(…) le chercheur le plus loyal à l’égard de l’esthétique sera de manière négative celui qui se révolte contre le langage et qui, au lieu de rabaisser la parole au rang de simple paraphrase de ses chiffres, lui préfère le graphique, qui confesse sans réserve la réification de la conscience et trouve ainsi pour l’exprimer quelque chose comme une forme, sans emprunts apologétiques à l’art.
Lu
Chaque fois que la philosophie croit pouvoir abolir, par des emprunts à la poésie, la pensée objectivante et son histoire, ce que la terminologie habituelle nomme l’antithèse du sujet et de l’objet, espérant même que l’être lui-même pourrait parler dans une poésie préfabriquée à partir de Parménide et de Jungnickel, elle se rapproche de ce bavardage culturel éculé. Avec une malice paysanne déguisée en langage de l’origine, elle se refuse à respecter les exigences de la pensée conceptuelle auxquelles elle a pourtant souscrit, dès lors qu’elle utilisait des concepts dans l’affirmation et le justement ; en même temps, son élément esthétique reste de seconde main, c sont de pâles réminiscences culturelles de Hölderlin… […] La violence que l’image et le concept se font subir réciproquement donne naissance à ce jargon de l’authenticité, où les mots frémissent d’émotion, sans pour autant dire ce qui les émeut.
L’interprétation ne peut pas faire ressortir ce qu’elle n’aurait pas en même temps introduit. Ses critères, c’est la compatibilité de l’interprétation avec le texte et avec elle-même, et sa capacité de faire parler tous ensemble les éléments de l’objet.
On ne peut assigner un domaine particulier à l’essai. Au lieu de produire des résultats scientifiques ou de créer de l’art, ses efforts mêmes reflètent le loisir propre de l’enfance, qui n’a aucun scrupule à s’enflammer pour ce que les autres ont fait avant elle. Il réfléchit sur ce qu’il aime et ce qu’il hait, au lieu de présenter l’esprit comme une création ex nihilo, sur le modèle de la morale du travail illimitée. Le bonheur et le jeu lui sont essentiels.
Où il y a intensité, il y a labyrinthe, et déterminer les sens du parcours, souffrance ou allégresse, est l’affaire des consciences et de leurs directeurs. Il nous suffit que la barre tourne pour que fusent les spirales imprévisibles, il nous suffit qu’elle ralentisse et s’arrête pour que s’engendrent la représentation et la pensée claire. Donc pas de bonnes et de mauvaises intensités, mais l’intensité ou sa décompression. Et comme on l’a dit et on le redira, l’une et l’autre dissimulées ensemble, le sens caché dans l’émotion, le vertige dans la raison. Ainsi point de morale, plutôt une théâtrique ; point de politique, plutôt un complot.
but to the
australian aborigine an aranda say among the aranda
there is i take it a different way of looking at all this or at
least a different way of talking about what we have just been
looking at for in aranda in the vernacular aranda system
as it existed in the 19th century there were according to the
people familiar with them four or actually five
fundamental color terms two blacks white red
and one other term for all the rest one black was purka
used of charcoal and the other was urupulla which included
brown and a fair range of greys white was churungura
red tutuka and the other was tierga the sky was tierga a
green leaf was tierga and yellow ocher was also tierga
now this is a
very different system for talking about seeing than ours one
for red and one for the range of blue yellow and green
i have no doubt
that we could persuade any reasonable aranda gentleman or lady
to distinguish between sky color leaf color and the color ocher
and they could do this very handily this gentleman or lady
an aranda painter maybe they could say that of course
one was sky tierga the other was leaf tierga and the last was
ocher tierga but that they were merely three different shades of
the same color tierga that is that they were all the
same color but modified by some other aspect of vision that
weve chosen to call « shade » which would be somewhat similar
to our « light » and « dark » or « deep » or « thin » or « saturated » or
« not » but we really wouldnt have any appropriate name for
this feature of vision that we have just called « shade » but which
applies to a somewhat different range of visual experiences
because their word « color » would also not apply to quite the
same visual experiences of looking as ours or would apply in
a different way so their word « shade » which would
depend for its significance on their word « color » as our word
« shade » depends on our word « color » would not be at all
the same and we would simply not have any word for it that
came conveniently to hand though we might very well know what
they mean by it
and this leads to interesting conclusions
because it seems that « blue » occupies a different semantic space
to use our old formalist conception of word meaning a
different semantic space than our word « blue » and that not only
that their conception of « color » probably has a different
spatial configuration in the semantic domain of aranda looking
than our notion « color »
j’ai donné son titre à cette pièce [« accorder », tuning] bien avant de venir ici et si le titre que je lui ai donné n’était pas censé vous donner une image très précise de ce que j’allais faire et si vous me voyez tripoter ce magnétophone c’est surtout parce que je n’ai pas d’image très précise de ce que je vais dire même si j’ai une très bonne connaissance du terrain sur lequel en général je me déplace et que la seule façon pour moi de voir si cela valait le coup de le faire ou non c’est d’entendre ce que j’ai de quelle façon je me suis moi-même pris au piège et si j’ai choisi de me prendre au piège plutôt que de préparer à l’avance une série précise d’énoncés c’est parce que j’ai eu l’impression j’ai écrit des choses avant ça dans le vide naturel qu’est le cabinet hermétique artificiel où se trouve la littérature depuis un certain temps et le problème pour moi est là être devant une machine à écrire et face à personne si bien que pour moi la littérature en tant que littérature n’a pas d’urgence elle n’a pas besoin de destinataire il y a trop de choses il n’y a pas trop de choses il y a seulement certaines choses dont vous voudrez peut-être parler mais il y a trop de manières d’en parler et aucune urgence dans le choix de la manière d’en parler il y a trop de manières de s’y prendre trop de possibilités de faire des objets bien ficelés aucune ne semble particulièrement nécessaire
quand nous parlons d’expérience nous imaginons que la mémoire a une valeur positive mais le terme de mémoire ne fait qu’amplifier le problème les gens quand ils parlent de mémoire imaginent vaguement une sorte de coffre de stockage neural peut-être comme un classeur tout comme ils se représentent le système de stockage d’un ordinateur où chaque souvenir a une place assignée dans un dossier distinct dans un tiroir particulier de ce classeur imaginaire le problème c’est que personne n’a jamais été en mesure de trouver ces coffres même si lorsque j’étais étudiant un grand psychologue physiologiste qui s’appelait donald hebb a suggéré que la mémoire qui embarrassait depuis longtemps tous les investigateurs pouvait se trouver dans ce qu’il a appelé les circuits réverbérants c’est-à-dire que les impulsions électriques correspondant aux perceptions seraient aiguillées dans un groupe de neurones fermé sur lui-même dans lequel elles tourneraient jusqu’à ce qu’on les rappelle pourêtreexécutées par le système moteur ou intégrées à quelque activité corticale de niveau supérieur c’était une belle idée qui a provoqué une très grande excitation à l’époque mais personne n’a pu trouver un seul de ces circuits qui n’ait tenu plus de quelques secondes et depuis cette époque dans les années cinquante en dépit de toutes les grandes avancées technologiques dans l’étude de la neurologie et de la psychologie personne vraiment n’a eu la plus petite idée concrète du fondement neurologique de la mémoire et nous devons nous rabattre comme souvent sur le phénoménologique et le linguistique il faut que nous examinions l’expérience de l’intérieur de l’expérience pour voir quelle idée nous pouvons en tirer
héraclite a fait observer qu’on ne saurait entrer deux fois dans le même fleuve voilà qui avait pour moibeaucoup de sens parce que cela semblait confirmer une conclusion à laquelle j’étais arrivé il y a longtemps que l’expérience vous prépare à ce qui n’arrivera jamais plus mais comment cela cadre-t-ilave cle sarcasme de cratyle qui a suivi on ne peut entrer une seule fois dans le même fleuve c’est toujours bien d’avoir un élève intelligent pour vous pousser plus loin et c’est ce que le sarcasme de cratyle semble faire le fleuve change si vite que le temps d’y entrer c’est déjà un fleuve différent mais à la réflexion la remarque decratyle pousse celle d’héraclite plus loin que ça en fait elle la pousse d’une falaise parce que pour faire l’expérience d’une chose une fois il faut que vous en fassiez l’expérience deux fois ce qui nous fait passer d’une discussion sur la répétition à une discussion sur l’expérience
now of all the philosophers i know the only one who tried to make a case for the meaning of experience is john dewey actually tried to think it through although his most thorough thinking through took place in a very special situation to describe the experience of art which was not an activity he was very knowledgeable about but he was knowledgeable about human activity and he proposed that art making was very much like any other form of human activity and that at its center is the experience it provides you with in order to describe this he had to work out his idea of what an experience was and this turned out to be a profound idea a very beautiful notion that an experience a real or integral experience has a narrative form it has a beginning a middle and an end he supposes that all experiences are generated by a kind of need or desire as he sees it if you dont need or desire something you wont experience it fully at all and he distinguishes between what he calls full or integral experiences and partial or chaotic experiences that dont involve full self awareness and these dont count at all for dewey he says look suppose you go to a french restaurant thats supposed to be a wonderful restaurant and youre all set to have a great culinary experience youre waiting for the first dish to arrive youve selected an hors d’oeuvre and youre waiting for it to come you could be terribly surprised because in spite of the candlelight and the sparkling tablecloths the paintings on the wall the waiters all speaking their earthy dialects the frogs legs just dont taste very good they taste like tough chicken thighs and theres nothing more banal than overcooked chicken thighs so this is a bad moment a small personal tragedy but you still have hopes for the entrée you boldly order boeuf bourguignon but it comes back sour and unpalatable the wine is past its prime and the beef is stringy this is very disappointing but youre still trying to find some of the satisfaction you imagined or hoped for so now youre at dessert you order an apple and some brie what can they do to an apple and they didnt make the brie your luck turns around its a marvelous apple firm and sweet with the fragrance of its blossom and a luscious creamy brie its a partial retrieval youve snatched a small satisfaction from the debacle of the meal this is an experience you will never forget its hopes and its fears its great defeats and its final small victory next time you go to a french restaurant youll be wary of the frogs legs and maybe youll avoid the boeuf bourguignon