Tous les hommes riches consi­dèrent la richesse comme une qua­li­té per­son­nelle. Tous les pauvres de même. Tout le monde en est taci­te­ment convain­cu. La logique seule fait quelque dif­fi­cul­té à l’admettre en affir­mant que la pos­ses­sion de l’argent peut à la rigueur don­ner cer­taines qua­li­tés, mais jamais deve­nir une qua­li­té humaine en elle-même. Le men­songe saute aux yeux. Il n’est pas un nez d’homme qui ne flaire immé­dia­te­ment, imman­qua­ble­ment, le sub­til par­fum d’indépendance, d’habitude de com­man­der, d’habitude de choi­sir par­tout ce qu’il y a de mieux, de légère misan­thro­pie, de res­pon­sa­bi­li­sé consciente, qui s’exhale d’un reve­nu solide et consi­dé­rable. À sa seule appa­rence, on devine le riche ali­men­té et quo­ti­dien­ne­ment renou­ve­lé par un choix des meilleures sub­stances cos­miques. L’argent cir­cule sous sa peau comme la sève dans une fleur ; il n’y a là ni qua­li­tés emprun­tées, ni habi­tudes, acquises, rien qui soit indi­rect ou de seconde main : sup­pri­mez compte en banque et cré­dit, et l’homme riche non seule­ment n’a plus d’argent, mais n’est plus, du jour où il l’a com­pris, qu’une fleur fanée. Aussi frap­pante qu’auparavant la qua­li­té de richesse, appa­raît main­te­nant en lui l’indescriptible qua­li­té de néant, avec l’odeur de rous­si de l’insécurité, de la cadu­ci­té, de l’inactivité et de la misère. La richesse est donc une qua­li­té simple, per­son­nelle, qu’on ne peut ana­ly­ser sans la détruire.

Jeder reiche Mann betrach­tet Reichtum als eine Charaktereigenschaft. Jeder arme Mann glei­ch­falls. Alle Welt ist stil­l­sch­wei­gend davon über­zeugt. Nur die Logik macht einige Schwierigkeiten, indem sie behaup­tet, daß Geldbesitz viel­leicht gewisse Eigenschaften ver­lei­hen, aber nie­mals selbst eine men­schliche Eigenschaft sein könne. Der Augenschein straft das Lügen. Jede men­schliche Nase riecht unwei­ger­lich sofort den zar­ten Hauch von Unabhängigkeit, Gewohnheit, zu befeh­len, Gewohnheit, übe­rall das Beste für sich zu wäh­len, leich­ter Weltverachtung und bestän­dig bewuß­ter Machtverantwortung, der von einem großen und siche­ren Einkommen auf­steigt. Man sieht es der Erscheinung eines sol­chen Menschen an, daß sie von einer Auslese der Weltkräfte genährt und täglich erneuert wird. Das Geld zir­ku­liert in sei­ner Oberfläche wie der Saft in einer Blüte ; da gibt es kein Verleihen von Eigenschaften, kein Erwerben von Gewohnheiten, nichts Mittelbares und aus zwei­ter Hand Empfangenes : zerstöre Bankkonto und Kredit, und der reiche Mann hat nicht bloß kein Geld mehr, son­dern er ist am Tag, wo er es begrif­fen hat, eine abge­welkte Blume. Mit der glei­chen Unmittelbarkeit wie frü­her die Eigenschaft seines Reichseins bemerkt jetzt jeder die unbes­chrei­bliche Eigenschaft des Nichts an ihm, die wie eine brenz­liche Wolke von Unsicherheit, Unverläßlichkeit, Untüchtigkeit und Armut riecht. Reichtum ist also eine persön­liche, ein­fache, nicht ohne Zerstörung zer­leg­bare Eigenschaft.

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chap. 92  : « Quelques règles de conduite des gens riches »
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trad.  Philippe Jaccottet
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p. 527

Tuzzi eut le sen­ti­ment qu’il fal­lait dire quelque chose ; il se sen­tait peu sûr, comme si le silence pou­vait tra­hir chez un homme quelque trouble de l’imagination. « Vous aimez à pen­ser du mal de tout », remar­qua-t-il en sou­riant, comme si la phrase d’Ulrich sur les fonc­tion­naires de la foi avait dû attendre jusque-là d’être intro­duite dans son oreille, « et ma femme n’a sans doute pas tort de redou­ter un peu, en dépit de ses sen­ti­ments fami­liaux, votre col­la­bo­ra­tion. Si je puis ain­si par­ler, quand vous pen­sez à votre pro­chain, vous ten­dez plu­tôt à jouer à la baisse.

— C’est une excel­lente for­mule, repar­tit Ulrich ravi, bien que je craigne de ne pas la méri­ter ! C’est l’histoire uni­ver­selle qui a tou­jours joué à la baisse ou à la hausse sur le mar­ché de l’homme ; à la baisse par la ruse et la vio­lence, et à la hausse un peu comme Madame votre femme le tente ici, par la foi dans le pou­voir des idées. Le Dr Arnheim lui aus­si, pour autant qu’on peut se fier à ce qu’il dit, est un haus­sier. Vous-même, en revanche, qui êtes bais­sier par pro­fes­sion, devez éprou­ver dans ce chœur angé­lique des sen­sa­tions que j’aimerais bien connaître. »

Il obser­va le sous-secré­taire avec sym­pa­thie. Tuzzi tira de sa poche un étui à ciga­rettes et haus­sa les épaules. « Pourquoi croyez-vous que je doive nour­rir là-des­sus d’autres opi­nions que ma femme ? » répon­dit-il. Il vou­lait atté­nuer le tour per­son­nel que pre­nait la conver­sa­tion, mais sa réponse ne fit que l’aggraver. L’autre heu­reu­se­ment ne le remar­qua pas et pour­sui­vit : « Nous sommes une matière qui épouse tou­jours la forme du pre­mier monde venu. [»]

Tuzzi emp­fand, daß man etwas sagen müsse ; er fühlte sich unsi­cher, so als ob einen Menschen, der an Einbildungen lei­det, das Schweigen ver­ra­ten könnte. »Sie den­ken gerne schlecht von allem,« bemerkte er lächelnd, als hätte der Ausspruch über die Glaubensbeamten bis jetzt vor sei­nem Ohr auf Eintritt war­ten müs­sen »und meine Frau tut wohl nicht unrecht, bei aller ver­wandt­schaft­li­cher Sympathie Ihre Mithilfe etwas zu fürch­ten. Wenn ich so sagen darf, nei­gen Ihre Gedanken über den Mitmenschen zur Spekulation à la baisse.«

»Das ist ein aus­ge­zeich­ne­ter Ausdruck,« gab Ulrich erfreut zurück »wenn ich mich auch bes­chei­den muß, ihm nicht zu genü­gen ! Denn es ist die Weltgeschichte, die immer à la baisse oder à la hausse in Menschen spe­ku­liert hat ; auf Baisse-Weise durch List und Gewalt, à la hausse ungefähr so, wie es Ihre Frau Gemahlin hier ver­sucht, durch den Glauben an die Kraft der Ideen. Auch Dr. Arnheim ist, soweit man sei­nen Worten trauen kann, ein Haussier. Dagegen müs­sen Sie als beruf­smäßi­ger Baissier in die­sem Chor der Engel Empfindungen haben, die ich gerne ken­nen würde.«

Er mus­terte den Sektionschef mit Teilnahme. Tuzzi zog seine Zigarettendose aus der Tasche und zuckte die Schultern. »Warum glau­ben Sie, daß ich anders darü­ber den­ken soll, als meine Frau?« ant­wor­tete er. Er wollte die persön­liche Wendung des Gesprächs ableh­nen, hatte sie aber durch seine Antwort verstärkt ; der andere bemerkte es glü­ck­li­cher­weise nicht und fuhr fort : »Wir sind eine Masse, die jede Form annimmt, in die sie auf die eine oder die andere Weise hinein­gerät!«

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chap. 91  : « Spéculations à la baisse et à la hausse sur le mar­ché de l’esprit »
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trad.  Philippe Jaccottet
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p. 519

Ce n’est pro­ba­ble­ment pas sans rai­son que dans les époques dont l’esprit res­semble à un champ de foire, le rôle d’antithèse soit dévo­lu à des poètes qui n’ont rien à voir avec leur époque. Ils ne se salissent pas avec les pen­sées de leur temps, pro­duisent une sorte de poé­sie pure et parlent à leurs fidèles dans le dia­lecte mort de la gran­deur, comme s’ils n’avaient quit­té l’éternité que pour un bref séjour sur terre, ain­si qu’on voit un homme, par­ti trois ans aupa­ra­vant pour l’Amérique, écor­cher déjà sa langue mater­nelle lorsqu’il revient faire un séjour au pays.

Es ist wahr­schein­lich eine gut begrün­dete Erscheinung, daß in Zeiten, deren Geist einem Warenmarkt gleicht, für den rich­ti­gen Gegensatz dazu Dichter gel­ten, die gar nichts mit ihrer Zeit zu tun haben. Sie bes­ch­mut­zen sich nicht mit zeit­genös­si­schen Gedanken, lie­fern sozu­sa­gen reine Dichtung und spre­chen in aus­ges­tor­be­nen Mundarten der Größe zu ihren Gläubigen, als wären sie soe­ben bloß zu vorü­ber­ge­hen­dem Erdaufenthalt aus der Ewigkeit zurück­ge­kom­men, genau so wie ein Mann, der vor drei Jahren nach Amerika ging und bei sei­nem Besuch in der Heimat schon gebro­chen deutsch spricht.

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chap. 90  : « L’idéocratie détrô­née »
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trad.  Philippe Jaccottet
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p. 511

Il y a déjà long­temps que nous aurions dû faire men­tion d’une cir­cons­tance effleu­rée par nous en plus d’une occa­sion, et qui pour­rait se tra­duire par cette for­mule : il n’est rien de plus dan­ge­reux pour l’esprit que son asso­cia­tion avec les Grandes Choses.

Un homme se pro­mène dans une forêt, gra­vit une mon­tagne et voit le monde éten­du à ses pieds ; ou il consi­dère son enfant qu’on lui a don­né à tenir pour la pre­mière fois, ou encore il savoure le bon­heur d’obtenir une situa­tion enviée. Nous deman­dons ce qui se passe en lui. Sans aucun doute, lui semble-t-il, beau­coup de choses, pro­fondes et graves ; le mal­heur est qu’il n’a pas la pré­sence d’esprit de les prendre pour ain­si dire au mot. Tout ce qu’il y a d’admirable devant lui, hors de lui, et qui l’enferme comme l’habitacle d’une bous­sole, tire ses pen­sées hors de lui. Ses regards s’attachent à mille détails, mais il a le sen­ti­ment secret d’avoir épui­sé ses muni­tions. Dehors, la grande heure, l’heure pro­fonde, impré­gnée d’âme, impré­gnée de soleil, recouvre le monde entier, jusqu’en ses moindres feuilles et vei­nules, d’une couche d’argent gal­va­nique ; mais à l’autre extré­mi­té, à l’extrémité per­son­nelle du monde se fait bien­tôt sen­tir un cer­tain manque intime de sub­stance, on dirait qu’il s’y forme un immense O rond et vide. Ce phé­no­mène est le symp­tôme clas­sique du contact avec les Grandes Choses Éternelles et du séjour dans les hauts lieux de la Nature et de l’Humanité. Chez les per­sonnes qui recherchent la socié­té des Grandes Choses (au nombre des­quelles il faut évi­dem­ment comp­ter aus­si les grandes âmes, pour qui nulle chose ne peut être petite), l’intériorité se voit invo­lon­tai­re­ment déployée en une vaste super­fi­cia­li­té.

C’est pour­quoi l’on pour­ra défi­nir le dan­ger de l’association avec les Grandes Choses comme l’une des lois de la conser­va­tion de la matière intel­lec­tuelle, loi qui semble avoir une valeur assez géné­rale. Les pro­pos des per­son­na­li­tés haut pla­cées et de grande influence sont ordi­nai­re­ment plus creux que les nôtres. Les pen­sées qui sont en rela­tion par­ti­cu­liè­re­ment étroite avec des sujets par­ti­cu­liè­re­ment res­pec­tables sont telles ordi­nai­re­ment que, sans ce pri­vi­lège, elles pas­se­raient pour tout à fait arrié­rées. Nos devoirs les plus pré­cieux, la patrie, la paix, l’humanité, la ver­tu, et d’autres éga­le­ment pré­cieux, portent sur leur dos la plus médiocre flore intel­lec­tuelle. Voilà donc le monde ren­ver­sé ! Mais si l’on admet que le trai­te­ment d’un thème peut être d’autant plus insi­gni­fiant que le thème lui-même est plus char­gé de sens, l’ordre n’est-il pas réta­bli ?

Il se trouve seule­ment que cette loi, qui aide tant à l’intelligence de la vie intel­lec­tuelle euro­péenne, n’est pas tou­jours éga­le­ment visible. Dans les périodes de tran­si­tion d’un groupe de Grandes Choses à un autre, l’esprit qui cherche à se mettre à leur ser­vice peut même pas­ser pour révo­lu­tion­naire alors qu’il ne fait que chan­ger d’uniforme. On pou­vait déjà consta­ter une tran­si­tion de ce genre à l’époque où les per­son­nages dont il est ici ques­tion vivaient leurs sou­cis et leurs triomphes. Ainsi, par exemple, il y avait des livres (pour com­men­cer par un sujet qui impor­tait fort à Arnheim) qui, pour être tirés à de très nom­breux exem­plaires, n’en étaient pas moins encore loin d’être suf­fi­sam­ment res­pec­tés, bien que les temps eussent déjà com­men­cé où l’on ne res­pec­tait plus les livres qu’à par­tir d’un cer­tain tirage. On connais­sait déjà ces indus­tries influentes que sont le foot­ball et le ten­nis, mais on hési­tait encore à leur créer des chaires dans les Écoles poly­tech­niques. En fin de compte, que les pommes de terre aient été impor­tées d’Amérique, sup­pri­mant ain­si les famines pério­diques de l’Europe, par le regret­té fer­railleur et ami­ral sir Francis Drake ou par le non moins regret­té, fort culti­vé et non moins batailleur ami­ral Raleigh, que ç’ait été le fait d’anonymes sol­dats espa­gnols ou même du brave filou et mar­chand d’esclaves Hawkins… pen­dant long­temps, per­sonne n’aurait eu l’idée d’accorder à ces hommes, à cause des pommes de terre, plus d’importance que, met­tons, au phy­si­cien Al Schîrasî dont on disait seule­ment qu’il a don­né de l’arc-en-ciel une expli­ca­tion exacte. Avec la période bour­geoise, des modi­fi­ca­tions appa­rurent dans l’évaluation de ces mérites. Au temps d’Arnheim, cette évo­lu­tion était déjà très avan­cée, et seuls de vieux pré­ju­gés l’entravaient encore. La quan­ti­té de l’effet, et l’effet de la quan­ti­té, objet nou­veau et frap­pant du res­pect uni­ver­sel, devait encore lut­ter avec un res­pect aris­to­cra­tique, démo­dé et d’ailleurs décrois­sant, de la grande qua­li­té. Mais, dans le monde des notions, on avait déjà pu voir en décou­ler les com­pro­mis les plus insen­sés : en par­ti­cu­lier, la notion de grand esprit qui, telle que nous l’avons connue dans la der­nière géné­ra­tion, devait être une syn­thèse de l’importance per­son­nelle et de l’importance pommes-de-terre : on atten­dait un homme qui connût la soli­tude du génie et n’en fût pas moins com­pré­hen­sible à tous comme le ros­si­gnol.

Il était dif­fi­cile de pré­dire ce qu’il en advien­drait, parce qu’on ne recon­naît ordi­nai­re­ment le dan­ger de l’association avec les Grandes Choses que lorsque la Grandeur de ces Choses est déjà à demi détrô­née. Rien n’est plus aisé que de sou­rire de l’huissier qui, au nom de Sa Majesté, a trai­té avec condes­cen­dance les par­ties com­pa­rues ; mais si l’homme qui, au nom du Lendemain, traite avec res­pect l’Aujourd’hui, est un huis­sier ou non, on ne le sait d’ordinaire que le sur­len­de­main. Le dan­ger de l’association avec les Grandes Choses pré­sente cette par­ti­cu­la­ri­té désa­gréable que si les choses changent, le dan­ger, lui, demeure le même.

Es wäre schon läng­st eines Umstands zu erwäh­nen gewe­sen, der in ver­schie­de­nen Verbindungen ges­treift wor­den ist ; die Formel für ihn mag etwa lau­ten : Es gibt nichts, was dem Geist so gefähr­lich wäre wie seine Verbindung mit großen Dingen.

Ein Mensch wan­dert durch einen Wald, bes­teigt einen Berg und sieht die Welt unter sich aus­ge­brei­tet, betrach­tet sein Kind, das man ihm zum ers­ten­mal in die Arme legt, oder genießt das Glück, irgen­deine Lage ein­zu­neh­men, die all­ge­mein benei­det wird ; wir fra­gen : was mag dabei in ihm vor­ge­hen ? Sicher ist es, so kommt es ihm vor, sehr Vieles, Tiefes und Wichtiges ; nur hat er nicht die Geistesgegenwart, es sozu­sa­gen beim Wort zu neh­men. Das Bewundernswerte vor und außer ihm, das ihn wie ein magne­tisches Gehäuse ein­schließt, zieht seine Gedanken aus ihm heraus. Da ste­cken seine Blicke in tau­send Einzelheiten, aber ihm ist heim­lich zumute, als hätte er all seine Munition ver­schos­sen. Draußen über­zieht die durch­seelte, durch­sonnte, ver­tiefte oder große Stunde die Welt mit einem gal­va­ni­schen Silber bis in alle Blättchen und Äderchen ; an ihrem ande­ren, persön­li­chen Ende aber macht sich bald ein gewis­ser, inne­rer Stoffmangel merk­lich, es ents­teht dort sozu­sa­gen ein großes, leeres, rundes »O«. Dieser Zustand ist das klas­sische Symptom der Berührung mit allem Ewigen und Großen wie des Verweilens auf den Höhepunkten der Menschheit und Natur. Personen, welche die Gesellschaft großer Dinge bevor­zu­gen – und dazu gehö­ren vor­nehm­lich auch die großen Seelen, für die es übe­rhaupt keine klei­nen Dinge gibt, – wird unwillkür­lich das Innere zu einer aus­ge­dehn­ten Oberflächlichkeit heraus­ge­zo­gen.

Man könnte die Gefahr der Verbindung mit großen Dingen darum auch als ein Gesetz von der Erhaltung der geis­ti­gen Materie bezeich­nen, und es scheint ziem­lich all­ge­mein zu gel­ten. Die Reden hoch­ges­tell­ter, im Großen wir­ken­der Personen sind gewöhn­lich inhalts­lo­ser als unsere eige­nen. Gedanken, die in einer beson­ders nahen Beziehung zu beson­ders wür­di­gen Gegenständen ste­hen, sehen gewöhn­lich so aus, daß sie ohne diese Begünstigung für sehr zurück­ge­blie­ben gehal­ten wür­den. Die uns teuers­ten Aufgaben, die der Nation, des Friedens, der Menschheit, der Tugend und ähn­lich teuere tra­gen auf ihrem Rücken die billig­ste Geistesflora. Das wäre eine sehr ver­kehrte Welt ; aber wenn man annimmt, daß die Behandlung eines Themas des­to unbe­deu­ten­der sein darf, je bedeu­ten­der dieses Thema selbst ist, dann ist es eine Welt der Ordnung.

Allein, dieses Gesetz, das so viel zum Verständnis des europäi­schen Geisteslebens bei­zu­tra­gen ver­mag, liegt nicht immer gleich klar zu Tage, und in Zeiten des Übergangs von einer Gruppe großer Gegenstände zu einer neuen kann der den Dienst der großen Gegenstände suchende Geist sogar umstürz­le­risch aus­se­hen, obgleich er nur die Livree wech­selt. Ein sol­cher Übergang war schon damals zu bemer­ken, als die Menschen, von denen hier berich­tet wird, ihre Sorgen und Triumphe hat­ten. So gab es zum Beispiel schon Bücher, um mit einem Gegenstand zu begin­nen, an dem Arnheim beson­ders viel gele­gen war, die in sehr großen Auflagen ver­kauft wur­den, aber man erwies ihnen noch nicht den größ­ten Respekt, obgleich bereits großer Respekt nur Büchern von einer gewis­sen Auflagenhöhe aufwärts erwie­sen wurde. Es gab ein­fluß­reiche Industrien, wie die des Fußballspiels oder des Tennis, aber man zögerte noch, ihnen an den tech­ni­schen Hochschulen Lehrstühle auf­zus­tel­len. Alles in allem : ob nun der selige Raufbold und Admiral Drake sei­ner­zeit die Kartoffel aus Amerika ein­geführt hat, womit das Ende der regelmäßi­gen Hungersnöte in Europa begann, oder ob das der weni­ger selige, sehr gebil­dete und eben­so rau­flus­tige Admiral Raleigh getan hat oder ob es namen­lose spa­nische Soldaten gewe­sen sind oder gar der brave Gauner und Sklavenhändler Hawkins – lange Zeit ist es nie­mand ein­ge­fal­len, wegen der Kartoffeln diese Männer für bedeu­ten­der zu hal­ten als etwa den Physiker Al Schîrasî, von dem man nur weiß, daß er den Regenbogen rich­tig erklärt hat ; aber mit dem bür­ger­li­chen Zeitalter hatte eine Umwertung im Range sol­cher Leistungen begon­nen, und zur Zeit Arnheims war sie schon weit gedie­hen und wurde nur noch durch ältere Vorurteile gehemmt. Die Quantität der Wirkung und Wirkung der Quantität, als neuer, son­nenk­la­rer Gegenstand der Verehrung, kämpfte noch mit einer veral­ten­den und erblin­de­ten ade­li­gen Verehrung der großen Qualität, aber in der Vorstellungswelt waren schon die toll­sten Kompromisse daraus ents­tan­den, wie gleich die Vorstellung des großen Geistes selbst, die so, wie wir sie im letz­ten Menschenalter ken­nen gelernt haben, eine Synthese von eige­ner und Kartoffelbedeutung sein mußte, denn man war­tete auf einen Mann, der die Einsamkeit des Genies haben sollte, aber dabei doch die Gemeinverständlichkeit einer Nachtigall.

Es war schwer, vorher zu sagen, was auf diese Weise heraus­kom­men werde, da man die Gefahr der Verbindung mit großen Dingen gewöhn­lich erst durch­schaut, wenn die Größe die­ser Dinge schon halb vor­bei ist. Nichts ist ein­fa­cher, als über den Amtsdiener zu lächeln, der im Namen Sr. Majestät die erschie­ne­nen Parteien hera­blas­send behan­delt hat, aber ob der Mann, der im Namen des Morgen das Heute emporfüh­rend behan­delt, ein Amtsdiener ist oder nicht, das weiß man gewöhn­lich nicht, ehe über­mor­gen ist. Die Gefahr der Verbindung mit großen Dingen hat die sehr unan­ge­nehme Eigenschaft, daß die Dinge wech­seln, aber die Gefahr immer gleich bleibt.

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chap. 88  : « De l’association avec les Grandes Choses »
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trad.  Philippe Jaccottet
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p. 501–503

Derrière chaque chose et chaque créa­ture, quand elles vou­draient se rap­pro­cher vrai­ment d’une autre, il y a un élas­tique qui se tend. Sinon, les choses pour­raient bien finir par s’embrouiller un peu trop. Et il y a dans chaque geste un élas­tique qui vous empêche de faire plei­ne­ment ce qu’on vou­drait. Maintenant, tout à coup, il n’y avait plus d’élastique.

Hinter jedem Ding oder Geschöpf, wenn es einem ande­ren ganz nah kom­men möchte, ist ein Gummiband, das sich spannt. Sonst könn­ten ja auch am Ende die Dinge dur­chei­nan­der hin­durch­ge­hen. Und in jeder Bewegung ist ein Gummiband, das einen nie ganz das tun läßt, was man möchte. Diese Gummibänder waren nun mit einem­mal fort.

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chap. 87  : « Moosbrugger danse »
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trad.  Philippe Jaccottet
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p. 496

On tire les évé­ne­ments à soi et en même temps on les déve­loppe, on se veut soi-même, mais on ne veut pas être l’épicier de soi-même !

Man zieht die Erlebnisse an sich und brei­tet sie im glei­chen Zug wie­der aus, man will sich, aber man will sich doch nicht als Krämer sei­ner selbst !

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chap. 84  : « Où l’on pré­tend que la vie ordi­naire elle-même est d’ordre uto­pique »
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trad.  Philippe Jaccottet
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p. 460

Quelle drôle d’histoire que l’Histoire ! On pou­vait affir­mer avec cer­ti­tude de tel ou tel évé­ne­ment qu’il avait trou­vé, ou trou­ve­rait cer­tai­ne­ment sa place en elle ; mais que cet évé­ne­ment eût véri­ta­ble­ment eu lieu, cela n’était pas sûr. Car, pour qu’un évé­ne­ment ait lieu, il faut bien aus­si qu’il ait lieu dans une année pré­cise et non pas dans une autre ou pas du tout ; et il faut encore que ce soit bien lui qui ait lieu, et non pas un évé­ne­ment ana­logue ou tout à fait iden­tique.

Welche son­der­bare Angelegenheit ist doch Geschichte ! Es ließ sich mit Sicherheit von dem und jenem Geschehnis behaup­ten, daß es sei­nen Platz in ihr inz­wi­schen schon gefun­den hatte oder bes­timmt noch fin­den werde ; aber ob dieses Geschehnis übe­rhaupt statt­ge­fun­den hatte, das war nicht sicher. Denn zum Stattfinden gehört doch auch, daß etwas in einem bes­timm­ten Jahr und nicht in einem ande­ren oder gar nicht statt­fin­det ; und es gehört dazu, daß es selbst statt­fin­det und nicht am Ende bloß etwas Ähnliches oder sei­nes­glei­chen.

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chap. 83  : « Toujours la même his­toire, ou : Pourquoi n’invente-t-on pas l’Histoire ? »
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trad.  Philippe Jaccottet
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p. 452

« Tu vou­drais vivre confor­mé­ment à ton idée, com­men­ça-t-il, et tu vou­drais savoir com­ment cela serait pos­sible. Mais une idée est ce qu’il y a de plus para­doxal au monde. La chair s’unit aux idées tel un fétiche. Qu’une idée s’attache à la chair, tout devient magie. Une simple gifle, par l’intermédiaire de l’idée d’honneur, de châ­ti­ment ou de toute autre idée ana­logue, peut deve­nir mor­telle. Pourtant, les idées ne peuvent jamais se main­te­nir dans l’état où elles ont le plus de force ; elles res­semblent à ces sub­stances qui, dès qu’elles entrent en contact avec l’air, se trans­forment en une autre sub­stance, durable certes, mais cor­rom­pue. Tu en as sou­vent fait l’expérience. Car tu deviens toi-même idée, dans cer­tains cas par­ti­cu­liers. Quelque chose, on ne sait quoi, te souffle contre ; comme quand la vibra­tion de la corde pro­duit sou­dain une note ; il y a devant toi comme un mirage ; la confu­sion de ton âme s’est faite inter­mi­nable cara­vane, et toutes les beau­tés du monde paraissent défi­ler au bord de ta route. Tel est sou­vent l’effet d’une simple idée. Quelque temps après, cette idée com­mence à res­sem­bler à toutes les autres idées que tu as déjà eues, elle se subor­donne à elles, devient un élé­ment de tes concep­tions et de ton carac­tère, de tes prin­cipes ou de tes humeurs, elle a per­du ses ailes et gagné une mys­té­rieuse soli­di­té. »

»Du möch­test nach dei­ner Idee leben« hatte er begon­nen »und möch­test wis­sen, wie man das kann. Aber eine Idee, das ist das Paradoxeste von der Welt. Das Fleisch ver­bin­det sich mit Ideen wie ein Fetisch. Es wird zau­be­rhaft, wenn eine Idee dabei ist. Eine gemeine Ohrfeige kann durch die Idee von Ehre, Strafe und der­glei­chen töd­lich wer­den. Und doch kön­nen sich Ideen nie­mals in dem Zustand, wo sie am stärks­ten sind, erhal­ten ; sie glei­chen jenen Stoffen, die sich sofort an der Luft in eine daue­rhaf­tere andere, aber ver­dor­bene Form umset­zen. Das hast du oft mit­ge­macht. Denn eine Idee : das bist du ; in einem bes­timm­ten Zustand. Irgendetwas haucht dich an ; wie wenn in das Rauschen von Saiten plötz­lich ein Ton kommt ; es steht etwas vor dir wie eine Luftspiegelung ; aus dem Gewirr dei­ner Seele hat sich ein unend­li­cher Zug geformt, und alle Schönheiten der Welt schei­nen an sei­nem Wege zu stehn. Das bewirkt oft eine ein­zige Idee. Aber nach einer Weile wird sie allen ande­ren Ideen, die du schon gehabt hast, ähn­lich, sie ord­net sich ihnen unter, sie wird ein Teil dei­ner Anschauungen und deines Charakters, dei­ner Grundsätze oder dei­ner Stimmungen, sie hat die Flügel ver­lo­ren und eine geheim­nis­lose Festigkeit ange­nom­men.«

 

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chap. 82  : « Clarisse réclame une « Année Ulrich » »
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trad.  Philippe Jaccottet
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p. 445

Cet idéa­lisme n’avait rien de concret, parce que l’idée de concret est liée à celle de métier, et que les métiers sont tou­jours mal­propres ; il évo­quait plu­tôt la pein­ture de fleurs que pra­ti­quaient les archi­du­chesses parce que tout autre sujet eût été incon­ve­nant. Ce qui le carac­té­ri­sait le mieux était l’idée de culture : il se jugeait pro­fon­dé­ment culti­vé. On pou­vait encore le qua­li­fier d’harmonieux, parce qu’il avait toute dis­so­nance en hor­reur et don­nait pour tâche à l’éducation d’harmoniser les gros­sières contra­dic­tions qui règnent, mal­heu­reu­se­ment, dans le monde. En un mot, peut-être n’était-il pas si dif­fé­rent de ce que l’on entend aujourd’hui encore (mais seule­ment, il est vrai, là où l’on reste atta­ché à la grande tra­di­tion bour­geoise) sous le nom d’idéalisme : sen­ti­ment bien propre et bien hon­nête, qui fait une dis­tinc­tion très nette entre ce qui est digne et ce qui n’est pas digne de lui, et se refuse, pour des rai­sons d’humanité supé­rieure, à croire avec les saints (et les méde­cins et ingé­nieurs aus­si bien), qu’il y ait jusque dans les déchets moraux de célestes calo­ries inex­ploi­tées.

Er war nicht sachlich, die­ser Idealismus, weil Sachlichkeit hand­werksmäßig und Handwerk immer unsau­ber ist ; er hatte viel­mehr etwas von der Blumenmalerei von Erzherzoginnen, denen andere Modelle als Blumen unan­ge­mes­sen waren, und ganz bezeich­nend für die­sen Idealismus war der Begriff Kultur, er fühlte sich kul­tur­voll. Man konnte ihn aber auch har­mo­nisch nen­nen, weil er alle Unausgeglichenheit verab­scheute und die Aufgabe der Bildung darin sah, die lei­der in der Welt vorhan­de­nen rohen Gegensätze in Harmonie mitei­nan­der zu brin­gen ; mit einem Wort, er war viel­leicht gar nicht so sehr ver­schie­den von dem, was man noch heute – aller­dings nur dort, wo man an der großen bür­ger­li­chen Überlieferung fes­thält, – unter einem gedie­ge­nen und sau­be­ren Idealismus vers­teht, der ja sehr zwi­schen Gegenständen unter­schei­det, die sei­ner wür­dig, und sol­chen, die es nicht sind, und aus Gründen der höhe­ren Humanität kei­nes­wegs an die Überzeugung der Heiligen (und der Ärzte und Ingenieure) glaubt, daß auch in den mora­li­schen Abfällen unaus­genützte himm­lische Heizkraft stecke.

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t. 1
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chap. 78  : « Métamorphose de Diotime »
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trad.  Philippe Jaccottet
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Hors les nés-coif­fés et les éter­nels mal­chan­ceux, les hommes vivent tous éga­le­ment mal, mais à des étages dif­fé­rents. Pour l’homme d’aujourd’hui, qui n’a géné­ra­le­ment que peu d’échappées sur le sens de sa vie, ce sen­ti­ment de l’étage est une conso­la­tion extrê­me­ment appré­ciable. Dans cer­tains cas gran­dioses, il peut deve­nir une véri­table ivresse d’altitude et de puis­sance, de même qu’il y a des gens qui attrapent le ver­tige au der­nier étage d’une mai­son, bien qu’ils se sachent au milieu de la pièce et toutes fenêtres fer­mées. Quand Diotime son­geait qu’un des hommes les plus influents d’Europe tra­vaillait avec elle à por­ter l’Esprit dans les sphères du Pouvoir, quand elle consi­dé­rait com­ment ils avaient été réunis par une véri­table inter­ven­tion du des­tin, enfin tout ce qui se pas­sait, même si au der­nier étage de la grande entre­prise huma­ni­taire aus­tro-mon­diale, rien de par­ti­cu­lier ne s’était pro­duit ce jour-là : quand elle son­geait ain­si, ses asso­cia­tions d’idées sem­blaient des nœuds deve­nus nœuds cou­lants, sa vitesse de réflexion aug­men­tait, le cours en était faci­li­té, un étrange sen­ti­ment de réus­site et de bon­heur accom­pa­gnait ses ins­pi­ra­tions, un afflux géné­ral de pen­sées lui valait des lumières qui l’étonnaient elle-même.

Von den Unglücksvögeln und Glückspilzen abge­se­hen, leben alle Menschen gleich schlecht, aber sie leben es in ver­schie­de­nen Etagen. Diese Selbstgefühlslage der Etage ist für den Menschen heute, der ja im all­ge­mei­nen wenig Ausblick auf den Sinn seines Lebens hat, ein übe­raus ans­tre­bens­wer­ter Ersatz. In großen Fällen kann sie sich zu einem Höhen- und Machtrausch stei­gern, so wie es Leute gibt, die in einem hohen Stockwerk schwind­lig wer­den, auch wenn sie sich bei ges­chlos­se­nen Fenstern in der Zimmermitte ste­hen wis­sen. Wenn Diotima bedachte, daß einer der ein­fluß­reichs­ten Männer Europas gemein­sam mit ihr daran arbeite, Geist in Machtsphären zu tra­gen, und wie sie beide gera­de­zu durch Fügung des Schicksals zusam­men­geführt wor­den seien und was vor sich ging, auch wenn in dem hohen Stockwerk eines weltös­ter­rei­chi­schen Menschheitswerks an die­sem Tag gerade nichts Besonderes vor­ging : wenn sie das bedachte, so gli­chen die Verknüpfungen ihrer Gedanken als­bald Knoten, die sich zu Schlingen auf­gelöst haben, die Denkgeschwindigkeit nahm zu, der Ablauf war erleich­tert, ein eigentüm­liches Gefühl des Glücks und Gelingens beglei­tete ihre Einfälle, und ein Zustand des Zuströmens brachte ihr Einsichten, die sie selbst über­ra­sch­ten.

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t. 1
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chap. 78  : « Métamorphose de Diotime »
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trad.  Philippe Jaccottet
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p. 414–415