La nature est devant nous comme un ensemble de hiéroglyphes. Tout depuis les atomes jusqu’aux astres forme un tableau des passions humaines, un tableau hiéroglyphique qui livre d’autant plus de significations et peut-être d’intentions que nous savons mieux regarder. Le voile d’airain n’est que pour les aveugles. Toutes les formes naturelles révèlent leur secret si on les interroge librement, si on ne met pas d’abord la nature en prison sous des lois abstraites et trop simples.
Lu
Une conjoncture philosophique peut être appréhendée à la fois à partir de ce qu’Alain de Libera nomme « l’horizon du questionnable » et à partir de la logique propre du débat. L’horizon du questionnable, c’est le stock d’énoncés disponibles à un moment donné de l’histoire. Au Moyen Âge, ce stock est aisément identifiable : il correspond à un corpus technique, les auctoritates (propositions philosophiques ayant une valeur définitionnelle ou opératoire). Par logique du débat, il faut entendre simultanément les invariants que constituent les continuités interprétatives, les réarrangements de ces structures, et les « discontinuités épistémiques » (recombinaison d’éléments « irréductible à la donne initiale »). La logique du débat associe donc des continuités structurales et des recombinaisons du savoir : l’histoire de ses transformations permet de montrer que le problème des universaux est un « condensateur d’innovations ». Le point de départ est toujours le caractère conflictuel des réponses apportées à une question précise : les universaux sont-ils des choses, des concepts ou des noms ? Le problème philosophique n’est pas référé à la nature de l’esprit humain, mais à l’historicité de structures problématiques et de grilles d’interprétation contraignantes qui sont précisément l’objet de l’analyse de l’historien de la philosophie. Si la problématique des universaux naît de la confrontation permanente entre l’aristotélisme et le platonisme au sein de l’œuvre d’Aristote lui-même, le problème des universaux tel qu’il s’est constitué dans la philosophie médiévale apparaît comme « une figure du débat qui, depuis l’Antiquité tardive, oppose et rassemble à la fois le platonisme et l’aristotélisme ». Il est clair qu’on ne trouve aucunement dans le livre d’Alain de Libera les éléments d’une approche sociologique de l’objet philosophique. Les réseaux qui donnent lieu aux figures du débat sont des « réseaux conceptuels » et non des réseaux sociaux. Mais le débat entre les mérites explicatifs comparés de l’histoire intellectuelle et de l’histoire sociale (qui est constitutif de la rivalité entre sciences sociales et philosophie et qui traverse toute l’histoire de la philosophie universitaire française moderne) est moins important que leur capacité à historiciser une configuration polémique : nous trouvons ici une contribution à la connaissance des dispositifs par lesquels les débats mobilisent des réseaux notionnels et aboutissent au fait que certaines questions philosophiques sont capables de « créer leur propre durée ».
Il y a le stock d’énoncés disponibles à chaque moment de l’histoire, sur quoi le travail du philosophe s’exerce concrètement, qui définit pour lui l’horizon du questionnnable. Au Moyen Age, ce champ d’énoncés disponibles a un nom technique : ce sont les auctoritates, les « autorités », c’est-à-dire les propositions philosophiques considérées comme ayant une valeur définitionnelle ou opératoire. Il faut les recenser, différencier les champs produits par leurs multiples combinaisons et, le cas échéant, leurs phases de latence et de retour.
[Méréologie : homéomères et anhoméomères – pan vs. olon : somme (“pan”) vs. tout (“olon”) [p. 265] : les homéomères (ordre et position des parties indifférents : somme -> “pan”) ; les anhoméomères (ordre et position des parties dans un ordre précis : tout -> “olon”)]
La notion de compositio utilisée ici par Boèce renvoie à celle d’agencement ou de position réciproque des parties d’un tout, utilisée par Alexandre, après Aristote, pour expliquer la différence entre les anhoméomères, tels que la maison, le visage ou la main, dont les parties doivent être rangées dans un certain ordre, et les homéomères, comme l’eau et la terre, dans lesquels la position des parties est indifférente – ceux-ci recevant l’appellation de « somme » (pan), ceux-là, celle de « tout » (olon).
Berkeley se reconnaît « capable d’abstraire en un certain sens ». Il distingue donc deux sortes d’abstraction : l’abstraction authentique et la pseudo-abstraction (celle qui, selon lui, préside chez Locke à la formation des idées générales abstraites). Il y a abstraction authentique, « lorsque je considère certaines parties ou qualités particulières à part des autres, si malgré leur union en un objet, elles peuvent pourtant exister effectivement de manière indépendante ». Il y a pseudo-abstraction, lorsque je prétends « abstraire l’une de l’autre ou me représenter séparément des qualités qui ne pourraient exister séparément les unes des autres ».
Le point de départ historial de cette distinction est la théorie aristotélico-alexandrinienne de l’aphairesis, formulée pour les universaux et les « abstractions » (ie. les entités mathématiques), définissant l’aphairesis comme un acte de l’intellect concevant séparément (de la matière) quelque chose qui par soi n’existe pas à l’état séparé (de la matière). La particularité de la doctrine de Berkeley est de réduire le domaine de l’abstraction à cela seul qui peut/pourrait exister séparément, de méconnaître entièrement la différence entre « concevoir séparément » et « concevoir séparé » et, accessoirement (car, après tout cela, on peut dire que le mal est fait), de rejeter d’avance toute possibilité théorique d’extension aux entités physiques du modèle géométrique de l’abstraction défini par Alexandre et l’abstractionnisme.
(…)
Telle que l’élabore Berkeley, la distinction entre abstraction authentique et pseudo-abstraction ne se hisse pas même au niveau de la distinction abélardienne entre « concevoir les choses autrement qu’elles ne sont » et « concevoir les choses autres qu’elles ne sont ». Il est clair, pourtant, qu’une théorie comme la sienne gagnerait en profondeur logique à méditer la différence introduite par Abélard entre des questions comme <Q1.1> – « Est-ce que toute intellection qui a une autre manière de viser que la chose de subsister, est vaine ? » -, et <Q1 .2> – « Est-ce que toute intellection visant une chose comme étant disposée autrement qu’elle est disposée, est vaine ? ». De même, la critique berkeleyenne de Locke gagnerait en efficacité, si, comme le fait Abélard, elle distinguait entre « joindre mentalement ce qui est naturellement disjoint » et « croire en l’existence » de ce qui est ainsi combiné mentalement.
Selon Sharples, l’abstraction porte donc sur l’universel qu’elle dégage (= libère) du particulier, non sur le particulier dont elle dégagerait (= extrairait) l’universel : ce n’est pas une induction allant du particulier à l’universel, mais une ablation du particulier qui laisse voir l’universel. L’idée est séduisante. Le registre du grec aphairesis est, on l’a vu, plus large que celui de l””abstraction”, puisqu’il inclut aussi l’idée de “retranchement” ou de “négation”. Selon ces acceptions, on peut donc être tenté de dire qu’il y a moins, chez Alexandre, induction abstractive de l’universel à partir de particuliers que retranchement des accidents accompagnant un universel dans un particulier, autrement dit des sensibles – l’universel, ainsi dégagé, étant ipso facto d’ordre mental ou conceptuel.
La thèse d’Alexandre est que les formes matérielles (engagées dans la matière) deviennent immatérielles « quand elles sont connues séparément de la matière ». Cela ne veut pas dire que les abstractions (= les objets mathématiques) sont des universaux, mais que les universaux et les abstractions sont des concepts produits par une aphairesis, i. e. par un acte de l’intellect consistant à concevoir séparément (de la matière) quelque chose qui par soi n’existe pas à l’état séparé (de la matière). Or, c’est bien là selon nous l’originalité d’Alexandre : elle ne consiste pas à interpréter les objets mathématiques comme des universaux, mais tout au contraire à interpréter la production des universaux sur le modèle de l’abstraction des êtres mathématiques.
Impatient as we were for all of them to join us,
The land had not yet risen into view : gulls had swept the gray steel towers away
So that it profited less to go searching, away over the humming earth
Than to stay in immediate relation to these other things – boxes, store parts, whatever you wanted to call them –
Whose installedness was the price of further revolutions, so you knew this combat was the last.
And still the relationship waxed, billowed like scenery on the breeze.
They are the same aren’t they,
The presumed landscape and the dream of home
Because the people are all homesick today or desperately sleeping,
Trying to remember how those rectangular shapes
Became so extraneous and so near
To create a foreground of quiet knowledge
In which youth had grown old, chanting and singing wise hymns that
Will sign for old age
And so lift up the past to be persuaded, and be put down again.
The warning is nothing more than an aspirate « h » ;
The problem is sketched completely, like fireworks mounted on poles :
Complexion of evening, the accurate voices of the others.
During Coca-Cola lessons it becomes patent
Of noise on the left, and we had so skipped a stage that
The great wave of the past, compounded in derision,
Submerged idea and non-dreamer alike
In falsetto starlight like « purity »
Of design that had been the first danger sign
To wash the sticky, icky stuff down the drain – pfui !
How does it feel to be outside and inside at the same time,
The delicious feeling of the air contradicting and secretly abetting
The interior warmth ? But the land curdles the dismay in which it’s written
Bearing to a final point of folly and doom
The wisdom of these generations.
Look at what you’ve done to the landscape –
The ice cube, the olive –
There is a perfect tri-city mesh of things
Extending all the way along the river on both sides
With the end left for thoughts on construction
That are always turning to alps and thresholds
Above the tide of others, feeding a European moss rose without glory.
We shall very soon have the pleasure of recording
A period of unanimous tergiversation in this respect
And to make that pleasure the greater, it is worth while
At the risk of tedious iteration, to put first upon record a final protest :
Rather decaying art, genius, inspiration to hold to
An impossible « calque » of reality, than
« The new school of the trivial, rising up on the field of battle,
Something of sludge and leaf-mold, » and life
Goes trickling out through the holes, like water through a sieve,
All in one direction.
You who were directionless, and thought it would solve everything if you found one,
What do you make of this ? Just because a thing is immortal
Is that any reason to worship it ? Death, after all, is immortal.
But you have gone into your houses and shut the doors, meaning
There can be no further discussion.
And the river pursues its lonely course
With the sky and the trees cast up from the landscape
For green brings unhappiness – le vert Porte malheur.
« The chartreuse mountain on the absinthe plain
Makes the strong man’s tears tumble down like rain. »
All this came to pass eons ago.
Your program worked out perfectly. You even avoided
The monotony of perfection by leaving in certain flaws :
A backward way of becoming, a forced handshake,
An absent-minded smile, though in fact nothing was left to chance.
Each detail was startlingly clear, as though seen through a magnifying glass,
Or would have been to an ideal observer, namely yourself –
For only you could watch yourself so patiently from afar
The way God watches a sinner on the path to redemption,
Sometimes disappearing into valleys, but always on the way,
For it all builds up into something, meaningless or meaningful
As architecture, because planned and then abandoned when completed,
To live afterwards, in sunlight and shadow, a certain amount of years.
Who cares about what was there before ? There is no going back,
For standing still means death, and life is moving on,
Moving on towards death. But sometimes standing still is also life.
§ 6. Ainsi donc ces connaissances des principes ne sont pas en nous toutes déterminées ; elles ne viennent pas non plus d’autres connaissances plus notoires qu’elles ; elles viennent uniquement de la sensation. A la guerre, au milieu d’une déroute, quand un fuyard vient à s’arrêter, un autre s’arrête, puis un autre encore, jusqu’à ce que se reforme l’état primitif de l’armée ; de même l’âme est ainsi faite qu’elle peut éprouver quelque chose de semblable.
§ 7 C’est ce qui déjà vient d’être dit. Mais comme cela ne l’a pas été très clairement, nous ne craindrons pas de le répéter. Au moment où l’une de ces idées qui n’offrent aucune différence entre elles, vient à s’arrêter dans l’âme, aussitôt l’âme a l’universel ; l’être particulier est bien senti, mais la sensibilité s’élève jusqu’au général. C’est la sensation de l’homme, par exemple, et non pas de tel homme individuel, de Caillas. Ces idées servent donc de point d’arrêt jusqu’à ce que s’arrêtent aussi dans l’âme les idées indivises, c’est-à-dire, universelles. Ainsi, par exemple, s’arrête l’idée de tel animal jusqu’à ce que se forme l’idée d’animal, qui elle-même sert aussi de point d’arrêt à d’autres idées. Il est donc bien évident que c’est nécessairement l’induction qui nous fait connaître les principes ; car c’est ainsi que la sensation elle-même produit en nous l’universel.
§ 8. Quant aux facultés de l’intelligence par lesquelles nous atteignons la vérité, comme les unes sont toujours vraies, et que les autres sont susceptibles d’erreur, par exemple l’opinion et le raisonnement, tandis que la science et l’entendement sont éternellement vraies ; comme il n’y a pas d’espèce de connaissance autre que l’entendement qui soit plus exacte que la “science ; comme en outre les principes sont plus évidents que les démonstrations, et que toute science est accompagnée de raisonnement, il s’ensuivrait que la science ne peut s’appliquer aux principes ; mais comme il n’y a que l’entendement qui puisse être plus vrai que la science, c’est l’entendement qui s’applique aux principes. Tout ce qui précède le prouve, mais ce qui le prouve encore, c’est que le principe de la démonstration n’est pas une démonstration, et que par suite, le principe de la science n’est pas la science. Donc, si nous n’avons pas au-dessus de la science d’autre espèce de connaissance vraie, c’est l’entendement qui est le principe de la science. Or, le principe doit s’appliquer au principe, et la science est toujours dans un rapport semblable avec tous les objets qu’elle embrasse.
§ 1. [90a] Le nombre des choses qu’on cherche est précisément égal au nombre même des choses que l’on sait. Or il y a quatre choses que l’on peut chercher à savoir, si la chose est telle chose, pourquoi elle est telle chose, si elle est, ce qu’elle est.
[…]
§ 3. Il en est d’autres que nous cherchons à résoudre d’une manière différente, par exemple quand nous cherchons s’il y a ou s’il n’y a pas de centaure, s’il y a ou s’il n’y a pas de Dieu. Je dis d’une manière absolue si la chose est ou n’est pas, et non point si l’homme est blanc ou s’il n’est pas blanc. Une fois que nous savons que la chose est, nous cherchons ce qu’elle est ; et nous nous demandons par exemple ce que c’est que Dieu, ce que c’est que l’homme.
CHAP II (résumé)
Les quatre espèces de questions se réduisent à une seule, celle de la cause.
1° Dans les deux premières questions, on recherche s’il y a un moyen, et dans les deux autres, on recherche quel est ce moyen.
2° Le moyen se confond avec la cause, soit dans les questions complexes, soit dans les questions simples.
3° La définition et la cause sont toujours identiques.
4° Les phénomènes sensibles attestent que c’est toujours le moyen ou la cause que l’on cherche.