Il n’y a pas lieu pour autant de se com­plaire à faire ici la liste des modes par les­quels, au cœur même des liens les plus pré­cieux, peut s’insinuer la jouis­sance prise à faire déchoir l’autre, cette jouis­sance maligne […] qui ali­mente les dis­putes, les décep­tions tacites, les insultes rava­lées, les regards de haine. Jouissance elle-même exa­cer­bée par les formes contem­po­raines de l’« hyper-réflexi­vi­té » : nous dis­po­sons tous de bribes de savoir sur ce que sont les « déter­mi­nismes » psy­chiques ou sociaux pour croire y voir clair dans ce que sont les stra­té­gies des autres, conscientes ou incons­cientes. Autrement dit, nous en savons juste assez pour que nos savoirs puissent don­ner lieu à ce que les socio­logues décrivent dans les termes du phé­no­mène de « récur­si­vi­té » : cha­cun se pro­jette non seule­ment dans ce que pense l’autre, mais dans ce qu’il pense de ce que pense le pre­mier, qui en retour doit prendre en compte cette pen­sée sup­po­sée dans sa manière d’être, etc. On pour­rait dire que les rela­tions livrées à elle-même entraînent une forme d’hystérisation de la récur­si­vi­té : non seule­ment cha­cun se sent pris dans le déjà dit, le déjà joué, mais c’est aus­si cela qu’il ne peut s’empêcher d’observer chez l’autre, et c’est encore cela qu’il sait être obser­vé chez lui.

Cette hys­té­ri­sa­tion n’a pas pour résul­tat de rendre l’autre trans­pa­rent. C’est au contraire cette trans­pa­rence sup­po­sée qui contri­bue à le rendre défi­ni­ti­ve­ment opaque – comme si la pro­fu­sion d’interprétations pos­sibles sécré­tait une sorte d’écran qui rend les rai­sons d’agir de l’autre tou­jours plus incom­pré­hen­sibles. Autrement dit, si l’Autre ne peut être désor­mais que l’autre réel, alors ce der­nier semble se voir condam­né à exhi­ber la figure d’un Autre plus indé­chif­frable que jamais […], car c’est une obs­cu­ri­té qui pro­cède d’une sorte de sur-trans­pa­rence supposée.

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« Notre part de violence »
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Grumeaux
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La véri­table dif­fi­cul­té de la vie d’un Grand-écri­vain tient au fait que, si l’on peut, dans la vie intel­lec­tuelle, agir en com­mer­çant, une vieille tra­di­tion nous oblige encore à y par­ler en idéa­liste. Cette asso­cia­tion du com­merce et de l’idéalisme occu­pait dans les efforts d’Arnheim une place privilégiée.

De nos jours, on trouve de ces asso­cia­tions inac­tuelles un peu par­tout. Quand les morts, par exemple, sont conduits au cime­tière au trot des che­vaux-vapeur, on ne renonce pas pour autant, dans un beau convoi, à poser sur le toit de la voi­ture un casque avec deux épées en croix. Il en va de même dans tous les domaines : l’évolution de l’humanité est un cor­tège qui s’étire inter­mi­na­ble­ment, et de même que l’on ornait encore les lettres d’affaires d’il y a envi­ron deux géné­ra­tions, de toutes les fleurs bleues de la rhé­to­rique, on pour­rait, aujourd’hui, expri­mer toutes les rela­tions intel­lec­tuelles, de l’amour à la logique pure, dans le lan­gage de l’offre et de la demande, de l’escompte et de la pro­vi­sion, au moins aus­si bien qu’on le fait en termes psy­cho­lo­giques ou reli­gieux ; mais on ne le fait pas. La rai­son en est que ce nou­veau lan­gage est encore trop incer­tain. De nos jours, le finan­cier ambi­tieux se trouve dans une situa­tion dif­fi­cile. S’il veut être sur un pied d’égalité avec les antiques puis­sances de l’Être, il lui faut rat­ta­cher son acti­vi­té à de grandes idées. Mais de grandes idées aux­quelles on croi­rait sans réserve, il n’en existe plus : notre scep­tique pré­sent ne croit plus ni en Dieu, ni en l’Humanité, il n’a plus de res­pect pour les cou­ronnes ni pour la morale ; ou il croit en tout cela à la fois, ce qui revient au même. C’est ain­si que le com­mer­çant à qui la gran­deur est aus­si indis­pen­sable qu’une bous­sole, a dû recou­rir à ce tour de passe-passe démo­cra­tique qui consiste à rem­pla­cer l’efficacité non mesu­rable de la gran­deur par la gran­deur mesu­rable de l’efficacité. N’est grand désor­mais que ce qui passe pour tel ; cela signi­fie aus­si qu’en fin de compte sera grand tout ce qu’une publi­ci­té bien enten­due pro­clame tel, et il n’est pas don­né à tout le monde d’avaler sans dif­fi­cul­té ce noyau des noyaux de notre temps. Arnheim avait dû faire de nom­breuses ten­ta­tives avant d’y réussir.

Die eigent­liche Schwierigkeit im Dasein eines Großschriftstellers ents­teht erst dadurch, daß man im geis­ti­gen Leben zwar kaufmän­nisch han­delt, aber aus alter Überlieferung idea­lis­tisch spricht, und diese Verbindung von Handel und Idealismus war es auch, die in Arnheims Lebensbemühungen eine ent­schei­dende Stelle innehatte.
Man fin­det solche unzeit­gemäße Verbindungen heute übe­rall. Während zum Beispiel die Toten schon im Benzintrab auf den Friedhof beför­dert wer­den, ver­zich­tet man doch nicht darauf, bei einer schö­nen Kraftleiche oben auf dem Wagendeckel einen Helm und zwei gekreuzte Ritterschwerter anzu­brin­gen, und so ist es auf allen Gebieten ; die men­schliche Entwicklung ist ein lang ausei­nan­der­ge­zo­ge­ner Zug, und so, wie man sich vor ungefähr zwei Menschenaltern noch in Geschäftsbriefen mit blauen Redeblümlein ges­chmückt hat, könnte man heute schon alle Beziehungen von der Liebe bis zur rei­nen Logik in der Sprache von Angebot und Nachfrage, Deckung und Eskompte aus­drü­cken, jeden­falls eben­so gut, wie man sie psy­cho­lo­gisch oder reli­giös aus­drü­cken kann, aber man tut es doch nicht. Der Grund liegt darin, daß die neue Sprache noch zu unsi­cher ist. Der ehr­gei­zige Geldmann ist heute in einer schwie­ri­gen Lage. Wenn er den älte­ren Mächten des Seins ebenbür­tig sein will, so muß er seine Tätigkeit an große Ideen knüp­fen ; große Gedanken, die widers­pruchs­los geglaubt wür­den, gibt es aber heute nicht mehr, denn diese skep­tische Gegenwart glaubt weder an Gott noch an die Humanität, weder an Kronen noch an Sittlichkeit – oder sie glaubt an alles zusam­men, was auf das gleiche hinaus­kommt. Also mußte der Kaufmann, der des Großen so wenig ent­beh­ren will wie eines Kompasses, den demo­kra­ti­schen Kunstgriff anwen­den, die unmeß­bare Wirkung der Größe durch die meß­bare Größe der Wirkung zu erset­zen. Groß ist nun, was für groß gilt ; allein das heißt, daß letz­ten Endes auch das groß ist, was durch tüch­tige Reklame dafür aus­ges­chrien wird, und es ist nicht jeder­mann gege­ben, die­sen inners­ten Kern der Zeit ohne Beschwernis zu schlu­cken, und Arnheim hatte viele Versuche darü­ber anges­tellt, wie das zu machen sei.
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chap. 96  : « Le Grand-écri­vain, vu de face »
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trad.  Philippe Jaccottet
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p. 543–544

Les Grands-écri­vains ne recourent aux pou­voirs polé­miques de l’écriture que s’ils sentent leur pres­tige mena­cé ; dans tous les autres cas, leur atti­tude se signale par sa séré­ni­té et sa bien­veillance. Ils sont par­fai­te­ment indul­gents à l’égard des baga­telles que l’on écrit à leur louange. Ils ne s’abaissent pas volon­tiers à dis­cu­ter les autres auteurs ; quand ils le font, c’est rare­ment pour hono­rer un homme supé­rieur : ils pré­fèrent encou­ra­ger l’un de ces jeunes talents dis­crets qui se com­posent de 49 % de talent et de 51 % d’absence de talent, et que ce mélange, par­tout où l’on a besoin d’une force et où un homme fort gêne­rait, rend si utiles que cha­cun d’eux, tôt ou tard, finit par occu­per une posi­tion influente dans la littérature.

Mais cette des­crip­tion n’a‑t-elle pas déjà dépas­sé, ain­si, les limites de ce qui est propre au Grand-écri­vain ? Un excellent pro­verbe dit : « Qui cha­pon mange, cha­pon lui vient » ! On aurait peine à se faire une idée de l’animation qui règne de nos jours autour d’un écri­vain ordi­naire, long­temps déjà avant qu’il ne soit pas­sé Grand-écri­vain, quand il n’est encore que chro­ni­queur lit­té­raire, feuille­to­niste, pro­duc­teur de radio, scé­na­riste ou édi­teur d’un « orphéon » ; nombre de ces écri­vains ordi­naires res­semblent à ces petits ânes ou cochons de bau­druche avec un trou der­rière pour le gon­flage. Quand on voit les Grands-écri­vains peser avec soin ces diverses cir­cons­tances et s’efforcer d’en tirer l’image d’un peuple labo­rieux qui sait hono­rer ses grands hommes, ne doit-on pas leur en être recon­nais­sant ? La part qu’ils y veulent bien prendre enno­blit la réa­li­té de la vie. Qu’on essaie donc de se repré­sen­ter le contraire, un homme qui n’écrirait et ne ferait rien de tout cela. Il devrait refu­ser des invi­ta­tions cor­diales, rebu­ter des gens, juger des louanges non point en loué, mais en juge, bous­cu­ler les don­nées natu­relles, consi­dé­rer les grandes pos­si­bi­li­tés d’action comme sus­pectes sim­ple­ment parce qu’elles sont grandes ; en échange, il n’aurait rien à offrir que les opé­ra­tions dif­fi­ciles à expri­mer, dif­fi­ciles à éva­luer, de son cer­veau, et le tra­vail d’un auteur auquel une époque déjà four­nie en Grands-écri­vains n’a vrai­ment pas besoin d’accorder beau­coup de prix !

Von den kämp­fe­ri­schen Mitteln des Schreibens machen sie nur Gebrauch, wenn sie ihre Geltung bedroht füh­len ; in allen übri­gen Fällen zeich­net sich ihr Verhalten durch Ausgeglichenheit und Wohlwollen aus. Sie sind vol­len­det tole­rant gegen Nichtigkeiten, die zu ihrem Lobe gesagt wer­den. Sie las­sen sich nicht leicht dazu herab, andere Autoren zu bes­pre­chen ; aber wenn sie es tun, dann schmei­cheln sie sel­ten einem Mann von hohem Rang, son­dern zie­hen es vor, eines jener unauf­drin­gli­chen Talente zu ermun­tern, die aus neu­nund­vier­zig Prozent Begabung und einundfünf­zig Prozent Unbegabung bes­te­hen und vermöge die­ser Mischung so ges­chickt zu allem sind, wo man eine Kraft braucht, aber ein star­ker Mann scha­den könnte, daß über kurz oder lang ein jedes von ihnen einen ein­fluß­rei­chen Posten in der Literatur hat. Aber ist damit diese Beschreibung nicht schon über das hinaus­ge­gan­gen, was nur dem Großschriftsteller eigentüm­lich ist ? Ein gutes Sprichwort sagt, wo Tauben sind, flie­gen Tauben zu, und man macht sich schwer eine Vorstellung davon, wie bewegt es heut­zu­tage schon um einen gewöhn­li­chen Schriftsteller zugeht, lange ehe er Großschriftsteller, schon wenn er Buchbesprecher, Feuilletonredakteur, Funkverweser, Filmmixer oder Herausgeber eines Literaturblättchens ist ; manche von ihnen glei­chen jenen klei­nen Eselchen und Schweinchen aus Gummi, die hin­ten ein Loch haben, wo man sie auf­bläst. Wenn man die Großschriftsteller solche Umstände sorg­sam erwä­gen und sie bemüht sieht, daraus das Bild eines tüch­ti­gen Volks zu machen, das seine Großen ehrt, muß man es ihnen nicht dan­ken ? Sie vere­deln das Leben, wie es ist, durch ihre Teilnahme. Man ver­suche, sich das Gegenteil vor­zus­tel­len, einen schrei­ben­den Mann, der alles das nicht täte. Er müßte herz­liche Einladungen ableh­nen, Menschen zurücks­toßen, Lob nicht wie ein Belobter, son­dern wie ein Richter bewer­ten, natür­liche Gegebenheiten zer­reißen, große Wirkungsmöglichkeiten als verdäch­tig behan­deln, nur weil sie groß sind, und hätte als Gegengabe nichts zu bie­ten als schwer aus­drück­bare, schwer zu bewer­tende Vorgänge in sei­nem Kopf und die Leistung eines Schriftstellers, worauf ein Zeitalter, das schon Großschriftsteller besitzt, wirk­lich nicht viel Wert zu legen braucht !

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chap. 95  : « Le Grand-écri­vain, vu de dos »
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trad.  Philippe Jaccottet
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p. 542–542

Dans le monde intel­lec­tuel, le Grand-écri­vain a suc­cé­dé au prince de l’esprit comme les riches aux princes dans le monde poli­tique. De même que le prince de l’esprit appar­tient au temps des princes, le Grand-écri­vain appar­tient au temps des Grandes-guerres et des Grandes-mai­sons de com­merce. C’est un des aspects par­ti­cu­liers de l’association avec les Grandes-choses. Le moins que l’on exige d’un Grand-écri­vain est donc qu’il pos­sède une voi­ture. Il doit voya­ger beau­coup, être reçu par les ministres, faire des confé­rences, don­ner aux maîtres de l’opinion publique l’impression qu’il repré­sente une force de la conscience à ne pas sous-esti­mer ; il est le char­gé d’affaires de l’intelligence natio­nale, lorsqu’il s’agit d’exporter de l’humanisme à l’étranger ; quand il est chez lui, il reçoit des hôtes de marque et n’en doit pas moins pen­ser sans cesse à ses affaires, qu’il lui faut trai­ter avec la dex­té­ri­té d’un artiste de cirque dont les efforts doivent pas­ser inaper­çus. Le Grand-écri­vain, en effet, n’est pas sim­ple­ment un écri­vain qui gagne beau­coup d’argent. Il n’est pas du tout néces­saire que ce soit lui qui ait écrit le « livre le plus lu de l’année », ou du mois ; il suf­fit qu’il ne trouve rien à redire à cette sorte d’évaluation. Il siège dans tous les jurys, signe tous les mani­festes, écrit toutes les pré­faces, pro­nonce tous les dis­cours d’anniversaire, donne son opi­nion sur tous les évé­ne­ments impor­tants et se voit appe­lé par­tout où il s’agit de célé­brer les résul­tats obte­nus dans tel ou tel domaine. Le Grand-écri­vain, en effet, dans toutes ses acti­vi­tés, ne repré­sente jamais l’ensemble de la Nation, mais seule­ment sa sec­tion la plus avan­cée, la grande élite au moment pré­cis où elle va deve­nir la majo­ri­té, et cela l’entoure d’une exci­ta­tion intel­lec­tuelle durable. Bien enten­du, c’est l’évolution actuelle de la vie qui conduit à la grande indus­trie de l’esprit, de même qu’inversement l’industrie tend à l’esprit, à la poli­tique et à la maî­trise de la conscience publique ; ces deux phé­no­mènes se ren­contrent à mi-che­min. C’est pour­quoi le rôle du Grand-écri­vain ne ren­voie pas tant à une per­sonne défi­nie qu’il ne repré­sente une figure sur l’échiquier social, sou­mise à la règle du jeu et aux obli­ga­tions que l’époque a créées. Les mieux-pen­sants de nos contem­po­rains estiment que l’existence des Grands-esprits leur est de peu d’avantage (il y a déjà tant d’esprit dans le monde qu’une petite dif­fé­rence en plus ou en moins n’y sera pas sen­sible, et, de toute façon, cha­cun pense n’en pas man­quer), mais que ce qu’il faut, c’est com­battre son absence, c’est-à-dire le mon­trer, l’afficher, le mettre en valeur ; et comme un Grand-écri­vain s’entend mieux à cela qu’un écri­vain tout court, fût-il plus grand (parce que ce der­nier serait peut-être com­pris d’un moins grand nombre de lec­teurs), on fait son pos­sible pour que la gran­deur soit enfin pro­duite en gros.

Der Großschriftsteller ist der Nachfolger des Geistesfürsten und ents­pricht in der geis­ti­gen Welt dem Ersatz der Fürsten durch die rei­chen Leute, der sich in der poli­ti­schen Welt voll­zo­gen hat. So wie der Geistesfürst zur Zeit der Fürsten, gehört der Großschriftsteller zur Zeit des Großkampftages und des Großkaufhauses. Er ist eine beson­dere Form der Verbindung des Geistes mit großen Dingen. Das min­deste, was man von einem Großschriftsteller ver­langt, ist darum, daß er einen Kraftwagen besitzt. Er muß viel rei­sen, von Ministern emp­fan­gen wer­den, Vorträge hal­ten ; den Chefs der öffent­li­chen Meinung den Eindruck machen, daß er eine nicht zu unter­schät­zende Gewissens macht dars­telle ; er ist charge d’affaires des Geistes der Nation, wenn es gilt, im Ausland Humanität zu bewei­sen ; empfängt, wenn er zu Hause ist, notable Gäste und hat bei alle­dem noch an sein Geschäft zu den­ken, das er mit der Geschmeidigkeit eines Zirkuskünstlers machen muß, dem man die Anstrengung nicht anmer­ken darf. Denn der Großschriftsteller ist kei­nes­wegs ein­fach das gleiche wie ein Schriftsteller, der viel Geld ver­dient. Das »gele­senste Buch« des Jahres oder Monats braucht er nie­mals selbst zu schrei­ben, es genügt, daß er gegen diese Art der Bewertung nichts ein­zu­wen­den hat. Denn er sitzt in allen Preisgerichten, unter­zeich­net alle Aufrufe, schreibt alle Vorworte, hält alle Geburtstagsreden, äußert sich zu allen wich­ti­gen Ereignissen und wird übe­rall geru­fen, wo es zu zei­gen gilt, wie weit man es gebracht hat. Denn der Großschriftsteller ver­tritt bei allen sei­nen Tätigkeiten nie­mals die ganze Nation, son­dern gerade nur ihren fort­schrit­tli­chen Teil, die große, bei­nahe schon in der Mehrheit befind­liche Auserlesenheit, und das umgibt ihn mit einer blei­ben­den geis­ti­gen Spannung. Es ist natür­lich das Leben in sei­ner heu­ti­gen Ausbildung, das zur Großindustrie des Geistes führt, so wie es umge­kehrt die Industrie zum Geist, zur Politik, zur Beherrschung des öffent­li­chen Gewissens drängt ; in der Mitte berüh­ren sich beide Erscheinungen. Darum weist die Rolle des Großschriftstellers auch nicht etwa auf eine bes­timmte Person hin, son­dern stellt eine Figur am gesell­schaft­li­chen Schachbrett dar, mit einer Spielregel und Obliegenheit, wie sie die Zeit aus­ge­bil­det hat. Die des Guten beflis­se­nen Menschen die­ser Zeit ste­hen auf dem Standpunkt, daß es ihnen wenig nützt, wenn irgend­wer Geist habe (es ist davon so viel vorhan­den, daß es auf etwas mehr oder weni­ger nicht ankommt, jeden­falls glaubt jeder für seine Person genug zu haben), son­dern daß man den Ungeist bekämp­fen müsse, wozu es nötig ist, daß der Geist gezeigt, gese­hen, zur Wirkung gebracht werde, und weil sich dazu ein Großschriftsteller bes­ser eignet als selbst ein größe­rer Schriftsteller, den viel­leicht nicht mehr so viele vers­te­hen könn­ten, trägt man nach Kräften dazu bei, daß die Größe recht ins Große gerät.

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chap. 95  : « Le Grand-écri­vain, vu de dos »
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trad.  Philippe Jaccottet
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p. 539–540

Tous les hommes riches consi­dèrent la richesse comme une qua­li­té per­son­nelle. Tous les pauvres de même. Tout le monde en est taci­te­ment convain­cu. La logique seule fait quelque dif­fi­cul­té à l’admettre en affir­mant que la pos­ses­sion de l’argent peut à la rigueur don­ner cer­taines qua­li­tés, mais jamais deve­nir une qua­li­té humaine en elle-même. Le men­songe saute aux yeux. Il n’est pas un nez d’homme qui ne flaire immé­dia­te­ment, imman­qua­ble­ment, le sub­til par­fum d’indépendance, d’habitude de com­man­der, d’habitude de choi­sir par­tout ce qu’il y a de mieux, de légère misan­thro­pie, de res­pon­sa­bi­li­sé consciente, qui s’exhale d’un reve­nu solide et consi­dé­rable. À sa seule appa­rence, on devine le riche ali­men­té et quo­ti­dien­ne­ment renou­ve­lé par un choix des meilleures sub­stances cos­miques. L’argent cir­cule sous sa peau comme la sève dans une fleur ; il n’y a là ni qua­li­tés emprun­tées, ni habi­tudes, acquises, rien qui soit indi­rect ou de seconde main : sup­pri­mez compte en banque et cré­dit, et l’homme riche non seule­ment n’a plus d’argent, mais n’est plus, du jour où il l’a com­pris, qu’une fleur fanée. Aussi frap­pante qu’auparavant la qua­li­té de richesse, appa­raît main­te­nant en lui l’indescriptible qua­li­té de néant, avec l’odeur de rous­si de l’insécurité, de la cadu­ci­té, de l’inactivité et de la misère. La richesse est donc une qua­li­té simple, per­son­nelle, qu’on ne peut ana­ly­ser sans la détruire.

Jeder reiche Mann betrach­tet Reichtum als eine Charaktereigenschaft. Jeder arme Mann glei­ch­falls. Alle Welt ist stil­l­sch­wei­gend davon über­zeugt. Nur die Logik macht einige Schwierigkeiten, indem sie behaup­tet, daß Geldbesitz viel­leicht gewisse Eigenschaften ver­lei­hen, aber nie­mals selbst eine men­schliche Eigenschaft sein könne. Der Augenschein straft das Lügen. Jede men­schliche Nase riecht unwei­ger­lich sofort den zar­ten Hauch von Unabhängigkeit, Gewohnheit, zu befeh­len, Gewohnheit, übe­rall das Beste für sich zu wäh­len, leich­ter Weltverachtung und bestän­dig bewuß­ter Machtverantwortung, der von einem großen und siche­ren Einkommen auf­steigt. Man sieht es der Erscheinung eines sol­chen Menschen an, daß sie von einer Auslese der Weltkräfte genährt und täglich erneuert wird. Das Geld zir­ku­liert in sei­ner Oberfläche wie der Saft in einer Blüte ; da gibt es kein Verleihen von Eigenschaften, kein Erwerben von Gewohnheiten, nichts Mittelbares und aus zwei­ter Hand Empfangenes : zerstöre Bankkonto und Kredit, und der reiche Mann hat nicht bloß kein Geld mehr, son­dern er ist am Tag, wo er es begrif­fen hat, eine abge­welkte Blume. Mit der glei­chen Unmittelbarkeit wie frü­her die Eigenschaft seines Reichseins bemerkt jetzt jeder die unbes­chrei­bliche Eigenschaft des Nichts an ihm, die wie eine brenz­liche Wolke von Unsicherheit, Unverläßlichkeit, Untüchtigkeit und Armut riecht. Reichtum ist also eine persön­liche, ein­fache, nicht ohne Zerstörung zer­leg­bare Eigenschaft.

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chap. 92  : « Quelques règles de conduite des gens riches »
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trad.  Philippe Jaccottet
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p. 527

Tuzzi eut le sen­ti­ment qu’il fal­lait dire quelque chose ; il se sen­tait peu sûr, comme si le silence pou­vait tra­hir chez un homme quelque trouble de l’imagination. « Vous aimez à pen­ser du mal de tout », remar­qua-t-il en sou­riant, comme si la phrase d’Ulrich sur les fonc­tion­naires de la foi avait dû attendre jusque-là d’être intro­duite dans son oreille, « et ma femme n’a sans doute pas tort de redou­ter un peu, en dépit de ses sen­ti­ments fami­liaux, votre col­la­bo­ra­tion. Si je puis ain­si par­ler, quand vous pen­sez à votre pro­chain, vous ten­dez plu­tôt à jouer à la baisse.

— C’est une excel­lente for­mule, repar­tit Ulrich ravi, bien que je craigne de ne pas la méri­ter ! C’est l’histoire uni­ver­selle qui a tou­jours joué à la baisse ou à la hausse sur le mar­ché de l’homme ; à la baisse par la ruse et la vio­lence, et à la hausse un peu comme Madame votre femme le tente ici, par la foi dans le pou­voir des idées. Le Dr Arnheim lui aus­si, pour autant qu’on peut se fier à ce qu’il dit, est un haus­sier. Vous-même, en revanche, qui êtes bais­sier par pro­fes­sion, devez éprou­ver dans ce chœur angé­lique des sen­sa­tions que j’aimerais bien connaître. »

Il obser­va le sous-secré­taire avec sym­pa­thie. Tuzzi tira de sa poche un étui à ciga­rettes et haus­sa les épaules. « Pourquoi croyez-vous que je doive nour­rir là-des­sus d’autres opi­nions que ma femme ? » répon­dit-il. Il vou­lait atté­nuer le tour per­son­nel que pre­nait la conver­sa­tion, mais sa réponse ne fit que l’aggraver. L’autre heu­reu­se­ment ne le remar­qua pas et pour­sui­vit : « Nous sommes une matière qui épouse tou­jours la forme du pre­mier monde venu. [»] 

Tuzzi emp­fand, daß man etwas sagen müsse ; er fühlte sich unsi­cher, so als ob einen Menschen, der an Einbildungen lei­det, das Schweigen ver­ra­ten könnte. »Sie den­ken gerne schlecht von allem,« bemerkte er lächelnd, als hätte der Ausspruch über die Glaubensbeamten bis jetzt vor sei­nem Ohr auf Eintritt war­ten müs­sen »und meine Frau tut wohl nicht unrecht, bei aller ver­wandt­schaft­li­cher Sympathie Ihre Mithilfe etwas zu fürch­ten. Wenn ich so sagen darf, nei­gen Ihre Gedanken über den Mitmenschen zur Spekulation à la baisse.«

»Das ist ein aus­ge­zeich­ne­ter Ausdruck,« gab Ulrich erfreut zurück »wenn ich mich auch bes­chei­den muß, ihm nicht zu genü­gen ! Denn es ist die Weltgeschichte, die immer à la baisse oder à la hausse in Menschen spe­ku­liert hat ; auf Baisse-Weise durch List und Gewalt, à la hausse ungefähr so, wie es Ihre Frau Gemahlin hier ver­sucht, durch den Glauben an die Kraft der Ideen. Auch Dr. Arnheim ist, soweit man sei­nen Worten trauen kann, ein Haussier. Dagegen müs­sen Sie als beruf­smäßi­ger Baissier in die­sem Chor der Engel Empfindungen haben, die ich gerne ken­nen würde.«

Er mus­terte den Sektionschef mit Teilnahme. Tuzzi zog seine Zigarettendose aus der Tasche und zuckte die Schultern. »Warum glau­ben Sie, daß ich anders darü­ber den­ken soll, als meine Frau?« ant­wor­tete er. Er wollte die persön­liche Wendung des Gesprächs ableh­nen, hatte sie aber durch seine Antwort verstärkt ; der andere bemerkte es glü­ck­li­cher­weise nicht und fuhr fort : »Wir sind eine Masse, die jede Form annimmt, in die sie auf die eine oder die andere Weise hineingerät!«

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chap. 91  : « Spéculations à la baisse et à la hausse sur le mar­ché de l’esprit »
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trad.  Philippe Jaccottet
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p. 519

Ce n’est pro­ba­ble­ment pas sans rai­son que dans les époques dont l’esprit res­semble à un champ de foire, le rôle d’antithèse soit dévo­lu à des poètes qui n’ont rien à voir avec leur époque. Ils ne se salissent pas avec les pen­sées de leur temps, pro­duisent une sorte de poé­sie pure et parlent à leurs fidèles dans le dia­lecte mort de la gran­deur, comme s’ils n’avaient quit­té l’éternité que pour un bref séjour sur terre, ain­si qu’on voit un homme, par­ti trois ans aupa­ra­vant pour l’Amérique, écor­cher déjà sa langue mater­nelle lorsqu’il revient faire un séjour au pays.

Es ist wahr­schein­lich eine gut begrün­dete Erscheinung, daß in Zeiten, deren Geist einem Warenmarkt gleicht, für den rich­ti­gen Gegensatz dazu Dichter gel­ten, die gar nichts mit ihrer Zeit zu tun haben. Sie bes­ch­mut­zen sich nicht mit zeit­genös­si­schen Gedanken, lie­fern sozu­sa­gen reine Dichtung und spre­chen in aus­ges­tor­be­nen Mundarten der Größe zu ihren Gläubigen, als wären sie soe­ben bloß zu vorü­ber­ge­hen­dem Erdaufenthalt aus der Ewigkeit zurück­ge­kom­men, genau so wie ein Mann, der vor drei Jahren nach Amerika ging und bei sei­nem Besuch in der Heimat schon gebro­chen deutsch spricht.

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chap. 90  : « L’idéocratie détrô­née »
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trad.  Philippe Jaccottet
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p. 511

Il y a déjà long­temps que nous aurions dû faire men­tion d’une cir­cons­tance effleu­rée par nous en plus d’une occa­sion, et qui pour­rait se tra­duire par cette for­mule : il n’est rien de plus dan­ge­reux pour l’esprit que son asso­cia­tion avec les Grandes Choses.

Un homme se pro­mène dans une forêt, gra­vit une mon­tagne et voit le monde éten­du à ses pieds ; ou il consi­dère son enfant qu’on lui a don­né à tenir pour la pre­mière fois, ou encore il savoure le bon­heur d’obtenir une situa­tion enviée. Nous deman­dons ce qui se passe en lui. Sans aucun doute, lui semble-t-il, beau­coup de choses, pro­fondes et graves ; le mal­heur est qu’il n’a pas la pré­sence d’esprit de les prendre pour ain­si dire au mot. Tout ce qu’il y a d’admirable devant lui, hors de lui, et qui l’enferme comme l’habitacle d’une bous­sole, tire ses pen­sées hors de lui. Ses regards s’attachent à mille détails, mais il a le sen­ti­ment secret d’avoir épui­sé ses muni­tions. Dehors, la grande heure, l’heure pro­fonde, impré­gnée d’âme, impré­gnée de soleil, recouvre le monde entier, jusqu’en ses moindres feuilles et vei­nules, d’une couche d’argent gal­va­nique ; mais à l’autre extré­mi­té, à l’extrémité per­son­nelle du monde se fait bien­tôt sen­tir un cer­tain manque intime de sub­stance, on dirait qu’il s’y forme un immense O rond et vide. Ce phé­no­mène est le symp­tôme clas­sique du contact avec les Grandes Choses Éternelles et du séjour dans les hauts lieux de la Nature et de l’Humanité. Chez les per­sonnes qui recherchent la socié­té des Grandes Choses (au nombre des­quelles il faut évi­dem­ment comp­ter aus­si les grandes âmes, pour qui nulle chose ne peut être petite), l’intériorité se voit invo­lon­tai­re­ment déployée en une vaste superficialité.

C’est pour­quoi l’on pour­ra défi­nir le dan­ger de l’association avec les Grandes Choses comme l’une des lois de la conser­va­tion de la matière intel­lec­tuelle, loi qui semble avoir une valeur assez géné­rale. Les pro­pos des per­son­na­li­tés haut pla­cées et de grande influence sont ordi­nai­re­ment plus creux que les nôtres. Les pen­sées qui sont en rela­tion par­ti­cu­liè­re­ment étroite avec des sujets par­ti­cu­liè­re­ment res­pec­tables sont telles ordi­nai­re­ment que, sans ce pri­vi­lège, elles pas­se­raient pour tout à fait arrié­rées. Nos devoirs les plus pré­cieux, la patrie, la paix, l’humanité, la ver­tu, et d’autres éga­le­ment pré­cieux, portent sur leur dos la plus médiocre flore intel­lec­tuelle. Voilà donc le monde ren­ver­sé ! Mais si l’on admet que le trai­te­ment d’un thème peut être d’autant plus insi­gni­fiant que le thème lui-même est plus char­gé de sens, l’ordre n’est-il pas rétabli ?

Il se trouve seule­ment que cette loi, qui aide tant à l’intelligence de la vie intel­lec­tuelle euro­péenne, n’est pas tou­jours éga­le­ment visible. Dans les périodes de tran­si­tion d’un groupe de Grandes Choses à un autre, l’esprit qui cherche à se mettre à leur ser­vice peut même pas­ser pour révo­lu­tion­naire alors qu’il ne fait que chan­ger d’uniforme. On pou­vait déjà consta­ter une tran­si­tion de ce genre à l’époque où les per­son­nages dont il est ici ques­tion vivaient leurs sou­cis et leurs triomphes. Ainsi, par exemple, il y avait des livres (pour com­men­cer par un sujet qui impor­tait fort à Arnheim) qui, pour être tirés à de très nom­breux exem­plaires, n’en étaient pas moins encore loin d’être suf­fi­sam­ment res­pec­tés, bien que les temps eussent déjà com­men­cé où l’on ne res­pec­tait plus les livres qu’à par­tir d’un cer­tain tirage. On connais­sait déjà ces indus­tries influentes que sont le foot­ball et le ten­nis, mais on hési­tait encore à leur créer des chaires dans les Écoles poly­tech­niques. En fin de compte, que les pommes de terre aient été impor­tées d’Amérique, sup­pri­mant ain­si les famines pério­diques de l’Europe, par le regret­té fer­railleur et ami­ral sir Francis Drake ou par le non moins regret­té, fort culti­vé et non moins batailleur ami­ral Raleigh, que ç’ait été le fait d’anonymes sol­dats espa­gnols ou même du brave filou et mar­chand d’esclaves Hawkins… pen­dant long­temps, per­sonne n’aurait eu l’idée d’accorder à ces hommes, à cause des pommes de terre, plus d’importance que, met­tons, au phy­si­cien Al Schîrasî dont on disait seule­ment qu’il a don­né de l’arc-en-ciel une expli­ca­tion exacte. Avec la période bour­geoise, des modi­fi­ca­tions appa­rurent dans l’évaluation de ces mérites. Au temps d’Arnheim, cette évo­lu­tion était déjà très avan­cée, et seuls de vieux pré­ju­gés l’entravaient encore. La quan­ti­té de l’effet, et l’effet de la quan­ti­té, objet nou­veau et frap­pant du res­pect uni­ver­sel, devait encore lut­ter avec un res­pect aris­to­cra­tique, démo­dé et d’ailleurs décrois­sant, de la grande qua­li­té. Mais, dans le monde des notions, on avait déjà pu voir en décou­ler les com­pro­mis les plus insen­sés : en par­ti­cu­lier, la notion de grand esprit qui, telle que nous l’avons connue dans la der­nière géné­ra­tion, devait être une syn­thèse de l’importance per­son­nelle et de l’importance pommes-de-terre : on atten­dait un homme qui connût la soli­tude du génie et n’en fût pas moins com­pré­hen­sible à tous comme le rossignol.

Il était dif­fi­cile de pré­dire ce qu’il en advien­drait, parce qu’on ne recon­naît ordi­nai­re­ment le dan­ger de l’association avec les Grandes Choses que lorsque la Grandeur de ces Choses est déjà à demi détrô­née. Rien n’est plus aisé que de sou­rire de l’huissier qui, au nom de Sa Majesté, a trai­té avec condes­cen­dance les par­ties com­pa­rues ; mais si l’homme qui, au nom du Lendemain, traite avec res­pect l’Aujourd’hui, est un huis­sier ou non, on ne le sait d’ordinaire que le sur­len­de­main. Le dan­ger de l’association avec les Grandes Choses pré­sente cette par­ti­cu­la­ri­té désa­gréable que si les choses changent, le dan­ger, lui, demeure le même.

Es wäre schon läng­st eines Umstands zu erwäh­nen gewe­sen, der in ver­schie­de­nen Verbindungen ges­treift wor­den ist ; die Formel für ihn mag etwa lau­ten : Es gibt nichts, was dem Geist so gefähr­lich wäre wie seine Verbindung mit großen Dingen.

Ein Mensch wan­dert durch einen Wald, bes­teigt einen Berg und sieht die Welt unter sich aus­ge­brei­tet, betrach­tet sein Kind, das man ihm zum ers­ten­mal in die Arme legt, oder genießt das Glück, irgen­deine Lage ein­zu­neh­men, die all­ge­mein benei­det wird ; wir fra­gen : was mag dabei in ihm vor­ge­hen ? Sicher ist es, so kommt es ihm vor, sehr Vieles, Tiefes und Wichtiges ; nur hat er nicht die Geistesgegenwart, es sozu­sa­gen beim Wort zu neh­men. Das Bewundernswerte vor und außer ihm, das ihn wie ein magne­tisches Gehäuse ein­schließt, zieht seine Gedanken aus ihm heraus. Da ste­cken seine Blicke in tau­send Einzelheiten, aber ihm ist heim­lich zumute, als hätte er all seine Munition ver­schos­sen. Draußen über­zieht die durch­seelte, durch­sonnte, ver­tiefte oder große Stunde die Welt mit einem gal­va­ni­schen Silber bis in alle Blättchen und Äderchen ; an ihrem ande­ren, persön­li­chen Ende aber macht sich bald ein gewis­ser, inne­rer Stoffmangel merk­lich, es ents­teht dort sozu­sa­gen ein großes, leeres, rundes »O«. Dieser Zustand ist das klas­sische Symptom der Berührung mit allem Ewigen und Großen wie des Verweilens auf den Höhepunkten der Menschheit und Natur. Personen, welche die Gesellschaft großer Dinge bevor­zu­gen – und dazu gehö­ren vor­nehm­lich auch die großen Seelen, für die es übe­rhaupt keine klei­nen Dinge gibt, – wird unwillkür­lich das Innere zu einer aus­ge­dehn­ten Oberflächlichkeit herausgezogen.

Man könnte die Gefahr der Verbindung mit großen Dingen darum auch als ein Gesetz von der Erhaltung der geis­ti­gen Materie bezeich­nen, und es scheint ziem­lich all­ge­mein zu gel­ten. Die Reden hoch­ges­tell­ter, im Großen wir­ken­der Personen sind gewöhn­lich inhalts­lo­ser als unsere eige­nen. Gedanken, die in einer beson­ders nahen Beziehung zu beson­ders wür­di­gen Gegenständen ste­hen, sehen gewöhn­lich so aus, daß sie ohne diese Begünstigung für sehr zurück­ge­blie­ben gehal­ten wür­den. Die uns teuers­ten Aufgaben, die der Nation, des Friedens, der Menschheit, der Tugend und ähn­lich teuere tra­gen auf ihrem Rücken die billig­ste Geistesflora. Das wäre eine sehr ver­kehrte Welt ; aber wenn man annimmt, daß die Behandlung eines Themas des­to unbe­deu­ten­der sein darf, je bedeu­ten­der dieses Thema selbst ist, dann ist es eine Welt der Ordnung.

Allein, dieses Gesetz, das so viel zum Verständnis des europäi­schen Geisteslebens bei­zu­tra­gen ver­mag, liegt nicht immer gleich klar zu Tage, und in Zeiten des Übergangs von einer Gruppe großer Gegenstände zu einer neuen kann der den Dienst der großen Gegenstände suchende Geist sogar umstürz­le­risch aus­se­hen, obgleich er nur die Livree wech­selt. Ein sol­cher Übergang war schon damals zu bemer­ken, als die Menschen, von denen hier berich­tet wird, ihre Sorgen und Triumphe hat­ten. So gab es zum Beispiel schon Bücher, um mit einem Gegenstand zu begin­nen, an dem Arnheim beson­ders viel gele­gen war, die in sehr großen Auflagen ver­kauft wur­den, aber man erwies ihnen noch nicht den größ­ten Respekt, obgleich bereits großer Respekt nur Büchern von einer gewis­sen Auflagenhöhe aufwärts erwie­sen wurde. Es gab ein­fluß­reiche Industrien, wie die des Fußballspiels oder des Tennis, aber man zögerte noch, ihnen an den tech­ni­schen Hochschulen Lehrstühle auf­zus­tel­len. Alles in allem : ob nun der selige Raufbold und Admiral Drake sei­ner­zeit die Kartoffel aus Amerika ein­geführt hat, womit das Ende der regelmäßi­gen Hungersnöte in Europa begann, oder ob das der weni­ger selige, sehr gebil­dete und eben­so rau­flus­tige Admiral Raleigh getan hat oder ob es namen­lose spa­nische Soldaten gewe­sen sind oder gar der brave Gauner und Sklavenhändler Hawkins – lange Zeit ist es nie­mand ein­ge­fal­len, wegen der Kartoffeln diese Männer für bedeu­ten­der zu hal­ten als etwa den Physiker Al Schîrasî, von dem man nur weiß, daß er den Regenbogen rich­tig erklärt hat ; aber mit dem bür­ger­li­chen Zeitalter hatte eine Umwertung im Range sol­cher Leistungen begon­nen, und zur Zeit Arnheims war sie schon weit gedie­hen und wurde nur noch durch ältere Vorurteile gehemmt. Die Quantität der Wirkung und Wirkung der Quantität, als neuer, son­nenk­la­rer Gegenstand der Verehrung, kämpfte noch mit einer veral­ten­den und erblin­de­ten ade­li­gen Verehrung der großen Qualität, aber in der Vorstellungswelt waren schon die toll­sten Kompromisse daraus ents­tan­den, wie gleich die Vorstellung des großen Geistes selbst, die so, wie wir sie im letz­ten Menschenalter ken­nen gelernt haben, eine Synthese von eige­ner und Kartoffelbedeutung sein mußte, denn man war­tete auf einen Mann, der die Einsamkeit des Genies haben sollte, aber dabei doch die Gemeinverständlichkeit einer Nachtigall.

Es war schwer, vorher zu sagen, was auf diese Weise heraus­kom­men werde, da man die Gefahr der Verbindung mit großen Dingen gewöhn­lich erst durch­schaut, wenn die Größe die­ser Dinge schon halb vor­bei ist. Nichts ist ein­fa­cher, als über den Amtsdiener zu lächeln, der im Namen Sr. Majestät die erschie­ne­nen Parteien hera­blas­send behan­delt hat, aber ob der Mann, der im Namen des Morgen das Heute emporfüh­rend behan­delt, ein Amtsdiener ist oder nicht, das weiß man gewöhn­lich nicht, ehe über­mor­gen ist. Die Gefahr der Verbindung mit großen Dingen hat die sehr unan­ge­nehme Eigenschaft, daß die Dinge wech­seln, aber die Gefahr immer gleich bleibt.

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t. 1
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chap. 88  : « De l’association avec les Grandes Choses »
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trad.  Philippe Jaccottet
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p. 501–503

Derrière chaque chose et chaque créa­ture, quand elles vou­draient se rap­pro­cher vrai­ment d’une autre, il y a un élas­tique qui se tend. Sinon, les choses pour­raient bien finir par s’embrouiller un peu trop. Et il y a dans chaque geste un élas­tique qui vous empêche de faire plei­ne­ment ce qu’on vou­drait. Maintenant, tout à coup, il n’y avait plus d’élastique.

Hinter jedem Ding oder Geschöpf, wenn es einem ande­ren ganz nah kom­men möchte, ist ein Gummiband, das sich spannt. Sonst könn­ten ja auch am Ende die Dinge dur­chei­nan­der hin­durch­ge­hen. Und in jeder Bewegung ist ein Gummiband, das einen nie ganz das tun läßt, was man möchte. Diese Gummibänder waren nun mit einem­mal fort.

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t. 1
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chap. 87  : « Moosbrugger danse »
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trad.  Philippe Jaccottet
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p. 496

On tire les évé­ne­ments à soi et en même temps on les déve­loppe, on se veut soi-même, mais on ne veut pas être l’épicier de soi-même !

Man zieht die Erlebnisse an sich und brei­tet sie im glei­chen Zug wie­der aus, man will sich, aber man will sich doch nicht als Krämer sei­ner selbst !

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t. 1
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chap. 84  : « Où l’on pré­tend que la vie ordi­naire elle-même est d’ordre utopique »
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trad.  Philippe Jaccottet
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p. 460