Parce que les hommes croient que les mots contiennent un effet moteur, […] les sons pro­duits en acte émettent des rayons comme le font les autres choses en acte, et ils agissent sur le monde des élé­ments de la même manière que les autres choses indi­vi­duelles. Et du fait qu’il existe d’in­nom­brables sons dif­fé­rents, cha­cun d’eux, pro­non­cé en acte, a son effet propre, dif­fé­rent de l’ef­fet des autres, dans les autres choses com­po­sées d’élé­ments. L’harmonie céleste donne leur effet propre aux sons, ain­si qu’aux herbes et à d’autres choses et, de la même manière, elle donne des effets qua­li­ta­ti­ve­ment très variés dans des choses dif­fé­rentes.

[…]

Certains sons ont un effet sur le feu, d’autres sur l’air, l’eau ou la terre. Il y a des sons pro­non­cés qui ont un effet sur les ani­maux, d’autres sur les végé­taux. Certains ont un effet sur une espèce d’a­ni­maux ou une espèce de végé­taux, d’autres sur une autre. Et de même cer­tains sons ont un pou­voir sur un genre d’ac­ci­dents, d’autres sur un autre.

De même, cer­tains sons ont un pou­voir à un cer­tain moment, d’autres à un autre moment. Certains ont un pou­voir dans un lieu, d’autres dans un autre. Certains ont un effet par soi, d’autres seule­ment lors­qu’ils sont pro­non­cés avec d’autres sons. Certains ont un effet par­ti­cu­lier lors­qu’ils sont pro­non­cés d’une cer­taine manière, d’autres lors­qu’ils sont pro­non­cés d’une autre manière. Certains ont un effet seule­ment lors­qu’ils sont pro­non­cés une fois, d’autres seule­ment lors­qu’ils sont pro­non­cés plu­sieurs fois. De même, cer­tains ont un effet par soi, d’autres seule­ment s’ils sont asso­ciés à une action par­ti­cu­lière.

[…]

L’air, et les sub­stances qui ont la nature la plus proche de celle de l’air, sont les matières les plus appro­priées à l’ac­tion des paroles. Les paroles sont en effet des formes aériennes, et c’est pour cette rai­son qu’elles sont plus opé­rantes sur une matière aérienne que sur une autre. De plus, l’air reçoit plus faci­le­ment les impres­sions que les autres élé­ments, et c’est pour­quoi les paroles ont plus d’ef­fi­ca­ci­té sur les corps et les qua­li­tés aériennes que sur les corps et les qua­li­tés des autres élé­ments, bien que cer­tains mots obtiennent un effet sur ces der­niers.

De là vient le fait que cer­tains mots, pro­non­cés rituel­le­ment, modi­fient la sen­sa­tion des ani­maux, et des hommes en par­ti­cu­lier. En effet, l’es­prit humain est de nature aérienne, et de ce fait les mots, comme d’autres choses, pro­voquent faci­le­ment un chan­ge­ment en lui. De là vient aus­si le fait que des images appa­raissent dans le miroir consa­cré grâce à la pro­non­cia­tion de cer­tains mots, et que par­fois se font entendre des paroles non pro­non­cées par l’homme. De là vient aus­si le fait que, durant la pro­non­cia­tion de cer­tains mots, des images venues de l’ex­té­rieur se forment dans l’i­ma­gi­na­tion, la rai­son et la mémoire de l’homme envoû­té.

[…] L’esprit humain ou celui d’un autre ani­mal, ain­si modi­fié, pro­duit dans son sujet une volon­té de mou­voir ses membres selon un cer­tain type de mou­ve­ment, local ou autre. Il n’a­vait pas cette volon­té aupa­ra­vant, et ne l’au­rait pas eue si ces mots n’a­vaient été pro­non­cés. Les mots altèrent aus­si la volon­té elle-même.

C’est pour­quoi l’on chasse de leur refuge, grâce aux mots, les scor­pions, les loups, les lions, les rats et les mouches, et c’est de cette manière que l’on appelle par­fois les ani­maux et les oiseaux dans les lieux où ils attendent leur cap­ture. En effet, dans de tels cas, soit la volon­té natu­relle suit le mou­ve­ment des esprits de l’a­ni­mal enchan­té, pro­duit par les mots, soit par sa propre volon­té se trouve en elle-même alté­rée, ayant été trans­for­mée en une forme nou­velle par les mots, forme qu’elle n’au­rait pas eue en sui­vant le cours natu­rel des choses.
Mais d’autre part, bien que leur effet soit plus grand et plus facile dans une matière spi­ri­tuelle, les mots pro­non­cés avec la solen­ni­té requise ont cepen­dant l’ef­fet et la pro­prié­té de trans­for­mer tous les élé­ments en cer­taines formes natu­relles afin qu’ils ne pro­duisent pas ce qu’ils auraient effec­tué dans le cours ordi­naire des choses.

En effet la terre, bien qu’elle soit froide natu­rel­le­ment, se réchauffe et retient la cha­leur par la puis­sance des mots. L’eau, aus­si, qui par sa nature propre per­met aux corps pesants de la péné­trer, se voit pri­vée de cette nature par la puis­sance de cer­tains mots, et c’est ain­si que le fer peut voguer sur l’eau. L’air cesse aus­si de souf­fler et d’en­gen­drer la pluie par l’ac­tion des mots. Par des mots, le feu cesse éga­le­ment de brû­ler, même ali­men­té en com­bus­tible.

Il s’en­suit de cela que des corps pesants sont sou­vent entraî­nés dans les airs, contrai­re­ment au cours nor­mal de leur nature. Les corps légers aus­si des­cendent vers le bas par la puis­sance des mots, et les mots pro­duisent aus­si des éclairs, du ton­nerre, des nuages, des ténèbres et autres acci­dents des élé­ments.

[…]

Il importe peu, afin d’a­voir un effet moteur, que les opé­ra­tions et les pas­sions par les­quelles se fait l’ad­ju­ra­tion existent ou n’existent pas, et qu’elles aient ou non exis­té, pour­vu que celui qui adjure ait un désir intense avec la solen­ni­té requise. Parfois en effet, les faux dis­cours pro­duisent, comme les vrais, un effet moteur dans la matière grâce à la libé­ra­li­té céleste.

[…]

Et ce que nous avons dit du pou­voir des mots est suf­fi­sant.

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chap. 6  : « La puis­sance des mots »
,
trad.  Didier Ottaviani
, , ,
p. 40–70

Le désir humain est dans le cœur, qui est le centre d’où pro­viennent toutes les actions volon­taires, et ce centre pos­sède sa propre nature cen­trique, d’une cer­taine manière sem­blable à celle du monde. Car l’homme, indi­vi­dué par sa com­plexion propre, naît conforme au monde, puisque chaque par­tie du monde par­ti­cipe à son indi­vi­dua­tion. De là vient le fait que le centre du monde pro­duit à sa manière une cen­tri­ci­té dans chaque homme indi­vi­duel, et même dans chaque ani­mal. C’est pour­quoi le centre de l’homme le dirige dans ses mou­ve­ments, comme le centre du monde dirige celui-ci à sa manière dans ses mou­ve­ments. Et c’est pour cela que les rayons qui pro­viennent de la pro­prié­té du centre de l’homme, c’est-à-dire de son désir, sont plus aptes à pro­duire un mou­ve­ment dans la manière adap­tée que les rayons qui pro­viennent d’autres par­ties de l’in­di­vi­du humain ou de pro­prié­tés de ces par­ties.
Et il faut savoir que le désir d’un homme est natu­rel­le­ment plus apte à pro­duire des mou­ve­ments exté­rieurs que celui d’un autre, parce que la com­plexion de cha­cun limite la quan­ti­té et la qua­li­té de sa puis­sance, même lorsque les volon­tés et les dési­rs se trou­vant dans les deux sont d’é­gale inten­si­té. C’est aus­si parce que quand les dési­rs sont égaux grâce à la nature de la com­plexion, si le désir de l’un se pro­duit plus inten­sé­ment en acte que celui de l’autre, c’est le plus intense qui pos­sède la capa­ci­té de pro­duire des mou­ve­ments à l’ex­té­rieur.

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chap. 6  : « La puis­sance des mots »
,
trad.  Didier Ottaviani
, , ,
p. 57–58
[…] Le pre­mier et le prin­ci­pal acci­dent néces­saire à la géné­ra­tion d’une chose grâce au modèle de l’i­mage men­tale est le désir de l’homme qui ima­gine que la chose existe. En effet, le désir joint à l’i­ma­gi­na­tion est sem­blable à la scam­mo­née mélan­gée au remède, qui consti­tue par sa ver­tu propre l’en­semble du remède laxa­tif. Ainsi le désir qui prend l’homme de voir se pro­duire un mou­ve­ment dans une ou plu­sieurs choses indi­vi­duelles, ajou­té à l’i­ma­gi­na­tion de ce même mou­ve­ment, rend cette ima­gi­na­tion capable de mettre en mou­ve­ment les choses indi­vi­duelles situées à l’ex­té­rieur, grâce aux rayons qui leur sont trans­mis et qui ont un effet moteur. Il faut aus­si que le désir soit intense pour que, avec les autres choses requises, il ait un effet moteur. Car ce qui est effec­tué négli­gem­ment ne suf­fit pas pour pro­duire l’ef­fet moteur dési­ré.
La cer­ti­tude de l’ef­fet futur est un acci­dent qui, avec les autres acci­dents pré­cé­dem­ment posés, est éga­le­ment néces­saire. En effet, celui qui déses­père de l’ef­fet futur ver­ra son sou­hait déçu, même s’il a savam­ment exé­cu­té le reste. Car la cer­ti­tude ou l’es­poir fer­me­ment éta­bli envers l’é­vé­ne­ment dési­ré consti­tue la force et le sou­tien du désir, aidant le désir lui-même à la pro­duire l’ef­fet, comme la pré­pa­ra­tion de la scam­mo­née aide celle-ci dans son action laxa­tive quand elle doit être don­née en remède.
,
De radiis [9e siècle]
,
chap. 5  : « Ce qui favo­rise un effet moteur »
,
trad.  Didier Ottaviani
, ,

good eve­ning, warmth, here i am again
enti­ced by the pre­sence of light
i’m obvious­ly here and all your pre­tence
of acci­dent just makes me love you
(i see through you, or not quite) love you
control has pushed my head convex – or is concaine ?
chance that gurgles like a picket fence
bru­shed by a sau­sage of my wate­ry sight

,
« In which Rhythm Makes a Stand » Collected Poems
, , ,
p. 133

snow falls through moon light
smile on the moon
enchant­ment returns
i am on the moon
twink­ling reflec­tions

a horse neighs an organ plays
looks like it
the bal­loon ascends
my father is killed by a sack of sand
it’s just some­thing i was thin­king of

bal­last” i write in the ans­wer
smoke blows through
the flakes of snow
moonsnow flames
it can be no plai­ner

,
« Poetry Now » Collected Poems
, , ,
p. 106

La véri­té, je le pense, n’est connue que par celui qu’elle concerne, s’il veut en faire part, il devient auto­ma­ti­que­ment un men­teur. Tout ce qui est com­mu­ni­qué ne peut être autre chose qu’altération et fal­si­fi­ca­tion, on n’a donc jamais com­mu­ni­qué que des choses alté­rées et fal­si­fiées. La volon­té d’être véri­dique est, comme tout autre che­min, le plus rapide pour faus­ser et fal­si­fier une situa­tion. Coucher sur le papier une époque, une période de la vie et de l’existence, peu importe son éloi­gne­ment dans le pas­sé, peu importe sa lon­gueur ou sa briè­ve­té, c’est agglo­mé­rer des cen­taines, des mil­liers, des mil­lions d’altérations et de fal­si­fi­ca­tions qui sont toutes fami­lières à celui qui écrit et décrit comme autant de véri­tés, de pures véri­tés. La mémoire s’en tient exac­te­ment aux évé­ne­ments, s’en tient à la chro­no­lo­gie pré­cise mais ce qui en résulte est tout autre chose que ce qui a été effec­ti­ve­ment. Ce qui est décrit fait voir net­te­ment une chose qui assu­ré­ment cor­res­pond à la volon­té d’être véri­dique de celui qui décrit mais non à la véri­té car la véri­té n’est abso­lu­ment pas com­mu­ni­cable. Nous décri­vons un objet en croyant que nous l’avons décrit fidè­le­ment, confor­mé­ment à la véri­té, et nous devons consta­ter que ce n’est pas la véri­té. Nous fai­sons voir net­te­ment une situa­tion, ce n’est pas, ce n’est jamais la chose que nous avons vou­lu faire voir net­te­ment, c’est tou­jours une autre. Il nous faut bien dire que nous n’avons jamais rien com­mu­ni­qué qui eût été la véri­té mais toute notre vie nous n’avons pas renon­cé à la ten­ta­tive de dire la véri­té. Nous vou­lons dire la véri­té mais nous ne disons pas la véri­té. Nous décri­vons une chose véri­di­que­ment mais la chose décrite est autre chose que la véri­té. Nous devrions voir l’existence comme la situa­tion que nous vou­lons décrire mais, quels que soient nos efforts, à tra­vers ce que nous avons décrit nous ne voyons jamais la situa­tion. Reconnaissant ce fait, nous aurions dû depuis bien long­temps renon­cer à vou­loir écrire la véri­té et nous aurions donc dû renon­cer à l’écriture en géné­ral. Comme il n’est pas pos­sible de com­mu­ni­quer, donc de mon­trer la véri­té, nous nous sommes satis­faits de vou­loir écrire et décrire la véri­té tout en sachant que la véri­té ne peut jamais être dite. La véri­té que nous connais­sons est logi­que­ment le men­songe qui, du fait que nous le ren­con­trons inévi­ta­ble­ment, est la véri­té. Ce qui est décrit ici est et n’est pas la véri­té parce que ce ne peut être la véri­té. Dans toute notre exis­tence de lec­teur nous n’avons jamais lu une véri­té même si nous avons sans cesse lu des faits. Sans cesse rien que le men­songe-véri­té, la véri­té-men­songe et cæte­ra. Ce qui importe c’est si nous avons la volon­té de men­tir ou celle de dire et écrire la véri­té même si cela ne peut jamais être, si ce n’est jamais la véri­té. Toute ma vie j’ai tou­jours vou­lu dire la véri­té même si je sais à pré­sent que ce que je disais était men­songe. Au bout du compte, ce qui importe seule­ment c’est la part de véri­té qu’il y a dans le men­songe. La rai­son m’a depuis long­temps inter­dit de dire et écrire la véri­té parce qu’en le fai­sant on n’a dit et écrit qu’un men­songe mais l’écriture est pour moi une néces­si­té vitale. C’est pour cela, c’est pour cette rai­son, que j’écris même si tout ce que j’écris n’est pour­tant rien qu’un men­songe qui est trans­por­té par moi comme une véri­té. Certes nous pou­vons exi­ger la véri­té mais la sin­cé­ri­té nous démontre que la véri­té n’existe pas. Ce que nous décri­vons ici est la véri­té et ce n’est pas elle pour la simple rai­son que la véri­té n’est pour nous qu’un vœu pieux.

Die Wahrheit, denke ich, kennt nur der Betroffene, will er sie mit­tei­len, wird er auto­ma­tisch zum Lügner. Alles Mitgeteilte kann nur Fälschung und Verfälschung sein, also sind immer nur Fälschungen und Verfäl­schun­gen mit­ge­teilt wor­den. Der Wille zur Wahrheit ist, wie jeder andere, der rascheste Weg zur Fälschung und zur Verfäl­schung eines Sachverhalts. Und eine Zeit, eine Lebens‑, eine Existenzperiode auf­zu­schrei­ben, gleich, wie weit sie zurü­ck­liegt, und gleich, wie lang oder kurz sie gewe­sen ist, ist eine Ansammlung von Hunderten und von Tausenden und von Millionen von Fälschungen und Verfäl­schun­gen, die dem Beschreibenden und Schreibenden alle als Wahrheiten und als nichts als Wahrheiten ver­traut sind. Das Gedächtnis hält sich genau an die Vorkommnisse und hält sich an die genaue Chronologie, aber was heraus­kommt, ist etwas ganz anderes, als es tatsä­chlich gewe­sen ist. Das Beschriebene macht etwas deut­lich, das zwar dem Wahrheitswillen des Beschreibenden, aber nicht der Wahrheit ents­pricht, denn die Wahrheit ist übe­rhaupt nicht mit­teil­bar. Wir bes­chrei­ben einen Gegenstand und glau­ben, wir haben ihn wah­rheitsgemäß und wah­rheitsgetreu bes­chrie­ben, und müs­sen fests­tel­len, es ist nicht die Wahrheit. Wir machen einen Sachverhalt deut­lich, und es ist nicht und nie­mals der Sachverhalt, den wir deut­lich gemacht haben wol­len, es ist immer ein ande­rer. Wir müs­sen sagen, wir haben nie etwas mit­ge­teilt, das die Wahrheit gewe­sen wäre, aber den Versuch, die Wahrheit mit­zu­tei­len, haben wir lebenslän­glich nicht auf­ge­ge­ben. Wir wol­len die Wahrheit sagen, aber wir sagen nicht die Wahrheit. Wir bes­chrei­ben etwas wah­rheits­ge­treu, aber das Beschriebene ist etwas anderes als die Wahrheit. Wir müß­ten die Existenz als den Sachverhalt, den wir bes­chrei­ben wol­len, sehen, aber wir sehen, so sehr wir uns bemü­hen, durch das von uns Beschriebene nie­mals den Sachverhalt. In die­ser Erkenntnis hät­ten wir läng­st auf­ge­ben müs­sen, die Wahrheit schrei­ben zu wol­len, und also hät­ten wir das Schreiben übe­rhaupt auf­ge­ben müs­sen. Da die Wahrheit mit­zu­tei­len und also zu zei­gen, nicht möglich ist, haben wir uns damit zufrie­den­ges­tellt, die Wahrheit schrei­ben und bes­chrei­ben zu wol­len, wie die Wahrheit zu sagen, auch wenn wir wis­sen, daß die Wahrheit nie­mals gesagt wer­den kann. Die Wahrheit, die wir ken­nen, ist logisch die Lüge, die, indem wir um sie nicht herum­kom­men, die Wahrheit ist. Was hier bes­chrie­ben ist, ist die Wahrheit und ist doch nicht Wahrheit, weil es nicht die Wahrheit sein kann. Wir haben in unse­rer gan­zen Leseexistenz noch nie­mals eine Wahrheit gele­sen, auch wenn wir immer wie­der Tatsachen gele­sen haben. Immer wie­der nichts anderes als die Lüge als Wahrheit, die Wahrheit als Lüge et cete­ra. Es kommt darauf an, ob wir lügen wol­len oder die Wahrheit sagen und schrei­ben, auch wenn es nie­mals die Wahrheit sein kann, nie­mals die Wahrheit ist. Ich habe zeit­le­bens immer die Wahrheit sagen wol­len, auch wenn ich jetzt weiß, es war gelo­gen. Letzten Endes kommt es nur auf den Wahrheitsgehalt der Lüge an. Die Vernunft hat es mir schon lange ver­bo­ten, die Wahrheit zu sagen und zu schrei­ben, weil damit doch nur eine Lüge gesagt und ges­chrie­ben ist, aber das Schreiben ist mir die Lebensnotwendigkeit, darum, aus die­sem Grunde schreibe ich, auch wenn alles, was ich schreibe, doch nichts als Lüge ist, die sich als Wahrheit durch mich trans­por­tiert. Wir kön­nen wohl Wahrheit ver­lan­gen, aber die Aufrichtigkeit beweist uns, daß es die Wahrheit nicht gibt. Was hier bes­chrie­ben ist, ist die Wahrheit, und sie ist es nicht aus dem ein­fa­chen Grund, weil die Wahrheit uns nur ein from­mer Wunsch ist.

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trad.  Albert Kohn
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p. 38–41

Si vero consi­de­re­tur iste ordo mate­ria­li­ter secun­dum esse rerum par­ti­ci­pan­tium imper­fec­tius aliis hunc finem, sic non potest esse a pri­mo, cum ipsum eodem modo assit omni­bus. Sed sic cau­sa huius ordi­nis est amplior et amplior obum­bra­tio lucis pri­mi intel­lec­tus uni­ver­sa­li­ter agen­tis, ut docet Isaac in libro ‘De defi­ni­tio­ni­bus’, quod sem­per pos­te­rius ori­tur in umbra prae­ce­den­tis, et vocat umbram dif­fe­ren­tiam coar­tan­tem ampli­tu­di­nem lumi­nis pro­ce­den­tis a priore et eius intel­lec­tua­li­ta­tem natu­ra extra­nea per­mis­cen­tem, per quae illa natu­ra cadit a lumine pri­mi. Huius autem casus cau­sa est ipsa pro­ces­sio, inquan­tum est dis­tan­tia ab eo, a quo ali­quid pro­ce­dit, quae dis­tan­tia est secun­dum gra­dus eius, quod est esse in poten­tia : dis­tans enim et rece­dens a puro actu neces­sa­rio est in poten­tia, et ideo defi­cit in eo actus pri­mae lucis ; et quod imme­diate est a pri­mo, minus habet de poten­tia, et per conse­quens in eo minus cadit hoc lumen a puri­tate suae natu­rae, et quod mediate est ab ipso, magis habet de poten­tia, et ideo magis occum­bit in eo actus huius lumi­nis, et quan­to per plu­ra media ali­quid distat, tan­to magis obum­bra­tum est.

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li. 4 De deo patre secundum appropriatam sibi rationem primi principii
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tr. 1
,
chap. 6
,
éd. Kurt Flasch Loris Sturlese Sabina Pieperhoff
, , ,
p. 15–30 § 2

Primi vita nobi­lis­si­ma est quae secun­dum ratio­nem intel­li­gen­di a nobi­lis­si­mo prin­ci­pio, quod est priam et / ple­na lux intel­lec­tus uni­ver­sa­li­ter agens, ita pro­ce­dit quod nec per ali­quam immis­sio­nem in extra­nea natu­ra a ple­ni­tu­dine illius lucis obum­bra­tur.

[…]

Delectabilissima vero est haec vita et gau­dio ple­na, quia unius­cu­jusque finis natu­ra­lis et pro­prius est delec­ta­bi­lis­si­mus et dul­cis­si­mus. Finis autem uni­ver­so­rum est attin­gere actua­li­ter pri­mum prin­ci­pium. Hujusmodi autem pri­mum prin­ci­pium attin­git qui­dem natu­ra in par­ti­ci­pa­tione boni­ta­tis sua in umbra mate­riae et pri­va­tio­nis et non in ratione intel­lec­tus.

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li. 4 De deo patre secundum appropriatam sibi rationem primi principii
,
tr. 1
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chap. 2
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éd. Kurt Flasch Loris Sturlese Sabina Pieperhoff
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p. 15 § 110–120

Parce que le tra­vail est odieux, l’a­ven­ture illu­soire, on veut réduire le mal­heur du temps, rien de plus natu­rel. Parce qu’il échoue, redouble le mal en esqui­vant la souf­france, le Pfuscher1 ins­crit dans les choses une dépré­da­tion : indi­vi­duelle, elle signe une dépra­va­tion ; sociale, elle s’ef­face dans l’é­co­no­mie. Être des confins poli­tiques, mer­ce­naire sans roma­nesque, le Pfuscher vous inflige sa marque un jour ou l’autre. Ce qu’au fond il recherche par n’im­porte quels moyens, voire par l’in­tel­li­gence la plus acé­rée, une immense ten­dresse, c’est pro­pre­ment vous estro­pier. Le monde résonne si mal du bruit de ses pas ! À l’o­ri­gine de l’a­ven­ture, le vice, et ce que ren­contre d’a­bord l’a­ven­tu­rier sont les vicis­si­tudes : tra­vaux arbi­traires, méfaits. L’aventurier va jus­qu’au bout afin qu’au bout plus rien n’ar­rive, c’est tou­jours un homme cou­vert, cou­vert par des fusils comme le Pfuscher l’est par son assu­rance. L’un part, l’autre ne part pas. Afriques, Afriques, vieille Europe, toutes les villes n’ont pas eu la chance d’être rasées. J’aime Lorient car c’est nulle part.
L’art peu gran­diose de cou­vrir ne fran­chit pas de fron­tières () incon­nues. Que son com­merce soit néan­moins mor­tel nul ne le sau­ra, comme on connaît mal le Pfuscher au-delà des som­maires. Si l’a­ven­ture a ses dis­pa­rus dont on parle, pas plus que l’ac­ci­den­té, le Pfuscher n’est une figure sociale émer­gente. Sociologiquement par­lant, le Pfuscher appelle le contre-maître, mais per­sonne ne vit socio­lo­gi­que­ment. Question poli­tique mêlée encore de lourds secrets per­son­nels. Société de négli­gence, socié­té de sur­veillance. Même chose. […] L’artiste cou­vreur parle du Pfuscher avec un brin d’ar­ro­gance. Le Pfuscher n’est pas médiocre, il abîme. En gâtant, il pro­duit des fer­men­ta­tions ambi­guës, quoique peu ori­gi­nales, plu­tôt sur la pente, il est le mou­ve­ment du monde, sa gri­saille pro­li­fé­rante néan­moins vivante. L’art de cou­vrir est sté­rile, la Pfuscherei l’in­té­resse, elle le consti­tue à la limite en héros ano­nyme. Pour l’ins­tant, il tâte le fond de l’air.

  1. Mot alle­mand qui signi­fie bâcleur, bou­silleur, gâcheur. Pfuscherei : le tra­vail du Pfuscher. Conséquence pro­bable de l’ab­sence d’art dans la pro­duc­tion en tant qu’exé­cu­tion.
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« L’art de cou­vrir » Archipel plu­sieurs [1981]
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p. 354–355
, éd. L. L. de Mars