais non c’est toujours pas ma tombe, je me tire de ce trou », tu tombes dans un autre trou ; des fois tu tombes dans un trou à l’intérieur même d’un trou, ou dans plusieurs trous à l’intérieur de trous, et tu sors de l’un puis l’autre, et puis tu retombes et tu dis « c’est pas ma tombe, je me tire de ce trou » ; des fois on te pousse et tu dis « non tu peux pas me pousser dans ce trou, c’est pas ma tombe », et tu te tires la tête haute, et puis tu retombes dans un trou sauf que cette fois personne ne t’a poussé⋅e ; des fois tu tombes dans une succession de trous dont les structures sont prévisibles, idéologiques, anciennes, tu tombes souvent dans cette succession de trous structurels et impersonnels ; des fois tu tombes dans des trous avec d’autres gens, et avec d’autres gens vous vous dites « ouais non c’est pas notre fosse commune, on se tire de ce trou », et tous⋅tes vous vous tirez de ce trou tous.tes ensemble, dans un enchevêtrement de mains et de pieds et de courtes échelles faites à chacun⋅e pour se tirer de ce trou qui n’est pas la fosse commune et dont on ne pourra se tirer qu’ensemble ; des fois, tu tombes exprès dans un trou qui n’est pas la tombe, parce qu’en vrai c’est moins de peine que de ne pas tomber dans un trou, mais une fois dedans tu réalises que ce n’est pas la tombe, et alors tu finis par te tirer du trou ; des fois tu tombes dans un trou et tu y languis des jours, des semaines, des mois, des années, parce que ce trou qui a beau ne pas être la tombe est quand même un trou dont on galère à s’extirper, et tu sais qu’après ce trou il n’y a rien d’autre qu’un trou, et puis un autre ; des fois, tu prospectes le paysage des trous et tu rêves de te dégoter un trou de standing où faire de vieux os ; des fois tu penses à celles et ceux tombé⋅es dans des trous qui ne sont pas des tombes mais qui gagneraient sans doute à en être ; des fois tu es trop absorbé⋅e dans la contemplation du trou dernier et c’est dur d’éviter les trous intermédiaires ; des fois tu t’appliques à bien tomber et à bien t’en tirer, avec une vaillance admirable, et tu dis « regarde la maîtrise et le panache avec lesquels je m’élève de ce qui y ressemble mais n’est pas la tombe ! »