De ce « commun », le communisme comme son nom l’indique a voulu être l’expression et la légitimité conductrice. En tant qu’il était un tel projet, il échappait aux critères traditionnels de légitimation, révoquant tous les pouvoirs institués, appelant l’humanité à verser en bloc dans le partage. Mais ce projet, malgré toute la violence de rupture qui en accompagne l’éclosion, le communisme ne l’a pas tiré de nulle part. Le communisme non seulement provient de la philosophie, mais provient aussi (ou dérive, ou bifurque à l’intérieur) de toute une tradition qui se confond avec la tradition même de l’Occident, où la recherche d’un « commun » trame depuis l’origine la totalité de l’activité politique et religieuse : tout l’ontothéologique se déverse dans cette quête d’un « commun », dans cette recherche d’une puissance massive de convocation. Le communisme n’apparaît au fond que comme l’effort (démesuré, gauche, brutal) de rabattre les motifs d’une telle convocation dans l’unique rumeur d’une humanité délivrée de la transcendance, ne trouvant plus hors d’elle-même mais en elle-même le tenon de son unité. Le communisme rend effectif dans l’ordre politique le passage qui conduit l’Occident de La Divine Comédie à La Comédie humaine. Ce passage, le capitalisme l’a effectué dans l’ordre économique et social – et ce qu’étudie le livre qu’est Le Capital, c’est le nouveau fonctionnement qui résulte de ce passage et de cette redistribution sauvages – mais le marxisme est le mouvement qui cherche à tirer la conséquence politique logique de cette redistribution.
Lu
C’est la succession pure et simple, la reproduction de la diversité oppressante de la vie sous une forme unidimensionnelle, comme dirait un mathématicien, qui nous rassure ; l’alignement de tout ce qui s’est passé dans l’espace et le temps le long d’un fil, ce fameux « fil du récit » justement, avec lequel finit par se confondre le fil de la vie. Heureux celui qui peut dire « lorsque », « avant que » et « après que » ! Il peut bien lui être arrivé malheur, il peut s’être tordu dans les pires souffrances : aussitôt qu’il est en mesure de reproduire les événements dans la succession de leur déroulement temporel, il se sent aussi bien que si le soleil lui brillait sur le ventre. C’est ce dont le roman a tiré habilement profit : le voyageur peut chevaucher à travers les campagnes sous des trombes d’eau ou faire craquer la neige sous ses semelles par moins vingt degrés, le lecteur se sent à son aise. Ce serait assez difficile à comprendre si cet éternel tour de passe-passe de l’art narratif, à quoi même les nourrices recourent pour calmer les enfants, si cette « perspective de l’intelligence », ce « raccourcissement des distances » ne faisaient déjà partie intégrante de la vie. La plupart des hommes sont, dans leur rapport fondamental avec eux-mêmes, des narrateurs. Ils n’aiment pas la poésie, ou seulement par moments. Même si quelques « parce que » et « pour que » se mêlent ici et là au fil de la vie, ils n’en ont pas moins en horreur toute réflexion qui tente d’aller au-delà. Ils aiment la succession bien réglée des faits parce qu’elle a toutes les apparences de la nécessité, et l’impression que leur vie suit un « cours » est pour eux comme un abri dans le chaos. Ulrich s’apercevait maintenant qu’il avait perdu le sens de cette narration primitive à quoi notre vie privée reste encore attachée bien que tout, dans la vie publique, ait déjà échappé à la narration et, loin de suivre un fil, s’étale sur une surface subtilement entretissée.
Es ist die einfache Reihenfolge, die Abbildung der überwältigenden Mannigfaltigkeit des Lebens in einer eindimensionalen, wie ein Mathematiker sagen würde, was uns beruhigt ; die Aufreihung alles dessen, was in Raum und Zeit geschehen ist, auf einen Faden, eben jenen berühmten »Faden der Erzählung«, aus dem nun also auch der Lebensfaden besteht. Wohl dem, der sagen kann »als«, »ehe« und »nachdem«! Es mag ihm Schlechtes widerfahren sein, oder er mag sich in Schmerzen gewunden haben : sobald er imstande ist, die Ereignisse in der Reihenfolge ihres zeitlichen Ablaufes wiederzugeben, wird ihm so wohl, als schiene ihm die Sonne auf den Magen. Das ist es, was sich der Roman künstlich zunutze gemacht hat : der Wanderer mag bei strömendem Regen die Landstraße reiten oder bei zwanzig Grad Kälte mit den Füßen im Schnee knirschen, dem Leser wird behaglich zumute, und das wäre schwer zu begreifen, wenn dieser ewige Kunstgriff der Epik, mit dem schon die Kinderfrauen ihre Kleinen beruhigen, diese bewährteste »perspektivische Verkürzung des Verstandes« nicht schon zum Leben selbst gehörte. Die meisten Menschen sind im Grundverhältnis zu sich selbst Erzähler. Sie lieben nicht die Lyrik, oder nur für Augenblicke, und wenn in den Faden des Lebens auch ein wenig »weil« und »damit« hineingeknüpft wird, so verabscheuen sie doch alle Besinnung, die darüber hinausgreift : sie lieben das ordentliche Nacheinander von Tatsachen, weil es einer Notwendigkeit gleichsieht, und fühlen sich durch den Eindruck, daß ihr Leben einen »Lauf« habe, irgendwie im Chaos geborgen. Und Ulrich bemerkte nun, daß ihm dieses primitive Epische abhanden gekommen sei, woran das private Leben noch festhält, obgleich öffentlich alles schon unerzählerisch geworden ist und nicht einem »Faden« mehr folgt, sondern sich in einer unendlich verwobenen Fläche ausbreitet.
Il croit qu’il est possible de produire synthétiquement une vie juste, comme on fabrique du caoutchouc ou de l’azote.
À ce moment-là, une fois de plus, Ulrich interprétait à sa manière les mots violence et amour. Le mot violence contenait tous ses penchants au mal et à la dureté ; il était l’effluence de toute conduite sceptique, objective, lucide. Sans doute un certain goût de la violence froide et brutale avait-il joué jusque dans le choix de sa profession, si bien qu’Ulrich n’était peut-être pas devenu mathématicien sans quelque intention de cruauté. Tout cela était touffu comme le feuillage d’un arbre qui dissimule le tronc lui-même. D’autre part, lorsqu’on ne parle pas simplement de l’amour dans le sens courant du mot, mais qu’en l’entendant on aspire à un état qui se distingue, jusque dans les moindres atomes de notre corps, de la misère du non-amour, lorsqu’on se sent à la fois doué et dépourvu de toutes les qualités, lorsqu’on a constamment l’impression que c’est « toujours la même histoire », les mêmes événements qui se reproduisent, parce que la vie (pleine à craquer de la fierté de sa présence « ici et maintenant », mais en fin de compte si incertaine, si parfaitement irréelle !) se précipite immanquablement dans les deux ou trois douzaines de moules à cake qui constituent la réalité, lorsqu’on estime que manque un morceau à tous les cercles dans lesquels nous tournons, que de tous les systèmes que nous avons institués, aucun ne possède le secret du repos, alors, toutes ces choses qui semblent si différentes se confondent elles aussi comme les branches d’un arbre qui dissimulent de toutes parts le tronc.
In diesem Augenblick waren Gewalt und Liebe für Ulrich wieder nicht ganz die gewöhnlichen Begriffe. Alles, was er an Neigung zum Bösen und Harten besaß, lag in dem Wort Gewalt, es bedeutete den Ausfluß jedes ungläubigen, sachlichen und wachen Verhaltens ; hatte doch eine gewisse harte, kalte Gewalttätigkeit auch bis in seine Berufsneigungen hineingespielt, so daß er vielleicht nicht ganz ohne eine Absicht auf das Grausame Mathematiker geworden war. Das hing zusammen wie das Dickicht eines Baums, das den Stamm selbst verdeckt. Und wenn man von Liebe nicht bloß im üblichen Sinn spricht, sondern sich bei ihrem Namen nach einem Zustand sehnt, der bis in die Atome des Körpers anders ist als der Zustand der Liebesarmut ; oder wenn man fühlt, daß man ebensogut jede Eigenschaft an sich hat wie keine ; oder wenn man unter dem Eindruck steht, daß nur Seinesgleichen geschieht, weil das Leben – zum Platzen voll Einbildung auf sein Hier und Jetzt, letzten Endes aber ein sehr ungewisser, ja ausgesprochen unwirklicher Zustand ! – sich in die paar Dutzend Kuchenformen stürzt, aus denen die Wirklichkeit besteht ; oder daß an allen Kreisen, in denen wir uns drehen, ein Stück fehlt ; daß von allen Systemen, die wir errichtet haben, keines das Geheimnis der Ruhe besitzt : so hängt auch das, so verschieden es aussieht, zusammen wie die Äste eines Baums, die nach allen Seiten den Stamm verbergen.
Pour on ne sait quelle raison, Ulrich avait l’impression, bien que ce fût la fin de l’hiver, de contempler une de ces nuits d’octobre où la fraîcheur est encore douce, et il lui semblait que la ville y fût roulée comme dans une immense, couverture. Puis, il pensa qu’on pouvait tout aussi bien dire d’une couverture qu’elle ressemble à une nuit d’octobre.
Aus irgendeinem Grund hatte Ulrich auf das stärkste den Eindruck, in eine mildkalte Oktobernacht hinauszustarren, obgleich es Spätwinter war, und es kam ihm vor, die Stadt sei in sie eingehüllt wie in eine ungeheure Wolldecke. Dann fiel ihm ein, daß man ebensogut von einer Wolldecke sagen könnte, sie sei wie eine Oktobernacht.
Quelle est donc cette vie qu’il faudrait de loin en loin perforer de récréations ? Ferions-nous des trous dans un tableau sous prétexte que sa beauté exige de nous trop d’efforts ? A‑t-on prévu des vacances dans la béatitude éternelle ? Je vous avoue que l’idée même du sommeil m’est parfois désagréable.
Welch ein Leben, das man zeitweilig mit Erholungen durchlöchern muß ! Würden wir in ein Bild Löcher stoßen, weil es zu schöne Ansprüche an uns stellt?! Sind in der ewigen Seligkeit etwa Urlaubswochen vorgesehen ? Ich gestehe Ihnen, daß mir sogar die Vorstellung des Schlafs manchmal unangenehm ist.
« [Q]ue faites-vous, en lisant ? Je vous répondrai tout de suite : vos opinions omettent ce qui ne leur agrée pas. L’auteur a déjà fait de même. Rêvant ou rêvassant, vous omettez également. Je constate donc ceci : la beauté ou l’émotion entrent dans le monde par l’omission. Notre attitude au sein de la réalité est évidemment un compromis, un état moyen dans lequel les sentiments s’empêchent mutuellement d’atteindre au déploiement de la passion et se perdent dans la grisaille ; les enfants, qui ignorent encore cette attitude, sont donc plus heureux et plus malheureux que les adultes. Et j’ajouterai tout de suite que les gens bêtes omettent aussi ; on sait bien que la bêtise rend heureux. Voici donc ma première proposition : que nous essayions de nous aimer comme si vous et moi étions les personnages d’un poète qui se rencontrent dans les pages de son livre. Négligeons donc, en tout cas, cette enveloppe de graisse qui vous fait croire que la réalité est chose toute ronde. »
»Was tun Sie da ? Ich will gleich die Antwort geben : Ihre Auffassung läßt aus, was Ihnen nicht paßt. Das gleiche hat schon der Autor getan. Ebenso lassen Sie im Traum oder in der Phantasie aus. Ich stelle also fest : Schönheit oder Erregung kommt in die Welt, indem man fortläßt. Offenbar ist unsere Haltung inmitten der Wirklichkeit ein Kompromiß, ein mittlerer Zustand, worin sich die Gefühle gegenseitig an ihrer leidenschaftlichen Entfaltung hindern und ein wenig zu Grau mischen. Kinder, denen diese Haltung noch fehlt, sind darum glücklicher und unglücklicher als Erwachsene. Und ich will gleich hinzufügen, auch die Dummen lassen aus ; Dummheit macht ja glücklich. Ich schlage also als erstes vor : Versuchen wir einander zu lieben, als ob Sie und ich die Figuren eines Dichters wären, die sich auf den Seiten eines Buchs begegnen. Lassen wir also jedenfalls das ganze Fettgerüst fort, das die Wirklichkeit rund macht.«
« Avez-vous jamais vu un chien ? demanda-t-il. Vous le croyez seulement ! Vous n’avez jamais vu que quelque chose qui vous est apparu, à plus ou moins bon droit, comme un chien. Quelque chose qui ne possède pas toutes les qualités canines et qui a, au contraire, un élément personnel qu’aucun autre chien ne possède. Comment donc pourrions-nous jamais faire, dans la vie, ce qu’il faut faire ? Nous ne pouvons jamais que quelque chose qui n’est jamais ce qu’il faut, mais qui est toujours un peu plus ou un peu moins que ce qu’il fallait. […] »
»Haben Sie schon je einen Hund gesehen?« fragte er. »Das glauben Sie bloß ! Sie haben immer nur etwas gesehen, das Ihnen mit mehr oder weniger Recht als ein Hund vorkam. Es hat nicht alle Hundeeigenschaften, und irgendetwas Persönliches hat es, das wieder kein anderer Hund hat. Wie sollen wir da je im Leben ›das Richtige‹ tun ? Wir können nur etwas tun, das niemals das Richtige und immer mehr und weniger als etwas Richtiges ist. […]«
Il s’ensuivit entre eux une conversation qui aurait fait sur un tiers une impression bizarre, assez semblable à celle d’une conversation en langue verte, bien que le langage utilisé ici ne fût autre que le sabir de l’amour spirituel laïque. C’est pourquoi nous préférons rendre l’esprit plutôt que la lettre de ce dialogue.
La « communauté des parfaits altruistes », c’était une formule découverte par Hans ; elle était cependant compréhensible : plus un homme se sent altruiste, plus les choses du monde deviennent claires et fortes, plus il se fait léger, plus il se sent exalté. Chacun connaît ce genre d’expériences ; mais il ne faut pas les confondre avec le contentement, la gaieté, l’insouciance et cætera, car ne ce sont là que des succédanés pour un usage vulgaire, sinon même corrompu. Peut-être même devrait-on réserver à l’état authentique non pas le terme d’élévation, mais celui de « décuirassement », « décuirassement du Moi », expliquait Hans. Il fallait distinguer entre les deux remparts de l’homme. L’un est déjà franchi chaque fois qu’il fait un acte bon ou gratuit, mais ce n’est là que le plus petit des deux murs. Le plus grand est bâti de l’égoïsme de l’homme même le plus altruiste ; c’est, tout bonnement, le Péché originel. Toute impression sensuelle, tout sentiment, même celui de l’abandon, est davantage, dans notre manière d’agir, une prise qu’un don, et il est presque impossible d’échapper à cette cuirasse bardée d’égoïsme. Hans énumérait : le savoir n’est que l’appropriation d’un objet étranger ; on le tue ; on le déchiquette, on le dévore comme une bête. Le concept, cadavre figé. La conviction, relation pétrifiée à jamais immuable. La recherche, affirmation. Le caractère, refus des métamorphoses. La connaissance d’un être, indifférence à son égard. L’introspection, inspection. La vérité, tentative réussie pour penser objectivement et inhumainement. Il y a dans tout cela un goût de meurtre et de gel, un désir de possession et de rigidité, un mélange d’égoïsme et de désintéressement objectif, c’est-à-dire lâche, sournois, inauthentique ! « Et quand donc l’amour lui-même, demanda Hans bien qu’il ne connût que l’innocente Gerda, sera-t-il autre chose que le désir de possession, ou d’abandon dans l’attente d’une contrepartie ? »
Ulrich approuvait prudemment, amendant parfois ces affirmations souvent incohérentes. Il était exact que même la souffrance et le dessaisissement de soi nous laissent toujours quelque argent de côté ; une pâle ombre d’égoïsme, une ombre grammaticale pour ainsi dire, resterait attachée à tout acte tant qu’il n’y aurait pas d’attribut sans sujet.
Mais Hans protesta violemment. Lui et ses amis luttaient pour savoir comment on doit vivre. Parfois ils admettaient que chacun dût commencer par vivre pour soi, et ensuite pour tous ; un autre jour, ils étaient convaincus que chaque homme ne pouvait réellement avoir qu’un ami, mais que celui-ci à son tour en avait besoin d’un autre, de sorte que la communauté se dessinait à leurs yeux comme une union des âmes en forme de cercle, à la manière du spectre solaire ou d’autres enchaînements du même ordre ; mais de préférence, ils croyaient qu’il existait une loi psychique du sens communautaire que l’égoïsme ne faisait qu’obombrer, une énorme source de vie intérieure, inutilisée encore, à laquelle ils attribuaient des possibilités fantastiques. L’arbre qui lutte dans la forêt et que la forêt protège ne peut pas avoir une plus vague conscience de lui-même, que les hommes sensibles d’aujourd’hui de l’obscure chaleur de la masse, de sa puissance dynamique, des processus moléculaires imperceptibles qui assurent sa cohérence inconsciente et lui rappellent à chaque respiration que le plus grand, comme le plus petit, n’est jamais seul. Il en allait de même pour Ulrich. Sans doute voyait-il clairement que l’égoïsme discipliné, maîtrisé, sur lequel se fonde la vie, produit une structure organisée, alors que le souffle de la communauté demeure le point d’intersection de relations fort vagues ; personnellement, il se sentait plutôt attiré par l’isolement, mais il n’en était pas moins touché lorsque les jeunes amis de Gerda exposaient leur extravagante idée du grand mur qu’il fallait à tout prix franchir.
Hans, tantôt psalmodiant, tantôt percutant, dévidait les articles de sa foi, en regardant fixement droit devant lui, sans rien voir. Une fêlure anormale divisait la création et la partageait comme une pomme dont les deux moitiés aussitôt se dessèchent ; c’est pourquoi l’on était contraint, aujourd’hui, de s’approprier d’une manière artificielle et contre nature ce avec quoi l’on n’avait formé jadis qu’un seul être. Mais on pouvait abolir cette division par une sorte d’ouverture de soi-même, un changement d’attitude. Plus un homme pouvait s’oublier, s’effacer, se retirer de lui-même, plus il libérerait de force en lui pour la communauté, comme s’il la délivrait d’une fausse relation ; et en même temps, plus il se rapprocherait de la communauté, plus il deviendrait, inévitablement, lui-même. Si l’on suivait Hans, on apprenait aussi que la véritable originalité ne se mesurait pas à la simple et vaine singularité, mais naissait de l’ouverture de soi-même et, passant par des degrés ascendants de participation et de dévouement, atteindrait peut-être au degré suprême, à la communauté des altruistes parfaits, totalement absorbés par le monde, degré que l’on pouvait atteindre par cette voie !
En écoutant ces phrases que rien ne semblait pouvoir remplir, Ulrich se demandait comment on pourrait leur donner un contenu réel […]. Quand on possède parfaitement cette langue, on peut continuer à parler à l’infini sans aucun effort. On s’avance comme avec une lumière à la main, dont le rayon délicat tombe sur un aspect de la vie après l’autre, et l’on dirait que tous ces aspects, sous la forme ordinaire qu’ils avaient dans la lumière quotidienne, n’ont été que de grossiers malentendus. Comme la fonction du mot « posséder », par exemple, paraît insoutenable lorsqu’on l’applique à des amants ! Mais cela trahit-il de plus nobles désirs de vouloir posséder des principes ? le respect des enfants ? des connaissances ? soi-même ? Ce geste agressif et brutal de quelque énorme bête écrasant sa proie de tout le poids de son corps est pourtant, à bon droit, l’expression préférée et fondamentale du capitalisme ; ainsi apparaît le rapport entre les possédants du monde bourgeois et ces possesseurs de connaissances toutes faites en qui la bourgeoisie a transformé ses penseurs et ses artistes, alors que l’amour et l’ascèse se tiennent à l’écart, frère et sœur. Et ce frère et cette sœur, lorsqu’ils se réunissent, ne sont-ils pas sans but, opposés aux buts de la vie ? Mais le terme de « but » est emprunté au langage des tireurs : être sans but ne signifierait-il donc pas, à l’origine, se refuser à tuer ? Ainsi, en suivant simplement les traces de la langue (traces brouillées, mais révélatrices), on comprend mieux déjà comment une grossière altération du sens a usurpé partout la place de relations plus circonspectes qui se sont perdues définitivement. C’est là une situation partout sensible, nulle part tangible.
Es ergab sich daraus ein Gespräch zwischen den beiden, das auf einen Fernstehenden einen sonderbaren Eindruck gemacht haben müßte, nicht unähnlich der Unterhaltung in einem Verbrecherjargon, obwohl dieser kein anderer war als eben die Mischsprache weltlich-geistlicher Verliebtheit. Es ist darum vorzuziehen, diese Unterredung mehr dem Sinn nach wiederzugeben als in ihrem Wortlaut : die Gemeinschaft der vollendet Ichlosen, das war ein von Hans entdecktes Wort, es ist aber trotzdem zu verstehen, denn je selbstloser sich ein Mensch fühlt, desto heller und stärker werden die Dinge der Welt, je leichter er sich macht, desto mehr fühlt er sich gehoben, und Erfahrungen von solcher Art kennt wohl jeder ; man darf sie bloß nicht mit Fröhlichkeit, Heiterkeit, Sorglosigkeit oder dergleichen verwechseln, denn das sind nur ihre Ersätze für den niederen Gebrauch, wenn nicht gar für den verdorbenen. Vielleicht sollte man den echten Zustand überhaupt nicht Gehobenheit nennen, sondern Entpanzerung ; Entpanzerung des Ich, so erklärte es Hans. Man müsse zwischen zwei Umwallungen des Menschen trennen. Die eine wird schon dann jedesmal überstiegen, wenn er etwas Gutes und Uneigennütziges tut, aber das ist nur die kleine Mauer. Die große besteht in der Selbsthaftigkeit noch des selbstlosesten Menschen ; das ist schlechtweg die Erbsünde ; jeder Sinneseindruck, jedes Gefühl, selbst das der Hingabe, ist in unserer Ausführung mehr ein Nehmen als ein Geben, und diesem Panzer von Durchtränkung mit Eigensucht kann man kaum in irgendeiner Weise entrinnen. Hans zählte auf : So ist Wissen nichts als An-Eignung einer fremden Sache ; man tötet, zerreißt und verdaut sie wie ein Tier. Begriff das reglos gewordene Getötete. Überzeugung, die nicht mehr veränderliche erkaltete Beziehung. Forschung gleich Fest-Stellen. Charakter gleich Trägheit, sich zu wandeln. Kenntnis eines Menschen soviel wie nicht mehr von ihm bewegt werden. Einsicht eine Sicht. Wahrheit der erfolgreiche Versuch, sachlich und unmenschlich zu denken. In allen diesen Beziehungen ist Tötung, Frost, ein Verlangen nach Eigentum und Erstarren und ein Gemisch von Eigensucht mit einer sachlichen, feigen, heimtückischen, unechten Selbstlosigkeit ! »Und wann wäre« fragte Hans, obgleich er nur die unschuldige Gerda kannte, »die Liebe selbst etwas anderes als der Wunsch nach Besitz oder Hingabe auf Gegenrechnung?!«
Ulrich stimmte diesen nicht ganz einheitlichen Behauptungen vorsichtig und abändernd bei. Es sei richtig, daß auch das Erleiden und Sichentäußern einen Sparpfennig für uns selbst übriglasse ; ein blasser, sozusagen grammatikalischer Schatten von Egoismus bleibe auf allem Tun haften, solange es keine Prädikate ohne Subjekt gebe.
Aber Hans lehnte heftig ab. Er und seine Freunde stritten, wie man leben solle. Manchmal nahmen sie an, daß jeder zunächst für sich und dann erst für alle leben müsse ; ein andermal waren sie überzeugt, daß jeder ganz wahrhaft nur einen Freund haben könne, aber dieser doch wieder einen anderen Freund brauche, wonach sich ihnen die Gemeinschaft als eine Seelenverbindung im Kreis, nach Art des Farbenspektrums oder anderer gliedweisen Verkettungen darstellte ; am liebsten aber glaubten sie daran, daß es ein seelisches, von der Ichsucht bloß überschattetes Gesetz des Gemeinschaftssinns gebe, eine innere, ungeheure, noch nicht ausgenützte Lebensquelle, der sie abenteuerliche Möglichkeiten zuschrieben. Nicht ungewisser kann sich der Baum, im Walde kämpfend und vom Wald gehegt, vorkommen, als empfängliche Menschen heute die dunkle Wärme der Masse, ihre Bewegungskraft, die molekular unsichtbaren Vorgänge ihres unbewußten Zusammenhaltens empfinden, die sie bei jedem Atemzug daran erinnern, daß der Größte wie der Kleinste nicht allein sei ; so erging es auch Ulrich ; er sah wohl klar, daß der gezähmte Egoismus, aus dem sich das Leben aufbaut, ein geordnetes Gefüge ergibt, wogegen der Atem der Gemeinsamkeit nur ein Inbegriff unklarer Zusammenhänge bleibt, und er war für seine Person sogar ein zur Absonderung neigender Mensch, aber es ging ihm eigentümlich nahe, wenn die jungen Freunde Gerdas ihre ausschweifende Behauptung von der großen Mauer aufstellten, die überstiegen werden müsse.
Hans spulte, bald leiernd, bald stoßend, die Augen, ohne zu sehen, vorausgerichtet, seine Glaubenssätze ab. Eine unnatürliche Trennung laufe durch die Schöpfung und teile sie wie einen Apfel, dessen beide Hälften daran austrocknen. Man müsse sich darum auf künstliche und widernatürliche Weise heute aneignen, womit man vordem eins war. Man könne aber diese Trennung aufheben, durch irgendein Sichöffnen, ein geändertes Verhalten, denn je mehr jemand sich vergessen, auslöschen, von sich abrücken könne, desto mehr Kraft für die Gemeinschaft werde in ihm frei, so als würde sie aus einer falschen Verbindung befreit ; und zugleich müsse er, je mehr er sich der Gemeinschaft nähere, desto eigener werden ; denn folgte man Hans, so erfuhr man auch, daß der Grad der wahren Originalität nicht im eitlen Besonderssein beschlossen liege, sondern durch das Sichöffnen entstehe, in steigende Grade des Teilnehmens und der Hingabe hinein, vielleicht bis zu dem höchsten Grad einer Gemeinschaft der ganz von der Welt aufgenommenen, vollendet Ichlosen, den man auf diese Weise zu erreichen vermöchte !
Diese scheinbar durch nichts auszufüllenden Sätze ließen Ulrich träumen, wie man ihnen einen wirklichen Inhalt geben könnte […]. Man vermag, wenn man diese Sprache beherrscht, in ihrer Anwendung mühelos fortzufahren. Man geht wie mit einem Licht in der Hand, dessen zarter Strahl auf eine Beziehung des Lebens nach der anderen fällt, und alle sehen sie aus, als wären sie in ihrer gewöhnlichen Erscheinung, die sie im festen Alletaglicht haben, nur rohe Mißverständnisse gewesen. Wie unmöglich erscheint zum Beispiel sogleich die Gebärde des Wortes »besitzen«, wenn man sie auf Liebende anwendet ! Aber verrät es schöner anmutende Wünsche, daß man Grundsätze be-sitzen möchte ? die Achtung seiner Kinder ? Gedanken ? sich selbst ? Diese plumpe Angriffsgebärde eines schweren Tiers, das seine Beute mit dem ganzen Körper niederdrückt, ist jedoch berechtigterweise der Grund- und Leibausdruck des Kapitalismus, und so zeigt sich darin der Zusammenhang zwischen den Besitzenden des bürgerlichen Lebens und den Besitzern von Erkenntnissen und Fertigkeiten, zu denen es seine Denker und Künstler gemacht hat, während abseits Liebe und Askese als ein einsames Geschwisterpaar stehen. Und sind diese Geschwister, wenn sie beisammen stehn, nicht ziellos und zwecklos, im Gegensatz zu den Zielen und Zwecken des Lebens ? Es stammen aber die Namen Ziel und Zweck aus der Sprache der Schützen : Bedeutet also ziellos und zwecklos in seinem ursprünglichen Zusammenhang nicht soviel wie kein Tötender sein ? So kommt man bloß dadurch, daß man die Spur der Sprache verfolgt – eine verwischte, aber verräterische Spur ! – schon darauf, wie sich allerorten der roh veränderte Sinn an die Stelle von bedachtsameren Beziehungen gedrängt hat, die ganz verlorengegangen sind. Es ist das wie ein überall zu fühlender, nirgends zu fassender Zusammenhang […].
Avoir de l’intuition était alors à la mode chez tous ceux qui n’arrivaient pas à justifier entièrement leur activité par la raison. Cela jouait à peu près le même rôle qu’en ce moment le fait d’être « dynamique ». Tout ce que l’on faisait faux, tout ce qui ne vous donnait pas entière et profonde satisfaction, était justifié sous prétexte d’être fait pour ou par l’intuition. On recourait à l’intuition pour cuire un plat comme pour écrire un livre.
Intuition zu haben, war damals bei allen Leuten an der Zeit, die ihr Tun mit der Vernunft nicht recht verantworten konnten ; es spielte ungefähr die gleiche Rolle, die es augenblicklich innehat, Tempo zu besitzen. Alles, was man falsch machte oder was einem zu innerst nicht restlos gelang, wurde dadurch gerechtfertigt, daß es für die Intuition oder durch sie geschaffen sei, und man benutzte Intuition sowohl zum Kochen wie zum Bücherschreiben…