(par­tant d’un tableau de Wafte Midani) 
Sur champ de sang, comme du fond de l’im­mé­mo­rial, les cava­liers enva­hissent l’es­pace. Méthodiquement. Ont déjà enva­hi l’es­pace. Immobiles. En occu­pant déjà comme d’un pays conquis les lignes stra­té­giques, de dis­tance en dis­tance. Verticales, hori­zon­tales, dia­go­nales. Comme si l’in­va­sion s’é­tait jouée bien avant que le regard la constate, selon la struc­ture même de l’é­ten­due.
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« Stratégies du visuel »
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Change n° 26
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En toute rigueur, le but du poète ne sau­rait être d’a­dop­ter un ton ven­geur ni un ton plai­sant. Le pre­mier est trop sérieux pour ce jeu que doit tou­jours être la poé­sie ; le second est trop fri­vole pour le sérieux qui doit fon­der tout jeu poé­tique.

Streng genom­men ver­trägt zwar der Zweck des Dichters weder den Ton der Strafe noch den der Belustigung. Jener ist zu ernst für das Spiel, was die Poesie immer sein soll ; die­ser ist zu fri­vol für den Ernst, der allem poe­ti­schen Spiel zugrunde lie­gen soll.

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« Les poètes sen­ti­men­taux » De la poé­sie naïve et sen­ti­men­tale [1795]
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trad.  Sylvain Fort
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p. 42

La nature a accor­dé au poète naïf la faveur d’a­gir tou­jours comme une uni­té indi­vi­sible, d’être à tout ins­tant un tout indé­pen­dant et par­fait et de repré­sen­ter au sein du monde réel l’hu­ma­ni­té dans sa plus haute valeur. De l’autre côté, elle a don­né au poète sen­ti­men­tal la force, ou plus exac­te­ment elle a impri­mé en lui l’ins­tinct vivace de recons­ti­tuer par lui-même m’u­ni­té qui lui a été ôtée par l’abs­trac­tion, de com­plé­ter en lui l’hu­ma­ni­té, et de s’é­le­ver d’un état limi­té à un état illi­mi­té.

Dem nai­ven Dichter hat die Natur die Gunst erzeigt, immer als eine unge­teilte Einheit zu wir­ken, in jedem Moment ein selbstän­diges und vol­len­detes Ganze zu sein und die Menschheit, ihrem vol­len Gehalt nach, in der Wirklichkeit dar­zus­tel­len. Dem sen­ti­men­ta­li­schen hat sie die Macht ver­lie­hen oder viel­mehr einen leben­di­gen Trieb ein­ge­prägt, jene Einheit, die durch Abstraktion in ihm auf­ge­ho­ben wor­den, aus sich selbst wie­der her­zus­tel­len, die Menschheit in sich voll­stän­dig zu machen und aus einem bes­chränk­ten Zustand zu einem unend­li­chen über­zu­ge­hen.

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« Les poètes sen­ti­men­taux » De la poé­sie naïve et sen­ti­men­tale [1795]
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trad.  Sylvain Fort
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p. 78

Je dois rap­pe­ler une fois encore que la satire, l’é­lé­gie et l’i­dylle, que je consi­dère ici comme les trois seules caté­go­ries pos­sibles de poé­sie sen­ti­men­tale, n’ont rien de com­mun avec les trois formes par­ti­cu­lières de poé­sie que l’on connaît ordi­nai­re­ment sous ce nom, mais ne désigne qu’une manière de sen­tir, propre à celles-là et à celles-ci. Quant à mon­trer que, hors du champ de la poé­sie naïve, il ne peut y avoir que ces trois manières de sen­tir et ces trois sortes de poé­sie, que donc cette divi­sion couvre tout le champ de la poé­sie sen­ti­men­tale, c’est ce qui peut se déduire de la défi­ni­tion que nous avons don­née.

En effet, la poé­sie sen­ti­men­tale se dis­tingue de la poé­sie naïve en ce qu’au lieu de s’ar­rê­ter à l’é­tat réel comme celle-ci, elle le met en rap­port avec l’i­déal, et applique l’i­déal à la réa­li­té. Elle a donc tou­jours affaire simul­ta­né­ment, comme on l’a remar­qué plus haut, à deux objets rivaux, à savoir à l’i­déal et à l’ex­pé­rience, avec les­quels elle ne peut entre­te­nir ni plus ni moins que trois types de rela­tion. Ou bien nous sommes frap­pés par la contra­dic­tion entre idéal et réa­li­té ; ou bien nous sommes frap­pés par leur accord ; ou bien nous sommes par­ta­gés entre les deux.

Nochmals muß ich erin­nern, daß die Satyre, Elegie und Idylle, so wie sie hier als die drey ein­zig mögli­chen Arten sen­ti­men­ta­li­scher Poesie auf­ges­tellt wer­den, mit den drey beson­dern Gedichtarten, welche man unter die­sem Nahmen kennt, nichts gemein haben, als die Empfindungsweise, welche sowohl jenen als die­sen eigen ist. Daß es aber, aus­se­rhalb den Grenzen nai­ver Dichtung, nur diese drey­fache Empfindungsweise und Dichtungsweise geben könne, fol­glich das Feld sen­ti­men­ta­li­scher Poesie durch diese Eintheilung voll­stän­dig aus­ge­mes­sen sey, läßt sich aus dem Begriff der letz­tern leicht­lich dedu­cie­ren. Die sen­ti­men­ta­lische Dichtung nehm­lich unter­schei­det sich dadurch von der nai­ven, daß sie den wirk­li­chen Zustand, bey dem die letz­tere ste­hen bleibt auf Ideen bezieht, und Ideen auf die Wirklichkeit anwen­det. Sie hat es daher immer, wie auch schon oben bemerkt wor­den ist ; mit zwey strei­ten­den Objekten, mit dem Ideale nehm­lich und mit der Erfahrung, zugleich zu thun, zwi­schen wel­chen sich weder mehr noch weni­ger als gerade die drey fol­gen­den Verhältnisse den­ken las­sen. Entweder ist es der Widerspruch des wirk­li­chen Zustandes oder es ist die Uebereinstimmung des­sel­ben mit dem Ideal, welche vor­zug­sweise das Gemüth bes­chäf­tigt ; oder dieses ist zwi­schen bey­den getheilt.

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« Les poètes sen­ti­men­taux » De la poé­sie naïve et sen­ti­men­tale [1795]
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trad.  Sylvain Fort
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p. 69–70

Interroge-toi bien, lorsque dégoû­té des arti­fices et des abus de la socié­té tu te sens, dans ta soli­tude, atti­ré par la nature inani­mée : est-ce que ce sont leurs bri­gan­dages, leur impor­tu­ni­té, leur désa­gré­ment, ou bien est-ce leur anar­chie morale, leur arbi­traire, leurs désordres qui te répugnent en eux ? Dans les pre­miers, ton cou­rage doit se plon­ger avec joie et ta récom­pense doit être la liber­té même que tu en tires. Certes, tu peux tou­jours te fixer le bon­heur natu­rel comme hori­zon loin­tain, mais vise seule­ment le bon­heur dont tu es digne. […] Veille à agir pro­pre­ment dans cette flé­tris­sure, libre­ment dans ce ser­vage, régu­liè­re­ment dans ces caprices, léga­le­ment dans cette anar­chie. Ne crains pas les désordres hors de toi, mais les désordres en toi ; vise à l’unité, mais ne la cherche pas dans l’uniformité ; vise à la tran­quilli­té dans l’équilibre et non en sus­pen­dant toute action. Cette nature, que tu envies à ce qui est dépour­vu de rai­son, ne mérite pas qu’on l’estime ni qu’on la désire. Elle est der­rière toi, elle doit y res­ter.

Frage dich also wohl, emp­find­sa­mer Freund der Natur, ob deine Trägheit nach ihrer Ruhe, ob deine belei­digte Sittlichkeit nach ihrer Übereinstimmung schmach­tet ? Frage dich wohl, wenn die Kunst dich ane­kelt, und die Missbräuche in der Gesellschaft dich zu der leblo­sen Natur in die Einsamkeit trei­ben, ob es ihre Beraubungen, ihre Lasten, ihre Mühseligkeiten, oder, ob es ihre mora­lische Anarchie, ihre Willkür, ihre Unordnungen sind, die du an ihr verab­scheust ? In jene muss dein Mut sich mit Freuden stür­zen, und dein Ersatz muss die Freiheit selbst sein, aus der sie fließen. Wohl darf­st du dir das ruhige Naturglück zum Ziel in der Ferne auf­ste­cken, aber nur jenes, welches der Preis dei­ner Würdigkeit ist. […] Sorge viel­mehr dafür, dass du selbst unter jenen Befleckungen rein, unter jener Knechtschaft frei, unter jenem lau­ni­schen Wechsel bestän­dig, unter jener Anarchie gesetzmäßig han­del­st. Fürchte dich nicht vor der Verwirrung außer dir, aber vor der Verwirrung in dir ; strebe nach Einheit, aber suche sie nicht in der Einförmigkeit ; strebe nach Ruhe, aber durch das Gleichgewicht, nicht durch den Stillstand dei­ner Tätigkeit. Jene Natur, die du dem Vernunftlosen benei­dest, ist kei­ner Achtung, kei­ner Sehnsucht wert. Sie liegt hin­ter dir, sie muss ewig hin­ter dir lie­gen.
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De la poé­sie naïve et sen­ti­men­tale [Über die naive und sen­ti­men­ta­lische Dichtung, 1796]
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p. 24–25

Le but n’est pas de redon­ner ses lettres de noblesse à l’é­cri­ture, mais de les lui enle­ver, de la sous­traire aux cri­tères qui com­mandent, d’au­tant mieux qu’ils res­tent impli­cites, sa crtique et sa pro­duc­tion : Produits Industriels de Fiction ou Artisanat Local de Poésie.
Objets ver­baux non iden­ti­fiés
Dans un fic­tif pre­mier temps, pour essayer d’é­chap­per à cette fausse alter­na­tive, on a inté­rêt à se fabri­quer des objets. Il faut que quelque chose arrête, que quelque chose objecte. Des objets-freins. Plutôt que d’un appel du vide (dont il n’y a rien à dire à moins de ver­ser dans une pénible mys­tique de l’é­cri­trure), par­tir d’un rejet du plein et du dis­po­nible. On n’é­crit pas avec du don­né ou des don­nées. La matière, la chose même trou­vée telle quelle, le cru est un mythe. On l’é­voque soit par van­tar­dise, soit à des fins d’in­ti­mi­da­tion. Ce dont la fic­tion a besoin, c’est un maté­riau de construc­tion spé­ci­fique : des boules de sen­sa­tions-pen­sées-formes. Des cal­culs, des nids d’hi­ron­delles. On peut les appe­ler Objets, parce qu’ils sont manu­fac­tu­rés, et qu’ils doivent pour ser­vir être tous de niveau. Pâte dur­cie en briques et bois taillé en pions, homo­thé­tiques et agen­çables. Non seule­ment ils réul­stent déjà d’un tra­vail, mais ils ne seront que des che­villes ouvrières tran­si­toires, peu visibles. Car leur nature n’est rien d’autre que leur fonc­tion, et seule la fan­tai­sie donne corps pro­vi­soire à ces ins­tru­ments de fic­tion.
À quoi res­semblent-ils ? Leur pre­mière carac­té­ris­tique, c’est d’être nés dans le chaos, “un amal­game : très hété­ro­gènes, très tas­sés. Plus que des contours lisses et fami­liers, ces agglu­ti­na­tions, sen­sibles-affec­tives-lan­ga­gières, sont des sortes de monstres. Monstres de fidé­li­té, des Objets ver­baux non iden­ti­fiés. Fidèles à la matière hété­ro­gène qui les rem­plit, fidèles à la cir­cons­tance, à l’ac­ci­dent de leur nais­sance. « Limonade, tout était si infi­ni » : on se retrouve avec des pro­fils fuyants qui attendent qu’on les élise. Ou, lors­qu’on fait entrer de brefs sou­ve­nirs d’en­fance sans les diluer dans la fausse linéa­ri­té d’un mémoire, ils cassent la porte comme des bou­lets. Ils sont à la fois com­pac­tés, ambal­lés, et refer­més sur soi, autar­ciques. Plutôt que des créac­tions, ces Objets sont des cap­tures. On les recon­naît à un choc. Si l’on s’y arrête, on pour­rait croire que l’on a affaire au réel – sin­gu­la­ri­té kid­nap­pée, mou­ve­ment gelé, métal fon­du répan­du dur­ci. Formes-conte­nus fra­giles incom­modes.
On en voit déjà les traces dans les marges des Lagarde et Michard. Pseudo-per­son­nages construits autour d’un noyau com­po­site, monstres résul­tant de la greffe de membres dépa­reillés. Charlus n’est pas tant une aber­ra­tion psy­cho­lo­gique qu’un corps cou­su de fils appa­rents, un lit­té­ral homme à clés, un fils de Frankenstein. Molloy n’est pas tant un carac­tère (« le déses­pé­ré ») que le résul­tat d’une opé­ra­tion, addic­tion ou sous­trac­tion, en tout cas muti­lante = le Molloy de Gaber + plus le Molloy de Youdi – Mollose. On peut aus­si les aper­ce­voir dans les lacunes de la glose poé­tique. Images dont la force est de conser­ver leur hété­ro­gé­néi­té, leur bizar­re­rie mné­mo­tech­nique, leur archaïsme en réduc­tion (voir la taxi­no­mie de Valère Novarina). L’Hortense de Roubaud ver­sion lit­té­rale, non encore lit­té­raire.

Les Objets peuvent aus­si bien être des trou­vailles que des lieux com­muns, aus­si bien des agglo­mé­rats inédits que des bouts sur­co­dés, aus­si bien une bizar­re­rie ou un acci­dent syn­taxique qu’une phrase morte qu’on exhume.
Cette der­nière varié­té, sans sin­gu­la­ri­té appa­rente, oblige à anti­ci­per briè­ve­ment sur les méthodes en ques­tion. Qu’est-ce qui dis­tingue un lieu com­mun trans­for­mé en Objet d’un simple pon­cif ? Un sté­réo­type vir­tuel d’un sté­réo­type épui­sé ? Un rea­dy-made de son conte­nu maté­riel ? Comme la méthode du rea­dy-made consiste à faire une chose sin­gu­lière avec un pro­duit de série tout en conju­rant le fan­tôme de l’o­ri­gine, la méthode du cut-up consiste à don­ner une seconde vie, juste en les dépla­çant, à des membres de texte déjà nécro­sés. La grande dif­fé­rence, entre le sté­réo­type lit­té­raire navrant et l’u­sage libre des sté­réo­types, réside dans la lit­té­ra­li­té – ça va sans dire. On peut croire décou­vrir des Objets non iden­ti­fiés et refor­mu­ler des pon­cifs impli­cites : on retombe alors dans ses repré­sen­ta­tions au pas­sé dépas­sé. On peut au contrait pré­le­ver des cli­chés tels quels, et les trai­ter comme des séquences de signes lit­té­rales : Objets libres.

Un sophis­ma est une pro­po­si­tion qui met en jeu cer­taines carac­té­ris­tiques d’un (ou plu­sieurs) syncatégorème(s) donné(s). Le jeu consiste à dis­tin­guer dif­fé­rents sens à cette pro­po­si­tion, déter­mi­ner pour cha­cun d’entre eux sa valeur de véri­té et, sur­tout, la mesure dans laquelle il peut être jus­ti­fié par une action syn­ca­té­go­ré­ma­tique. En prin­cipe, donc, chaque sophis­ma – ou chaque famille de sophis­ma­ta – est une occa­sion d’évaluer une situa­tion séman­tique impli­quant le fonc­tion­ne­ment de cer­tains mots du lan­gage. La lit­té­ra­ture des sophis­ma­ta, c’est la ligne de front, le lieu où l’analyse logique ren­contre les phé­no­mènes séman­tiques. Si la pru­dence invite à ne pas convo­quer hâti­ve­ment l’idée de séman­tique (for­melle) du lan­gage natu­rel, il convient néan­moins de recon­naître les ambi­tions des­crip­tives de l’approche médié­vale : on recense plus de mille sophis­ma­ta dif­fé­rents, répar­tis en quelques trois mille occur­rences et repré­sen­tant une impres­sion­nante gamme de pro­blèmes. Or, selon le constat des tenants de la phi­lo­so­phie du lan­gage ordi­naire, cher­cher à inté­grer le plus de phé­no­mènes pos­sibles peut – doit ? – conduire à s’interroger sur les limites d’une ana­lyse logique, sur l’intérêt d’intégrer des cri­tères prag­ma­tiques. Si donc il y a au XIIIe siècle une fron­tière claire entre séman­tique et prag­ma­tique, si cer­tains veulent la repous­ser ou y ouvrir des pas­sages, c’est là que les choses devraient se pas­ser.

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« Dire et vou­loir dire dans la logique médié­vale : Quelques jalons pour situer une fron­tière »
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Methodos n° 14
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La théo­rie de la sup­po­si­tion, dans la ver­sion déve­lop­pée au XIIIe siècle, est avant tout concer­née par les caté­go­rèmes – et par les effets de quelques syn­ca­té­go­rèmes triés sur le volet, comme les quan­ti­fieurs. Elle ne repré­sente tou­te­fois qu’une par­tie de l’édifice séman­tique : son socle, pour l’essentiel, qu’une séman­tique des syn­ca­té­go­rèmes com­plète et pré­sup­pose par ailleurs. Dotée d’un espace lit­té­raire propre, cette séman­tique se déploie dans l’un des réseaux théo­riques les plus riches, les plus sophis­ti­qués et des moins connus du Moyen Âge phi­lo­so­phique, un réseau de concepts et d’arguments dia­lec­ti­que­ment déve­lop­pés dans l’analyse des sophis­ma­ta. Les dis­cus­sions aux­quelles ces der­niers don­naient lieu étaient au cœur de l’activité uni­ver­si­taire : elles étaient la façon de faire de la phi­lo­so­phie du lan­gage, d’analyser des énon­cés – une façon inten­sé­ment dia­lec­tique et, par­fois, fan­tas­ti­que­ment com­pli­quée.

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« Dire et vou­loir dire dans la logique médié­vale : Quelques jalons pour situer une fron­tière »
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Methodos n° 14
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La sup­po­si­tio est l’élément-clé de ce dis­po­si­tif. Elle four­nit trois types d’informations : le « mode de sup­po­ser » indique 1) la nature du sup­po­si­tum ou des sup­po­si­ta (les ‘réfé­rents’ d’un sub­stan­tif don­né peuvent être des choses, le concept sous lequel elles tombent, le sub­stan­tif lui-même) et, 2) à l’intérieur de la dési­gna­tion de choses, le type de quan­ti­fi­ca­tion (exis­ten­tielle, uni­ver­selle et ses varia­tions) ; 3) les concepts d’ampliatio et de res­tric­tio se chargent eux du cal­cul du volume des sup­po­si­ta. Au XIVe siècle, et dans une bien moindre mesure au XIIIe, la dis­tinc­tion entre modi sup­po­nen­di per­met à la théo­rie d’aborder d’emblée la ques­tion des sens impropres pour mieux les écar­ter de son che­min : chez des auteurs comme Guillaume d’Ockham et Gauthier Burley, ou encore, plus tard et à Paris, Jean Buridan, on com­mence par dis­tin­guer entre sup­po­si­tions propre et impropre. Cette der­nière est celle des figures de style, des signi­fi­ca­tions ‘trans­la­tées’ que nous avons croi­sées un peu plus haut, qui peuvent éven­tuel­le­ment être caté­go­ri­sées de manière plus détaillée mais qui, au final, ne sont pas du res­sort de la théo­rie. Cela confirme, si besoin était, que le sens propre, non trans­la­té, consti­tue le ter­ri­toire du para­digme théo­rique qui nous inté­resse ici.

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« Dire et vou­loir dire dans la logique médié­vale : Quelques jalons pour situer une fron­tière »
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Methodos n° 14
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Lambert Marie de Rijk a décrit le XIIe siècle logi­co-séman­tique comme le moment où émergent et se déve­loppent des approches « contex­tuelles » du lan­gage, en ce sens que les ana­lyses s’intéressent de manière crois­sante au rap­port entre les varia­tions de valeurs de véri­té des énon­cés et leur com­po­si­tion – le contexte est ici intra­lin­guis­tique. Au tour­nant du XIIIe siècle naît la « théo­rie de la sup­po­si­tion », à savoir, pour une part au moins, une approche sys­té­ma­tique des condi­tions de véri­té des pro­po­si­tions à par­tir des pro­prié­tés intrin­sèques attri­buées aux termes : type de quan­ti­fi­ca­tion, temps du verbe, moda­li­tés alé­thiques, res­tric­tion adjec­ti­vale, etc.

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« Dire et vou­loir dire dans la logique médié­vale : Quelques jalons pour situer une fron­tière »
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Methodos n° 14
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