Pas plus que la « véri­té » du poète, l’Alètheia du Vieux de la Mer n’est une « véri­té » de type his­to­rique. Le roi de jus­tice ne vise nul­le­ment à res­ti­tuer le pas­sé en tant que pas­sé. Les « preuves » de la Justice sont de carac­tère orda­lique, c’est-à-dire qu’il n’y a pas de trace d’une notion posi­tive de la preuve : se sou­mettre au juge­ment, c’est entrer dans le domaine des forces reli­gieuses les plus redou­tables. La « véri­té » s’institue par l’application cor­recte, rituel­le­ment accom­plie, de la pro­cé­dure. Quand il pré­side, au nom des dieux, le jus­te­ment orda­lique, le roi « dit la véri­té » ou, plu­tôt, il véhi­cule « la véri­té ». Comme le poète, comme le devin, le roi est « Maître de Vérité ». Sur ces plans de pen­sée, la « véri­té » est tou­jours liée à cer­taines fonc­tions sociales ; elle est insé­pa­rable de cer­tains types d’hommes, de leurs qua­li­tés propres et d’un plan du réel, défi­ni par leur fonc­tion dans la socié­té grecque archaïque.

Fonctionnaire de la sou­ve­rai­ne­té ou louan­geur de la noblesse guer­rière, le poète est tou­jours un « Maître de Vérité ». Sa « Vérité » est une « Vérité » asser­to­rique : nul ne la conteste, nul ne la démontre. « Vérité » fon­da­men­ta­le­ment dif­fé­rente de notre concep­tion tra­di­tion­nelle, l’Alètheia n’est pas l’accord de la pro­po­si­tion à son objet [véri­té apo­phan­tique], pas davan­tage l’accord d’un juge­ment avec les autres juge­ments [véri­té judi­ca­toire] ; elle ne s’oppose pas au « men­songe » ; il n’y a pas le « vrai » en face du « faux ». La seule oppo­si­tion signi­fi­ca­tive est celle d’Alètheia et de Lèthè. À ce niveau de pen­sée, si le poète est véri­ta­ble­ment ins­pi­ré, si son verbe se fonde sur un don de voyance, sa parole tend à s’identifier avec la « Vérité ».

La véri­té est d’abord parole […] [Elle] est encore le pri­vi­lège de cer­tains groupes d’hommes, les poètes, les devins, dres­sés au long appren­tis­sage de la mémoire. […] La parole est éloge et blâme, capable de gran­dir ou d’amenuiser, d’être véri­dique ou men­son­gère. […] Il reste une tra­di­tion, poé­tique pré­ci­sé­ment, celle du « roi de jus­tice » tenant la « balance », dis­pen­sa­teur et rece­veur tout à la fois du vrai et du faux. Parallèlement toute véri­té est une énigme et tout diseur de véri­té est lui-même une énigme. […] Il n’y a pas « oppo­si­tion », « contra­dic­tion » entre le vrai et le faux, la véri­té (Alètheia) et l’oubli (Lèthè) : « Il n’y a pas d’un côté Alètheia (+) et de l’autre Lèthè (-), mais entre ces deux pôles se déve­loppe une zone inter­mé­diaire où Alètheia glisse vers Lèthè et réci­pro­que­ment. La « néga­ti­vi­té » n’est donc pas iso­lée, mise à part de l’Être ; elle ourle la « Vérité », elle en est l’ombre insé­pa­rable » À cette ambi­va­lence de la parole effi­cace dans les œuvres les plus anciennes de la pen­sée grecque fait place cepen­dant dans la cité clas­sique une ambi­guï­té de l’action.

dans la Grèce archaïque, trois per­son­nages, le devin, l’aède et le roi de jus­tice, ont en com­mun le pri­vi­lège de dis­pen­ser la Vérité du seul fait d’être pour­vus de qua­li­tés qui les dis­tinguent. Le poète, le voyant et le roi par­tagent un même type de parole.

Doté de ce savoir ins­pi­ré, le poète célèbre par sa parole chan­tée les exploits et les actions humaines qui entrent ain­si dans l’éclat et la lumière et qui reçoivent force vitale et plé­ni­tude de l’être. […] De façon homo­logue, la parole du roi, se fon­dant sur des pro­cé­dures orda­liques, pos­sède une ver­tu ora­cu­laire ; elle réa­lise la jus­tice ; elle ins­taure l’ordre du droit sans preuve ni enquête.

Au milieu de cette confi­gu­ra­tion d’ordre mythi­co-reli­gieux, Alètheia énonce une véri­té asser­to­rique ; elle est puis­sance d’efficacité, elle est créa­trice d’être. Le dis­cours vrai, c’est le « dis­cours pro­non­cé par qui de droit et selon le rituel requis », ain­si que le dira Michel Foucault.

– Que ferais-je pour me nour­rir ?
– Tu man­ge­ras.
– Puis-je tout man­ger, tout se mange-t-il ?
– Non, tout ne se mange pas, dans le monde tu ren­con­tre­ras les ali­ments, qui sont de déli­cieux ali­ments pour toi et les poi­sons qui te ren­dront malades et te vieilli­ront et t’annihileront si tu en avales ne serait-ce qu’une quel­conque petite par­tie.
– Comment recon­naî­trai-je les ali­ments par­mi les poi­sons mor­tels ?
– À leur forme que tu appré­hen­de­ras de tes yeux et de ta main.
– Les ali­ments, quelle forme ont-ils ?
– Tu ren­con­tre­ras trois sortes d’aliments, les ali­ments poreux, spon­gieux et fibreux. Les ali­ments fibreux sont recon­nais­sables à leurs veines, vei­nés, ils sont recou­verts de des­sins carac­té­ris­tiques des che­mins qui ser­pentent et s’alimentent ; les ali­ments spon­gieux absorbent toute une quan­ti­té de liquides et adsorbent toute une quan­ti­té de liquides ; les ali­ments poreux laissent pas­ser l’air et les par­fums ; mais tous sont de forme allon­gée et ronde. La purée est bonne à man­ger. Toutes les purées quel que soit leur cou­leur leur consis­tance leur vis­co­si­té leur pure­té leur odeur leur goût. Regarde. Touche-le.
– Qu’est-ce que c’est ?
– Est-ce mou ou moel­leux ?
– Non, cela est dur comme de la pierre.
– Y vois-tu des des­sins de petits che­mins qui ser­pentent et s’alimentent sur la coque ?
– Non. Nulle onc­tuo­si­té ni che­min, ce n’est pas un ali­ment, qu’est-ce que c’est, qu’est-ce qui ne se mange pas ?
– Ce qui ne se mange pas n’est pas vivant et n’a jamais été vivant et ne peut te don­ner la vie. C’est un caillou.
– Que sont les cailloux s’ils ne donnent pas la vie ?
– Les cailloux forment les che­mins tra­cés dans le monde. C’est sur eux que tu voyages et que tu tra­verses le monde en mar­chant sur eux tous, les cailloux qui forment les che­mins en assu­rant ton pied.
– Mais les vivants te don­ne­ront la vie pour mar­cher à tra­vers tous les cailloux du monde.
– Les ali­ments prin­ci­paux sont…
– Le thé, le beurre, l’ail et le sel.
– Est-ce que je trou­ve­rai à man­ger ?
– Non, tu ne trou­ve­ras pas à man­ger.
– Jamais je n’aurai à man­ger ?
– Quelquefois tu trou­ve­ras quelque chose à man­ger.
– Est-ce que je peux prendre du plai­sir à man­ger ?
– Oui, tu peux te faire plai­sir en man­geant, man­ger aus­si est plai­sant. Le plai­sir est de la vie.
– Puis-je man­ger les ani­maux aus­si ?
– Oui, tu peux man­ger les ani­maux à l’exception de l’homme. Tu ne dois pas man­ger l’homme.
– Comment recon­naî­trai-je l’homme des autres ani­maux ?
– L’homme est faci­le­ment recon­nais­sable, la forme de l’homme par­mi les formes des ani­maux est faci­le­ment recon­nais­sable, aucun ani­mal n’a la forme de l’homme, tu le ver­ras à cette façon d’avoir une tête dans l’allongement du corps. Tu ne confon­dras pas.
– Tu ne te lais­se­ras pas prendre par ses habits.
– Certains ani­maux peuvent por­ter des habits.
– Tu le recon­naî­tras à la forme de sa tête et à la forme de ses mains.
– Dois-je les tuer ?
– Tu dois les tuer.
– Pourquoi ?
– Tu ne peux man­ger que ce qui est mort, que ce qui était vivant qui vient de mou­rir, que tu as tué, que tu as a attra­pé vivant et que tu as tué, tu le manges mort.
– Tout ce que je mange était vivant.
– Oui, tu ne manges que ce qui est vivant. Tout ce qui est dans la vie est vivant, plein de vie. Tout ce que le monde fait est vivant ; tu peux man­ger tout ce que le monde fait, tout ce que tu trou­ve­ras dans le monde. Tu dois les tuer avant de man­ger, sauf le mol­lusque que tu sau­pou­dre­ras d’un peu de citron ou de vinaigre.
– Est-ce que je peux man­ger le lait de ma mère ?
– Oui, tu peux man­ger le lait de ta mère en lui tétant les seins si elle te laisse faire.
– Lui téter les seins ?
– Oui, téter le bout de ses seins pour man­ger le lait qu’elle a dans les seins.
– Est-ce que je peux man­ger le lait de tous les hommes ?
– Oui, tous les hommes font du bon lait pour toi, tous les hommes font le même lait, le lait de l’homme est tou­jours bon à man­ger.
– Est-ce que je peux man­ger les larmes de ma mère ?
– Oui, tu peux man­ger les larmes salées de ta mère si elle te laisse faire.
– La salive de ma mère ?
– Non, tu ne peux man­ger la salive de la bouche de ta mère à pleines dents.
– Manger la salive de l’homme ?
– Ce que fait l’homme est bon à man­ger. Tu peux ava­ler la salive que les hommes pro­duisent dans la bouche, tu peux ava­ler ta salive, tu peux ava­ler la salive du chien, du lion, de l’homme s’il n’est pas ta mère.
– Ce que l’homme donne est bon.
– Ce que l’homme donne est bon.

Le poi­son

– Est-ce que je peux man­ger les amandes ?
– Oui, tu peux man­ger les amandes que tu trouves dans les aman­diers ou au pied des aman­diers ou dans les grands sacs de jute décor­ti­quées grillées salées nature.
– Manger toutes les amandes.
– Oui, toutes les amandes. Sauf les amandes amères qui sont du poi­son.
– Que feras-tu en man­geant ?
– Je dois dédier chaque bou­chée.
– Non, toutes tes bou­chées sont dédiées à tous ceux que tu aimes, à tous ceux que tu as aimés, à tous les ani­maux, à toutes tes bou­chées déjà.
– Je peux man­ger sans pen­ser à tous ceux à qui mes bou­chées sont dédiées.
– Oui, elles le sont.
– Sans pen­ser.
– Sans pen­ser à rien d’autre qu’à prendre des forces.
– Où se trouve la force que je prends ?
– La force se trouve dans les ali­ments que tu manges non fre­la­tés.
– Puis-je man­ger aus­si les petits ani­maux ? Je boi­rai leur sang, je plan­te­rai les dents dans leur cœur, je sai­si­rai leurs reins.
– Tu les man­ge­ras et tu les feras dis­pa­raître, tout dis­pa­raît, il ne reste rien. De tout ce que tu manges, il ne reste rien nulle part, il serait bien impos­sible de retrou­ver la moindre trace de tout ce que tu as man­gé, mange, man­ger est faire dis­pa­raître.
– Je ferai dis­pa­raître les petits lapins, les petits mou­tons, les jolis canards et la grosse vache et le che­val et le petit de la vache et le petit du che­val et les petits pous­sins et les petits des canards et la bre­bis.
– Oui, et les plumes tu en feras de jolis cous­sins, les plumes tu ne les man­ge­ras pas, tout le reste tu feras dis­pa­raître, sauf le plu­mage des oiseaux, tu pose­ras ta tête sur le plu­mage des oiseaux que tu ser­re­ras dans un tis­su pour en faire un gros cous­sin moel­leux pour repo­ser ta tête.
– Où pas­se­ront les petits canards ?
– Tu man­ge­ras les petits canards.
– Pourquoi man­ge­rai-je tant de tous ces petits canards ? Où iront-ils ?
– Tu les man­ge­ras avant qu’ils ne te mangent.
– Qu’est-ce que la faim ?
– De la limo­nade, de l’huile, de la blan­quette, de l’olive, de l’apéritif.
– Est-ce que je peux les embro­cher pour en faire un col­lier et le mettre autour de mon cou ou au bout de mon bâton ?
– Tous les ali­ments n’ont pas un trou mais tu pour­ras les trouer tous.
– Comment ferai-je un trou dans tous les ali­ments ?
– Tu les per­ce­ras avec une per­ceuse pour les ali­ments durs comme la noix de mus­cade.
– Tu les creu­se­ras avec une cuillère pour les ali­ments mous comme la purée de pomme de terre. Ainsi ils auront tous un trou.
– Je les met­trai à un fil de coton ou de chanvre ou de fer, le fil je le noue­rai et j’aurai un beau col­lier de bons ali­ments en col­lier. Les trous sont impor­tants si je veux les mettre à mon cou, n’est-ce pas ?
– Oui, toutes les perles ont un trou.
– Même les perles les plus dures n’est-ce pas ?
– Oui, même les plus dures.
– Est-ce que ce que l’on me don­ne­ra à man­ger se mange ?
– Tout ce que l’on te donne ne se mange pas, sois gui­dé, sois clair­voyant.
– Si je demande à man­ger et que l’on m’offre à man­ger…
– Ne mange pas ce que l’on te donne à man­ger.
– Si, ayant deman­dé à man­ger, on m’a offert de quoi man­ger.
– Non, même dans le cas où tu aurais deman­dé à man­ger garde-toi de le man­ger, ce que l’on t’a don­né peut être empoi­son­né. Si tu manges ce que l’on t’a don­né à man­ger tu es l’ami de celui qui t’a don­né à man­ger, et si ton ami est mau­vais tu devien­dras mau­vais, et si ton ami est un poi­son tu seras empoi­son­né. N’accepte aucune nour­ri­ture, ce que l’on te donne à man­ger peut ne pas être man­geable.
– Dois-je écou­ter les conseils ?
– N’écoute pas tout ce que tu entends, les sons, les bruits, les paroles ne te nour­ri­ront pas.
– Si les sons courent, que fait l’eau ?
– L’eau coule.
– Est-ce tout ce que fait l’eau ?
– Les ani­maux mangent, les plantes prennent le soleil, l’eau coule.
– Que font les plantes ?
– Les plantes sont pla­cées dans de petits car­rés des­si­nés pour qu’elles ne s’échappent pas. Nous les regar­dons et les man­geons à loi­sir.

Cuire

– Est-ce qu’une femme peut faire cuire le pain que je vais man­ger ?
– Oui, une femme peut faire cuire le pain que tu vas man­ger vêtue d’une longue robe bleue cou­verte de perles rouges et argen­tées dans les che­veux dans la nuit contre le feu.
– Le feu fait cuire.
– Oui, le feu est le seul qui sait cuire.
– La lumière cuit-elle ?
– Non, la lumière ne cuit pas, seul le feu cuit, la lumière réchauffe len­te­ment.
– La lumière change-t-elle les choses, les objets, les orga­nismes, les vivants ?
– Oui.
– À tra­vers les nuages, les vitres, le plas­tique trans­pa­rent, à tra­vers la peau, l’eau, à tra­vers moi ?
– Oui, à tra­vers tout ce qui n’est pas à l’abri du moindre rayon de lumière, les rayons de lumière ne pro­viennent que d’un seul point puis s’infiltrent par­tout.
– Peut-elle chan­ger un escar­got ?
– Oui, la lumière fait l’escargot, du vent, du cou­rant, du ciné­ma, des bulles, du son, du feu.
– Est-ce que cela com­porte, est-ce que cela com­prend, est-ce que cela pré­serve, est-ce que cela inclut, est-ce que cela conserve, est-ce que cela mani­gance, est-ce que cela pré­pare ?
– La pré­pa­ra­tion est lente.
– Est-ce que je peux man­ger dans une grotte ?
– Oui.
– Et si c’est la nuit et que je n’ai pas de lumière ?
– Oui, tu peux aus­si. Il n’y a pas besoin de lumière pour man­ger, même si la lumière de la lune est absente.
– Et dans l’herbe ?
– Oui.
– Et dans un arbre ?
– Oui.
– Dans une nacelle ?
– Oui.
– Puis-je man­ger ce que les chiens et les cha­meaux mangent ?
– Oui, les chiens et les cha­meaux mangent ce qui aus­si bon à man­ger pour toi quand tu l’auras pré­pa­ré.
– Le mettre dans l’eau et le mettre sur le feu et lui don­ner du sel et des goûts.
– Tu pour­ras man­ger ce que tu ren­con­tre­ras. Quelquefois tu ne ren­con­tre­ras plus de pêche sur ton che­min ni de bru­gnon, tu man­ge­ras alors le pois­son que tu ren­con­tre­ras.
– Que font les ani­maux que je mange ?
– Les ani­maux quand tu les as man­gés, les ani­maux vivants res­te­ront vivants en toi pour tou­jours.
– Comment un ani­mal peut-il vivre tou­jours ?
– Les ani­maux sont un groupe d’animaux qui se revi­vi­fie régu­liè­re­ment conti­nuel­le­ment pour conti­nuer à res­ter tou­jours vivant.
– Mes goûts me gui­de­ront-ils dans l’enchevêtrement des poi­sons et des ali­ments de vie ?
– Non, n’écoute pas ton goût qui peut être pris dans un piège. Les hommes savent inven­ter des pièges pour le goût. Avant même de poser ta langue, tu le recon­naî­tras, tu ne peux pas poser ta langue sur une chose avant de savoir ce qu’elle est. Le mieux est de t’en tenir à l’amitié.
– Comment ?
– Si l’homme est capable d’être un homme, s’il est capable d’être un homme, tu peux man­ger tout ce qu’il te donne, si tu vois qu’il n’est pas fait pour être un homme mais qu’il est là pour te voler, te bai­ser, te tuer, alors ne mange rien de ce qu’il te donne car un homme te donne son cœur en te don­nant de la nour­ri­ture. Son cœur peut être pour­ri comme il peut être celui d’un homme. Tous les légumes se mangent. Les salés, les sucrés, les acides, les grandes feuilles, les petits pois, les petites boules, les longues tiges.
– Qu’est-ce que cui­si­ner ?
– Cuisiner est lais­ser trem­per dans l’eau, cui­si­ner est mélan­ger et lais­ser trem­per dans l’eau.
– L’eau d’un car­ré ne coule pas.
– Non, l’eau ne coule plus. Elle décante. Elle dort. Elle attend que nous nous y bai­gnions et nous, nous atten­dons les beaux jours pour nous y bai­gner. Les plantes et les ani­maux sont dans de petits car­rés pour ne pas qu’ils s’échappent, pour ne pas aller les cher­cher dans la forêt où ils se cachent à chaque fois qu’ils s’échappent à chaque fois que nous vou­lons les man­ger.
– Est-ce que je peux man­ger de l’herbe ?
– Toutes les herbes ne sont pas bonnes à man­ger.
– L’herbe est-elle un poi­son ?
– Certaines d’entre les herbes sont des poi­sons mor­tels.
– Comment les recon­naî­trai-je ? Qu’est-ce que la faim ?
– Tu man­ge­ras tout ce que le monde a créé pour te don­ner la vie.
– Tout, ain­si que l’eau qui tombe du ciel et qui court dans les tor­rents et qui sourd de la source ?
– Oui, tout avec toutes les eaux que le monde n’a pas créées, que le ciel t’as cachées dans les rochers et dans le ciel plus haut que tes bras inac­ces­sibles à tes bras, toutes les eaux cachées à ton regard qu’il te fau­dra retrou­ver dans les défi­lés, dans les bois, au pied des arbres.
– Ce sont là indi­ca­tions pré­cieuses pour décou­vrir où se terre l’eau fraîche dif­fi­cile à décou­vrir, l’eau cachée sous les pierres est l’eau pure ; l’eau qui s’étale à la vue qui ne se dis­si­mule pas dans les roches dans les forêts, qui s’étale lar­ge­ment à la vue n’est pas l’eau bonne.
– Elle n’est pas bonne.
– Qui l’a don­née si ce n’est pas le ciel qui l’a cachée à notre regard pour qu’elle reste pure et bonne ?
– L’eau qui s’étale à l’horizon ne se mange pas, n’est pas l’eau mais la boue qui donne le sel jaune et les cre­vettes roses et les pois­sons argen­tés et la perle bleue et l’ours blanc. Tu iras par­la mer comme tu iras par les gra­viers.
– Le monde crée Plantes & Animaux.
– Le monde crée Plantes & Animaux, le monde ne crée-t-il que des plantes et des ani­maux ?
– Oui, tu man­ge­ras des plantes et des ani­maux, c’est tout ce qu’il y a dans le monde, c’est tout ce que tu mangeras,le monde ne sait faire que ça. Tu n’auras pas une infi­ni­té de choix pour prendre la vie et tu man­ge­ra des deux : des ani­maux, des plantes, des ani­maux, des plantes, des ani­maux, des plantes, des ani­maux, des plantes, des animaux,des plantes, des ani­maux, des plantes, des ani­maux, des plantes, des ani­maux, des plantes, des ani­maux, des plantes, des ani­maux, des plantes, des ani­maux, des plantes, des ani­maux, des plantes, des ani­maux, des plantes. Le monde entier n’est fabri­qué que de plantes et d’animaux.
– Je ne trou­ve­rai sur mon che­min que des plantes et des ani­maux ? Le monde n’est-il fait dans toute sa gran­deur que de plantes et d’animaux ?
– Et d’eau et de sel.
– Des ani­maux des plantes de l’eau et du sel.
– Comment par­vien­drai-je alors à sépa­rer les plantes des ani­maux, à quoi les recon­naî­trai-je ?
– Tu les recon­naî­tras immé­dia­te­ment.
– Comment ?
– Étant droit et devant.
– Que se pas­se­ra-t-il ?
– Placé droit devant, tu sen­ti­ras leurs odeurs.
– Je sen­ti­rai leurs odeurs ?
– Tes narines sont orien­tées vers ce qui se trouve devant toi en contre­bas, sur une table ou sur un étal ou sur un arbuste.
– Tu n’as pas besoin de lever la tête ou de te bais­ser. Toutes les odeurs que tu dois rapi­de­ment sen­tir sont à la por­tée de ton nez si tu es bien droit en face.
– Ton nez est bien posi­tion­né, ta tête est bien pro­por­tion-née, le port de ta tête est droit.

Trouver

– Comment dis­tin­guer les plantes des ani­maux si le monde de ce qui se mange se divise
en deux par­ties ?
– Les plantes ne bougent pas mais les ani­maux gigotent et remuent et crient des cris stri­dents et forts, les plantes se taisent.
– Mais tu ne regar­de­ras pas les ani­maux vivants, tu regar­de­ras les ani­maux morts, les ani­maux morts ne parlent pas.
– Les plantes sont vertes, les ani­maux sont mar­ron la viande des ani­maux est vio­lette mais tu ver­ras des plantes de toutes les cou­leurs et des ani­maux tous rouges. Mais pour­quoi veux-tu les dis­tin­guer puisque tous les deux sont aus­si bons à man­ger qu’ils soient des plantes ou des ani­maux.
– Je man­ge­rai tout, je man­ge­rai ce qu’il y aura ?
– Non, tu ne man­ge­ras pas tout, seule­ment ceux que tu ren­con­tre­ras et qui te don­ne­ront la vie.
– Tout se mange dans les plantes et dans les ani­maux ?
– Dans les plantes tout ne se mange pas. Les fleurs ne se mangent pas. Les fleurs sont belles et orne­men­tales. Ce sont des poi­sons. Les plantes se décor­tiquent. Tu dois ouvrir la plante pour man­ger ce qui est bon à man­ger dedans et lais­ser ce qui est poi­son. Le bon­heur de la plante est enfer­mé dans une petite boîte. Tu ne man­ge­ras pas la boîte. Plus que tout ce qui se mange nour­rit.
– Est-ce que tout ce qui se mange nour­rit ?
– Oui, tout ce qui se mange nour­rit.
– Est-ce que tout ce qui se mange pour­rit ?
– Oui.
– Ce qui pour­rit se mange ?
– Oui, est aus­si bon.
– Je peux man­ger ce que je veux ?
– Oui, qu’est-ce qui t’est inter­dit pen­dant que tu te nour­ris ?
– Pendant que je me nour­ris, je ne suis pas endor­mi, je ne suis pas éva­noui, je ne ris pas. Si je riais pen­dant que je mange je m’étoufferais et m’étranglerais et je mour­rais.
Dis-moi quand je peux man­ger.
– Tu peux man­ger au com­men­ce­ment de la nuit, tu peux man­ger aux pre­mières lueurs du jour. Tu peux man­ger entre la tom­bée de la nuit et les pre­mières lueurs du jour. Tu peux man­ger toutes les cinq minutes, toutes les heures,toutes les fois que tu peux faire une pause, toutes les fois que tu as à man­ger, tout ce que tu trouves à man­ger, tous les jours ou plu­sieurs fois par semaine, sim­ple­ment il te faut man­ger au moins quelques fois en deux ou trois jours,presque tous les jours, même plu­sieurs fois par jour, c’est encore mieux. Tu n’as pas besoin de man­ger tous les jours,tu n’as pas besoin de te sou­cier de man­ger chaque jour. Tuas de la vie. Tu sai­si­ras l’occasion. Les ali­ments te don­ne­ront toute la vie.
– Pourquoi ?
– Car ce qui est noir comme ce qui est blanc, ce qui est noir ou blanc est bon à man­ger en une fois, ensemble.
– Est-ce que ce que je mange me change, est-ce que je change sui­vant ce que je mange, est-ce que ce que je mange me fait chan­ger comme ce que je mange, en ce qu’ils sont,que sont-ils ?
– Mange-les.
– Je les mange ?
– Oui, car ce qui est bon pour toi est bon pour ton voi­sin. Si tu manges le léo­pard tu devien­dras le léo­pard que tu es, si tu manges la gazelle tu devien­dras le lion que tu es, si tu manges du léo­pard tu devien­dras le tigre que tu es.
– Que sont-ils ?
– Ils sont la sub­stance de vie.
– Que sont-ils ? Que devien­drai-je ?
– La vie est entre le blanc et le noir. Il n’y a pas de cou­leurs incon­nues. Ce qui est pour­ri est bon à man­ger. Où sont les bananes, où est le riz ? Les purées sont bonnes, toutes les purées quel que soit leur cou­leur leur consis­tance leur vis­co­si­té leur pure­té leur odeur leur goût.
– Pourquoi man­ge­rai-je ? Qu’est-ce que la faim ?
– La lai­tue a un temps qui passe et s’échappe, elle se perd,elle se gâte et n’est plus bonne. Le temps passe vite pour les ali­ments.
– Il faut les man­ger avant qu’ils ne dis­pa­raissent.
– Manger len­te­ment avant qu’elles ne s’évaporent et dis­pa­raissent.
– En com­bien de temps dis­pa­raissent-elles ?
– Elles dis­pa­raissent rapi­de­ment. Elles dis­pa­raissent en deux jours. Pourquoi manges-tu du che­wing-gum, le che­wing-gum n’est pas man­geable, il se mâche mais ne s’avale pas, mâcher n’est pas man­ger. Le che­wing-gum ne te don­ne­ra pas de vie.
– Tout ce qui ne s’avale pas n’est pas mau­vais à la vie, le che­wing-gum me fait briller les yeux et me donne de la vie. Tout ce qui se mâche est sucé, tout ce qui est sucé laisse cou­ler le suc, laisse cou­ler avec la salive le jus, ma salive est bonne à man­ger et je l’avale. Sucer est man­ger un peu.
– Oui, sucer est man­ger le bon jus mais tout ce qui se suce n’est pas bon à man­ger. Tu peux sucer et mou­rir si le jus est ciguë. Mâche le grain rond du maïs en herbe.
– Sucer me fait sali­ver. Je suce ma salive, c’est la salive de l’homme, ce n’est pas celle du chien.
– Manger fait battre ton cœur et te rem­plit de sang.
– Je ne trouve rien à man­ger. Il n’y a rien à man­ger. Je ne trouve pas de ce dont tu parles.
– Tu ne cherches pas. Si tu cherches, tu ren­con­tre­ras un gros sac de toile de jute rem­pli à ras bord de pois grillés et tu en man­ge­ras une poi­gnée. Ainsi tu auras et trou­vé à man­ger et man­gé.
– Seront-ils bons à man­ger ?
– Oui, ils sont bons. Tu par­ti­ras plein de vie pour de nou­velles aven­tures.
– Est-ce que tout ce qui vient de l’homme se mange ?
– Le lait de l’homme se mange comme le lait de tous les ani­maux, le lait des ani­maux est ce qui se mange.
– Je ne veux pas man­ger de l’homme, je ne veux pas man­ger de l’homme mon ami, je veux man­ger de l’homme mon enne­mi.
– Pourquoi dis-tu de cet homme qu’il est ton enne­mi ?
– Car il m’a inju­rié, il m’a dit une injure et je veux le man­ger, je veux lui man­ger le bras.
– Tu ne man­ge­ras pas les amandes amères ni les pépins des rai­sins ni le bras de ton enne­mi, tu man­ge­ras la pulpe des fruits et les cuisses et les entrailles des ani­maux.
– Si je mange ce que tu me dis de man­ger, que se pas­se­ra-t-il ?
– Ainsi tu seras tou­jours heu­reux, tu ne te plie­ras pas de dou­leur, tu ne t’agenouilleras pas plié en deux de douleur,tu auras des selles dures et le ventre bien rem­pli, tu ne seras jamais fati­gué et tu seras tou­jours fort et cou­ra­geux, tu regar­de­ras le jour sous un bon jour, tu auras de belles femmes, tu mar­che­ras long­temps, tu auras les yeux brillants.
– Est-ce que je peux man­ger avec les doigts ?
– Oui, tu peux man­ger avec les doigts, avec les mains, avec la bouche, avec les lèvres. Tes mains sont des lèvres et ta bouche une gorge. Manger à pleines dents, n’oublie pas tes dents.
– Quel est l’instrument utile pour man­ger ?
– Il y a deux ins­tru­ments impor­tants, toi et tes dents. Toi, tu dois être vivant et affa­mé et en pleine san­té. Tes dents, tu dois tou­jours les conser­ver vivantes affa­mées et en pleine san­té.
– Comment ferai-je pour gar­der mes dents qui serrent si fort ?
– En les bros­sant à la brosse. En les bros­sant tu chasses les ani­maux qui s’approchent d’elles de trop près, sinon ils vien­dront et man­ge­ront tes dents jusqu’à la der­nière.
– Ce que je peux faire avec les dents, je peux le faire avec les mains. Tout ce que les dents écrasent peut être écra­sé sous la pierre. Mes mains sont capables de tout écra­ser, de tout hacher, de tout mâcher, d’en faire de la bouillie. Pourquoi dis-tu man­ger avec les dents dans mange à pleines dents la vie que tu as prise ?
– Pourquoi te ser­vir de tes mains si tu as une bouche ?
– À quoi ser­vi­ront mes mains ?
– À por­ter tes ali­ments à la bouche.
– Ne puis-je pas por­ter ma bouche aux ali­ments puis les aspi­rer ? Ma bouche peut aspi­rer. Ne puis-je pas man­ger par un autre che­min, une autre voie que celle que tu m’as don-née pour voie ? Par une autre voie que la pompe que tu appelles la bouche ? Puis-je ain­si nom­mer la bouche la pompe ?
– La bouche n’est pas sem­blable à la pompe, la pompe aspire et avale, la bouche ne fait pas qu’avaler, elle se doit de mas­ti­quer, sinon, tu le com­prends à quoi bon une poche en plus au bout de la trompe, sinon autant qu’elle soit une trompe qui aspire sans mas­ti­quer. Il est impor­tant que tu mas­tiques bien les ali­ments avec les dents avant de les ava­ler, il vaut mieux que tu ne l’appelles pas pompe, tu risques d’en oublier de bien mas­ti­quer. À ta ques­tion je répon­drai non.
– Il n’y a pas d’autre che­min, je ne peux pas man­ger par les yeux, par le nez, ou par le cul, ou par les mains en fai­sant l’apposition des mains, cela suf­fi­rait-il ?
– Non, ton cul, tes mains ne mangent pas. Tu peux man­ger par les yeux, par les bras, par le nez. Des yeux le liquide tombe dans le nez et du nez dans la gorge et de la gorge dans la bouche et de là dans l’avalement, tu peux lais­ser cou­ler un liquide dans les yeux, un liquide fluide bien propre qui passe dans tes yeux et dans tes bras.
– Mes pupilles me nour­rissent. Par les bras ce n’est pas ava­ler.
– Oui, seules tes pupilles nour­rissent, il sera inutile de res­ter trop long­temps les mains appuyées sur tes aliments.Mets-les à la bouche dès que tu les as en main. Il faut bien que tu manges.
– Seul le gosier avale.
– Seulement le gosier, uni­que­ment le gosier, éter­nelle-ment le même gosier pour tous les ali­ments de tous les repas de toutes les demi-jour­nées. Toujours le même endroit du gosier, il peut prendre et encore prendre, c’est un mor­ceau de gosier solide qui ne manque pas de cou­rage.
– Parmi tout ce qui est, tout ne se mange pas, qu’est-ce qui est bon à man­ger ?
– Tout se mange.
– Comment les recon­naître ?
– Tu peux man­ger tout ce que tu veux. Tu man­ge­ras ce que tu vou­dras en quan­ti­té que tu vou­dras à l’heure que tu vou­dras par­mi tous les ali­ments variés qui se mangent.
– Comment les recon­naî­trai-je ?
– Le lait est blanc, le lait de tous les ani­maux est blanc, le sang de tous les ani­maux est rouge, les plantes sont vertes,les ani­maux sont beiges.
– Je mange ce que le monde crée, toutes les choses créées dans le monde sont vivantes. Les objets ne sont pas vivants,je ne les man­ge­rai pas.
– Non ne mange jamais d’objet.
– S’il est très petit ?
– Non, même un tout petit objet peut te tuer si tu le manges en t’entravant. Tout ce qui est vivant ne t’entravera jamais et te don­ne­ra de la force.
– Tout se mange.
– Oui, tout se mange.
– Je peux man­ger ce que je veux ?
– Oui, tu peux mélan­ger le purée sucré éta­lé rou­geaud mouillé cro­quant cidre cré­meux salé molle bleu cuite haché décor­ti­qué sec.
– Une chaus­sure se mange-t-elle ?
– Oui, si elle est en cuir.
– Un blou­son, un cha­peau, un lacet, un bra­ce­let, une cein­ture, un pan­ta­lon en cuir se mangent-ils ?
– Oui, s’ils sont en cuir.
– Qu’est ce que le cuir ?
– Le cuir est la peau de l’animal.
– Tout se mange ?
– Tout se mange, la pisse avec le lait, le miel avec le gras,l’encre avec les oreilles, le sel avec les œufs, le papri­ka avec les œufs, tout se mange avec tout. La pisse, le papri­ka, le sel et le miel sont jaunes. Tout se mange. Les ani­maux sont plus que les ani­maux. Les ani­maux te donnent diverses sortes d’aliments en dehors de l’animal. Ils font du bou­din, du bou­din de sang, du sang, des œufs,des cen­taines d’œufs, des mil­liers d’œufs, des veaux, du miel, de l’encre, du gras, ils font des oreilles, ils font du chaud, de la pisse, des petits, des litres de lait.
– Je ne mange pas tout ce qui se mange.
– N’as-tu rien oublié ?
– Qu’ai-je oublié ? Qu’est bon à man­ger que j’oublie de man­ger ?
– Tu as oublié de man­ger du poi­son.
– À quoi recon­naît-on qu’un ali­ment est un poi­son ?Comment sépa­rer les bons des empoi­son­nés ?
– Les empoi­son­nés sont ceux qui n’ont pas été lavés.
– À quoi recon­naît-on qu’un ali­ment a été lavé ?
– Avant de le man­ger, mieux vaut le pas­ser sous l’eau.
– Il faut dis­tin­guer ce qui est l’animal de ce que l’animal lâche qui n’enlève rien à l’animal. L’animal reste entier quand il a don­né ce qu’il sait don­ner sans se dimi­nuer. Ce qui est pro­duit par l’animal est bon à man­ger par tous les ani­maux. L’animal lui-même est bon si ce n’est pas un homme.
– L’animal d’un homme ?
– Ce qui est de l’animal avec l’homme mais qui n’appartient pas à l’animal ni à l’homme lui-même, l’animal lui-même de l’homme s’il n’est pas un homme lui-même.
– Peut-on tout man­ger ?
– Non, on ne peut pas tout man­ger.

Cuisiner

– Comment recon­naître la bonne de la mau­vaise purée si je découvre pen­dant mon voyage une purée qui m’a ser­vi comme un mets à man­ger ?
– Toute purée est bonne, la purée n’a pas de forme et n’a pas de cou­leur. La purée sous forme de tas sous forme de bou­lette sous forme de cube sous forme de tar­te­lettes et de pains. La purée mélan­gée à de la sauce verte, à de la sauce blanche à de la sauce rouge, à de la sauce oran­gée, à de la sauce jaune, à de la sauce noire.
– Que man­ger ? Quand j’attrape l’animal et la plante, que dois-je man­ger dans la plante et dans l’animal ?
– Tu l’ouvres et tu ôtes la peau.
La peau ne se mange pas, tout le reste se mange.
Tu ôtes la peau et tu le passes sous l’eau et tu le cuis et tu manges tout ce qu’il y a dedans. Tous les ani­maux ont une peau.
Toutes les plantes ont une peau.
Les cham­pi­gnons ont une peau, les auber­gines ont une peau, les poires ont une peau, les cha­mois ont une peau, les autruches ont une peau.
– Qu’est-ce que la peau de la salade ?
– La peau des salades est la terre et les poux qui recouvrent les larges feuilles vertes saines du chou de la salade.
– Les peaux ne se mangent pas.
– On laisse la peau, on ne mange pas tout, on sépare la peau de ce qui se mange, la peau ne se mange pas.
– Pourquoi la peau ne se mange-t-elle pas ?
– Car la peau a beau­coup vécu et ne meurt pas quand l’animal qui la por­tait est mort.
– Oui.
– Au contraire, tout ce qui est en dehors de la peau n’a jamais vécu et est res­té frais comme au pre­mier jour. Rutilant. La peau a trop vécu pour être bonne. Elle est pous­sié­reuse.
– Je sais main­te­nant que je peux faire confiance à ce que je res­sens par le par­fum pour recon­naître les ali­ments qui sont de bons ali­ments.
– Non, ne fais confiance à per­sonne, ton nez peut trahir,n’écoute pas ce qu’on te dit, tous ceux qui parlent peuvent te tra­hir et le nez être un traître.
– Ce qui pue serait bon, ce qui est déli­ca­te­ment par­fu­mé être un poi­son mor­tel ?
– Oui, ce qui est mou, laid, puant, dis­gra­cieux, informe, à la cou­leur verte mélan­gée au mar­ron, entou­ré de mouches et de pous­sières, à l’odeur exé­crable est un des mets les plus suc­cu­lents qui don­ne­ra de la vie pour des jours et des jours.
– Comment sau­rais-je que l’on me la sert pour être man­gée et non pour la regar­der ? S’il dit je te la donne, cela est à toi,dois-je pen­ser qu’elle m’est don­née pour la man­ger ? Puis-je man­ger ?
– Tu peux man­ger ce qui n’est pas un poi­son. Tout ce qui se mange n’est pas bon à man­ger. Certains ani­maux sont plus dif­fi­ciles à attra­per et ce ne sont pas les plus petits et les plus vifs qui se gardent le plus de mou­rir, le buffle est dif­fi­cile à chas­ser. Le buffle est dif­fi­cile à attra­per ain­si que l’esturgeon.
– À quoi les recon­naî­trai-je ? Le ver­rai-je à leur forme, au moins à leur forme ?
– Les ali­ments, qui ont toutes sortes de formes, sont pré­sen­tés dans des cou­pelles, sont mélan­gés mol­le­ment au fond d’une cou­pelle, forment une purée dans l’écuelle, for-ment un tas de mélanges de purées mol­le­ment ins­tal­lé dans l’écuelle.
– Le bana­nier, à quoi sert le bana­nier ?
– Le bana­nier fait des bananes.
– Y a‑t-il beau­coup de bananes ?
– Oui, les bananes sont à pro­fu­sion, elles tapissent le sol, tu trou­ve­ras tou­jours une banane.
– Sont-elles facile à ouvrir ?
– Oui, les bananes sont faciles à ouvrir et leur chair est bonne.
– Chez qui je peux man­ger ?
– Tu peux man­ger chez qui vou­dra te don­ner à man­ger si tu as faim.
– Et si devant, en face, l’odeur de ce qui m’est don­né à man­ger dit que je ne dois pas le man­ger ?
– Alors fuis à toutes jambes, chez qui tu es essaye de te tuer,beaucoup d’entre ceux qui te don­ne­ront à man­ger veulent te tuer pour te man­ger après, ils essaye­ront alors de t’empoisonner.
– Le nez est pre­mier.
– Oui, fuis, et avant même d’entrer ton nez doit te pré­ve­nir d’un dan­ger en détec­tant des traces d’anciennes odeurs des poi­sons déjà pré­pa­rés aupa­ra­vant.
– Dans le cou­loir, dans la cage d’escalier, dans l’entrée, dans la cave, dans l’immeuble, dans la cour, dès le hall.
– Oui, fuis, ne mange jamais chez ces gens-là, seraient-ils ta mère ton père.
– Qu’est-ce que c’est ?
– Combien a‑t-il de pattes ?
– 5.
– Combien d’yeux ?
– 5.
– Combien de pen­sées ?
– 5.
– Alors, c’est un insecte, qui court devant toi.
– En man­ge­rais-tu ?
– Oui, j’en man­ge­rais s’il s’arrêtait de bou­ger, si je réus­sis-sais à l’attraper et à le tuer et à le faire cuire.
– L’insecte est-il un ani­mal ?
– Oui, l’insecte est un ani­mal, tu vois comme il bouge, comme il court vite.
– Est-ce que je peux le man­ger ?
– Tu peux le man­ger si tu l’attrapes.
– Si je l’attrape et si je le cuis.
– Je vais l’attraper je vais le cuire.
– Je sais cuire : je fais du feu, je le mets sur le feu, il cuit et je le mange.
– Tu lui enlèves la peau !
– Merci, je dois par­tir, adieu. Que ferai-je durant mon voyage pour me nour­rir ?
– Mange, mange beau­coup pour prendre de la vie et deve­nir un homme. Pense à man­ger.
– Je man­ge­rai les cha­meaux, miels, mala­bars, bou­lettes, thés,couronnes, purées, lai­tues, vinaigres, sels, andouillettes, fleurs de cour­gette, anchoïades, bananes, tar­te­lettes, noix de mus-cade, cre­vettes, buffles, sucres, pains.

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« Manger » Pan
, , ,
p. 139–163
Depuis huit jours, j’a­vais déchi­ré mes bot­tines
Aux cailloux des che­mins. J’entrais à Charleroi.
– Au Cabaret-Vert : je deman­dai des tar­tines
Du beurre et du jam­bon qui fût à moi­tié froid.
Bienheureux, j’al­lon­geai les jambes sous la table
Verte : je contem­plai les sujets très naïfs
De la tapis­se­rie. – Et ce fut ado­rable,
Quand la fille aux tétons énormes, aux yeux vifs,
– Celle-là, ce n’est pas un bai­ser qui l’é­peure ! -
Rieuse, m’ap­por­ta des tar­tines de beurre,
Du jam­bon tiède, dans un plat colo­rié,
Du jam­bon rose et blanc par­fu­mé d’une gousse
D’ail, – et m’emplit la chope immense, avec sa mousse
Que dorait un rayon de soleil arrié­ré.
,
« Au Cabaret-vert »

2374. En l’an Mil (see D. Milo) l’immense majo­ri­té des habi­tants des pays chré­tiens ne sait pas qu’on est en l’an mille. De plus (et sur­tout selon moi) le nombre mille est trop grand pour ce monde-là. Il n’a aucun sens pour eux (see Tongas).
[…]

2376. Suite des nombres : pas le « plus uno » mais le « encore plus grand ».

2377. La pos­si­bi­li­té de dis­cré­ti­ser dis­tinc­te­ment les grandes quan­ti­tés de sin­gu­liers est une hypo­thèse invé­ri­fiable.

2378. On peut avoir le sou­ve­nir d’une année, pas d’un siècle.

2379. Les pro­grès de la « nume­ra­cy » (USA, 19e) ont été liés à la ques­tion : qui avait besoin de comp­ter ?, et jusqu’où ?

[…]

2389. Pourquoi « Mille e tre » ? pour la même rai­son que « mille et une » : pour n’en pas finir.

2390. « Mille e tre », comme « Mille et une » = omé­ga plus un ; recom­men­ce­ment après l’infini. « Mille » est là comme « fai­sant fonc­tion de » l’infini.

(du conte ; rem. 182)

2255. Que le conte dit vrai – Le conte dit tou­jours vrai. Ce que dit le conte est vrai parce que le conte le dit. Certains disent que le conte dit vrai parce que ce que dit le conte est vrai. D’autres que le conte ne dit pas le vrai parce que le vrai n’est pas un conte. Mais en réa­li­té ce que dit le conte est vrai de ce que le conte dit que ce que dit le conte est vrai. Voilà pour­quoi le conte dit vrai.

2256. ’gril’ emprunte au conte (vu dans la pers­pec­tive de la rem. 2255) une « posi­tion » de véri­té. Plus spé­ci­fi­que­ment : ’le grand incen­die de londres’ dit le vrai parce que ce que je raconte est vrai. Et ce que je raconte est vrai parce que ’le grand incen­die de londres’ dit que ce que je dis est vrai. Cette manière de faire est assez effi­cace. (Mais par­mi les quelques per­sonnes qui me connaissent un peu (ou me ren­contrent) et qui ont lu les branches publiées, il y a tou­jours une cer­taine méfiance à cet égard, en même temps qu’une grande cré­du­li­té (à d’autres moments)).

2257. Ce que dit le conte est arri­vé pen­dant que le disait le conte. C’est même arri­vé pen­dant que le conte disait ce que disait le conte. Voilà pour­quoi c’est si vrai.

2258. Dans le conte il y a deux contes : le conte que dit le conte et le conte de ce que dit le conte. Cela fait d’ailleurs beau­coup plus de deux contes.

2259. Tout conte, un conte, est aus­si le conte.

2260. Le conte n’est pas la poé­sie.

2261. Un poème peut être un conte.

2262. Le conte a affaire à la véri­té.

2263. La poé­sie n’a pas affaire à la véri­té.

2264. Le vrai du conte est dans le conte. Dans quel conte ? eh bien, dans le conte, et dans le conte que rap­porte le conte. Aussi le vrai du conte est-il le vrai du vrai.

2265. Le conte dit la redon­dance de la véri­té.

2266. « Je dis la véri­té » est un énon­cé beau­coup plus para­doxal que celui du « men­teur ».

2267. Quand le conte men­ti­ra, et il men­ti­ra un jour puisqu’il dit vrai, le conte sera fini.

2268. Dans tout conte il y a ce qu’il y a dans un conte, ce qui fait qu’un conte est un conte. On peut le défi­nir comme étant ce qu’il y a dans ce conte-là et comme ce conte-là est un conte, il y a tout ça dans ce conte. Voilà ce qu’il y a dans un conte.

2269. Quand on dit le conte – Quand on dit un conte il faut dire le conte de façon à ce qu’il semble que c’est le conte qui dit le conte. Et c’est nor­mal après tout puisque c’est bien le conte qui dit le conte.

2270. Attention – Attention ! un conte par­fois demande de l’attention.

2271. Un conte donne par­fois de fausses indi­ca­tions. Dans ce cas le conte dit que le conte donne là de fausses indi­ca­tions. Parfois.

2272. (du conte) Anticipations – Mais n’anticipons pas.

2273. Pour dire le conte : récla­mez un verre de vin. S’il n’y a pas de vin, ou si vous ne buvez pas de vin, ne dites pas le conte. À moins que vous n’ayez envie de dire quand même le conte.

2274. Pour qui conte le conte ? Le conte conte pour vous ? Qui ça vous ? Ceux pour qui conte le conte. Si le conte conte pour vous, c’est que c’est vous.

2275. Le conte conte pour ceux qui ont plus ou moins de vingt ans, plus ou moins de soixante, qui ont dix-sept ans ou plus, trente et un ans ou moins, qua­rante et un ans ou plus, qua­torze ans ou moins. C’est tou­jours le même conte. Mais ce ne sont pas les mêmes gens.

2276. Un poème n’est jamais deux fois le même.

2277. Un poème n’est pas le même pour deux per­sonnes dif­fé­rentes.

2278. On n’entend jamais deux fois le même poème.

2279. Le conte est tou­jours le même.

2280. Ceux pour qui conte le conte, s’ils écoutent le conte, qu’ils en soient remer­ciés. Les remer­cie­ments sont dans le conte. Pour les entendre, il faut l’écouter.

2281. Il y eut un temps où le conte était par­tout. Tous y avaient accès. Où est ce temps ?

2282. Que le conte sait ce qu’il dit. Le conte sait ce qu’il dit. Non pas tant qu’en disant le conte, le conteur sache ce qu’il dit. Mais plu­tôt de ce que le savoir du conte se dit tout entier quand on le dit.

2283. Ce que le conte dit, vous le savez aus­si. Sans doute ne savez-vous pas ce que vous savez tant que le conte ne vous l’a dit. Mais le conte, qui sait tout, et en par­ti­cu­lier ce que vous savez vous le dira. Et alors vous le sau­rez.

2284. L’idée de l’anamnèse est emprun­tée, invo­lon­tai­re­ment, au conte. Le conte est la pre­mière mani­fes­ta­tion artis­tique de la fonc­tion de récit.

2285. Les construc­tions et élu­cu­bra­tions de l’idée d’anamnèse ont eu besoin de contes.

2286. L’anamnèse (au sens des églises chré­tiennes) est une tech­nique, qui s’efforce de copier le conte.

2287. La Bible est encore imbi­bée de conte.

2288. L’ignorance du conte, elle est où ? Elle n’est pas dans ses silences car les silences sont pleins de savoir. Elle n’est pas quoi qu’on en dise dans vos oreilles, même quand vos oreilles sont pleines de savon. L’ignorance du conte est à sa sagesse comme la chaîne est à la trame dans le bref. Mais elle ne des­sine rien.

2289. (Variante dite de l’Odyssée). L’ignorance du conte, elle est où ? Elle n’est pas quoi qu’on en dise dans vos oreilles, même quand vos oreilles sont pleines de cire.

2290. Que le conte dit ce qu’il faut. Si le conte disait plus qu’il ne dit, vous vous diriez : c’était donc ça ! Si le conte disait moins qu’il ne dit, vous n’écouteriez pas le conte. Mais le conte, qui sait ce qu’il fait, n’en dit ni trop ni trop peu. Le conte dit ce qu’il faut.

2291. Le conte répond – Quand on vous dit le conte, vous vous méfiez. Vous vous dites : qu’est-ce que c’est que ce conte qui parle comme si c’était lui qui racon­tait le conte ? On ne peut pas être le conte et dans le conte. Et le conte répond : ce que vous dites, est-ce vous qui le dites ?

2292. Le conte répond – Certains vous diront : le conte n’est rien. Ce qui compte c’est le conte qui est der­rière le conte. Et le conte répond : c’est vrai. Mais le propre du conte, c’est que le conte qui est der­rière le conte, c’est le conte.

2293. Le conte répond – C’est bon, dira-t-on, le conte est dit. Mais quand le conte est dit sait-on à la fin des fins ce que le conte a dit ? Et le conte répond : il n’y a qu’une chose cer­taine. C’est que le conte aura été dit.

2294. À quoi sert le conte ? En effet, à quoi ?

2295. Il y a plein d’énigmes dans le conte. La moindre des énigmes du conte n’est pas l’énigme de ce que sont les énigmes du conte.

2296. Le conte est sans mys­tère.

2297. Le conte est sans mys­tères.

2298. Vous qui vou­lez déchif­frer le conte, posez-vous d’abord la ques­tion : pour­quoi vou­lez-vous déchif­frer le conte ?

2299. Le conte n’est pas la poé­sie.

2300. Le conte répond – Certains vous diront : le conte n’est rien. Ce qui compte c’est ce que dit le conte. Et le conte répond : c’est vrai. Mais le propre du conte, c’est que ce que dit le conte, c’est le compte.

2301. Les mythes sont des contes mal enten­dus. Les mytho­logues sont des mal-enten­dants du conte.

2302. Les théo­lo­giens sont des voleurs de conte.

2303. Les phi­lo­sophes sont des mal-enten­dants de poé­sie.

2304. Être est un conte.

2305. Le conte est tou­jours.

2306. L’enfance désire le conte.

2307. La perte du conte est une perte de désir, d’enfance, d’espoir.

2308. Le conte ne compte pas, mais racompte.

2309. Le vrai du conte n’est pas le vrai du compte.

2310. Le conte n’a pas le temps de comp­ter.

2311. Le conte n’a que le temps de conter.

2312. Le conte a tout le temps de conter.

2313. Le cal­cul des pro­po­si­tions est né du conte.

2314. À l’âge du conte, les poètes étaient les comp­teurs.

2315. La pen­sée a cru au vrai hors du conte.

2316. La logique a cru au vrai dans le compte.

2317. Le conte n’épelle pas, n’énumère pas.

2318. Le conte n’est jamais fan­tas­tique, parce qu’il est vrai. Mais il peut être cruel.

2319. Les contraintes ouli­piennes peuvent être mises au ser­vice du conte.

2320. Le vers est enne­mi du conte (rem. 2308).

2321. L’idée de temps est née du conte autant que des chan­ge­ments du monde.

2322. La phrase stei­nienne approche la langue du conte (rem. 2070 sq.).

2323. Le conte est sans arrêts.

2324. (rem. 2309) Le vrai du conte n’est pas le vrai d’un compte.

2196. Séparer les strophes d’un son­net par des lignes de blanc, c’est mettre une couche d’air entre les étages d’un bâti­ment.

2197. Les retraits ini­tiaux des débuts de strophe, dans la pré­sen­ta­tion « Renaissance » du son­net, ne marquent pas seule­ment leur exis­tence auto­nome. Ils intro­duisent aus­si une troi­sième dimen­sion dans la page. Il faut les « lire » comme une « mise en pers­pec­tive ». Dans un cas, il y a fuite vers l’avant, dans l’autre vers l’arrière.

2198. Dans un alexan­drin, la paren­thé­ti­sa­tion métrique (qui assure la « cor­rec­tion » du vers) est tou­jours asso­ciée à des « réca­té­na­tions » (chan­ge­ments de paren­thèses). Les règles du mètre assurent la cohé­rence de ces réca­té­na­tions. Un vers est d’autant plus « riche » ryth­mi­que­ment que les réca­té­na­tions qu’il per­met sont plus nom­breuses, et plus com­plexes.

2199. (rem. 107) La mémoire externe, trace pour l’œil de la poé­sie, n’est pas néces­sai­re­ment com­po­sée des signes écrits de la langue.

2200. Certaines sur­charges manié­ristes (acros­tiche, ana­gramme, rap­por­ta­tio sur­tout) ou roco­co (bouts-rimés) par­ti­cu­liè­re­ment dans la forme-son­net (qui s’y prête) sont des bal­bu­tie­ments d’un mode de lec­ture qui cherche à appa­raître expli­ci­te­ment et la lec­ture ver­ti­cale, et la lec­ture de droite à gauche.

2201. Idée d’un poème visuel (un son­net par exemple) – ligne de points (vers du son­net), rejoints par des flèches (sens de lec­ture) pleines (la lec­ture « réelle »), sur­mon­tées de flèches « vir­tuelles » allant dans l’autre sens (« sha­dow-mètre »). Une flèche (dans une autre cou­leur ?) « joint » la fin d’un vers au début du vers sui­vant (le « saut » de l’œil). Des flèches ver­ti­cales lient les posi­tions métriques cor­res­pon­dantes vers à vers. Les débuts de strophe sont en retrait, les flèches qui lient les posi­tions des pre­miers vers aux sui­vants immé­diats sont donc incli­nées (mar­quant la « troi­sième dimen­sion », archi­tec­tu­rale – rem. 2197). Enfin, une grande croix orien­tée de haut en bas signale (dif­fé­ren­tiel­le­ment) les deux axes obliques des­cen­dants de la lec­ture selon Hinostroza.